INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Depuis le début de l'année 2011, votre commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire s'est penchée à deux reprises sur des problématiques propres à nos outre-mer, dans le cadre, d'une part, de la proposition de résolution tendant à obtenir compensation des effets, sur l'agriculture des départements d'outre-mer, des accords commerciaux conclus par l'Union européenne 1 ( * ) et, d'autre part, de la proposition de loi portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer 2 ( * ) .

Après l'agriculture et le logement, et alors que 2011 est l'année des outre-mer, il est tout à fait logique que votre commission s'intéresse au secteur du tourisme, « secteur d'activité essentiel pour l'outre-mer » 3 ( * ) .

Le 14 septembre 2010, votre rapporteur a été chargé par votre commission de la rédaction d'un rapport d'information sur le thème « Tourisme et environnement outre-mer ».

La problématique du tourisme en outre-mer a donné lieu, au cours des dernières années, à plusieurs rapports, notamment du Conseil économique, social et environnemental 4 ( * ) ou d'Atout France. Nombre des constats et des recommandations formulés dans ces rapports restent valables aujourd'hui.

L'objectif du présent rapport d'information est cependant original : votre rapporteur examinera, bien entendu, la situation du secteur touristique et formulera des propositions portant sur certains aspects qu'il juge essentiels. Mais il analysera également dans quelle mesure et à quelles conditions l'environnement peut constituer un atout pour le tourisme ultramarin .

Dès le début de ses travaux, votre rapporteur s'est interrogé sur le champ géographique du présent rapport . Était-il possible - et souhaitable - de traiter l'ensemble des outre-mer, c'est-à-dire les onze collectivités ultramarines 5 ( * ) ? Votre rapporteur a jugé que cela était irréaliste, pour deux raisons :

- d'une part, traiter l'ensemble des outre-mer aurait imposé de se déplacer dans chacune de ces collectivités, ce qui aurait été logistiquement très compliqué ;

- d'autre part, et surtout, votre rapporteur estime que, en matière de tourisme comme dans bien d'autres domaines, il n'y a pas un outre-mer mais des outre-mer . Si les collectivités ultramarines sont confrontées à certaines problématiques similaires en matière touristique, chacune d'entre elles a des caractéristiques qui lui sont propres. Ainsi, quel est le point commun entre Saint-Pierre-et-Miquelon, île au climat océanique froid et la Guyane, département d'une taille comparable à celle du Portugal, couvert à près de 90 % par la forêt équatoriale ? Quel est le point commun entre les collectivités dont le tourisme est orienté sur le balnéaire, à l'exemple des collectivités antillaises ou de la Polynésie française, et celles où se sont développés d'autres types de tourisme, comme La Réunion, qui ne compte que quelques kilomètres de plages ?

En conséquence, votre rapporteur a choisi le limiter le champ du présent rapport aux deux départements antillais, la Guadeloupe et la Martinique , qui sont confrontées aux mêmes réalités : longtemps destinations touristiques de premier ordre, elles rencontrent depuis le début des années 2000 de très graves difficultés.

Le présent rapport est le fruit d'un important travail d'écoute .

Votre rapporteur a ainsi effectué, entre décembre 2010 et avril 2011, plus d'une vingtaine d'auditions à Paris , rencontrant les représentants des professionnels du secteur, des associations de protection de l'environnement ou encore les représentants des compagnies aériennes desservant les Antilles. Il a également entendu les deux ministres compétents sur ce sujet : Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer, et M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

Afin d'appréhender au mieux les problématiques du secteur du tourisme de ces deux départements, votre rapporteur a effectué, en février 2011, un déplacement d'une semaine à Saint-Barthélemy, en Martinique et en Guadeloupe , au cours duquel il a effectué plus d'une trentaine d'auditions : il a ainsi rencontré notamment les socioprofessionnels, les élus locaux ainsi que les représentants des services de l'État.

Votre rapporteur souhaite souligner que son déplacement à Saint-Barthélemy avait pour objectif d'étudier les raisons du succès de cette île, fleuron de notre pays en matière de tourisme. Pour autant, il est évident que cette île ne peut pas constituer un modèle : son cas n'est pas transposable dans les autres collectivités ultramarines. Chacune de ces collectivités, notamment la Guadeloupe et la Martinique, doit construire son propre modèle touristique, élaborer une stratégie qui lui soit propre.

Au terme des travaux de votre rapporteur, le présent rapport d'information formule onze recommandations qui s'adressent essentiellement aux acteurs locaux, mais également à l'État .

Ces recommandations ont pour vocation d'inspirer la stratégie que les départements antillais doivent élaborer en matière de tourisme, ceci afin de passer d'un tourisme subi à un « tourisme intégré » , notion que votre rapporteur emprunte à la conception scientifique de l'intégration, c'est-à-dire un tourisme en harmonie avec la société et le milieu naturel dans lequel il se développe.

*

* *

Lors de sa réunion du 24 mai 2011, la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement durable a autorisé la publication du présent rapport d'information.

I. LE TOURISME ANTILLAIS : UN SECTEUR QUI NE PEUT SORTIR DE LA CRISE QUE PAR LA MISE EN oeUVRE D'UNE STRATÉGIE GLOBALE

A. LA GRAVE CRISE DU TOURISME ANTILLAIS

Le constat est unanime : le tourisme antillais traverse, depuis la fin des années 1990, une grave crise.

