2. Une identité d'entreprise en cours de mutation

A cette interrogation sur l'orientation géographique des interventions de l'AFD se sont greffées des interrogations plus profondes sur l'identité même de l'établissement.

Cette situation s'explique en grande partie par la croissance très rapide de l'institution et les effets conjugués de nombreux recrutements, qui viennent transformer la sociologie du personnel, la pyramide des âges et la diversité des métiers, avec une palette de compétences plus large, des emplois et des niveaux d'expertise fort différents selon les zones d'intervention ainsi que la mise en place d'une nouvelle direction générale.

Ces interrogations se situent à plusieurs niveaux et en premier lieu sur la place et le rôle de l'AFD dans la politique de coopération.

Le développement rapide de l'AFD, ces dernières années, a mis sous tension les différentes facettes de l'AFD dont les activités sont tiraillées entre celles d'une banque de développement soucieuse de rentabilité et d'autonomie, celles d'une agence de coopération à laquelle il est demandé une plus grande concentration de ses opérations sur les priorités africaines et celles d'un outil d'influence de la diplomatie qui la conduit loin de son métier et de sa géographie d'origine.

Si certains interlocuteurs de vos rapporteurs soulignent que les objectifs fixés par les tutelles sont largement complémentaires, d'autres considèrent qu'ils n'échappent pas à la contradiction quand il est demandé à l'AFD de contribuer toujours plus à l'APD déclarée de la France, avec un effort budgétaire qui, au mieux, stagne ou de s'inscrire dans une programmation stratégique de long terme tout en lui demandant toujours plus de réactivité par rapport aux priorités géostratégiques du moment telles que la Tunisie ou la Côte d'Ivoire.

Ces interrogations portent également sur la légitimité des activités de l'AFD dans les pays émergents.

Certains considèrent que, pour justifié qu'il soit, le mandat relatif aux biens publics mondiaux conduit à intervenir dans des pays comme la Chine, qui ont des capacités financières qui devraient leur permettre de financer eux-mêmes ce type de projet. D'où des interrogations sur les objectifs explicites et implicites des projets pilotes financés par l'AFD dans ces pays.

D'aucuns estiment qu'en allant « faire du chiffre » et promouvoir les intérêts économiques et commerciaux français, l'AFD s'est ainsi dévoyée de sa vocation. Ils soulignent que la volonté, prêtée à l'AFD, de mettre en face de chaque financement des entreprises françaises constitue une régression vers une aide déliée.

D'autres sont sceptiques sur la perspective d'intervention « sans coût budgétaire », soulignant qu'il n'est pas évident que l'AFD puisse réellement intervenir sans concessionalité dans la durée. .

A l'inverse, les partisans de cette stratégie de diversification géographique mettent en avant le fait que les agences, dans les pays émergents, vont devenir des centres de profits dont les résultats profiteront à l'ensemble de l'établissement et donc aux activités déficitaires dans les pays d'Afrique francophones.

Paradoxalement, la réalité de la rentabilité des opérations dans les pays émergents ainsi que l'intérêt d'une péréquation entre les zones bénéficiaires et les zones déficitaires n'est pas mis en avant par une institution par ailleurs très réticente à dire qu'elle gagne de l'argent en dépit d'un résultat net positif permanent.

Le nouveau contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD arrive donc à un moment où le sens du développement de l'AFD suscite des débats internes, mais aussi des interrogations parmi la société civile et les parlementaires, comme en témoignent les travaux de votre commission.

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