D. VERS LA MISE EN PLACE D'UNE VÉRITABLE POLITIQUE INDUSTRIELLE EUROPÉENNE

1. La prise en compte croissante de la problématique industrielle dans l'Union européenne

Le développement de l'industrie est de plus en plus pris en compte parmi les autres politiques de l'UE , en particulier la politique de cohésion qui repose sur les trois fonds structurels que sont le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE) et le Fonds de cohésion.

Lors du déplacement de la mission à Bruxelles, le 9 septembre 2010, M. Philippe Léglise-Costa, représentant permanent adjoint de la France auprès de l'Union européenne, a ainsi indiqué que les régions ont l'obligation de consacrer 75% des fonds structurels qui leur sont alloués à des projets relevant de thématiques considérées comme prioritaires au niveau communautaire. Il a invité à veiller à ce que les thématiques liées à la désindustrialisation soient mieux fléchées dans les différentes catégories de dépenses.

De plus, l'objectif d'accompagner la désindustrialisation dans les pays de l'UE prend la forme du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM), qui a pour objet de faciliter la réintégration sur le marché du travail des personnes privées d'emploi. Sa dotation, limitée à 500 millions d'euros par an, n'a été mobilisée qu'à hauteur de 18,6 millions d'euros en 2007, 49 millions d'euros en 2008, 53 millions d'euros en 2009 et 45 millions d'euros en 2010 150 ( * ) .

2. Les défis de la stratégie Europe 2020

La Commission européenne a présenté le 3 mars 2010 une communication intitulée « Europe 2020 - une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive ».

Ce document s'apparente à une réactualisation de la « stratégie de Lisbonne » , décidée au Conseil européen de Lisbonne de mars 2000, et dont l'objectif était de « faire de l'UE l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale ».

L'échec patent de cette stratégie au cours de la décennie écoulée n'a pas conduit à abandonner l'ambition qu'elle assignait aux États membres en matière de compétitivité.

L'UE est en effet en mesure d'apporter une valeur ajoutée forte dans plusieurs domaines stratégiques : l'économie de l'innovation, la recherche, la formation scolaire, universitaire et professionnelle, la politique spatiale, etc. mais aussi l'industrie de manière générale. Ainsi, le développement des réseaux transeuropéens (RTE) représente une opportunité pour relever le défi de la compétitivité, même si la mission déplore que le réseau énergétique paneuropéen, destiné à relier entre eux les systèmes électriques et gaziers des États membres de l'UE, ait été encore repoussé.

Pour mémoire, la stratégie Europe 2020 repose sur sept initiatives phares regroupées autour de trois priorités :

- une croissance intelligente , d'où le développement d'une économie fondée sur la croissance et l'innovation ;

- une croissance durable , qui passe par la promotion d'une économie plus efficace dans l'utilisation des ressources, plus verte et plus compétitive ;

- et, enfin, une croissance « inclusive » , c'est-à-dire qui encourage une économie à fort taux d'emploi favorisant la cohésion sociale et territoriale.

Les sept initiatives sont :

- au titre de la croissance intelligente : « Une Union pour l'innovation » (qui vise à améliorer l'accès aux financements pour la recherche et l'innovation), « Jeunesse en mouvement » (qui vise à renforcer la performance des systèmes éducatifs et à faciliter l'entrée des jeunes sur le marché du travail), « Une stratégie numérique pour l'Europe » (qui vise à accélérer le déploiement de l'Internet à haut débit) ;

- au titre de la croissance durable : « Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources » (qui vise à découpler la croissance économique de l'utilisation des ressources en favorisant le passage vers une économie à faible émission de carbone), « Une politique industrielle à l'ère de la mondialisation » (qui vise à améliorer l'environnement des entreprises et à soutenir le développement de l'industrie) ;

- au titre de la croissance inclusive : « Une stratégie pour les nouvelles compétences et les nouveaux emplois » (qui vise à moderniser les marchés du travail et à permettre aux personnes de développer leurs compétences tout au long de leur vie afin d'établir une meilleure adéquation entre l'offre et la demande d'emplois), « Une plate-forme européenne contre la pauvreté » (qui vise à garantir une cohésion sociale et territoriale telle que les avantages de la croissance et de l'emploi sont largement partagés et que les personnes en situation de pauvreté et d'exclusion sociale se voient donner les moyens de vivre dans la dignité).

La mission plaide pour que la priorité donnée à la stratégie Europe 2020 s'accompagne d'un regain d'intérêt pour l'industrie .

3. Renouer avec un projet industriel ambitieux

La mission se félicite qu'un ensemble de propositions destinées à favoriser l'innovation et à améliorer la compétitivité de l'industrie européenne en définissant une nouvelle stratégie industrielle aient, enfin, été formulées dans différents documents présentés par la Commission européenne au cours de l'année 2010 : rapport sur la compétitivité de l'Europe et des États membres, révision du programme-cadre pour la recherche et le développement (PCRD), lancement d'une consultation publique sur le programme qui devra succéder au programme-cadre 2007-2013 pour l'innovation et la compétitivité (PIC), et, surtout, communication du 28 octobre 2010 intitulée «Une politique industrielle intégrée à l'ère de la mondialisation - Mettre la compétitivité et le développement durable sur le devant de la scène ».

