G. ÉLÉMENTS POUR UN ACCORD

1. Les raisons de la décentralisation

Elles font l'unanimité mais leur mise en pratique reste relative suivant la motivation et les circonstances.

La décentralisation favorise la démocratie, prend en compte les réalités, mobilise les ressources, sert la réforme de l'État. Elle peut être un thème de rassemblement politique.

a) Avec la décentralisation, le nombre de décideurs s'élargit considérablement

Notre pays compte environ 520 000 élus locaux qui disposent aujourd'hui d'un authentique pouvoir.

Cet élargissement du nombre de décideurs s'accompagne d'une réelle démocratisation : ces élus peuvent appartenir à des catégories, à des classes sociales très différentes de celles dont sont issus les décideurs centraux.

Avancée encore de la démocratie dans la mesure où la décentralisation permet une information, une consultation, une participation des habitants de la collectivité.

Elle enrichit la citoyenneté par la démocratie participative qu'elle peut entraîner et l'extension du champ des compétences qui font l'objet d'un nouveau pouvoir de la démocratie représentative.

Au moment où nous connaissons une « fracture politique », il nous faut tout mettre en oeuvre pour tenter de la réduire.

La décentralisation ne se limite pas à « une simple optimisation du fonctionnement administratif » de l'État 289 ( * ) , à un simple transfert de décisions de celui-ci aux collectivités territoriales.

Dans un État garant du pacte républicain, elle est un nouveau pouvoir donné à chaque citoyen pour son quotidien et son futur. À nous, élus, de lui faire comprendre qu'il dispose d'un pouvoir sur les services qu'apportent l'école, la mairie, le centre communal d'action sociale... A nous de démontrer qu'il a un pouvoir sur le montant de ses impôts et l'usage qui en est fait par les élus qu'il se donne.

La décentralisation apparaît comme un nouveau pouvoir donné à chaque citoyen, une nouvelle capacité pour faire vivre un projet territorial qui intéresse chacune et chacun, toutes et tous, à titre privé ou public.

Ainsi comprise et vécue, la décentralisation est - entre autres - une voie pour réduire cette dramatique « fracture politique ».

Encore faut-il que tous les acteurs s'investissent pour intéresser nos concitoyens, se saisissent de la proximité pour faire oeuvre de pédagogie civique et reconstruire une véritable société civique plaçant au centre l'explication et non la communication, la recherche de participation et non la séduction, le bien commun et non l'audience médiatique.

Cette société civique a des exigences : au tout premier rang l'implication responsable de tous les acteurs, du Président de la République au conseiller municipal, du directeur de l'administration centrale à l'adjoint administratif, du magistrat au préfet, des médias aux banques...

Les élus en charge de la décentralisation ont une responsabilité particulière dans cette réanimation de la société civique. Ils ont un rapport à la population, au temps, à l'espace très étroit. Ils sont identifiés, visibles et accessibles. Parmi eux, le maire conserve une légitimité de premier ordre.

Comme tout exécutif territorial, il dispose d'une liberté décisionnelle, d'une capacité à agir, à intervenir que le parlementaire n'a pas.

Confronté à l'épreuve de la réalité et de la vérité il doit justifier, expliquer, rendre compte, débattre. Sa liberté décisionnelle est encadrée, elle n'est pas personnelle mais collective, elle s'appuie sur des coopérations, elle a ses limites mais elle existe ou peut exister.

Les dispositifs d'association des citoyens à la décision locale ne manquent pas.

Les dispositifs d'association des citoyens à la décision locale

La reconnaissance des organismes consultatifs par le Code général des collectivités territoriales (CGCT) a connu une nette accélération depuis le début des années 2000.

A) Les conseils de quartiers

Mesure phare de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, les conseils de quartier doivent être créés dans les communes de plus de 80 000 habitants. Les communes dont la population est comprise entre 20 000 et 79 999 habitants peuvent également appliquer ces dispositions.

