3. Une courte période de préparation de la fusion

Un délai d'environ dix mois s'est écoulé entre la date de promulgation de la loi du 13 février 2008 et la création officielle de Pôle emploi. Pendant ce laps de temps, une instance nationale provisoire a été chargée de préparer la fusion tandis que l'ANPE et les Assedic poursuivaient leur activité. La négociation de la première convention tripartite liant l'Etat, l'Unedic et Pôle emploi a été achevée seulement dans les premiers mois de 2009.

a) Une instance de préfiguration

L'instance nationale, dont la composition préfigurait celle du futur conseil d'administration, a porté à sa présidence Dominique-Jean Chertier et a choisi comme délégué général Christian Charpy, qui était le directeur de l'ANPE.

Elle a élaboré le projet d'organisation des services et choisi le nom de la nouvelle institution. Elle a également veillé au bon déroulement des procédures d'information et de consultation des instances représentatives du personnel nécessaires à la fusion.

Elle a commencé à constituer la ligne managériale du nouvel opérateur en choisissant ses futurs directeurs régionaux et a organisé, au cours de l'année 2008, des conférences interrégionales pour expliquer à l'ensemble des cadres les changements occasionnés par la fusion.

L'instance provisoire a également négocié avec l'Unedic au sujet de la mise à disposition des biens des Assedic à Pôle emploi et a convenu que Pôle emploi verserait un loyer pour pouvoir disposer des locaux des Assedic (360 000 m 2 ) et de leurs applications informatiques.

b) Des travaux d'experts

L'instance nationale a pu s'appuyer sur les conclusions de deux rapports commandés par Christine Lagarde, qui était alors la ministre en charge de l'emploi.

Le premier a été réalisé par le groupe de travail 8 ( * ) présidé par Marie-Ange du Mesnil du Buisson, inspectrice générale des affaires sociales, entre novembre 2007 et février 2008. Ce groupe a procédé à un état des lieux et dressé la liste des projets à conduire pour réaliser la fusion. Il a identifié pas moins de cinquante-six projets majeurs, regroupant environ cent quarante sous-projets !

Il a insisté sur « l'ampleur et la complexité du programme de fusion », qui intervenait dans un contexte de « forte visibilité médiatique » et de « forts enjeux, pour les chercheurs d'emploi, pour les entreprises, pour la fluidité du marché du travail et la lutte contre les phénomènes d'exclusion et de discrimination dans l'accès à l'emplo i » et qui supposait « la mise en place d'un nouveau modèle de gouvernance nécessitant une vision commune entre l'Etat et les partenaires sociaux et la prise en compte des attentes des collectivités territoriales » ainsi qu'« un mariage entre gestion publique et gestion privée » tenant compte des « différences fortes des modèles de gestion et des repères culturels, particulièrement sur la gestion des ressources humaines ».

Avec le recul, il apparaît que le groupe de travail avait bien cerné les principales difficultés que poserait la fusion. A ce jour, toutes n'ont pas encore été résolues, comme on le verra dans la suite de ce rapport.

En mars 2008, Christine Lagarde a également confié à Jean-Marc Boulanger, inspecteur général des affaires sociales, une mission de réflexion visant à préparer la négociation de la première convention tripartite entre l'Etat, l'Unedic et Pôle emploi, en ce qui concerne notamment l'offre de service du nouvel opérateur.

Dans son rapport 9 ( * ) , remis officiellement à la ministre le 21 mai 2008, Jean-Marc Boulanger souligne que la fusion « s'inscrit dans un objectif politique global qui est celui de la construction d'une société de l'emploi par opposition à la société du chômage dans laquelle nous vivons depuis plus de trente ans ». Il préconise de retenir dans la convention quatre « axes stratégiques » :

- aider les personnes à la recherche d'un emploi à trouver le plus rapidement possible un emploi correspondant à leurs attentes et à leurs possibilités compte tenu du marché ;

- aider les entreprises à trouver les collaborateurs dont elles ont besoin pour assurer leur développement et ainsi concourir à la richesse collective ;

- aider les actifs désirant progresser vers un meilleur emploi à mener à bien un projet réaliste ;

- conduire le changement en partant des acquis, en améliorant l'efficience globale et en ouvrant de visibles opportunités aux personnels concernés.

Les recommandations du rapport Boulanger ont inspiré la première convention tripartite, signée en avril 2009.

c) La conclusion de conventions avec l'Unedic

Le 19 décembre 2008, l'Unedic et Pôle emploi ont signé deux conventions, qui sont entrées en vigueur le jour de la création de l'opérateur.

La première précise les conditions dans lesquelles Pôle emploi assure, pour le compte de l'Unedic, le service de l'allocation d'assurance.

Il appartient à l'Unedic de définir les modalités d'application des dispositions conventionnelles négociées par les partenaires sociaux. Il revient à Pôle emploi d'instruire les dossiers de demande d'allocation, de notifier les décisions prises, de gérer les éventuelles contestations et recours contentieux, de servir les allocations, ainsi que de récupérer les allocations indûment versées. L'Unedic met à disposition de Pôle emploi les fonds nécessaires au service de l'allocation. Elle ne rémunère pas Pôle emploi de manière spécifique pour ce service : la contribution globale, égale au moins à 10 % de ses recettes, qu'elle verse à Pôle emploi intègre la rémunération de ce service.

La seconde convention est relative au recouvrement des contributions d'assurance chômage dues par les employeurs.

