C. LA NÉCESSAIRE CONVERGENCE FISCALE

1. Les enjeux de l'harmonisation fiscale
a) Lutter contre les phénomènes de concurrence fiscale

L'harmonisation des régimes de fiscalité des États membres est à la fois un moyen et une condition pour mieux coordonner les politiques économiques en Europe . Elle doit permettre tout particulièrement de limiter les phénomènes de concurrence fiscale. Cette dernière fait, en effet, peser un risque sur l'équilibre des économies européennes, mais aussi sur le sens même du projet européen.

Elle prend notamment la forme de l'impôt sur les sociétés et, dans une moindre mesure, celle de l'imposition de l'épargne.

b) Une volonté politique qui n'est pas au rendez-vous

Une politique fiscale cohérente consisterait à harmoniser la fiscalité des États membres en poursuivant deux objectifs : resserrer l'éventail des taux , tout en uniformisant les assiettes d'imposition.

La mission regrette qu'un tel projet bute cependant sur l' absence de volonté politique , d'autant que l'harmonisation fiscale pourrait aussi viser la mise en place d'un impôt communautaire, destiné à constituer une véritable ressource propre de l'Union européenne.

2. Les avancées enregistrées dans la réflexion sur la convergence fiscale
a) Les travaux de la Commission européenne

La convergence fiscale représente un chantier toujours en cours dans l'Union européenne et qui n'aboutit malheureusement jamais. La TVA reste ainsi aujourd'hui le seul impôt dont les bases sont réellement harmonisées entre les États membres.

Depuis 2001, les experts de la Commission européenne ont travaillé autour de deux pistes :

- le premier axe est celui de « l' assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés » (appelée également « ACCIS »). Il revient à étudier d'un point de vue technique la définition d'une assiette commune consolidée pour les sociétés opérant dans l'UE, en examinant les principes fiscaux de base ;

- le second, moins ambitieux, a trait à la mise en place d'un « système pilote d'imposition selon les règles de l'État de résidence » applicable aux petites et moyennes entreprises. Une PME ayant établi une filiale dans un autre État membre aurait la possibilité de calculer ses bénéfices imposables selon les règles fiscales de l'État de résidence de sa société mère ou de son siège social.

b) L'initiative franco-allemande

La mission attend beaucoup de la décision annoncée par la France et l'Allemagne d'avancer en 2011 sur la question de l'harmonisation de l'impôt sur les sociétés (IS), en vue de limiter les phénomènes de concurrence fiscale, si dommageables dans les États membres de l'Union européenne.

Il s'agirait, dans un premier temps, d' uniformiser les bases d'imposition des sociétés au sein des deux pays et d' étendre ces règles arrêtées dans le cadre franco-allemand, dans un deuxième temps, à d'autres États membres de l'Union européenne, sous la forme institutionnelle du régime des « coopérations renforcées ».

3. Ne prévoir l'instauration d'une taxe carbone que dans le cadre communautaire
a) Le système européen en vigueur : un marché d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre

Dès 1992, la Commission européenne a proposé l'instauration d'une taxe communautaire sur le carbone , mais cette initiative s'est soldée par un échec en raison de divergences entre la France et l'Allemagne . Les modalités de prise en compte de l'électricité dans l'assiette de la taxe n'ont pas suscité d'accord, alors que la règle de l'unanimité des États membres s'applique en matière fiscale.

Dans la mesure où il est de plus en plus admis par la communauté scientifique internationale que les émissions de CO 2 ont un impact plus ou moins important dans les phénomènes de réchauffement climatique , un mécanisme régulateur est devenu nécessaire. À cet égard, les travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), créé en 1988 à l'initiative conjointe de l'organisation météorologique mondiale (OMM) et du programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), doivent être salués puisqu'ils ont largement contribué à faire émerger un consensus.

Le système européen en vigueur fait suite à la conférence de Kyôto de décembre 1997, à l'occasion de laquelle a été négocié un protocole additionnel à la convention cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC). Le « Protocole de Kyôto » a permis de fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre , en insistant sur la pertinence d'un recours à des marchés d'échange de quotas d'émission de carbone . L'UE s'est montrée exemplaire, ainsi qu'en atteste la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté. Entrée en vigueur le 1 er janvier 2005, elle est le fondement du système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (SCEQE). Ce dernier repose sur le double mécanisme du plafond et de l'échange cap and trade » en anglais). En effet, il consiste, d'une part, à fixer la quantité maximale de gaz à effet de serre qui pourra être émise et, d'autre part, à répartir des crédits d'émission entre les opérateurs économiques, à partir des émissions passées et des objectifs de réduction assignés.

b) Envisager une taxe carbone au niveau de l'Union européenne

L'idée d'une taxe dont le principe serait d' internaliser les coûts environnementaux, conformément au principe pollueur-payeur de toute taxe pigouvienne 147 ( * ) , conduirait à faire supporter le coût de l'impôt à celui qui, par son activité, influe sur l'environnement.

La mission renvoie sur cette question aux deux rapports de notre collègue Fabienne Keller 148 ( * ) . Dans le dernier publié, elle estime d'ailleurs que « l'échelon communautaire reste le plus pertinent pour garantir l'efficacité et la cohérence d'un dispositif fiscal conçu pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre ».

Le projet de loi de finances pour 2010 comportait la mise en place d'une taxe carbone au niveau national, mais le Conseil constitutionnel, se fondant notamment sur les règles relatives au SCEQE, a prononcé la censure des dispositions qui instauraient la contribution carbone . Selon sa décision 149 ( * ) , cette dernière était contraire au principe d'égalité devant les charges publiques, parce qu'elle dispensait les émetteurs industriels de gaz polluant de leur contribution carbone au motif qu'ils étaient par ailleurs assujettis à un système européen de quotas.

Cette censure de la taxe carbone au niveau national montre que l'ambition d'instaurer une taxe carbone est plus que jamais conditionnée par sa mise en place au niveau de l'UE.

La mission se prononce donc en ce sens et constate qu'un tel dispositif présenterait, en outre, l'intérêt d'un premier pas vers la fédéralisation de la politique fiscale. Elle propose d'ouvrir une réflexion sur l'instauration d'une taxe environnementale et sociétale sur les importations , qui prendrait également en compte les conditions sociales de production.

Par ailleurs, elle se prononce, en sus du SCEQE, à une extension de la couverture du système européen d'échange de quotas d'émissions aux importations par le mécanisme d'inclusion carbone (MIC). Il s'agira toutefois de le définir en conformité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).


* 147 Du nom de l'économiste britannique qui a théorisé un tel principe : Arthur Cecil Pigou.

* 148 « En attendant la taxe carbone », rapport d'information de Mme Fabienne Keller au nom de la commission des finances (n° 543, 2008-2009) et « Taxe carbone : un état des lieux », rapport d'information de Mme Fabienne Keller au nom de la commission des finances (n° 300, 2009-2010).

* 149 Décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009.

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