On constate une évolution constante du nombre de conseils de quartier ainsi que du nombre d'adjoints de quartier. Ces chiffres étaient évalués en effet à 292 conseils et 56 postes d'adjoints en 2002 ; 982 conseils et 379 postes d'adjoints en 2003 ; 1 177 conseils et 409 postes d'adjoints en 2004 ; 1 305 conseils et 494 postes d'adjoints en 2005; 1 495 conseils et 817 postes d'adjoints ou délégués aux quartiers, ces deux catégories étant confondues en 2006 ; 1 583 conseils de quartier et 655 postes d'adjoints chargés de quartier en 2007, selon les informations rassemblées par la Direction générale des collectivités locales.

A la suite du renouvellement général des conseils municipaux de mars 2008, il ressort des chiffres communiqués par les préfectures, au 15 septembre 2009, que 1 552 conseils de quartier sont mis en place et que 731 postes d'adjoints de quartier ont été institués.

B) Les commissions consultatives

En sus de la question spécifique des conseils de quartier, les communes peuvent être amenées à créer différentes formes de commissions extra-municipales.

Tout d'abord, un conseil municipal peut créer des comités consultatifs sur tout problème d'intérêt communal concernant tout ou partie de son territoire et comprenant des personnes qui peuvent ne pas appartenir au conseil, notamment des représentants des associations locales (article L. 2342-2 du CGCT).

Sur ce fondement juridique, les communes ont ainsi pu créer des commissions extra-municipales, des conseils municipaux d'immigrés ou d'enfants.

Ensuite, la commission consultative des services publics locaux constitue une espèce particulière de commission consultative. Sa création est prévue dans les régions, les départements, les communes de plus de 10 000 habitants, les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 50 000 habitants et les syndicats mixtes comprenant au moins une commune de plus de 10 000 habitants pour l'ensemble des services publics qu'ils confient à un tiers par convention de délégation de service public ou qu'ils exploitent en régie dotée de l'autonomie financière.

Les établissements publics de coopération intercommunale dont la population est comprise entre 20 000 et 50 000 habitants peuvent créer une commission consultative des services publics locaux dans les mêmes conditions. Cette commission, présidée par le maire, le président du conseil général, le président du conseil régional, le président de l'organe délibérant, ou leur représentant, comprend des membres de l'assemblée délibérante ou de l'organe délibérant, désignés dans le respect du principe de la représentation proportionnelle, et des représentants d'associations locales, nommés par l'assemblée délibérante ou l'organe délibérant. En fonction de l'ordre du jour, la commission peut, sur proposition de son président, inviter à participer à ses travaux, avec voix consultative, toute personne dont l'audition lui paraît utile.

C) La consultation des électeurs

L'ensemble des collectivités territoriales peut aujourd'hui consulter les électeurs. Cette disposition dont bénéficiaient les communes depuis 1992 a été étendue aux autres collectivités territoriales par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Les électeurs de la commune (ou du département ou de la région) peuvent être consultés sur les décisions que les autorités municipales (ou départementales ou régionales) sont appelées à prendre pour régler les affaires de la commune. D'une manière générale, tous les électeurs de la collectivité sont consultés. Toutefois, il est possible de ne consulter que ceux concernés par des affaires intéressant telle ou telle partie de son territoire.

Ce dispositif n'est cependant que rarement mis en application. La DGCL a ainsi recensé 233 consultations entre 1995 et 2009.

D) Le référendum local

Le référendum local permet au corps électoral de se substituer aux organes élus pour prendre une décision sur une affaire locale. Le caractère décisionnel du référendum est, néanmoins, conditionné par un niveau suffisant de participation des électeurs.

Le conseil municipal peut décider de soumettre à référendum local tout projet de délibération relatif à une affaire de la compétence de la commune. Le maire, seul, peut proposer au conseil municipal de soumettre à référendum local tout projet d'acte relevant des attributions qu'il exerce au nom de la commune, à l'exception des projets d'acte individuel.

Dans une même délibération, le conseil municipal détermine les modalités du référendum local, fixe la date du scrutin, convoque les électeurs et précise le projet de délibération ou d'acte qui sera soumis à référendum local. Le projet est adopté si la moitié au moins des électeurs a pris part au scrutin et s'il réunit la moitié des suffrages exprimés. À défaut, il n'a qu'une valeur consultative.

