2. Les choix opérés par la loi du 13 février 2008

C'est la loi n° 2008-126 du 13 février 2008, relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi, qui a défini l'organisation et la gouvernance de Pôle emploi, ses missions et le statut de son personnel. Ces dispositions législatives sont codifiées aux articles L. 5312-1 et suivants du code du travail.

a) Une institution sui generis

La loi indique que Pôle emploi est une « institution nationale publique » , ce qui a pu faire naître, initialement, quelques interrogations sur son statut exact, notamment sur le point de savoir s'il fallait retenir la qualification juridique d'établissement public administratif (EPA) ou d'établissement public industriel et commercial (EPIC). Le décret n° 2008-1010 du 29 septembre 2008 a apporté une clarification sur ce point, en faisant figurer Pôle emploi sur la liste des établissements publics administratifs de l'Etat autorisés à déroger à la règle selon laquelle les emplois permanents des établissements publics sont occupés par des fonctionnaires 6 ( * ) .

Pôle emploi est toutefois un EPA d'un genre particulier , puisqu'il applique, dans certains domaines, les règles du droit privé , réputées offrir plus de souplesse de gestion. Tel est le cas en matière comptable : il est soumis aux règles de gestion financière et comptable applicables aux entreprises industrielles et commerciales. Tel est le cas, surtout, en ce qui concerne le statut de son personnel , qui est régi par le code du travail et par une convention collective . Les agents issus de l'ANPE ont toutefois la possibilité de conserver leur statut de droit public, comme cela sera précisé dans la suite de ce rapport.

b) Une gouvernance qui associe les partenaires sociaux et l'Etat

La gouvernance de Pôle emploi a été conçue de façon à y associer étroitement les partenaires sociaux mais sans dessaisir l'Etat de la maîtrise de l'opérateur, outil essentiel de la politique de l'emploi.

Cette association se manifeste d'abord par la conclusion d'une convention tripartite pluriannuelle, conclue entre l'Etat, l'Unedic, organisme paritaire, et Pôle emploi. Cette convention définit les objectifs assignés à Pôle emploi au regard de la situation de l'emploi et au vu des moyens prévisionnels qui lui sont alloués. Elle précise notamment :

- les personnes devant bénéficier prioritairement des interventions de Pôle emploi ;

- les objectifs d'amélioration des services rendus aux demandeurs d'emploi et aux entreprises et en particulier le nombre de demandeurs d'emploi suivis en moyenne par conseiller et les objectifs de réduction de ce ratio ;

- l'évolution de l'organisation territoriale de l'institution ;

- les conditions de recours aux organismes privés exerçant une activité de placement ;

- les conditions dans lesquelles les actions de l'institution sont évaluées à partir d'indicateurs de performance qu'elle définit.

La convention tripartite aujourd'hui en vigueur a été signée en avril 2009 et continue à s'appliquer jusqu'à la fin de l'année 2011.

La composition du conseil d'administration de Pôle emploi exprime également la volonté d'associer les partenaires sociaux à la gouvernance de l'institution. Les représentants de l'Etat y sont en effet minoritaires - cinq sur dix-huit membres - alors que les représentants des organisations patronales et syndicales y disposent de la majorité.

La composition du conseil d'administration de Pôle emploi

En vertu de l'article R. 5312-7 du code du travail, le conseil d'administration est composé de :

cinq représentants de l'Etat , désignés respectivement par les ministres chargés de l'emploi, du budget, de l'éducation nationale, de l'intérieur et de l'immigration ;

cinq représentants des organisations syndicales de salariés interprofessionnelles représentatives au niveau national : Confédération générale du travail (CGT), Confédération française démocratique du travail (CFDT), Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO), Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), Confédération française de l'encadrement-confédération générale des cadres (CFE-CGC) ;

cinq représentants des organisations professionnelles d'employeurs représentatives aux niveaux national et interprofessionnel :

- trois nommés sur proposition du Mouvement des entreprises de France (Medef) ;

