Mmes Emmanuelle Wargon,
secrétaire générale des ministères
chargés des Affaires sociales,
et Annie Podeur,
directrice générale de l'offre de soins,
ministère du travail, de l'emploi et de la santé

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M. François Patriat , président. - Comment avez-vous vécu la RGPP, ses objectifs ont-ils été atteints et les économies réalisées ? Bref, l'efficacité est-elle au rendez-vous ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire générale des ministères chargés des Affaires sociales. - Les agences régionales de santé sont des pilotes régionaux de la politique de santé en matière de soins et de prévention. L'objectif est d'améliorer l'accès aux soins, la fluidité et l'efficacité des parcours et cela dans le respect de l'Objectif National des Dépenses d'Assurance Maladie (Ondam).

Le premier des outils est la régulation des crédits que les ARS distribuent en partenariat. C'et aussi le projet régional de santé et le schéma régional d'organisation des soins (SROS). Nous agissons par l'organisation territoriale, les autorisations d'activité et la répartition des enveloppes. L'objectif est d'assurer un bon maillage du territoire. Pour ce faire, le projet régional de santé est territorialisé ; une conférence par territoire définit les besoins. L'adéquation de l'offre peut mener à une restructuration des hôpitaux. Autant d'éléments très concrets pour un directeur d'Agence régionale de santé (ARS).

Mme Annie Podeur, directrice générale de l'offre de soins . - Les fermetures des centres hospitaliers sont exceptionnelles. Il peut arriver qu'une clinique privée ferme ; il s'agit dans les autres cas de reconversion et de recomposition. Il n'y a plus, depuis 2003, de carte sanitaire ni de carte hospitalière. A une organisation vue de Paris, l'on a substitué une organisation régionalisée. En revanche, lorsque l'on prépare un texte, l'on établit des études d'impact, ce qui est de bonne gestion.

L'ordonnance de 2003 a des précédents puisque dans les années 1980, l'on avait essayé de combiner une carte sanitaire et des schémas d'organisation sanitaire. La Cour des comptes a critiqué une dualité d'instruments, aussi a-t-on gardé le seul schéma régional. Les SROS répondent à quatre priorités : mieux évaluer les besoins de santé ; prendre en compte la dimension territoriale à travers des territoires de santé moins nombreux ; associer les professionnels, les élus et les usagers ; animer les territoires grâce à la conférence de territoire et à la conférence régionale de la santé et de l'autonomie (CRSA).

Oui, il y a des restructurations, des recompositions et oui, la reconversion d'un établissement fait l'objet d'une concertation sous l'égide de l'ARS. Tout retrait ou non-renouvellement d'autorisation donne lieu à consultation de la commission spéciale de la CRSA où siègent quatre élus (un conseiller régional, un président de conseil général, un représentant d'intercommunalité, et le représentant d'une commune). Au-delà, il est impensable qu'un directeur général d'ARS s'exonère d'une concertation préalable avec l'élu concerné.

L'on peut constater qu'un besoin a diminué. Un exemple défraie la chronique : la chirurgie cardiaque régresse au profit de la cardiologie interventionnelle ; il faut alors pour celle-ci un plateau qui répondre de manière fiable au besoin sur le territoire. Il peut également arriver que les conditions techniques de fonctionnement ne soient pas remplies. L'on examine l'activité de soins, les moyens mis en oeuvre et la capacité à poursuivre cette activité. La démographie médicale permet-elle de maintenir une équipe capable d'assurer la continuité des soins et la permanence de l'activité ? Il ne suffit pas d'organiser un défilé d'intérimaires. Le dialogue doit alors se nouer avec l'établissement, avec les élus. La faible attractivité de certains établissements montre parfois que les usagers ont déjà fait leur choix, le taux de fuite pouvant atteindre jusqu'à 90 %.

Le volontariat est plus positif. Des regroupements permettent une répartition d'activités et la construction de filières plus complètes et pérennes. En ce cas, la fermeture envisagée d'un service de chirurgie ou de maternité, peut être compensée par l'ouverture d'une unité de périnatalité, de soins de suite ou médicaux, afin d'apporter en toute sécurité une réponse plus satisfaisante. Cela se gère au long cours, sur une ou deux années et les élus y sont associés.

M. Didier Guillaume . - Jamais !

Mme Annie Podeur. - De 1996 à 2008, les ARH ont conduit 600 opérations ; il y en a encore eu 60 en 2009 et 2010. Je précise que 314 ont concerné la chirurgie et 212 l'obstétrique. Il s'agit essentiellement de services qui ont choisi de s'associer de se regrouper. La cancérologie est un merveilleux exemple parce les usagers ont apporté leur appui, on a eu le souci d'accompagner.