Depuis l'entrée en vigueur de l'ensemble du dispositif législatif et réglementaire, aucune région et aucun département n'ont organisé de référendum local.

En ce qui concerne l'échelon communal, on en dénombre 25 entre 2005 et 2007 (dont 12 ont été annulés par les juridictions administratives, leur objet portant dans un cas sur une décision individuelle et, dans les autres, relevant de la compétence d'autorités autres que municipales).

Dans une petite commune, rien ne remplace la réunion.

Il faut aussi pouvoir compter avec les différents mouvements associatifs, syndicaux, mutualistes, les composantes de ce que l'on nomme improprement « la société civile ». Comme la « société politique », elle peut avoir ses imperfections, ses déviations. Tout le monde n'a pas la même capacité d'expression, de pression !

Un travers que doit éviter l'élu : l'entre-soi de l'hémicycle, de la salle de réunion, de la commission, du comité, du bureau, des techniciens... L'élu doit aller à la rencontre de tous ses concitoyens. Ce n'est pas chose facile. Il faut du temps, des connaissances rendues accessibles, savoir écouter, accepter les adversités, travailler collectivement, déléguer, dépasser les frontières et les spécialités, partir du quotidien pour travailler sur un horizon.

Les nouvelles technologies, aussi performantes soient-elles, ne peuvent se substituer à ces fondamentaux dont elles ne sont que les serviteurs.

Restent les pires ennemis de la pédagogie civique : le découragement et la démagogie.

La pédagogie civique suppose un débat effectif et sincère, par exemple sur la nature de l'État, la place et le rôle des services publics, la consistance et la fiscalité des prélèvements obligatoires, le rôle des collectivités territoriales...

N'invoquons pas la complexité pour évacuer nos devoirs. N'esquivons pas le débat.

Opposer « collectivités territoriales » et « entreprises » ne correspond pas à la réalité, tout comme est très discutable cette idée que « l'État gouverne » et que « les collectivités territoriales gèrent » . 290 ( * )

L'évidence démocratique d'une décentralisation bien comprise constitue une chance pour la réalisation d'un modèle institutionnel moderne.

b) La décentralisation permet la prise en compte des réalités territoriales et de leurs composantes.

Le concept de proximité traduit une volonté justifiée par une situation hier ignorée.

Personne ne conteste l'unité, l'indivisibilité de notre République. Personne, parallèlement, ne peut contester sa diversité constitutive de richesse, de liberté.

Cette diversité ressort de notre propre organisation : nos communes, départements, régions, pour avoir le même cadre juridique, ne sont identiques ni par la géographie, ni par la démographie, ni par l'économie, ni par la culture.

Notre droit a d'ailleurs introduit des spécificités, y compris en métropole : qu'il s'agisse des collectivités à statut particulier (Paris, Lyon, Marseille, la région Île-de-France et la collectivité territoriale de la Corse) ou à régime particulier (par exemple l'Alsace et la loi de 1905 291 ( * ) ).

Nos collectivités ne font pas toutes le même rapport avec le citoyen, avec l'État, avec le temps 292 ( * ) . À titre d'exemple, l'organisation de l'aide à domicile en milieu urbain et en milieu rural ne s'organise pas de la même manière, les coûts ne sont pas les mêmes, pas plus que les contraintes (de transport...) à surmonter pour une prestation de service identique. Gardons-nous de fixer des « coûts standards » généraux !

Il faut compter avec la diversité des identités 293 ( * ) , leur force plus ou moins grande d'influence, la variation des conjonctures. Nous avons des collectivités qui anticipent, d'autres gèrent.

c) La décentralisation contribue à une meilleure mobilisation des ressources

Il est incontestable que la décentralisation permet des projets, des démarches, des réalisations dont le gouvernement central - ou ses représentants - n'aurait pas eu l'initiative. Elle permet aussi des améliorations : nombre des interlocuteurs du groupe de travail rencontrés dans les territoires, élus ou fonctionnaires, ont ainsi souligné que les nombreux bâtiments de qualité, neufs ou rénovés, au service de notre système scolaire sont le fruit du transfert des collèges et lycées aux départements et régions.