- un sur proposition de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) ;

- un sur proposition de l'Union professionnelle artisanale (UPA) ;

deux personnalités qualifiées désignées par le ministre chargé de l'emploi : il s'agit actuellement de Dominique-Jean Chertier, ancien directeur général de l'Unedic, qui occupe des fonctions de direction au sein du groupe Safran, et de Jean-Baptiste de Foucauld, ancien Commissaire général au plan et ancien président de l'association Solidarités nouvelles face au chômage ;

un représentant des collectivités territoriales désigné sur proposition conjointe de l'Association des régions de France (ARF), de l'Assemblée des départements de France (ADF) et de l'Association des maires de France (AMF). Jusqu'ici, c'est toujours un élu régional qui a siégé au conseil d'administration de Pôle emploi, eu égard aux compétences des régions en matière de formation professionnelle.

Le conseil d'administration choisit son président en son sein, à la majorité absolue des suffrages exprimés. Dominique-Jean Chertier préside le conseil d'administration depuis le jour de sa constitution.

Le conseil d'administration n'a cependant pas le pouvoir de choisir le directeur général. Celui-ci est nommé par le Gouvernement, après avis du conseil d'administration, pour un mandat de trois ans renouvelable. Le conseil d'administration peut éventuellement adopter, à la majorité des deux tiers, une résolution demandant sa révocation.

Un dialogue entre l'Etat, les partenaires sociaux et Pôle emploi peut également s'établir au sein du Conseil national de l'emploi , instance consultative présidée par le ministre de l'emploi, qui rassemble tous les acteurs de la politique de l'emploi.

La loi prévoit que le conseil d'administration désigne, en son sein, un comité d'évaluation.

Ce comité, qui a été constitué en janvier 2009 et qui est aujourd'hui présidé par Stéphane Lardy, représentant du syndicat Force ouvrière, a pour missions d'évaluer les interventions, l'offre de services et les aides et mesures de la politique publique de l'emploi mises en oeuvre par Pôle emploi. Il est composé de cinq membres du conseil d'administration qui y siègent pour la durée de leur mandat. Il se réunit au moins une fois par trimestre et son secrétariat est assuré par la direction en charge des études et des évaluations de Pôle emploi. Il peut demander à ce qu'il soit fait appel à des compétences extérieures pour réaliser des évaluations. Le financement des travaux qu'il décide est pris en charge par Pôle emploi.

c) Un financement d'une double provenance

Les ressources de Pôle emploi proviennent, à hauteur environ des deux tiers, de l'Unedic, et pour le solde d'une dotation budgétaire de l'Etat . Elles sont complétées par des subventions des collectivités territoriales ou d'autres organismes publics et par les produits reçus au titre de certaines prestations.

La loi impose à l'Unedic de verser à Pôle emploi au moins 10 % des contributions qu'elle prélève au titre de l'assurance chômage, ce qui représente environ 3 milliards d'euros . La dotation de l'Etat, quant à elle, est votée chaque année en loi de finances : son montant, en 2010 comme en 2011, est de 1,36 milliard d'euros. Au total, le budget de Pôle emploi s'est élevé à 4,84 milliards en 2010 et s'inscrit en légère baisse en 2011, à 4,618 milliards d'euros.

Ce budget permet d'abord à Pôle emploi de faire face à ses charges de personnel, qui ont atteint l'an dernier 2,7 milliards. En 2010, l'institution a employé, en moyenne, 51 498 agents, en prenant en compte les salariés en CDD ou en contrat aidé ; en équivalent temps plein (ETP), son effectif moyen était de 47 015 agents.

Il permet de financer les autres dépenses de fonctionnement (loyers, entretien des locaux, frais d'affranchissement et de télécommunications, etc.) dont le montant s'est élevé à près de 1,5 milliard, ainsi que les dépenses d'investissement, proches de 400 millions d'euros.

