D. UNE POURSUITE DES RÉFORMES TOUT AUSSI INDISPENSABLE QUE DÉLICATE

La priorité pour Athènes, comme pour l'Union européenne, demeure le retour à l'excédent budgétaire, en vue de s'affranchir de l'effet boule de neige de la dette. Une restructuration, même douce, de la dette n'aurait que peu d'incidence sur cette perspective. Pour rembourser l'intégralité des seuls intérêts de la dette, la Grèce doit dégager un excédent budgétaire équivalent à 10 % de son PIB, performance jamais atteinte par un pays membre de l'Union jusqu'alors. Le think tank Bruegel estime, à cet égard, que la Grèce devrait maintenir un excédent budgétaire élevé (entre 8,4 % du PIB et 14,5 % du PIB) à partir de 2015 pour ramener sa dette en deçà des 60 % du PIB.

Le plan d'aide prévoit, pour 2011, un déficit public ramené à 7,5 % du PIB, contre 10,5 % lors de l'exercice précédent (soit en deçà des 9,4 % prévus initialement par le gouvernement). Le gouvernement espère de son côté pouvoir ramener le déficit public à 1 % en 2015.

La Grèce doit, à ce titre, poursuivre la réduction de ses dépenses publiques. Les efforts effectués par Athènes en 2010 se sont d'ores et déjà traduits par une diminution de 7 % du déficit public en un an, n'atteignant pas cependant l'objectif initialement prévu : un déficit ramené à 9,4 % du PIB. Par ailleurs, les premiers chiffres pour 2011 viennent souligner l'écart entre la réalité et les ambitions du gouvernement : alors que celui-ci espérait une augmentation des recettes de 9 % pour l'année en cours, les quatre premiers mois se traduisent par une baisse de 9 % de ces recettes.

C'est pourquoi, comme l'avait souligné la troïka lors de sa précédente mission d'évaluation en février dernier, la Commission européenne a demandé d'opérer une « accélération décisive » en matière de réformes structurelles.

1. Le prolongement de la cure d'austérité
a) Un nouveau plan de rigueur

Fin avril, le gouvernement grec a annoncé un nouveau plan d'austérité - le programme budgétaire à moyen terme -, destiné à accélérer la réduction du déficit public. Les engagements pris devant la troïka début juin viennent le compléter, voire le préciser. Les mesures envisagées devraient permettre à l'État de faire 28,4 milliards d'euros d'économise supplémentaires d'ici à 2015 dont 6,4 au cours du présent exercice. Athènes souhaite que les dépenses publiques représentent 44 % du PIB à cette échéance (contre 53 % en 2009) et que les recettes atteignent le niveau de 2000 soit 43 % du PIB, contre 38 % en 2009. Cette consolidation des finances publiques correspond à 13,1 points de PIB entre 2011 et 2015, dont 3 points pour 2011. Un tel effort est destiné à prendre en compte la progression de la charge de la dette de 57 % sur la période. Cette politique est fondée pour les deux tiers sur une baisse des dépenses (notamment les dépenses sociales et les dépenses de santé) et pour un tiers sur la hausse des recettes. Le gouvernement a, par ailleurs, souhaité doubler les efforts en ce qui concerne le présent exercice, suite à la révision à la hausse du déficit public pour 2010.

L'amélioration serait notamment obtenue par une augmentation des revenus fiscaux. Celle-ci passe par une réduction des exemptions fiscales sur l'impôt sur le revenu, une augmentation des taxes sur les signes extérieurs de richesses (yachts, piscines et voitures de luxe), sur le gaz, les boissons non alcoolisées et les cartes grises de véhicules. Certains produits qui bénéficiaient jusqu'à présent d'une TVA réduite à 13 % vont rejoindre la liste commune. Le programme prévoit, en outre, l'introduction d'une contribution obligatoire exceptionnelle. Cette mesure de dernière minute remplace l'abaissement du plafond d'exemption sur l'impôt sur le revenu qui avait initialement été annoncé. Les retraités de moins de 60 ans touchant une pension seront, quant à eux, soumis à un prélèvement exceptionnel de 8 %, qui devrait rapporter 176 millions d'euros sur 2011 et 2012.