La carence de l'État n'est pas nécessairement délibérée mais résulte souvent de l'éloignement, de l'ignorance des situations locales, de l'absence de moyens.

La mobilisation des ressources due aux collectivités territoriales peut tout aussi bien concerner les finances locales, les savoirs professionnels que la société civile ou l'opinion. Elle peut entraîner l'État.

Bon nombre de réformes importantes ont été initiées au niveau local : le RMI/RSA en est un bon exemple dans le domaine social. Vidal de la Blache ne s'y était pas trompé lorsqu'il écrivait qu'une contrée est un réservoir où dorment des énergies.

d) La décentralisation aide à la réforme de l'État

En transférant au local, l'État allège heureusement ses actions. C'est toute la question de son retour sur ses « fonctions essentielles », sur ses « fonctions régaliennes » que chacun définit selon son idéologie. Sous cette réserve, personne ne peut contester cette rationalisation.

D'aucuns aspirent à des clarifications cartésiennes entre l'État et nos collectivités, via une distribution expresse par les textes des attributions de chacun : c'est tout simplement oublier que nous ne sommes pas un État fédéral, ni même un État régionalisé comme peuvent l'être l'Espagne ou l'Italie. Nous sommes un État unitaire et il ne me semble pas souhaitable d'en changer la nature.

Ceci étant, il convient de s'accorder sur les moyens de l'État pour qu'il assume ses missions, organise les contrôles nécessaires, entretienne cohérence et cohésion tout en intégrant notre appartenance européenne et nos solidarités internationales.

e) La décentralisation est un thème politique de rassemblement

Cela relève de la normalité civique pour toutes les raisons que nous venons de décrire. L'important c'est de voir les suites !

Toutes les principales formations politiques ont cherché à rassembler sur ce sujet : colloques, conventions, assises, mouvements, forums, tables rondes, meetings, manifestes...n'ont pas manqué.

La décentralisation comme thème de rassemblement politique, échappant dans ses principes aux clivages partisans, peut être illustrée à la lumière des propos et prises de positions qu'elle à inspirés à deux de nos anciens présidents de la République : François Mitterrand et Jacques Chirac.

(1) François Mitterrand et la décentralisation

En 1981, François Mitterrand a fait de sa volonté de rendre le pouvoir aux citoyens l'un des principaux thèmes de ses engagements. Son programme tenait en 110 propositions : 6 d'entre elles traitent « des contre-pouvoirs organisés ; un État décentralisé ».

François Mitterrand fait de la décentralisation de l'État une priorité : « Les conseils régionaux seront élus au suffrage universel et l'exécutif sera assuré par le président et le bureau. La Corse recevra un statut particulier. Un département basque sera créé. La fonction d'autorité du préfet sur l'administration locale sera supprimée. L'exécutif du département sera confié au président et au bureau du conseil général. La réforme des finances locales sera aussitôt entreprise. La tutelle de l'État sur les décisions des collectivités locales sera supprimée » (proposition 54).

Après avoir pris l'engagement d'encourager les identités régionales, de respecter et d'enseigner les langues et cultures minoritaires, le candidat à l'élection présidentielle soutient la proposition 57 : « Les communes, départements, régions bénéficieront pour assumer leurs responsabilités d'une réelle répartition des ressources publiques entre l'État et les collectivités locales. Celles-ci auront notamment la responsabilité des décisions en matière de cadre de vie : développement prioritaire des transports en commun, aménagement des rues, services sociaux, espaces verts. Elles susciteront le développement de la vie associative, contribuant ainsi à l'animation de la ville, au rayonnement de ses activités, à l'affirmation de sa personnalité ».

La proposition 58 s'adressait aux peuples de l'outre-mer français et leur promettait concertation, dialogue, reconnaissance de leur identité et de « leurs droits à réaliser leurs aspirations ». L'institution d'un conseil départemental, élu à la proportionnelle, responsable de la vie locale, sera proposée au Parlement.

Ce programme constituait un tournant car une partie de la gauche restait attachée à un jacobinisme centralisateur 294 ( * ) .