Enfin, le budget finance les dépenses d'intervention de Pôle emploi, c'est-à-dire toutes les dépenses engagées pour le placement des demandeurs d'emploi (aides au retour à l'emploi, ateliers, bilans de compétences, formations, etc.), à hauteur de 989 millions en 2010.

d) Une organisation régionalisée

L'échelon régional occupe une place importante dans l'organisation interne de Pôle emploi.

La loi prévoit explicitement que Pôle emploi comporte des directions régionales. Les directeurs régionaux, nommés par le directeur général, sont chargés d'animer et de contrôler l'activité de l'institution dans leur territoire et ils ont autorité sur l'ensemble du personnel de l'institution qui y est affecté. Ils représentent Pôle emploi dans ses relations avec les usagers et les tiers et dans les actions en justice et les actes de la vie civile intéressant la région, en particulier ceux relatifs aux opérations immobilières.

La volonté d'associer les partenaires sociaux à la gouvernance se manifeste également au niveau régional. Auprès de chaque direction régionale, une instance paritaire, composée de représentants des organisations d'employeurs et de salariés représentatives aux niveaux national et interprofessionnel, veille à l'application de la convention d'assurance chômage et est consultée sur la programmation des interventions au niveau territorial.

Dans chaque région, existe également un conseil régional de l'emploi , présidé par le préfet de région, qui comprend des représentants des organisations d'employeurs et de salariés, du conseil régional et des principales collectivités territoriales intéressées, des administrations intéressées et des universités, des représentants d'organisations participant au service public local de l'emploi, notamment des maisons de l'emploi, ainsi que le directeur régional de Pôle emploi. Il est consulté sur l'organisation territoriale du service public de l'emploi en région.

Enfin, une convention annuelle est conclue par le préfet de région et le directeur régional de Pôle emploi . Dans le cadre des objectifs définis par la convention tripartite négociée au niveau national, elle détermine la programmation des interventions de Pôle emploi au regard de la situation locale de l'emploi et du marché du travail. Elle fixe également les conditions d'évaluation de son action et encadre les conditions dans lesquelles Pôle emploi coopère avec les maisons de l'emploi, les missions locales, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) et les autres intervenants du service public de l'emploi.

e) Des missions étendues

Les six missions que la loi assigne à Pôle emploi sont étendues. Il lui revient en effet de :

- prospecter le marché du travail , développer une expertise sur l'évolution des emplois et des qualifications, procéder à la collecte des offres d'emploi, aider et conseiller les entreprises dans leur recrutement, assurer la mise en relation entre les offres et les demandes d'emploi et participer activement à la lutte contre les discriminations à l'embauche et pour l'égalité professionnelle ;

- accueillir, informer, orienter et accompagner les personnes, qu'elles disposent ou non d'un emploi, à la recherche d'un emploi , d'une formation ou d'un conseil professionnel, prescrire toutes actions utiles pour développer leurs compétences professionnelles et améliorer leur employabilité, favoriser leur reclassement et leur promotion professionnelle, faciliter leur mobilité géographique et professionnelle et participer aux parcours d'insertion sociale et professionnelle ;

- procéder aux inscriptions sur la liste des demandeurs d'emploi , tenir celle-ci à jour et assurer à ce titre le contrôle de la recherche d'emploi ;

- assurer, pour le compte de l'assurance chômage, le service de l'allocation d'aide au retour à l'emploi et, pour le compte de l'Etat ou du Fonds de solidarité, le service des allocations de solidarité, notamment l'allocation de solidarité spécifique (ASS) , ainsi que de toute autre allocation ou aide dont l'Etat lui confierait le versement par convention ;

- recueillir, traiter, diffuser et mettre à la disposition des services de l'Etat et de l'Unedic les données relatives au marché du travail et à l'indemnisation des demandeurs d'emploi ;

- mettre en oeuvre toutes autres actions qui lui sont confiées par l'Etat, les collectivités territoriales et l'Unedic en relation avec sa mission.

