2. La réorganisation de la conduite de la politique de défense

En matière de défense, le Brésil s'efforce de sortir d'une longue période de primauté du militaire sur le politique. Jusqu'en 1999, date de création du ministère de la défense, chaque chef d'état-major d'armée avait rang de ministre.

La présidence Lula aura engagé le renforcement de l'autorité du ministre de la défense , et une diminution parallèle de celle des trois chefs d'état-major d'armée, tant en matière de choix budgétaires et capacitaires que de contrôle des opérations. La loi du 25 août 2010 sur l'organisation du ministère de la défense et des forces armées consacre cette évolution dont M. Nelson Jobim, en poste au ministère de la défense depuis 2007 et reconduit par Dilma Rousseff, aura été l'artisan.

Le ministre de la défense est chargé de mettre en oeuvre la stratégie nationale de défense. A cet effet, il adresse des directives stratégiques à chaque armée.

Le ministre détient désormais le pouvoir de nomination des officiers généraux, précédemment exercé par les chefs d'état-major. Il élabore le projet de budget qu'il présente au Parlement, exerçant un rôle qui relevait jusqu'à présent des chefs d'état-major. Ceux-ci se limiteront, en matière de préparation du budget, à adresser leurs propositions au ministre.

Un secrétaire d'Etat aux équipements de défense , nommé début 2011, est chargé de la politique d'équipement, en vue notamment de rationaliser les acquisitions, de favoriser l'interopérabilité, d'assurer la prise en compte des enjeux industriels et technologiques.

Un chef d'état-major conjoint des forces armées a été institué. Sous l'autorité du ministre, il reprend les pouvoirs précédemment détenus par les chefs d'état-major d'armées en matière de conduite des opérations .

Ces réformes obéissent à une logique qui nous est familière, avec le rôle de la Direction générale pour l'armement (DGA) et la généralisation de l'approche interarmées en matière budgétaire, programmatique, de soutien et de conduite des opérations. Constatons toutefois que le Brésil ne se trouve qu'à l'amorce d'une évolution qui demandera du temps. La culture du consensus, qui rejette les solutions imposées par la contrainte, implique des évolutions très progressives.

3. Un vaste renouvellement des équipements

Longtemps organisé et dirigé selon une logique propre à chaque armée, l'outil militaire brésilien a souffert de deux décennies de sous-investissement.

Le Brésil est engagé dans un vaste plan visant à moderniser ses moyens et à les réorganiser en fonction des priorités stratégiques définies par l'autorité politique.

La marine et l'armée de l'air sont les deux bénéficiaires principales de cet effort qui concerne néanmoins aussi, dans une moindre mesure, l'armée de terre.

Les orientations retenues pour la marine

La marine brésilienne compte une centaine de bâtiments, pour la plupart vieillissants. Cette flotte connaît d'importantes limitations opérationnelles liée à la disponibilité et à l'autonomie des bâtiments. Les possibilités de missions de longue durée en haute mer sont réduites. Le Brésil souhaite pouvoir assurer une plus forte présence à la mer pour la surveillance de sa zone économique exclusive .

Les objectifs à 20 ans retenus pour la marine sont particulièrement ambitieux et concernent l'ensemble de ses composantes.

L'accroissement de l'autonomie des bâtiments et de la durée des patrouilles est à la base du programme ProSub de montée en puissance de la force sous-marine. Celle-ci est constituée de 5 sous-marins diesel d'origine allemande U-209, dont 4 entrés en service entre 1989 et 1999, et le 5 ème , version améliorée des quatre premiers, en 2005.

Le Brésil a décidé d'acheter à DCNS 4 sous-marins Scorpène à livrer entre 2017 et 2020 . Ces bâtiments répondent au besoin opérationnel de la marine. Le Brésil compte sur les transferts de technologie associés pour pouvoir réaliser à terme ses sous-marins en national et ne plus dépendre des fournisseurs étrangers pour leur maintenance.

A l'horizon 2025 un sous-marin nucléaire doit également être réalisé avec une coopération de la France sur les parties autres que la chaufferie nucléaire. L'ambition déjà ancienne du Brésil de disposer de sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) repose sur l'idée que grâce à leur mobilité, les SNA assurent une présence dissuasive et renforcent ainsi la sécurité des approches maritimes et celle de la flotte de surface.