(2) Jacques Chirac et la décentralisation

Jacques Chirac a su très souvent s'exprimer en faveur de la décentralisation. Ainsi le fit-il à Rennes, le 4 décembre 1998, où il souligna le lien particulier qui doit exister entre la région et l'État. Selon lui, le destin des régions ne réside pas dans l'effacement de l'État au profit d'une Europe des régions : « que deviendraient nos régions si elles étaient abandonnées à un tête à tête, forcément déséquilibré, avec l'Union européenne ? ».

Pour Jacques Chirac « le national et le régional ne doivent plus être opposés » . Un nouvel équilibre est à inventer, « fondé sur la capacité de l'État à assumer pleinement ses devoirs et sur la capacité à développer une véritable démocratie de proximité ».

Il en appelle à la démocratie de proximité, car le salut passe par un nouveau souffle donné à la démocratie locale. Pour redonner confiance aux Français il faut être à leur écoute, partir des besoins concrets des gens, donner aux élus les moyens d'y répondre, libérer les initiatives et les énergies locales. Et Jacques Chirac de citer la sécurité, l'éducation, l'emploi, la solidarité.

Pour réussir, les collectivités territoriales doivent avoir de nouvelles responsabilités, ce qui va de pair avec le renforcement de leur armature et la modification de leur organisation.

Le Président de la République dénonce des responsabilités « trop diffuses », des collectivités qui « s'enchevêtrent », une démocratie locale qui « s'éloigne des citoyens ». Dans la confusion des pouvoirs et des compétences, « même les élus peinent à s'y retrouver ».

Conclusion : « Il est temps d'établir plus de clarté et de cohérence dans notre organisation. Sont en cause la vitalité de notre démocratie, la compétitivité de nos territoires en Europe, les frais généraux de la maison France et l'efficacité de nos collectivités dans le service rendu aux citoyens ». Il ne faut pas sous-estimer la réalité des efforts accomplis : « la création des régions en 1972 » , « la décentralisation engagée en 1982 » , le rééquilibrage entre l'État et les exécutifs locaux, la déconcentration, « le formidable essor de l'intercommunalité » .

Mais dans ce bilan, estime-t-il, il existe des points négatifs : le manque de vue d'ensemble, la superposition des centres de décisions, l'éloignement du citoyen, la dilution des responsabilités locales, l'absence de visibilité 295 ( * ) . L'avenir commande « un puissant mouvement de simplification et de démocratisation » . Il doit reposer sur une coopération intercommunale, progressive, volontaire et sans contrainte, avec des conseils élus au suffrage universel direct.

Jacques Chirac refuse la contrainte, persuadé que les vocations intercommunales emporteront les conservatismes et les craintes dès lors que le législateur aura su procéder « avec toutes les garanties et les incitations nécessaires ».

Avec un pays comme le nôtre, heureusement marqué par sa diversité, « il est grand temps de reconnaître que des formes d'organisation différentes doivent pouvoir coexister » .

Pour le Président de la République, « le département conserve tout son avenir comme lien de coordination et de synthèse des politiques locales et comme circonscription pertinente de l'action de l'État. De plus en plus de services, des transports scolaires au traitement des déchets, s'organisent aujourd'hui à l'échelon départemental. Entre communautés rurales et conseils généraux, il faudra, dans chaque département, déterminer de façon évolutive la meilleure répartition des responsabilités, en fonction des besoins et des réalités locales » .

La région, la plus grande de nos collectivités territoriales, doit exceller dans sa mission d'aménagement du territoire et de développement économique. Encore faut-il qu'elle soit gouvernable : une réforme du mode de scrutin (« qui doit exclure toute manoeuvre ou arrière-pensée politicienne » ) doit faire émerger des majorités régionales. Il faut conforter la région dans son rôle de planification, d'aménagement du territoire et d'animation économique avec un président qui détient les principales clés de la décision politique 296 ( * ) .

L'État lui, doit, devenir un facilitateur de projets. Il doit prendre sa part dans ce mouvement de modernisation. La fiscalité locale, conservatrice, a placé « les collectivités territoriales sous la dépendance croissante de ses dotations budgétaires » .

