III. LE DÉVELOPPEMENT D'UNE FILIÈRE D'AVENIR

La filière photovoltaïque a connu jusqu'à présent un développement heurté. Aucun champion de taille mondiale n'a pu se développer en France. La France dispose pourtant d'entreprises pionnières et de centres de recherche reconnus, qui peuvent lui permettre dans les années à venir de construire une filière riche en emplois et capable d'exporter.

A. UNE TECHNOLOGIE ENCORE EN PLEIN DÉVELOPPEMENT

Le développement de l'électricité photovoltaïque repose sur plusieurs techniques dont aucune n'a pour le moment pris l'avantage sur les autres.

Les systèmes photovoltaïques constituent un mode de production d'électricité distinct de toutes les autres techniques : ils ne font pas appel à une génératrice (alternateur ou dynamo), mais convertissent directement la lumière du soleil en électricité.

1. Le choix d'une technologie adaptée

L'arbitrage entre les différentes filières technologiques doit tenir compte de paramètres économiques (coût de fabrication), techniques (rendements) voire stratégiques (disponibilité des matières premières entrant dans les composants).

Au-delà du critère financier que constitue le coût de production d'un kilowatt-heure, le souhait de limiter les superficies installées peut conduire à donner une préférence aux technologies à bon rendement.

• Les technologies du silicium : le « standard » du marché

Le silicium est très abondant (25 % de la couche terrestre) 13 ( * ) . L'industrie photovoltaïque exploite comme l'industrie électronique les propriétés de semi-conducteur du silicium, mais avec des exigences de pureté moins fortes. Il représente aujourd'hui la très grande majorité des modules photovoltaïques, à travers plusieurs variétés :

- le silicium multicristallin offre un rendement intéressant (12 à 15 %) avec des coûts de fabrication modérés ;

- le silicium monocristallin, plus coûteux, présente également un meilleur rendement (15 à 18 %) ;

- le silicium en ruban, encore marginal sur le marché ;

- le silicium amorphe, qui est une technologie à couche mince, propose un rendement et des coûts de fabrication faibles.

Au total, le coût par unité de puissance produite apparaît comparable pour ces filières.

M. Didier Marsacq a estimé, lors de la table ronde du 9 mars, que les technologies au silicium semblent les plus prometteuses en raison de la disponibilité et de l'absence de dangerosité de la matière première.

À titre d'exemple, le consortium PV Alliance (Photowatt, EDF-ENR, CEA) prévoit de fabriquer, dans une unité de démonstration, d'une part des cellules à base de silicium métallurgique, d'autre part des cellules à très haut rendement par hétérojonction. Le projet PV 20, constitué autour de la société MPO et soutenu par l'Ines et Oséo, tend également à mettre au point des cellules de silicium cristallin de rendement supérieur à 19 %.

Le rapport Charpin-Trink de juillet 2010, en revanche, considérait que le silicium cristallin ne connaîtrait probablement pas de développement industriel en France, l'avantage compétitif déjà obtenu par la Chine paraissant impossible à rattraper. Ce rapport donnait sa préférence à court et moyen terme aux technologies de « couches minces ».

• Les technologies de « couches minces »

Les technologies de couches minces (environ 10 % du marché) permettent de fabriquer des modules de surface plus importante et captent mieux le rayonnement diffus, mais se trouvent encore à un stade d'industrialisation moins avancé et font appel à des matériaux plus toxiques, moins disponibles ou plus difficiles à recycler.