Le Brésil a également prévu de moderniser le porte-avions São Paulo (ex-Foch). A l'horizon 2025, il serait remplacé par un porte-avions de même tonnage que le Charles de Gaulle, mais doté d'une propulsion conventionnelle. A terme, le Brésil prévoit un second porte-avions.

Un appel d'offres a été lancé pour un « package global » de 11 bâtiments de surface (projet Prosuper): 5 frégates, 5 patrouilleurs de haute mer et 1 bâtiment de soutien logistique. Ce contrat ne devrait être que la première étape d'un renouvellement beaucoup plus ambitieux, l'objectif final portant sur un total de 30 frégates, 12 patrouilleurs et 5 bâtiments de soutien logistique.

L'acquisition de 4 hélicoptères Seahawk de lutte anti-surface et anti-sous-marine est prévue.

La marine a également prévu d'augmenter le nombre de ses patrouilleurs côtiers et fluviaux, par acquisition de nouveaux bâtiments.

Le développement des capacités de la marine brésilienne exigera une forte augmentation des effectifs militaires , qui devraient passer de 59 600 aujourd'hui à 80 500 en 2030 (+ 35 %), ce qui nécessitera 1 000 engagements supplémentaires par an par rapport au niveau actuel.

Les orientations retenues pour l'armée de l'air

Le plan de modernisation (plan Fênix) porte sur l'ensemble des composantes de l'armée de l'air (aviation de combat, transport, hélicoptères) et prévoit l'acquisition d'une capacité nouvelle en drones.

Le Brésil a engagé la modernisation d'une centaine d'avions de combat en service : l'avion d'attaque au sol AMX (origine italo-brésilienne) et le chasseur F-5 (origine américaine). Il a récemment acheté des avions d'occasion à la France (12 Mirage 2000 en 2005) et à la Jordanie (11 chasseurs F-5).

Le renouvellement du parc d'avions de combat doit normalement démarrer à compter de 2014, avec un avion multirôle qui sera choisi dans le cadre du programme FX-2. Sont en concurrence sur ce programme le Rafale, le F/A-18 Super Hornet américain et le JAS-39 Gripen suédois. L'armée de l'air doit acquérir un premier lot de 36 avions de chasse pour un programme total de 120 avions. La décision sur le choix de l'avion a été reportée à 2012.

L'armée de l'air continue également à s'équiper d'avions Super Tucano, réalisés au Brésil par Embraer, adaptés à la lutte contre les narco-trafiquants et les guérillas dans la région amazonienne.

L'armée de l'air va renforcer sa flotte de transport avec l'acquisition de 28 KC-390 (transport/ravitaillement en vol) réalisés par Embraer et l'achat à EADS de Casa C-295 et C-212.

Parmi les 50 hélicoptères EC-725 Caracal achetés à la France, 16 sont destinés à l'armée de l'air. Celle-ci a également acheté à la Russie 12 hélicoptères d'attaque MI-35.

Enfin, l'armée de l'air a commencé à acquérir auprès de la société israélienne Elbit plusieurs systèmes de drones de surveillance .

Les orientations retenues pour l'armée de terre

L'armée de terre brésilienne compte 190 000 hommes, dont 20 % de conscrits.

Elle est engagée dans un redéploiement de ses effectifs du sud du pays, où ils sont concentrés, vers les frontières nord et ouest , en Amazonie , où elle entretient jusqu'à présent une présence réduite de petites unités isolées.

Les rémunérations, l'entraînement et le fonctionnement consomment une grande partie du budget des forces terrestres. Limité, le budget d'équipement n'a pas permis de renouveler les matériels le plus souvent vieillissants. Seules les unités parachutistes ou des forces spéciales disposent de moyens suffisants.

L'armée de terre n'est concernée qu'à la marge par les grands programmes de modernisation des équipements. Toutefois, le renouvellement du parc de blindés légers à roues a été engagé. Elle disposera également de 16 des 50 hélicoptères EC-725 Caracal achetés à la France. Un projet d'équipement du fantassin, similaire au programme français Felin, est à l'étude.

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