Pour Jacques Chirac, il faut inverser cette tendance et donner aux élus une liberté sans laquelle il n'y a pas de responsabilité politique. Il réclame pour ces élus l'accès à une expertise indépendante : « l'administration et la chambre régionale des comptes, dans la plus parfaite impartialité, devraient à l'avenir développer des services de conseil et d'audit et les mettre à disposition des collectivités en fonction des besoins de celles-ci » .

Pour terminer, Jacques Chirac renouvelle son attachement à un véritable droit à l'expérimentation, au principe d'adaptation, et veut que l'on rende tout son sens au service public et à ses principes essentiels : la responsabilité, la continuité et le principe d'adaptation.

D'autant plus que « les Français subissent des prélèvements obligatoires parmi les plus élevés du monde, des prélèvements beaucoup trop lourds. Ils ont droit à des services publics accueillants et performants » .

Le dialogue social, la modernisation de notre vie politique par l'amélioration de l'accès des femmes à la responsabilité, par l'accès des professionnels de tous les secteurs de l'activité nationale à la représentation participent à l'ouverture nécessaire de notre vie politique.

Ces raisons de la décentralisation, et ces points de convergence entre les responsables politiques de sensibilités diverses, n'excluent pas des différences d'approche.


* 289 « Les citoyens au coeur de la décentralisation » , Pierre Richard, L'Aube, 2003, p. 9.

* 290 Une collectivité locale a besoin de « gouvernement », l'État de « gestion ».

* 291 Nous avons en France une très grande diversité de circonscriptions, de zonages qui ajoutent à notre complexité. Au cours de ces dernières décennies, nous assistons à leur prolifération. Les découpages institutionnels, réglementaires, prescriptifs, de projets, communautaires ne se comptent plus. Il serait souhaitable qu'à l'occasion de l'application de la loi du 16 décembre 2010, des simplifications soient apportées. Mais, là comme ailleurs, il faut écarter toute démagogie : nous aurons toujours besoin de différents territoires pertinents. Nous parlons à juste titre de bassins de vie, mais par définition ceux-ci évoluent (voir le rapport de Jean Auroux au Premier ministre, avril 1998).

* 292 Cf. L'intendant de Bretagne Bechameil de Nointel (1703) : « Les esprits de cette province ne se gouvernent pas comme les autres », Fernand Braudel, « L'identité de la France », tome II.

* 293 Dans un excellent essai « Composition Française » paru chez Gallimard, Mona Ozouf distingue deux formes d'égalité : l'égalité par la ressemblance, l'égalité par le respect des différences.

* 294 Eléments de bilan en 1986 : Lois Defferre 2 mars 1982, 7 janvier 1983 ; de nombreux textes organisent les transferts de compétence intéressant la planification régionale, l'aménagement du territoire, le développement économique, la formation professionnelle continue et l'apprentissage, l'urbanisme, la sauvegarde du patrimoine et des sites, l'action sociale et la santé, les voies navigables, les canaux, les ports fluviaux, les ports maritimes, la pêche, les transports scolaires, l'environnement... La carte grise est transférée à la région, la vignette automobile, les droits de mutation, une partie de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont transférés au département. Une dotation générale de décentralisation est créée ; les dotations globales d'équipement et de fonctionnement sont modifiées.

Tout ceci ne fait pas pour autant une véritable réforme de la fiscalité locale.

La loi de décentralisation des DOM sera publiée le 1 er janvier 1983. La Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie recevront un nouveau statut. L'université de Corse ouvrira en octobre 1981, des protocoles d'accord serviront les cultures régionales. Le 17 septembre 1985, un CAPES de breton sera créé.

* 295 Le Président de la République fait une exception pour le maire : « L'institution du maire est l'une de nos principales réussites républicaines. Aujourd'hui, chacun connaît son maire, mais qui peut dire le nom des présidents des syndicats chargés de l'éclairage public, de l'eau ou des transports ? ».

* 296 Jacques Chirac cite en exemple la Catalogne : « Quand un investisseur veut s'y établir, il a en face de lui un interlocuteur. En France il lui faudra rencontrer nombre d'interlocuteurs, élus, fonctionnaires, pour pouvoir régler un à un chacun des problèmes qu'il rencontre ».

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