Dans un souci de rationalisation, la loi a également prévu que le recouvrement des contributions d'assurance chômage et des cotisations AGS 7 ( * ) , qui était assuré par les Assedic, soit transféré , au plus tard le 1 er janvier 2012, aux unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) .

f) Le maintien de l'Unedic

Il n'est pas inutile de rappeler que la fusion n'a pas entraîné la disparition de l'Unedic ni porté atteinte aux prérogatives des partenaires sociaux en matière de définition des règles de l'assurance chômage.

Les règles d'indemnisation des demandeurs d'emploi sont définies par la voie conventionnelle et résultent d'un accord conclu par les organisations représentatives de salariés et d'employeurs. La convention actuellement en vigueur a été signée le 6 mai 2011 par le Medef, la CGPME, l'UPA, la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC et FO. Elle reprend, pour l'essentiel, les règles d'indemnisation fixées par la précédente convention, en date du 19 février 2009.

Les conditions d'attribution
de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE)

1) Conditions d'ouverture de droits :

Le demandeur d'emploi doit justifier de 122 jours d'affiliation (4 mois) ou 610 heures de travail au cours des :

- 28 mois qui précèdent la fin du contrat de travail (terme du préavis) pour les moins de cinquante ans ;

- 36 mois qui précèdent la fin du contrat de travail (terme du préavis) pour les cinquante ans et plus.

Le nombre d'heures pris en compte pour la recherche de la durée d'affiliation requise est au maximum de 260 heures par mois.

2) Obligations à remplir pour bénéficier de l'ARE

- être inscrit comme demandeur d'emploi ou accomplir une action de formation inscrite dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) ;

- être à la recherche effective et permanente d'un emploi ;

- ne pas remplir les conditions pour bénéficier de la retraite à taux plein ;

- être physiquement apte à l'exercice d'un emploi ;

- être en situation de chômage involontaire ;

- résider sur le territoire relevant du champ d'application du régime d'assurance chômage visé à l'article 4, alinéa 1, de la convention.

3) Montant de l'ARE (en vigueur au 1 er juillet 2010)

Le montant brut de l'allocation à taux plein est :

- soit de 40,4 % du salaire journalier de référence plus une partie fixe égale à 11,17 euros par jour ;

- soit de 57,4 % du salaire de référence.

Le montant le plus favorable de ces deux modes de calcul est accordé dans le cadre d'un plancher de 27,25 euros par jour et un plafond de 75 % du salaire journalier de référence.

Source : Pôle emploi

L'Unedic, qui emploie environ cent dix personnes et dispose d'un budget d'une trentaine de millions d'euros, est l'organisme chargé de gérer la convention d'assurance chômage. Concrètement, elle assume quatre missions : une mission de réglementation, une mission de gestion financière, qui porte sur près de 30 milliards d'euros chaque année, une mission d'évaluation et une mission d'audit et de contrôle, qui permet de vérifier que les opérations réalisées par Pôle emploi sont équitables sur l'ensemble du territoire.

Comme Gaby Bonnand, le président de l'Unedic, l'a souligné devant la mission, la décision de ne pas intégrer l'Unedic dans le périmètre de la fusion est une forme de « reconnaissance de l'apport des partenaires sociaux dans la construction de la norme . En cas de fusion entre l'Unedic et Pôle emploi, la norme n'aurait plus été fixée par les partenaires sociaux. Le législateur aurait pu décider que la norme devienne totalement législative, mais cela aurait alors remis en cause les règles de notre démocratie sociale. Même si l'Unedic est une petite instance, elle est essentielle dans le fonctionnement démocratique de notre pays ».


* 6 Cette liste figure en annexe du décret n° 84-38 du 18 janvier 1984.

* 7 Ces cotisations abondent l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS), qui intervient en cas de redressement ou de liquidation judiciaire d'une entreprise, voire, sous certaines conditions, en cas de procédure de sauvegarde. Elle garantit le paiement, dans les meilleurs délais, des sommes dues aux salariés (salaires, préavis, indemnités de rupture...) conformément aux règles fixées par le code du travail.

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