M. François Patriat , président . - Sortons de l'ambiguïté : êtes-vous concernées par la RGPP ? D'autre part, nous avons rencontré hier un préfet mécontent de l'indépendance de l'ARS.

M. Dominique de Legge , rapporteur . - Le directeur de l'ARS, quoique convié, n'est d'ailleurs pas venu... Plus sérieusement, le préfet doutait de la capacité de l'ARS à faire face à une crise sanitaire d'urgence.

Quelles relations entretenez-vous avec les autres services déconcentrés de l'Etat ? Quel est le rôle territorial des ARS, sur lequel Claude Evin s'interrogeait, et le partage des compétences entre l'ARS et les autres services de l'Etat est-il clair ?

Des maisons de santé fleurissent ici ou là. Quand leur ouverture est conditionnée à un concours des collectivités territoriales, n'y a-t-il pas transfert de charges sur ces dernières, amenées à intervenir dans le financement de la politique de santé ?

Enfin, serez-vous concernées demain par la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux ?

Mme Emmanuelle Wargon. - La RGPP s'applique aux ARS, pas aux établissements. Les agences emploient 7 500 fonctionnaires et 1 500 agents de l'assurance maladie sous convention collective de celle-ci. Nous avons supprimé 144 emplois en 2011, dont 119 côté Etat.

Mme Annie Podeur. - La fonction publique hospitalière échappe à la règle du non-renouvellement d'un départ sur deux, qui pourrait porter atteinte à la qualité des soins. Il incombe aux établissements autonomes de définir les moyens à allouer aux activités qui leur sont confiées, en assurant la qualité de soins avec efficience. Des consignes sont données pour qu'ils équilibrent leur budget  (c'est l'objet de l'état des prévisions des recettes et des dépenses) ; un regard vigilant est porté sur le procès de soins, l'organisation est améliorée, les recrutements nécessaires opérés. A cet égard, Hospi-diag est un comparateur qui permet de rapporter la productivité d'un établissement au PMSI (nous l'étendons actuellement à la psychiatrie). Les taux d'encadrement connaissent des écarts énormes. L'on constate des améliorations constantes sur le fonctionnement.

Mme Emmanuelle Wargon. - L'ARS est un service régional dont le préfet préside le conseil de surveillance. Sa situation n'est pas différente de celle du rectorat ou de la direction des finances publiques. Les relations sont globalement bonnes avec les préfets de région -sur 26 couples, 24 ou 25 sont tout à fait harmonieux. Les choses sont plus délicates au niveau départemental en raison de la réforme des services déconcentrés. Les ARS regroupent quant à elles une dizaine de structures plus les DDASS, que pilotaient déjà les ARH. Le choix a été laissé à chaque ARS de trouver son organisation. Dans les régions qui ne comptent que deux départements, comme le Nord-Pas-de-Calais, le siège est très présent, ne laissant à la délégation territoriale que des compétences réduites ; elles jouissent ailleurs de plus d'autonomie, quitte à s'appuyer sur le siège. Quand le lien vertical est très fort, il y a une hiérarchie entre le siège et le délégué territorial. Une clarification doit tendre vers l'uniformité, mais cela se traduira par un renforcement de la transversalité là où elle n'est pas assez affirmée. La construction est récente et, déjà, le contrat d'objectifs et de moyens prévoit que d'ici la fin de l'année tout poste fera l'objet d'une fiche.

Les ARS travaillent avec les directions départementales de la cohésion sociale. Nous avons commencé à coordonner notre action avec les directions régionales de la jeunesse des sports et de la cohésion sociale. Nous en sommes à la quatrième circulaire, la dernière portant sur la MDPH (maison départementale du handicap). Les ARS participent aux CAR (comités de l'administration régionale).

La gestion de crise ? Des protocoles ont été signés avec les préfets de région. Nous avons déjà connu plusieurs crises et, après une période blanche en début de période, les remontées ne justifient aucune inquiétude, même s'il faut rester humble. En région Paca comme en Languedoc-Roussillon, le préfet et le directeur de l'ARS ont travaillé en bonne intelligence.

M. Didier Guillaume . - Plusieurs commissions portent le même nom de sorte que mes collègues, conseillers généraux ou présidents de conseil général, ont besoin d'être éclairés, sans quoi, ils ne mettront plus les pieds dans ces aréopages.

Je me demande si la sécurité des soins ne passe pas après les considérations budgétaires. Bien sûr, il pourrait y avoir plus de patients dans tel ou tel hôpital local, mais faut-il pour autant considérer qu'il ne peut y avoir d'hôpital qu'à Paris, Bordeaux, Toulouse, Strasbourg, Lyon et Montpellier ? Dans ma région, des hôpitaux attendent des crédits pour leur rénovation : pour l'instant, ils n'ont que ceux des collectivités... Pendant ce temps, des maternités ferment en raison des normes -mais qui donc les établit ?

