D. LE REMBOURSEMENT

L'octroi et le maintien d'un taux élevé de remboursement (65 %) n'a cessé de surprendre les membres de la mission commune d'information.

Elle a cherché à comprendre les mécanismes qui ont présidé à la fixation du prix et du taux de remboursement de ce produit.

Sans attendre le déremboursement des médicaments à SMRI, prévu par le décret du 27 octobre 1999 mais qui n'a été engagé qu'à partir de 2003, les gouvernements successifs ont organisé entre 2003 et 2008 des vagues successives de baisse du prix de ces médicaments, sur indication du Comité économique du prix des produits de santé (Ceps), d'une part, et de baisse du taux de remboursement , d'autre part.

Il s'agissait de démarches négociées avec les laboratoires, qui pouvaient opter pour un déremboursement plutôt qu'une baisse de prix. De même, il avait été créé à titre provisoire un taux de remboursement à 15 %.

Pour le Mediator, les baisses de prix ont atteint au total 20,5 % entre 2000 et 2002, réparties comme suit : 10 % en novembre 2000, 7 % en novembre 2001, et 5 % en novembre 2002.

Les deux premières baisses de prix ont été engagées par voie d'accord conventionnel entre l'entreprise et le Ceps. La troisième baisse a été décidée unilatéralement, par arrêté du 4 octobre 2002, faute d'accord avec l'entreprise qui a engagé un recours, dont elle a été déboutée le 30 mars 2005.

Auditionné par votre mission commune d'information, M. Noël Renaudin, alors président du Ceps, a souligné que le Mediator avait été traité comme les autres spécialités à SMRI, et qu'il n'avait pas eu à connaître par ailleurs de ce médicament en dehors des baisses de prix de la période 2000-2002 46 ( * ) .

1. L'échec des tentatives de baisse du taux de remboursement

A l'automne 2001, le Mediator a fait partie des médicaments inscrits dans la deuxième vague de baisse du taux de déremboursement (de 65 % à 35 %). Comme la réglementation lui en laissait la possibilité, l'entreprise a contesté la baisse du taux de remboursement du Mediator, faisant état d'une modification du libellé d'AMM pour l'indication relative au diabète, et de travaux en cours sur l'efficacité du Mediator comme alternative à la metformine, médicament de base dans le traitement du diabète.

La direction de la sécurité sociale a proposé aux ministres successifs de baisser sans attendre le taux de remboursement du Mediator, au regard notamment de son coût pour l'assurance maladie (30 millions d'euros en 2001). Plusieurs notes en ce sens, datées du 24 décembre 2001, du 8 août 2002, du 11 décembre 2002 et du 25 février 2003, sont restées sans suite, selon les inspecteurs de l'Igas.

Auditionné par votre mission commune d'information, M. Jacques de Tournemire, ancien conseiller pour les industries de santé auprès du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (2002-2004), a minimisé les enjeux financiers : « Au regard d'une masse globale de 15 milliards d'euros, la réduction du taux de remboursement du Mediator représentait un enjeu financier mineur : 10 millions par an pour un chiffre d'affaires de 30 millions par an » 47 ( * ) , en ajoutant que le Mediator avait alors vocation à être déremboursé prochainement comme médicament à SMRI.

Toujours lors de cette audition, M. Jacques de Tournemire a estimé que le rapport de l'Igas sous-estimait les difficultés administratives d'une procédure de déremboursement, en rappelant la procédure engagée par plusieurs laboratoires : « Le 18 décembre 2002, le Conseil d'Etat, saisi par certains laboratoires, déclara que les avis de la commission de la transparence, parce qu'ils étaient insuffisamment motivés, ne pouvaient pas servir de base à une décision administrative de déremboursement, décision qu'il confirma officiellement le 20 juin 2003. Entre ces deux dates, l'ensemble des décisions de déremboursement prises sur ces bases étaient donc fragilisées. D'où la décision du ministre de demander à la commission de la transparence de réécrire les avis sur les six cents médicaments à SMR modéré ou faible ; dont le taux de remboursement fut réduit en avril 2003 pour une économie de 400 millions » 48 ( * ) .

La difficulté d'une procédure de déremboursement a aussi été soulignée, lors des auditions de votre mission commune d'information, par M. Jean-François Mattéi, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (2002-2004), dont M. Jacques de Tournemire était le conseiller 49 ( * ) .

L'impact sur la prescription et la consommation de médicaments d'une baisse du taux de remboursement - et non d'un déremboursement - fait l'objet d'appréciations diverses : faible pour certains, comme les inspecteurs de l'Igas et M. Jacques de Tournemire, cet effet est au contraire jugé important par d'autres, comme M. Daniel Bideau, administrateur de UFC-Que choisir 50 ( * ) .

