2. Le tourisme

Sur 5,7 % des terres émergées, le Bassin méditerranéen concentre 31 % du tourisme mondial (soit 275 millions de visiteurs).

Cette activité, importante économiquement puisqu'elle représentait 208 milliards de dollars en 2008, n'est pas linéaire dans l'année ; elle se traduit par d'importants pics saisonniers comme en témoignent les flux d'arrivées de touristes en Tunisie et en Turquie.

Arrivées de touristes non résidents par mois Tunisie (2006) et en Turquie (2007) (en milliers)

Source : Plan Bleu d'après sources nationales

Une autre caractéristique du tourisme méditerranéen est qu'il est balnéaire et donc également largement concentré sur le littoral, déjà surchargé.

Ces flux touristiques génèrent plusieurs types de pression sur l'environnement :

- un urbanisme littoral démesuré au regard des besoins des populations résidentes ;

- le développement d'installations spécifiques comme les ports de plaisance (en France et en Espagne la distance moyenne entre ces ports est de 15 km ; en Italie de 32 km) qui sont un facteur de troubles pour les biotopes côtiers ;

- l' augmentation des tensions sur l'utilisation de l'eau provient soit d'habitudes de consommation très spécifiques (golfs, piscines, usage individuel moins restreint que celui des populations locales), soit de la coïncidence des afflux touristiques avec les périodes d'étiage .

Cette pression sur la ressource en eau se traduit par un accroissement de la pollution des milieux naturels côtiers en cas de mauvais fonctionnement des systèmes d'épuration ;

- et, l' accroissement de la production de macro-déchets .

3. Le secteur primaire

• L'agriculture

L'image, véhiculée par Fernand Braudel ou Robert Fossier, d'un monde agricole méditerranéen partagé entre l'élevage extensif des ovins et une culture plus intensive de petites exploitations ( huertas espagnoles, cultura promiscua italiennes, etc.) s'est largement estompée.

Le monde agricole méditerranéen n'a pas échappé à la modernisation, avec son corollaire de restructuration, d'amendements en nitrates et en phosphates et d'emploi de pesticides, dont l'exutoire final est la mer.

Si ces épandages d'engrais et de pesticides commencent à être plus mesurés sur la rive Nord, ils sont très présents au Sud et à l'Est.

En Egypte, par exemple, l'épisode nassérien a laissé une culture « soviétique » d'utilisation d'engrais et de pesticides .

Ces substances sont largement utilisées, en particulier dans le delta du Nil et récupérées par des drains qui conduisent à des canaux menant eux-mêmes aux lagunes du delta, puis à la mer.

Mais les pollutions générées par les pratiques agricoles actuelles ne résument pas le problème.

L'héritage de la période antérieure pèse encore.

Les pesticides les plus dangereux, comme les polluants organiques persistants interdits par la Convention de Stockholm 5 ( * ) , ont encore une ombre portée sur la qualité de l'environnement.

Cette liste de polluants organiques persistants qui comprenait initialement 12 produits (d'où leur sobriquet cinématographique des « 12 salopards ») s'est accrue en 2010 de 9 nouvelles molécules. Leur interdiction d'utilisation doit s'accompagner de la destruction des stocks de ces produits, ce qui est loin d'être acquis dans tous les pays de la rive Sud.

Une évaluation de l'importance de ces stocks a été effectuée par le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE). Même si ces données datent en 2002, la situation n'a probablement pas beaucoup évolué depuis :

Stocks de pesticides dans la région méditerranéenne

Source : PNUE Produits chimiques, 2002

Ces stocks, quand ils ne sont pas utilisés clandestinement, sont entreposés dans des conditions qui ne sont pas toujours sécurisées et le lessivage des sols en entraîne une partie vers les bassins versants.

Ces pesticides interdits sont aussi présents dans les sédiments des fleuves et relargués en cas de crues, aussi bien sur la rive Sud qu'aux débouchés du Rhône, du Pô et de l'Elbe.

Or, qu'il s'agisse de la mesure des pesticides actuellement utilisés ou a fortiori de celle des molécules interdites, votre rapporteur n'a obtenu que des réponses très vagues, lors des missions qu'il a effectuées sur la rive Sud.

