III. LA POLITIQUE DE DÉFENSE DU BRÉSIL ET LE VOLET « ARMEMENT » DU PARTENARIAT STRATÉGIQUE BILATÉRAL

La délégation a souhaité consacrer une partie importante de sa visite à la compréhension de la politique de défense du Brésil et de ses perspectives. C'est en effet dans ce cadre que s'inscrit un volet majeur du partenariat stratégique bilatéral, à savoir la coopération dans le domaine de l'équipement militaire.

Lors de son passage au salon aéronautique et spatial latino-américain (LAAD) , qui constitue le plus important salon du continent pour les équipements de défense, la délégation a pu rencontrer le ministre de la défense, M. Nelson Jobim. Celui-ci était accompagné du docteur Murilo Marques Barboza, secrétaire d'Etat aux équipements de défense nouvellement désigné. Etaient également présents les trois chefs d'état-major d'armées et le chef d'état-major conjoint des forces armées.

A Brasilia, la délégation s'est entretenue avec le général Elito Siqueira, ministre de la sécurité institutionnelle, qui assure le secrétariat des conseils de défense, et avec M. Carbonar, secrétaire général en charge des questions de défense au ministre des relations extérieures.

La défense aura été une priorité forte de la présidence Lula. Ce dernier a donné une forte impulsion politique, en s'appuyant sur un renforcement du rôle du ministre de la défense. Il s'est attaché à tracer des perspectives à moyen terme, articulées autour d'une stratégie nationale de défense. Le budget de la défense a bénéficié d'une augmentation soutenue qui devra être poursuivie si le Brésil entend atteindre les objectifs ambitieux qu'il s'est fixé en matière de modernisation de ses équipements. Cette politique est sous-tendue par une véritable stratégie industrielle, visant à développer une base industrielle et technologique de défense nationale.

La délégation a pu mesurer, à l'occasion du salon LAAD, le dynamisme des groupes industriels brésiliens dans le domaine des équipements de défense et de sécurité, et l'attente de partenariats équilibrés avec les entreprises des pays producteurs traditionnels.

C'est sur cette base de coopération, incluant des transferts de technologies, que se sont développées les relations entre la France et le Brésil en matière d'armements. Le Brésil est devenu en 2009 le premier client de la France en matière d'équipements de défense, en raison notamment de la conclusion de deux grands contrats portant sur des sous-marins et des hélicoptères.

A. LA DÉFENSE : UNE PRIORITÉ FORTE DE LA PRÉSIDENCE LULA

Durant les vingt années qui ont suivi le régime militaire, après 1985, les autorités brésiliennes ont marqué peu d'intérêt pour les questions de défense. Pour des raisons politiques, mais également du fait du contexte économique et financier, la défense ne figurait pas parmi les priorités budgétaires. S'en est suivi un affaiblissement de l'outil de défense, notamment un vieillissement des équipements et un déclin du secteur industriel national, particulièrement de l'industrie d'armement terrestre, à l'exception toutefois de l'avionneur Embraer, présent sur le marché civil.

Le président Lula , pour sa part, a manifesté d'emblée une attention soutenue à la défense dans toutes ses dimensions : stratégique, organisationnelle et industrielle.

Soucieux de préserver la souveraineté du Brésil sur l'ensemble de son espace national , mais aussi de développer la stature et le rôle international de son pays, Lula a engagé une ambitieuse refonte de la politique de défense .

Il s'est efforcé de mieux définir les objectifs stratégiques assignés aux forces armées, de mettre en place une organisation plus efficace pour leur mise en oeuvre et d'entreprendre un vaste renouvellement des équipements associé à des transferts de technologie au bénéfice de l'industrie brésilienne.

A la fin de l'année 2008, le Brésil a pour la première fois défini une stratégie nationale de défense reprenant les grandes orientations suivies durant la présidence Lula.

La mutation de l'appareil de défense brésilien s'opère lentement, du fait des contraintes budgétaires, mais également de la volonté de ne pas brusquer la haute hiérarchie militaire dont les prérogatives et le mode d'organisation et de fonctionnement sont appelés à évoluer.

1. La définition d'une stratégie de défense

L'adoption d'une stratégie nationale de défense constitue une première au Brésil. Le document publié fin 2008 rassemble et ordonne les objectifs définis au cours de la présidence Lula. En partie tributaire des compromis opérés en matière de défense, ce document constitue un premier pas vers l'élaboration d'une vision stratégique dépassant les logiques propres à chaque armée. Le Brésil envisage l'élaboration d'un Livre blanc plus détaillé, sur le modèle français.

La stratégie de défense du Brésil n'est pas conditionnée par une menace externe de nature militaire. Le Brésil est en paix avec ses voisins depuis 150 ans. Il a toujours privilégié l'arbitrage sur la force pour régler ses litiges internationaux, même s'il s'est engagé aux côtés des alliés durant la seconde guerre mondiale, en envoyant en Europe un contingent qui a participé à la campagne d'Italie.

La première priorité du Brésil consiste à assurer la surveillance et la protection de son espace territorial , terrestre, maritime et aérien, afin d'en garantir la souveraineté.

Dans cette perspective, son effort se concentre sur l' Amazonie et sur les approches maritimes .

L'Amazonie représente 12 % des réserves mondiales d'eau douce et une zone riche en ressources naturelles. Le Brésil veut protéger cet espace des trafics ou activités illicites qui pourraient s'y développer. Il veut aussi démontrer son aptitude à en assurer souverainement la protection de manière à éviter toute tentation d'établir un droit de regard international sur ce territoire considéré comme un patrimoine commun de l'humanité.

A cet effet, le Brésil a décidé de redéployer les moyens de l'armée de terre vers les frontières terrestres , de se doter d'équipements adaptés au besoin de mobilité dans cette zone et de développer des moyens de surveillance aériens et spatiaux .

En ce qui concerne, les approches maritimes , elles recèlent d'importants gisements de pétrole off-shore encore largement inexploités, ainsi que des richesses halieutiques et minérales. Le Brésil a forgé à ce sujet le concept d'Amazonie bleue . En septembre 2010, il a unilatéralement étendu la superficie de sa zone économique exclusive jusqu'à la limite maximale de 350 milles marins prévue par la convention de Montego Bay sur le droit de la mer. Cette extension permet de couvrir des gisements pétroliers supplémentaires.

La protection des espaces maritimes induit l'effort de grande ampleur planifié en faveur de la marine, avec la modernisation de la flotte de surface et des capacités sous-marines.

Au-delà de la priorité accordée à la surveillance du territoire national, le Brésil entend également accroître sa capacité d'intervention extérieure , en relation avec son ambition de jouer un rôle international plus affirmé et de devenir membre permanent du Conseil de sécurité.

En 2004, le Brésil a pris la tête de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) au sein de laquelle il déploie près de 1 300 militaires. Il a mesuré à cette occasion les efforts à entreprendre pour s'intégrer à des opérations de maintien de la paix.

Le 15 février 2011, le Brésil a pris le commandement de la composante maritime de la FINUL au Liban , dans laquelle il ne déploie cependant aucun bâtiment. Cette prise de responsabilité pourrait être le prélude à l'envoi d'un contingent à terre, un volume de 300 hommes étant évoqué.

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