Le déremboursement des médicaments à SMRI s'est effectué en trois vagues. La première vague de déremboursement visait d'abord les médicaments qui n'avaient pas leur place dans la stratégie thérapeutique.

Lorsque s'est engagé le déremboursement des médicaments à SMRI, entre 2003 et 2006, le Mediator faisait partie de la troisième vague de médicaments.

Ancien conseiller chargé des industries de santé au cabinet du ministre, M. Jacques de Tournemire affirme s'être interrogé sur l'absence du Mediator parmi les médicaments faisant partie de la première vague de déremboursement, alors qu'il avait été donné une consigne aux services d'établir la liste de médicaments la plus exhaustive possible 51 ( * ) .

Lors de son audition par votre mission commune d'information, M. Jean-François Mattei, ancien ministre de la santé, a toutefois souligné les risques de contentieux qui avaient incité le Gouvernement à agir prudemment dans la mise en oeuvre des procédures de déremboursement :

« Ensuite, les trois vagues répondaient à un ordre logique : les produits les plus contestables, puis les produits disponibles en automédication, enfin les produits dépourvus de remplaçants. Ces critères étaient parfaitement objectifs, a reconnu l'Igas dans son rapport. Afin de prévenir une annulation en Conseil d'Etat pour motivation insuffisante de la commission de la transparence - revers qu'avait essuyé mon prédécesseur en décembre 2002, dont j'ai dû assumer les conséquences -, je demandai une nouvelle évaluation approfondie par la commission de la transparence de tous les médicaments. Les firmes pharmaceutiques eurent la possibilité de faire valoir leurs observations. Je tentai de rattraper l'annulation du Conseil d'Etat par une validation législative ; le Conseil constitutionnel censura la disposition, au motif qu'elle constituait un cavalier législatif, en juillet 2003 » 52 ( * ) .

Responsable du remboursement ou du déremboursement des médicaments, le Gouvernement a été amené à se prononcer en juillet 2006 sur les médicaments à SMRI dont fait partie le Mediator. Sur la base des travaux précités de la commission de la transparence rendus le 10 mai 2006, le Gouvernement a alors estimé ne pas être en mesure de se prononcer en ce qui concerne le Mediator. Juridiquement, il ne disposait pas d'un avis motivé de la commission de la transparence. Techniquement, le déremboursement d'une seule des deux indications (concernant les hypertriglycéridémies) apparaissait complexe à gérer, tant par les médecins que par les caisses d'assurance maladie, mais possible.

Au regard des éléments figurant au dossier de pharmacovigilance, les inspecteurs de l'Igas estiment que l'Afssaps aurait pu être saisie d'une demande de suspension du médicament, à défaut de son déremboursement.

Toujours lors de son audition par votre mission commune d'information, M. Jacques de Tournemire a toutefois estimé, qu'il n'était juridiquement pas possible de retirer l'AMM des produits à SMRI comme alternative au déremboursement 53 ( * ) .

2. Un coût élevé pour la collectivité

La mission commune d'information souligne l'importance du volet de remboursement, qui n'est pas sans lien avec le niveau des prescriptions constatées.

Si l'on excepte le taux de remboursement de 100 % pour les médicaments coûteux et sans alternative thérapeutique, le Mediator a ainsi toujours été remboursé par l'assurance maladie obligatoire au taux maximum , soit 70 % (taux ramené à 65 % en 1993), malgré un SMRI . Les assurances complémentaires sont intervenues pour compléter le remboursement du médicament, ce qui aurait d'ailleurs également été le cas s'il avait été procédé au remboursement à un taux réduit (taux de 40 %, ramené à 35 % en 1993).

Dans la procédure engagée par les caisses d'assurance maladie obligatoire et complémentaire à l'encontre du laboratoire pour le maintien d'un médicament à SMRI, sur la période 1999-2009 , les dépenses engagées au titre de l'assurance maladie ont atteint 324,89 millions d'euros et les remboursements par les mutuelles et les assurances complémentaires s'élèvent à 98,71 millions d'euros, soit 423,6 millions d'euros pour les remboursements du Mediator par les caisses d'assurance maladie obligatoire et complémentaire .

Ces chiffres n'incluent pas le coût du traitement des effets secondaires.


* 46 Audition du 15 février 2011.

* 47 Audition du 3 mars 2011.

* 48 Ibid.

* 49 Audition du 8 février 2011.

* 50 Audition du 5 avril 2011.

* 51 Audition du 3 mars 2011.

* 52 Audition du 8 février 2011.

* 53 Audition du 3 mars 2011.

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