Le renouvellement d'un fonctionnaire sur cinq partant à la retraite ou la réduction de la part de l'État dans la rémunération des prêtres orthodoxes participent également de cet effort supplémentaire de rigueur. La diminution des salaires devrait se poursuivre au cours du prochain exercice alors que l'allongement de la durée de travail des fonctionnaires - de 37,5 à 40 heures par semaine - est également envisagé. Des écoles, des ambassades, des casernes, des postes de police et des hôpitaux devraient également fermer. Le gouvernement entend par ailleurs moderniser la fonction publique en poursuivant l'informatisation de ses services et en encourageant la mobilité.

Le gouvernement souhaite néanmoins tempérer les dommages sociaux de cette nouvelle cure d'austérité en instituant une contribution de solidarité exceptionnelle en faveur des plus bas salaires (inférieurs à 500 euros mensuels). Par ailleurs, une baisse de l'impôt sur les sociétés et de la TVA en 2012 est envisagée.

Le Parlement grec doit encore se prononcer sur l'ensemble de ces mesures, auxquelles viennent s'ajouter celles présentées à la troïka fin mai-début juin. 13 % de l'effort de consolidation budgétaire repose néanmoins aujourd'hui sur des mesures non identifiées. La Commission européenne estime à l'heure actuelle que le déficit public devrait atteindre 9,5 % du PIB à la fin de cette année.

b) L'intensification de la lutte contre la fraude fiscale

La lutte contre la fraude fiscale apparaît comme une priorité. Évaluée à 15 milliards d'euros annuels, elle reflète la situation d'un pays où l'économie grise représente entre 25 et 37 % du PIB 10 ( * ) . Les recettes fiscales rapportées au PIB sont de 4 à 5 % inférieures à la moyenne européenne. 55 % des ménages grecs déclarent ainsi des revenus en deçà du minimum imposable et ne payent pas, de fait, d'impôts. 15 % des contribuables payent environ 80 % de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et 1 % des entreprises payent 70 % de l'impôt sur les sociétés. Le revenu déclaré par les salariés et les retraités représente 76 % du revenu total des personnes physiques contre 4 % pour les professions libérales et les travailleurs indépendants.

A l'occasion de la dégradation de la note grecque en mars dernier, l'agence de notation Moody's avait relevé à cet égard un certain nombre d'obstacles administratifs à la collecte des impôts ainsi qu'une résistance d'une partie de la société grecque. Athènes a adopté en conséquence un plan d'action triennal destiné à répondre à ce problème. Il vise à la fois à moderniser le mécanisme de collecte et améliorer le recueil d'informations fiscales. Une meilleure coopération avec les contribuables est également envisagée afin d'encourager la régularisation volontaire, alors qu'un volet du plan est plus particulièrement dédié à la répression. A ce sujet, le gouvernement a voulu montrer sa fermeté en nommant à la tête de l'unité chargée des crimes économiques et financiers un ancien procureur antiterroriste. La lutte contre la fraude doit permettre d'obtenir 11,8 milliards d'euros de revenus supplémentaires d'ici 2013.

Ce plan est accompagné d'une réforme de l'administration fiscale, axée sur une réduction du nombre de ses antennes locales et une évaluation régulière de son activité. Une gestion plus centralisée, utilisant au mieux les technologies de l'information est ainsi promue. Athènes entend, dans le même temps, multiplier les accords bilatéraux de coopération fiscale, en vue d'identifier d'éventuels évadés fiscaux. Les dispositions adoptées en 2010 ont, quant à elles, déjà donné leurs premiers résultats, les amendes pour fraude fiscale ont ainsi doublé, rapportant à l'État entre 6 et 7 milliards d'euros. Ces mesures n'ont pas, pour autant, jugulé la fuite des capitaux : 35 milliards d'euros ont ainsi quitté le territoire grec en 2010, 12 depuis le début de l'exercice en cours.


* 10 Le gouvernement prévoit à cet égard un renforcement du contrôle du travail au noir, qui doit rapporter 1,3 milliard d'euros à partir de 2013.

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