2. L'ambitieux programme de privatisations

Dans cette optique, le gouvernement grec a, parallèlement annoncé, un nouveau programme de privatisation de 50 milliards d'euros sur cinq ans, dont 12 à 17 d'ici 2013. 3,5 à 5,5 milliards d'euros seraient obtenus dès cette année. Le gouvernement espère, de la sorte, réduire de 20 points de PIB le déficit public d'ici 2015.

Le plan prévoit une première vague de privatisations visant la totalité des participations de l'État (75 %) dans les ports d'Athènes et de Thessalonique, la vente de ses parts au sein du groupe de paris sportifs OPAP (34 %) la cession des 16 % du capital de l'opérateur téléphonique OTE (dont l'actionnaire principal est Deutsche Telekom ) dont il dispose, de 34 % de la Banque postale et jusqu'à 40 % de la société des eaux de Thessalonique. Ces cinq entreprises, cotées à la Bourse d'Athènes, sont à l'heure actuelle valorisées à hauteur de 1,3 milliard d'euros.

Une deuxième vague de privatisations partielles viserait les entreprises du secteur énergétique (réduction de la participation de l'État au sein de l'opérateur national d'électricité DEI de 51 à 34 %, l'État ne conservant qu'une minorité de blocage établie à 34 % dans la compagnie du gaz Depa) et les chemins de fer. Le Casino du Mont Parnes, l'organisme des paris hippiques (ODIE), l'entreprise de ferronickel Larco et l'opérateur ferroviaire Trainose seraient vendus en totalité. En ce qui concerne les transports, le gouvernement souhaite prolonger la concession de l'aéroport d'Athènes et baisser progressivement la participation de l'État. Les autorités souhaitent également développer de nouveaux partenariats avec le secteur privé pour le système portuaire de l'Attique, les 29 aéroports régionaux et les autoroutes. L'État cherche également un investisseur stratégique pour la poste hellénique et devrait céder en 2012 les activités commerciales de la Caisse des dépôts et consignations.

Le parc immobilier de l'État, dont des plages, devrait être partiellement cédé. Les terrains et immeubles concernés sont valorisés à hauteur de 25 à 35 milliards d'euros. Cette cession est, de fait, censée rapporter deux fois plus que les privatisations stricto sensu . Un programme de mise en valeur devrait, à cet égard, être mis en place.

Principales privatisations prévues en 2011 et 2012

2011

Part de l'État

Part à vendre

OTE Telecom

16 %

16 %

Banque postale

34 %

34 %

Port du Pirée

75 %

75 %

Port de Salonique

75 %

75 % %

Société d'eau de Salonique

74 %

40 %

EAS (Défense)

100 %

66 %

Loterie nationale

100 %

49 à 66 %

DEPA (Gaz)

65 %

32 %

Trainose (Chemins de fer)

100 %

49 à 100 %

Larco (Ferronickel)

55 %

55 %

OPAP Paris sportifs

34 %

34 %

Banque de Grèce

1,2 %

1,2 %

Alpha Bank

0,6 %

0,6 %

2012

Part de l'État

Part à vendre

Aéroport international d'Athènes

55 %

21 %

Autoroute Egniata Odos

100 %

100 %

Poste héllenique

90 %

40 %

Société d'eau d'Athènes

61 %

27 %

DEI (Électricité)

51 %

17 %

Aéroports régionaux

100 %

49 %

Les 50 milliards d'euros attendus représentent 20 % du PIB grec. Ils ne constituent surtout qu'une fraction du patrimoine public local, estimé à environ 280 milliards d'euros. La Grèce répond ainsi aux demandes en la matière formulées en février dernier et réitérées en mai par la troïka. Le plan d'aide de mai 2010 prévoyait initialement un programme de privatisations devant rapporter 7 milliards d'euros sur trois ans. Ce programme de privatisations sera, par ailleurs, supervisé par une agence indépendante dont ferait partie des membres nommés par la Commission européenne et les Etats membres, le gouvernement grec répondant ainsi à une demande de la troïka. Cette agence sera notamment chargée de régler la délicate question des actes de propriété des entreprises publiques qui ralentit actuellement le processus de privatisation.

Il conviendra d'être attentif à l'origine des entreprises intéressées par ces privatisations, la Chine étant notamment très attentive à la situation des infrastructures portuaires grecques. Pékin entend, en effet, faire de la Grèce, la porte d'entrée des marchandises chinoises en Europe. L'accord signé entre le Port du Pirée et l'armateur chinois Cosco Pacific le 25 novembre 2008 a été suivi en mai 2010 de la visite en Grèce du président dudit groupe, confirmant les ambitions grecques dans le domaine maritime mais aussi les attentes grecques en faveur d'un renforcement de la présence chinoise sur son territoire 11 ( * ) . Le déplacement du Premier ministre chinois, Wen Jiabao, accompagné du gouverneur de la Banque centrale de Chine du 2 au 4 octobre dernier est venue illustrer cet intérêt mutuel 12 ( * ) . Par delà, le gouvernement chinois a assuré son homologue de son soutien face à la crise financière qu'il affronte, indiquant son souhait de participer en temps utile au rachat d'obligations grecques.

Un certain nombre de réserves doit néanmoins être apporté aux ambitions gouvernementales. Aucune précision n'a jusqu'ici été fournie en ce qui concerne le calendrier et le processus opérationnel. Par ailleurs, un certain nombre d'informations contradictoires circule, certains projets (Électricité de Grèce et société des eaux d'Athènes) étant contestés au sein même du gouvernement. La vente des biens immobiliers de l'Etat n'est pas non plus sans susciter d'interrogation, tant la dernière opération n'a pas été couronnée de succès : les bâtiments construits à l'occasion des Jeux olympiques de 2004 et laissés ensuite à l'abandon ont ainsi été vendus à l'Eglise orthodoxe en 2009 pour un montant jugé faible. L'Eglise orthodoxe étant, par ailleurs, exonérée d'impôts, l'Etat ne perçoit aucun revenu afférent à ces biens.

Au-delà de ce manque de précisions, il convient d'insister sur le fait que la Grèce devra réformer en profondeur le droit du travail local et les systèmes de régulation qu'elle a mis en place afin d'attirer d'éventuels investisseurs. Un relèvement de certains tarifs (électricité notamment) ou l'autorisation de procéder à des licenciements, jusque là interdits dans plusieurs entreprises publiques, apparaissent indispensables. Face à l'opposition des syndicats, qui pourraient saisir les tribunaux en cas de litige, une immunité judiciaire devrait, en outre, être accordée à la future agence de privatisation.

Par delà, il convient de s'interroger sur l'écart entre la valeur boursière de ces entreprises - 7,9 milliards d'euros, soit moins de la moitié de leur valeur d'octobre 2009 - et le prix qu'espère en tirer le gouvernement.


* 11 La Chine est devenue en 2009 le troisième exportateur en Grèce, devançant désormais la France.

* 12 Un accord sur la coopération bilatérale en matière d'investissements a été signé à cette occasion ainsi que neuf accords commerciaux. Trois d'entre eux portent sur des prêts en faveur du développement d'infrastructures à destination de la marine marchande (268 millions de dollars) et deux sur le port du Pirée.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page