L'ensemble des personnalités rencontrées par votre rapporteur, tant à Paris que lors de son déplacement dans les Antilles, ont souligné la gravité de cette crise. Mme Marie-Luce Penchard, ministre de l'outre-mer, indique ainsi que « après un pic à la fin des années 90, le secteur n'a cessé de décliner aux Antilles sous les effets conjugués d'une concurrence croissante des îles voisines et d'une dégradation de l'offre locale » 6 ( * ) .

Avant de formuler des pistes pour sortir le tourisme antillais du marasme, votre rapporteur souhaite revenir brièvement sur certains aspects de cette crise.

1. Le déclin de la destination antillaise

Depuis le début des années 2000, les deux départements antillais ont vu leur fréquentation touristique s'effondrer , notamment sous l'effet de la concurrence d'autres destinations. Lors de son audition par votre rapporteur, M. Alain Vienney, délégué général de la Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM), a ainsi souligné que le tourisme antillais avait connu un lent processus de dégradation depuis le début des années 2000.

Les universitaires, autour de M. Fred Célimène, directeur du Centre d'étude et de recherche en économie, gestion, modélisation et informatique appliquée (CEREGMIA) à l'Université des Antilles et de la Guyane (UAG), rencontrés par votre rapporteur lors de son déplacement en Martinique, ont estimé que les deux départements antillais étaient entrés dans la phase de déclin de la destination décrite par la « courbe de Butler ».

Les chiffres sont très clairs : chacun des deux départements antillais accueillait, à la fin des années 1990, près d'un million de touristes et en accueille à peine 600 000 aujourd'hui .

La Martinique accueillait ainsi en 1995 plus de 900 000 touristes. Elle a dépassé le million de touristes en 1998. Onze ans plus tard, elle en a perdu près de 450 000, comme l'illustre le tableau suivant.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE TOURISTES EN MARTINIQUE

Année

Nombre de touristes

1995

938 120

1996

957 758

1997

969 082

1998

1 039 761

1999

993 441

2000

928 197

2001

755 660

2002

729 398

2003

785 709

2004

696 301

2005

639 060

2006

655 213

2007

626 328

2008

631 317

2009

577 164

Source : Comité martiniquais du tourisme (CMT), Projet de réforme du tourisme en Martinique (orientations budgétaires 2011).

L'évolution de la fréquentation touristique en Guadeloupe est similaire.

Autre illustration du déclin de ces destinations : la diminution du trafic aérien . Lors de son audition par votre rapporteur, M. Serge Tsygalnitzky, directeur général d'Air Caraïbes, a souligné qu'alors que le transport aérien mondial connaît une croissance annuelle de 4 à 5 %, le transport aérien à destination des Antilles est en régression : son niveau de 2010 est ainsi inférieur à celui de 2004.

Quelles sont les explications de ce déclin ? Elles sont bien entendu nombreuses et votre rapporteur évoquera plusieurs d'entre elles dans la suite du présent rapport, en envisageant des pistes de solution.

Outre la concurrence de destinations plus compétitives, la situation sociale est très souvent évoquée comme un élément explicatif . La stabilité est, en effet, un élément clé du choix d'une destination, tant pour les touristes que pour les opérateurs. Tous les interlocuteurs de votre rapporteur ont ainsi souligné l'impact dévastateur de la longue crise sociale de 2009 sur le secteur touristique antillais :

- à court terme, cette crise a conduit à l'annulation de près de 10 000 séjours à destination de la Guadeloupe et de la Martinique, comme l'a indiqué la ministre de l'outre-mer 7 ( * ) ;

- à plus long terme, elle a renforcé l'image négative de la destination antillaise auprès des touristes ainsi que des investisseurs. La situation sociale a ainsi conduit le Club Med à renoncer à certains investissements en Guadeloupe, comme l'a indiqué à votre rapporteur le Préfet de cette région.

Pour autant, l'année 2010 et le début de l'année 2011 sont marquées par une légère reprise de l'activité touristique dans ces départements .

En Guadeloupe, le rebond est ainsi réel : le trafic aérien est en progression de 7,25 % au premier semestre 2011 par rapport à 2010. Cette tendance est confirmée par M. Nicolas Vion, président du groupement hôtelier et touristique de la Guadeloupe (GHTG), qui indique, à propos du taux d'occupation des hôtels au premier semestre 2011 : « on remonte de 2,5 % par rapport à 2010, mais nous sommes encore bien en deçà de 2007 qui affichait un taux d'occupation de 86,86 % et de 2008 avec 83,04 % » 8 ( * ) .

La ministre de l'outre-mer a confirmé à votre rapporteur cette tendance, estimant qu'un « effet route du Rhum » était perceptible en Guadeloupe.


* 1 Cette proposition de résolution a été adoptée par le Sénat le 3 mai 2011.

* 2 Cette proposition de loi a été adoptée en première lecture par le Sénat le 4 mai 2011.

* 3 Convention de partenariat entre le secrétariat d'État à l'outre-mer et ODIT France, 3 mars 2009.

* 4 Cf. « Le tourisme, facteur de développement de l'outre-mer français », M. Miguel Laventure, 1997 ; « Le tourisme, perspective d'avenir pour l'outre-mer français », Mme Cécile Felzines, 2007.

* 5 Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Guadeloupe, Martinique, Guyane, Mayotte, La Réunion, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-Et-Futuna.

* 6 Contribution écrite transmise à votre rapporteur.

* 7 Cf. contribution écrite transmise à votre rapporteur.

* 8 In : « Tourisme : une fin de saison positive », in : France Antilles Guadeloupe, 5 mai 2011.

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