2. Des économies de fonctionnement et d'intervention peu tangibles

Le 20 mai 2010, le relevé de conclusions de la seconde conférence sur les déficits annonçait « la réduction des dépenses de fonctionnement courant de l'Etat de 10 % en trois ans , avec une baisse de 5 % dès 2011, grâce aux économies documentées par la révision générale des politiques publiques » , ainsi que « le réexamen de toutes les dépenses d'intervention (66 milliards d'euros). L'objectif est de réaliser le même effort que sur les dépenses de fonctionnement, soit 10% d'économies sur la période » . Ces objectifs ont été repris dans l'annexe à la deuxième loi de programmation des finances publiques.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, votre rapporteur général s'était efforcé de mesurer la traduction de ces engagements. Il ressortait du rapport annexé à la loi de programmation et de la budgétisation 2011 que les économies de fonctionnement étaient calculées sur une assiette plus étroite que celle des dépenses de fonctionnement au sens habituel du terme, soit 10,3 milliards d'euros de crédits de fonctionnement courant hors défense (et non 44 milliards d'euros de crédits de titre 3). Dans le même esprit, les économies d'intervention devaient porter sur les 59,5 milliards d'euros d'intervention de guichet et hors guichet 57 ( * ) , et non sur les 66 milliards d'euros pourtant explicitement mentionnés dans le relevé de conclusions.

De ces éléments, on pouvait d'abord déduire que les économies à réaliser sur la période du triennal devaient s'élever à 7 milliard d'euros par rapport au niveau de 2010 , soit 10 % des 70 milliards d'euros des dépenses de fonctionnement et d'intervention soumis à l'objectif (69,8 milliards d'euros exactement). La trajectoire théorique d'économies pouvait être ainsi définie :

Réalisation des 10 % d'économies de fonctionnement
et d'intervention sur la période 2011-2013

(en milliard d'euros)

Source : commission des finances

Il faut néanmoins se méfier des lectures intuitives. L'annexe à la deuxième loi de programmation précise en effet que les économies d'intervention se déclinent différemment selon qu'elles concernent les interventions de guichet (37,6 milliards d'euros) et les interventions discrétionnaires (21,9 milliards d'euros).

Les interventions de guichet ont vocation à être stabilisées entre 2010 et 2013. Compte tenu de leur croissance tendancielle, l'économie à réaliser par rapport à la tendance est chiffrée par le Gouvernement à 5,7 milliards d'euros sur la période , soit 1,7 milliard d'euros en 2011 et 2 milliards d'euros en 2012 et 2013 58 ( * ) . Par rapport à la LFI 2010 , les évolutions sont de - 0,1 milliard d'euros en 2011, - 0,2 milliard d'euros en 2012 et + 0,4 milliard d'euros en 2013.

Pour les interventions discrétionnaires , la trajectoire retenue reposait sur un étiage de 21,3 milliards d'euros en 2011, 20,2 milliards d'euros en 2012 et 19,1 milliards d'euros en 2013, soit des économies nettes de 0,7 milliard d'euros en 2011, 1,1 milliard d'euros en 2012 et 1 milliard d'euros en 2013. L'économie cumulée se chiffrerait à 2,8 milliards d'euros par rapport à 2010.

En PLF 2011, et sous le bénéfice de nombreux retraitements, les économies de fonctionnement courant ont atteint 0,2 milliard d'euros 59 ( * ) , soit 2 % de l'assiette 60 ( * ) au lieu des 5 % annoncés. La diminution nette des dépenses d'intervention s'est établie à 0,6 milliard d'euros par rapport à la LFI 2010, soit 1 % de l'assiette de 59,5 milliards d'euros retenue. Or, selon la loi de programmation, les économies d'intervention auraient dû être, par rapport à 2010, de 0,1 milliard d'euros sur les interventions de guichet et de 0,7 milliard d'euros sur les interventions discrétionnaires, soit un total de 0,8 milliard d'euros. Sous réserve d'inventaire en exécution, le compte n'y est donc pas en 2011.

S'agissant de 2012, le rapport du Gouvernement est assez peu disert sur ces questions. Dans les tableaux de présentation de l'évolution des dépenses en norme élargie, les « autres dépenses » du budget général ne sont pas distinguées par titre, ce qui ne permet pas de mesurer finement leur progression . Par ailleurs, les chiffrages contenus dans l'annexe à la loi de programmation ne sont pas actualisés. Le rapport rappelle simplement que « le budget triennal 2011-2013 a été construit en poursuivant l'objectif d'une réduction de 2,5 % des crédits de fonctionnement et d'intervention en 2013 par rapport à 2012 » . On en déduit que l'effort sera également de 2,5 % sur 2011-2012 , sous réserve de considérer (non sans optimisme) que les 5 % seront bel et bien été atteints entre 2010 et 2011.

Il conviendra donc de porter une attention soutenue à cette question lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, car on ne saurait croire que les désormais fameux « 10 % » n'aient été qu'un slogan.


* 57 A l'exclusion des crédits d'intervention de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et de la dotation générale de décentralisation formation professionnelle budgétée sur la mission « Travail et emploi », qui font l'objet d'un traitement spécifique dans le cadre de la stabilisation en valeur des concours aux collectivités territoriales, de la subvention versée à l'AFITF (comptabilisée en titre 6 mais assimilée à de l'investissement pour le suivi des économies) et d'« un certain nombre de dotations pour lesquelles les marges de manoeuvre, par construction, sont réduites » (dotations liées à l'organisation des élections ou au financement des partis politiques, dépenses d'opérations de maintien de la paix, contributions internationales, appels en garantie, dotations à la brigade des sapeurs pompiers de Paris ou dotation de recensement de l'INSEE...).

* 58 Comme votre rapporteur général l'a déjà souligné, les déterminants précis de cette augmentation tendancielle et des économies censées la juguler sont insuffisamment documentés.

* 59 Ce montant a été atteint au prix de plusieurs « débasages » avantageux, consistant à ne pas prendre en compte 50 millions d'euros de dépenses de fonctionnement liées à l'organisation des G8 et G20 sous présidence française, 34 millions d'euros de dépenses de rémunération de l'Agence française de développement, au motif qu'elles étaient auparavant traitées en dépenses d'intervention et 76 millions d'euros de dépenses liées aux élections. Il convenait enfin d'y ajouter 0,1 milliard d'euros d'économies réalisées sur les crédits d'entretien routier de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables », pourtant comptabilisés en titre 5...

* 60 Et 0,47 % des crédits de titre 3.

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