3. L'organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie

L'accord de Nouméa prévoit que les institutions de la Nouvelle-Calédonie comprennent un congrès, émanation des trois assemblées de province, un sénat coutumier et un gouvernement, désigné à la proportionnelle par le Congrès.

Les provinces Sud, Nord et des îles Loyauté ont été créées par la loi référendaire du 9 novembre 1988 et confirmées par la loi organique du 19 mars 1999. Elles s'administrent librement par des assemblées élues au suffrage universel direct 9 ( * ) pour une durée de cinq ans.

Les provinces sont compétentes « dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat ou à la Nouvelle-Calédonie par la loi organique ou aux communes par la législation applicable en Nouvelle-Calédonie » (article 20 de la loi organique du 19 mars 1999). Elles exercent donc plus particulièrement leurs attributions en matière d'agriculture, de développement économique, de santé et d'urbanisme. Elles disposent en outre de prérogatives importantes pour la valorisation des ressources en nickel au bénéfice du développement économique de leur territoire.

Le congrès, mis en place en mai 1999, est composé d'une partie des élus des trois assemblées de province. Il compte ainsi 54 membres exerçant un mandat de cinq ans dont 32 des 40 membres de l'assemblée de la province Sud, 15 des 22 membres de l'assemblée de la province Nord et 7 des 14 membres de l'assemblée de la province des îles Loyauté. Le congrès siège chaque année lors de deux réunions ordinaires, dont la durée ne peut excéder deux mois. Il peut également se réunir en session extraordinaire.

Conformément aux orientations du point 2.1.3 de l'Accord de Nouméa, la loi organique a consacré le pouvoir législatif autonome du congrès. L'article 99 de la loi organique, mettant en oeuvre cette innovation majeure, prévoit en effet que dans douze matières telles que la fiscalité, l'accès au travail des étrangers et l'état et la capacité des personnes, le congrès de Nouvelle-Calédonie peut adopter des lois du pays.

Adoptées après avis du Conseil d'Etat, elles peuvent faire l'objet, dans un délai de quinze jours et notamment à la demande du haut-commissaire, d'une deuxième délibération. Celle-ci conditionne une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel appelé à se prononcer dans les trois mois. A l'issue de cette procédure, les lois du pays sont promulguées par le haut-commissaire et acquièrent une valeur législative.

La Nouvelle-Calédonie a adopté, depuis la promulgation de la loi organique du 19 mars 1999, plus de 80 lois du pays.

Le mode de scrutin pour les élections provinciales

Aux termes de l'accord de Nouméa, les assemblées de province sont élues selon un scrutin de listes à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne , en un seul tour de scrutin.

Pour prévenir le morcellement de la représentation politique au sein des assemblées qui pourrait résulter d'un tel mode de scrutin et, ainsi, garantir la stabilité des institutions calédoniennes, deux mécanismes sont prévus :

- seules les listes ayant obtenu un nombre de suffrages supérieur à 5 % du nombre des inscrits peuvent siéger dans les assemblées de province. Cette exigence, instaurée en 1999, est plus rigoureuse que le dispositif du statut de 1988, qui prévoyait un seuil de 5 % des suffrages exprimés ;

- les fusions entre listes postérieurement à l'élection sont interdites : la loi organique du 19 mars 1999 dispose ainsi que « les élections ont lieu [...] sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation ».

Par ailleurs, les formations politiques calédoniennes sont soumises au respect de la parité : la loi organique leur impose de présenter des listes composées alternativement d'un candidat de chaque sexe.

Les membres du congrès, désignés parmi les membres des assemblées de province, sont naturellement soumis au même mode de scrutin. Les sièges au congrès sont attribués en fonction du nombre d'élus dans chaque assemblée de province et « d'après l'ordre de présentation [des candidats] sur chaque liste » 10 ( * ) .

En outre, si le Conseil constitutionnel a fait prévaloir la théorie du corps électoral « glissant » dans sa décision sur la loi organique de 1999 11 ( * ) , cette interprétation, non conforme aux intentions de plusieurs signataires de l'accord de Nouméa, a été remise en cause par la loi constitutionnelle du 23 février 2007 12 ( * ) qui « gèle » le corps électoral calédonien pour les élections provinciales 13 ( * ) . En conséquence, seuls peuvent participer aux élections provinciales, les électeurs inscrits sur la liste électorale spéciale , c'est-à-dire ceux qui :

- remplissent les conditions pour être inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie établies en vue de la consultation du 8 novembre 1998 relative à l'accord de Nouméa ;

- sont inscrits sur le tableau annexe 14 ( * ) et domiciliés depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection des assemblées de province et du congrès ;

- ont atteint l'âge de la majorité après le 31 octobre 1998, et soit justifient de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie en 1998, soit ont eu un de leurs parents remplissant les conditions pour être électeur au scrutin du 8 novembre 1998, soit ont un de leurs parents inscrit au tableau annexe et justifient d'une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection, cette condition de domicile étant appréciée de manière souple 15 ( * ) .

Ainsi, lors des dernières élections provinciales, on comptait 135 932 inscrits sur la liste électorale spéciale ; parallèlement, 18 206 électeurs de la liste générale (c'est-à-dire admis à participer aux élections présidentielles, législatives, européennes et municipales mais résidents de Nouvelle-Calédonie depuis une date ultérieure à 1998) demeuraient exclus du scrutin.

L'exécutif de la Nouvelle-Calédonie est assumé par un gouvernement de cinq à onze membres, élus à la proportionnelle par le congrès pour la durée de la mandature. Le congrès peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement par l'adoption, à la majorité de ses membres, d'une motion de censure revêtue de la signature d'au moins un cinquième de ses membres. Réunissant des représentants de la majorité et de l'opposition, le gouvernement élit son président, chargé de fonctions d'animation et de négociation.

Reconnaissant la place des autorités coutumières, la loi organique instaure des conseils coutumiers dans chacune des huit aires coutumières de la Nouvelle-Calédonie et crée un sénat coutumier, comprenant seize membres. Le sénat coutumier délibère sur les projets de propositions de lois du pays portant notamment sur le statut civil coutumier, les terres coutumières et les signes identitaires. Il est obligatoirement consulté sur les projets de délibération du congrès ou d'une assemblée de province « intéressant l'identité kanak ».

Les institutions de la Nouvelle-Calédonie


* 9 A la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne sur des listes bloquées.

* 10 Selon l'article 62 de la loi organique du 19 mars 1999, le congrès est composé de 7 élus de la province des Îles Loyauté (sur 14), de 15 élus de la province Nord (sur 22) et de 32 élus de la province Sud (sur 40).

* 11 Décision n°99-410 DC du 15 mars 1999.

* 12 Loi constitutionnelle n° 2007-237 du 23 février 2007 modifiant l'article 77 de la Constitution.

* 13 Voir le rapport fait au nom de la commission des lois par M. Jean-Jacques Hyest sur le projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 77 de la Constitution, n° 145, 2006-2007.

* 14 Le tableau annexe est le tableau des personnes non admises à participer à la consultation du 8 novembre 1998.

* 15 Selon l'article 188 de la loi organique du 19 mars 1999, « Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne sont pas, pour les personnes qui y étaient antérieurement domiciliées, interruptives du délai pris en considération pour apprécier la condition de domicile. »

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