Le directeur de l'ARS juge que la maternité de Die n'est pas rentable. La mobilisation l'a sauvée. Il ne faut pas, sur de tels sujets, raisonner en distance, mais en temps de parcours, parce que l'on n'a pas le temps d'aller à Valence lorsque les choses ne se passent pas bien. Quand je vois qu'on manque de généralistes, je m'interroge sur le risque de certains changements. Je plaide pour qu'on ne compte pas en kilomètres, mais en minutes.

M. François Patriat , président . - Dans l'Yonne, 45 % du territoire n'a pas d'accès direct aux soins le week-end.

M. Dominique de Legge , rapporteur . - Vous ne m'avez pas répondu sur les maisons médicales.

M. Alain Houpert . - J'ai plus de relations avec l'ARS en tant que médecin qu'en tant que sénateur. Les ARS semblent hors sol. Il serait bon que leur directeur rencontre les parlementaires : nous ne mordons pas ! Nous avons tous une même mission : faire que ça marche. Il m'a fallu un mois pour obtenir un rendez-vous avec le précédent directeur général de l'ARS de Bourgogne. À se couper ainsi du terrain, on perd en réactivité !

M. François Patriat , président . - Pour ma part, je n'ai nullement à me plaindre du directeur général de l'ARS, qui est toujours venu me voir, sur tous les dossiers.

M. Gérard Miquel . - Dans le Lot, nos avons mis rapidement en place les maisons du handicap, dès lors que la compétence était transférée au département. Mais les moyens n'ont pas suivi. Les personnels des Ddass se sont vu proposer le choix entre un maintien dans les services de l'État ou un transfert au conseil général ; beaucoup ont opté pour l'État, obligeant le département à recruter du personnel. Or la compensation de cette charge par l'État n'a été que très partielle. C'est anormal.

Mon département attirant beaucoup de retraités, nous avons créé nombre d'établissements pour personnes âgées dépendantes, presque tous publics. Alors qu'un accord avait été signé entre le préfet et président du conseil général autorisant un tel établissement et que nous en étions à l'ordre de service aux entreprises, l'ARS a annoncé qu'elle ne suivrait pas, faute de moyens. Il faut passer par le filtre de l'appel à projet régional, dites-vous, mais les élus ne comprennent pas que la signature de l'État ne soit pas honorée ! Le préfet et moi-même sommes très mécontents.

Mme Emmanuelle Wargon - Le nombre d'instances de concertation incluant les élus est en effet élevé. Nous incitons les directeurs généraux d'ARS à développer des relations bilatérales. Il serait bon qu'ils nouent des relations avec les élus nationaux. Certains le font spontanément, d'autres ont pris plus de temps pour installer les relations institutionnelles.

Le dossier des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) est compliqué. L'État récupère en surnombre des agents qui se sont vu offrir un droit de retour, et doit rembourser aux collectivités la masse salariale engagée pour recruter. En attendant la proposition de loi Blanc, nous avons trouvé des crédits en gestion 2011, centralisés sur le programme 157, à hauteur de 5,7 millions d'euros, pour rembourser autant que possible cette dette. L'État est aujourd'hui dans une situation paradoxale, d'autant que le retour de ces agents en surnombre, pour certains sans mission, peut bloquer sa capacité de recrutement.

S'agissant de l'EHPAD de M. Miquel, nous essayons d'honorer la parole de l'État. Les ARS doivent mettre en place des appels à projet, mais rien ne les empêche de traiter en priorité les dossiers déjà engagés ! L'Ondam médico-social ayant été dépassé l'an dernier, la campagne budgétaire médico-sociale est soumise cette année à une forte contrainte budgétaire, et il est difficile de financer de nouveaux projets. Nous avons plutôt essayé d'honorer les conventions de médicalisation déjà signées dans les EHPAD. Je regarderai le dossier.

M. Gérard Miquel - J'ai écrit au ministère sur le sujet.

Mme Annie Podeur - Vous avez le sentiment que le maillage territorial se détend...

M. François Patriat , président . - C'est un sentiment d'abandon !

Mme Annie Podeur - Il faut mettre les choses en perspective. L'organisation sanitaire française est la plus hospitalo-centrée, nous sommes le pays avec le plus d'hôpitaux par rapport à la population.

M. Didier Guillaume - Nous ne voulons pas que cela change !

Mme Annie Podeur - La réponse réside dans notre capacité à structurer une réponse au besoin de soins dans le champ ambulatoire, et d'éviter une dégradation de l'état de santé telle qu'il faille un plateau technique. La filière de soins doit proposer une réponse allant du généraliste de proximité au plateau technique à vocation interrégionale.