Outre le silicium amorphe déjà évoqué, ces technologies incluent :

- le tellurure de cadmium (CdTe) : son coût est modéré et cette technologie est maîtrisée par l'américain First Solar, dont un projet d'implantation à Blanquefort en Gironde (95 millions d'euros d'investissements et 400 emplois) semble toutefois remis en cause par le nouveau cadre réglementaire. Cette technologie ne fait pas consensus : M. Didier Marsacq soulignait lors de la table ronde du 9 mars que les réserves de tellurure sont insuffisantes à long terme et notre collègue député Serge Poignant, dans son rapport sur l'énergie photovoltaïque 14 ( * ) , suggérait de l'écarter en raison de ses handicaps : « danger pour la santé humaine, rareté, faible potentiel de développement et domination de marché exercé par une entreprise étrangère » ;

- les technologies CIS/CIGS/CIGSS 15 ( * ) , aux rendements élevés moyennant un coût important ;

- l'arsénure de gallium (Ga-As), également de coût et de rendements élevés.

• Les technologies du futur

Les laboratoires de recherche étudient d'autres technologies telles que :

- le solaire à concentration, d'un rendement de 20 à 30 % ;

- les cellules organiques, encore expérimentales, qui pourraient offrir des coûts très bas de production.

Certaines technologies sont principalement destinées à l'export : le président de la société Heliotrop a ainsi indiqué, lors de la table ronde du 9 mars, qu'il espérait faire partie en 2013 des cinq champions mondiaux du photovoltaïque à concentration (CPV), technologie qui requiert une luminosité que l'on trouve surtout hors de France.

2. La nécessité de la recherche et développement

Qu'il s'agisse d'améliorer les filières existantes ou de mettre au point des technologies d'avenir, les soutiens à la recherche et au développement sont indispensables au développement de la filière photovoltaïque.

• Les centres de recherche publics

L'Institut national de l'énergie solaire (INES) 16 ( * ) , basé sur la technopole Savoie Technolac, coopère avec le pôle de compétitivité Tenerrdis et des entreprises importantes du secteur (Clipsol, Photowatt, Tenesol).

L'Institut de recherche et développement sur l'énergie photovoltaïque (IRDEP) 17 ( * ) travaille notamment sur les filières « couches minces » et celles à très haut rendement.

• Les instruments de soutien à la R&D et à l'innovation

Les entreprises concernées peuvent avoir recours à des instruments génériques tels que le crédit d'impôt recherche ou le statut de « jeune entreprise innovante ».

• Les projets structurants

L'Agence Nationale de la Recherche (programmes « Solaire photovoltaïque », « Habisol »), l'Ademe, Oséo soutiennent des programmes de recherche ou d'innovation.

• Les « investissements d'avenir »

Le Gouvernement a lancé en janvier 2011 deux appels à manifestation d'intérêt (AMI) dans le cadre des « investissements d'avenir » afin de soutenir les technologies françaises pour le marché national comme à l'export :

- un AMI « solaire » a pour objectif de développer et d'expérimenter en conditions réelles des techniques innovantes de production d'énergie à partir du soleil : solaire thermodynamique, thermique et photovoltaïque à concentration ;

- un AMI spécifiquement « photovoltaïque » vise à réduire les coûts de fabrication, accroître les performances des produits, et expérimenter des modèles économiques afin d'optimiser la rentabilité de la filière ; il s'agit notamment de diviser par deux le coût du kWh produit.

L'intérêt majeur que représente les programmes d'aide à la R&D a été signalé par l'ensemble des participants à la concertation organisée par MM. Jean-Michel Charpin et Claude Trink entre décembre 2010 et février 2011.


* 13 Voir pour plus de détails le panorama des technologies photovoltaïques sur le site photovoltaique.info, mis en place par l'association Hespul avec le concours de l'Ademe.

* 14 Serge Poignant, Rapport d'information n° 1846 sur l'énergie photovoltaïque , commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, 16 juillet 2009.

* 15 Cuivre / indium / sélénium (CIS), cuivre / indium / gallium / sélénium (CIGS), cuivre / indium / gallium / disélénide / disulphide (CIGSS).

* 16 L'INES regroupe le CEA, le CNRS, l'Université de Savoie et le Centre scientifique et technique du bâtiment.

* 17 L'IRDEP associe le CNRS, EDF et Chimie-Paris Tech.

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