Très souvent, il n'existe pas, au sud, d'administration dédiée à ce contrôle, ni de laboratoire permettant d'effectuer ce type de métrologie, quelquefois complexe.

Une autre pression générée par les activités agricoles provient des barrages réservoirs.

En Méditerranée, ce type d'installation - qui a aussi une destination hydroélectrique - est principalement conçu pour réguler le débit des fleuves et assurer une irrigation en continu (qui, en Égypte, permet deux récoltes par an).

Une des conséquences directes de ces installations est le piégeage des limons et l'érosion progressive des littoraux sensibles. Le cas le plus connu est celui du barrage d'Assouan, dont la retenue déstabilise la côte du delta du Nil, mais ce phénomène est général.

Par exemple en Algérie, un rapport de l'Agence européenne de l'environnement 6 ( * ) , rappelle que 39 barrages riverains retiennent 9 millions m 3 de sédiments par an.

• La pêche

Outre qu'elle exerce une pression directe sur les milieux naturels, la pêche en Méditerranée - qui ne représente pourtant qu'un pour cent des captures mondiales - a des effets indirects sur les biotopes et les chaînes alimentaires.

Les zones de pêche, centrées sur des plateaux continentaux relativement étroits, se traduisent par une destruction des habitats et des zones de frayères que constituent les prairies de posidonie qui sont victimes du chalutage.

La surpêche du thon a, de plus, un effet indirect qui commence à se manifester ; elle est peut-être une des causes de la prolifération des méduses, dont les thons sont un des prédateurs.

La menace sous-jacente de la montée inconsidérée des taux de prise pourrait être l'amorce d'une mutation en profondeur de la chaîne écologique, comme on l'a constaté à Terre Neuve. En effet, malgré l'interdiction de la pêche à la morue depuis 1992, le biotope local s'est transformé (disparition de certaines espèces de poissons, multiplication des méduses et des crustacés détritivores).

A terme, la question d'une « gélification » du bassin pourrait se poser.

• L'aquaculture

Comprises comme une réponse à la stagnation des prises, les activités aquacoles méditerranéennes en eau de mer, en eau saumâtre ou encore en eau douce sont en plein développement (de l'ordre de 10 % par an).

Cette croissance, très marquée en Grèce, Espagne et Croatie, peut être la cause d'une dégradation des milieux naturels d'accueil (effluents, antibiotiques, transmission d'épizooties, évasions de souches domestiques vers les milieux naturels).

On ajoutera que cette pollution est plus caractérisée dans les élevages thoniers pour lesquels on prélève des juvéniles avant l'âge de la reproduction et dont l'engraissement aboutit à des ratios de production/nourrissement compris entre 1 à 15 et 1 à 25 contre des ratios de l'ordre de 1 à 3 pour les autres branches de l'aquaculture. En outre, dans le cas de cette activité, les cycles de nourrissages plus longs aboutissent à accroître les risques de pollutions.

Les plus forts taux de croissance de l'aquaculture portent sur des élevages marins d'espèces à haute valeur ajoutée (dorade, loup).

Pour ne donner qu'un repère, la Grèce et la Turquie produisent 200 000 tonnes de poissons par an, soit le total des prises de l'armement français en Méditerranée.

Encore doit-on nuancer ce bilan :

- des progrès technologiques sont accomplis dans le sens d'une aquaculture plus durable, réduisant les impacts de ces activités aquacoles ;

- en Grèce qui est le principal producteur, la dispersion des élevages sur une aire marine très large en minore les effets délétères ;

- enfin, il apparaît que, si les élevages sont bien implantés (en particulier des sites où le courant en disperse les effluents), les fermes aquacoles peuvent être un facteur de croissance du biotope halieutique.

A cela une raison : les cages agissent comme des dispositifs de concentration de poissons (refuge contre les prédateurs, réintégration des aliments non consommés dans la chaîne trophique).


* 5 Entrée en vigueur en 2004 et ratifiée par plus de 150 pays.

* 6 Problèmes prioritaires pour l'environnement méditerranéen (2006).

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