À cette occasion, M. Antonio Tajani, vice-président de la Commission européenne et commissaire à l'industrie et à l'entrepreneuriat, a déclaré : « l'industrie est au coeur de l'Europe et elle est indispensable pour relever les défis actuels et futurs qui se présentent à notre société. L'Europe a besoin de l'industrie et l'industrie a besoin de l'Europe ». Lors de son déplacement à Bruxelles, le 9 septembre 2010, la mission s'est entretenue avec M. Diego Canga Fano, chef adjoint du cabinet de M. Antonio Tajani, qui avait déjà indiqué souhaiter que « l'industrie revienne au centre de l'économie et que soit effacée la mauvaise réputation attachée à cette dernière dans le passé ; il s'agit aujourd'hui, de manière consensuelle, de remettre au coeur de l'économie une industrie moderne, nouvelle, plus verte et plus innovante ».

À l'instar des États-Unis, les pays européens avaient, il est vrai, déjà pris le parti de verser dès 2009 des aides importantes à certaines industries, notamment dans le secteur automobile.

Cette inflexion de la Commission européenne en faveur du secteur manufacturier , alors qu'elle est d'ordinaire plus attentive à l'organisation de la concurrence intérieure, aux services ou, encore, aux industries de la connaissance, constitue un signal très encourageant. À cet égard, la mission relève que la Commission européenne prépare, parallèlement à sa stratégie industrielle, une stratégie intitulée « initiative pour les matières premières » pour garantir aux entreprises de l'UE un approvisionnement en ressources vitales pour les industries de pointe. Cette stratégie, qui doit être annoncée en principe au cours du premier trimestre 2011, s'articule autour d'actions de recyclage, de soutien aux entreprises actives dans l'extraction, de coopération entre géologues, de renforcement des liens avec les pays tiers fournisseurs.

La nouvelle stratégie industrielle européenne éprouvera sans doute de grandes difficultés à rendre compétitifs des secteurs où se conjuguent forte intensité en main-d'oeuvre, faible niveau de qualification et faible coût de transport. En revanche, elle peut définir des secteurs précis pour lesquels son avantage concurrentiel est durable, à la faveur de savoir-faire spécifiques, d'une capacité particulière à innover ou, encore, d'avancées technologiques réelles. Conformément à une telle logique de filières, les contraintes sociales et réglementaires pourraient ne pas être des obstacles à la compétitivité de l'industrie européenne, dans la mesure où nos handicaps sont compensés par nos atouts.

Au total, la mission ne peut donc qu'encourager l'Union européenne à mener une politique industrielle plus cohérente, plus audacieuse et plus forte . Il s'agit d'un élément essentiel pour permettre à notre ambition industrielle nationale d'exprimer toutes ses capacités. Pour pouvoir réellement s'internationaliser et tirer tous les profits des marchés mondiaux, nos PME doivent de plus en plus être aidées dans un cadre européen. Avec la globalisation des marchés, y compris s'agissant des produits manufacturés, il est de moins en moins efficace de conserver des raisonnements restreints au plan national.

La France et l'Allemagne, le cas échéant avec d'autres pays, auront donc la grande responsabilité de forger une véritable politique industrielle commune dans l'UE. Cette politique volontariste exigera que l'UE se dote d'un budget à la hauteur de ses ambitions.

À l'instar de la réflexion sur la politique industrielle mise en oeuvre en France dans le cadre des États généraux de l'industrie, l'Union européenne pourrait mettre en place, d'ici à 2012, une démarche analogue.

4. Mettre en oeuvre une politique énergétique européenne

Il n'y a pas de politique industrielle européenne sans politique énergétique européenne.

L'industrie européenne est en effet confrontée à une augmentation programmée des coûts de l'énergie, à une raréfaction des énergies traditionnelles, à la nécessité de stratégies communes en faveur des énergies renouvelables, au défi passionnant de la maîtrise d'énergie mais aussi à celui de la recherche de nouveaux minerais nécessaires à l'industrie de demain.

La mission appelle de ses voeux la mise en oeuvre d'une politique cohérente associant industrie et énergie.

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* 150 Depuis le début de l'année 2010, quatorze demandes de mobilisation du FEM, pour un montant total de 45,3 millions d'euros, ont été approuvées par la Commission et transmises au Conseil et au Parlement européen pour décision : 6,2 millions d'euros en faveur de l'Allemagne dans le secteur de la construction automobile ; 1,5 million d'euros en faveur de la Lituanie, répartis entre le secteur des équipements électriques (0,3 million d'euros), du bâtiment (0,7 million d'euros) et du textile (0,5 million d'euros) ; 13,2 millions d'euros en faveur de l'Espagne, répartis entre les secteurs de la céramique (6,6 millions d'euros), du bois (2 millions d'euros), du textile (1,8 million d'euros) et de l'industrie automobile (2,8 millions d'euros) ; 2,6 millions d'euros en faveur de l'Irlande pour les secteurs de la céramique et du cristal ; 17,6 millions d'euros en faveur du Danemark pour les secteurs des machines mécaniques et électroniques ; 2,4 millions d'euros en faveur du Portugal dans le domaine de technologies de l'information ; 1,8 million d'euros en faveur du secteur des semi-conducteurs aux Pays-Bas.

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