Si nous fermons de petits plateaux, comme à Die, ce n'est pas pour faire des économies mais parce qu'il est très difficile d'y attirer des médecins. Qu'ils soient libéraux ou salariés, ceux-ci souhaitent travailler en équipe. La complexité des savoirs, la nécessité d'une approche pluridisciplinaire encouragent le développement d'autres modes de prise en charge. La France est en retard en matière de télémédecine, réponse qui offre, en proximité immédiate, l'intermédiation du médecin généraliste ou de l'hôpital de proximité. Nous avons tous les outils pour assurer la continuité des soins.

Les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) sont un exemple de collaboration réussie avec les préfets. Une circulaire de 2010 prévoit un plan d'implantation de 250 MSP en milieu rural sur trois ans, et une commission de sélection régionale coprésidée par le directeur général de l'ARS et le préfet. La condition est que le projet de MSP repose bien sur un projet médical, autour du regroupement de professionnels de santé, avec un souci de pérennité et d'attractivité.

Vous parlez de transfert de charges vers les collectivités territoriales ? L'assurance maladie, via le fonds d'aide à la qualité des soins de ville, apporte 50 000 euros pour amorcer des MSP en zone rurale, le double en zone urbaine sensible. Le fonctionnement est intégralement financé par l'assurance maladie, qui expérimente de nouveaux modes de rémunération. Les crédits à la main des préfets - DGE et FNADT - sont un levier pour obtenir des fonds européens. L'État ne tend nullement la sébile aux collectivités, qui ne sont en rien obligées de contribuer. Les crédits qu'elles apportent viennent en sus.

Le bilan est encourageant, avec 205 projets en milieu rural et 43 en zone urbaine. Les choses sont plus difficiles en zone urbaine sensible. La loi HPST prévoit que lorsque l'initiative libérale fait défaut, un établissement de santé peut apporter une réponse de proximité, via un centre de santé qu'il gère, mais c'est bien la réponse libérale que le Président de la République et le gouvernement nous demande d'encourager.

Ces maisons départementales sont un exemple de collaboration réussie entre les préfets et les directeurs généraux d'ARS.

M. François Patriat , président . - Merci. La Bourgogne a créé quatorze maisons de santé, financées par la région, le département et la communauté de communes, mais nullement par l'État. La région n'a pas la compétence santé ! Il est anormal à mes yeux que les départements construisent des gendarmeries, mais il est logique qu'ils contribuent aux maisons médicales.

Mme Annie Podeur . - Les modalités de financement feront l'objet d'une évaluation. Je peux pour ma part vous citer 150 maisons de santé qui n'ont pas demandé un sou à une collectivité locale !

Sur les contrats d'engagement de service public, les bourses accordées aux étudiants en médecine, l'État prend le relais des collectivités territoriales, et ce sur dix ans.

Mme Emmanuelle Wargon - Le partenariat en Bourgogne est exemplaire ; il faut dire que votre vice-présidente est très engagée, et que vous n'oubliez pas les transports, essentiels pour l'accès aux soins en milieu rural.

M. Dominique de Legge , rapporteur . - Je pourrais citer bien des exemples en Bretagne où la commune a été maître d'ouvrage d'une maison médicale, et où l'amortissement n'est pas couvert... Les médecins, dont la rémunération n'a déjà rien de libéral, demandent en outre qu'on leur fasse des conditions matérielles incitatives !

M. Didier Guillaume - Derrière les fermetures, il y a une conception de l'aménagement du territoire. Une maternité qui ferme, c'est des gens en moins sur le territoire, des élèves en moins dans les écoles ! La présence publique entraîne un cercle vertueux, notamment dans les territoires ruraux. L'organisation des soins doit être différenciée selon les territoires !

Mme Annie Podeur . - L'aménagement du territoire n'est pas étranger à nos préoccupations. Permettez-moi de vous faire une réponse alternative. Vaut-il mieux, pour la vie de la commune, avoir une succession de médecins qui viennent assurer des vacations dans un hôpital, ou une maison de santé qui fonctionne, qui fait venir de jeunes médecins et de jeunes infirmières qui s'installent sur le territoire ? En termes de dynamisme, mieux vaut une réponse ambulatoire plutôt que de tout miser sur des plateaux techniques hospitaliers, qui ne seront jamais pointus.

Les hôpitaux locaux sont des espaces de vitalité, des interfaces entre ville et hôpital, sanitaire et médico-social. Ils rendent de grands services, notamment pour le maintien des personnes âgées. On ne peut pas dire qu'en engageant une reconversion vers les soins de suite, on en fait des mouroirs !

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