Elle précise dans quelles conditions Pôle emploi doit recouvrer ces contributions, dans l'attente du transfert du recouvrement aux Urssaf. Là encore, il appartient à l'Unedic de définir les règles applicables, tandis que Pôle emploi doit appeler, recouvrer et encaisser les contributions et gérer les éventuels contentieux. La contribution globale versée par l'Unedic est considérée comme rémunérant ce service.

d) La signature de la première convention tripartite
(1) Les objectifs assignés à Pôle emploi

La première convention pluriannuelle entre l'Etat, l'Unedic et Pôle emploi , qui a fixé les objectifs de l'opérateur pour la période 2009-2011 , a été conclue en avril 2009 . Elle indique, dans son préambule, que « la création de Pôle emploi va bien au-delà d'une simple opération institutionnelle de fusion et doit s'accompagner d'un saut qualitatif significatif ».

Divisée en cinq parties, la convention assignait d'abord à Pôle emploi des objectifs spécifiques pour l'année 2009, afin que des « améliorations tangibles » soient rapidement perceptibles. Sans viser à l'exhaustivité, on peut noter que :

- des équipes mixtes devaient être constituées dans tous les sites recevant du public dès l'été 2009, sans attendre la restructuration physique du réseau ;

- dans l'ensemble des sites, l'amplitude horaire d'ouverture au public devait être au minimum de trente-cinq heures par semaine ;

- un entretien unique d'inscription des demandeurs d'emploi devait être mis en place ;

- chaque demandeur d'emploi devait se voir attribuer un conseiller personnel et la fréquence des contacts devait être adaptée en fonction de ses difficultés de retour à l'emploi ;

- Pôle emploi devait développer l'accompagnement des licenciés économiques , en mettant en oeuvre la convention de reclassement personnalisé (CRP) et le contrat de transition professionnelle (CTP), et participer au suivi des titulaires du revenu de solidarité active (RSA) ;

- la direction devait préparer une refonte de l'offre de services et un plan d'évolution de l'organisation territoriale.

La deuxième partie de la convention est consacrée à l'amélioration du service rendu aux demandeurs d'emploi et aux entreprises à l'horizon 2011 :

- le premier objectif était de rendre des services plus personnalisés , en améliorant, en priorité, les services pour les publics rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi (jeunes sans qualification, seniors, résidents des zones urbaines sensibles, titulaires du RSA, personnes handicapées) ;

- une offre de services spécifiques devait aussi être développée pour les actifs occupés, c'est-à-dire les personnes qui ont déjà un emploi ;

- l'offre de services de recrutement devait également être améliorée et le nombre d'entreprises clientes augmenté, dans le but de collecter 4,5 millions d'offres d'emploi en 2011 ;

- Pôle emploi devait réaliser un plus grand nombre de mises en relation réussies entre offres et demandes d'emploi ;

- Pôle emploi devait avoir réalisé le transfert du recouvrement aux Urssaf au 1 er janvier 2011 ;

- il devait enfin poursuivre une politique d'expérimentation et d'évaluation de nouveaux dispositifs, en vue de leur généralisation éventuelle.

La troisième partie de la convention est consacrée à l'évolution de l'organisation territoriale et des modes d'intervention de Pôle emploi :

- elle pose d'abord le principe d'un pilotage par la performance, reposant sur des objectifs opérationnels, sur des outils de contrôle de gestion permettant de responsabiliser les managers, sur une comptabilité analytique et sur des procédures de maîtrise des risques ;

- il était ensuite demandé à Pôle emploi de se doter d'une organisation déconcentrée , aux niveaux régional, territorial et local ;

- Pôle emploi devait également mettre en oeuvre un schéma d'implantation territoriale, obéissant à plusieurs principes : 80 % des demandeurs d'emploi doivent pouvoir accéder en moins de trente minutes, par des moyens de transports usuels, à une agence ; les agences doivent compter entre quinze et soixante-dix agents ; les choix d'implantation doivent tenir compte de l'organisation du réseau des partenaires et ne doivent pas conduire à réduire la présence de Pôle emploi dans les zones urbaines sensibles (Zus) ;

- des orientations sont fixées concernant la coopération au sein du service public de l'emploi : Pôle emploi doit contribuer à l'élaboration des stratégies territoriales du service public de l'emploi, développer l'expertise sur le marché du travail au service de l'ensemble des acteurs et renforcer la coopération avec les régions et les départements ;

- s'agissant du recours aux opérateurs privés de placement (OPP), il était prévu que Pôle emploi recoure à la sous-traitance dans deux cas : d'une part, pour réaliser des prestations nécessitant des compétences spécialisées dont il ne disposait pas en interne, d'autre part pour réaliser des prestations similaires aux siennes, afin d'accroître sa capacité d'action et de confronter ses méthodes et résultats à ceux d'autres opérateurs ; le nombre de demandeurs d'emploi orientés vers les OPP devait atteindre, au minimum, 100 000 en 2011 ;

- les dispositions finales sont relatives aux systèmes d'information, à l'échange d'informations et aux études statistiques.

La quatrième partie de la convention concerne les moyens prévisionnels de l'institution :

- un premier objectif consistait à « optimiser les synergies dégagées par la fusion des réseaux de l'ANPE et des Assedic », afin de redéployer 4 600 équivalents temps plein (ETP) entre 2009 et 2011 et de porter de 79,5 % à 83 % la part des effectifs dédiés à la production de services ;

- pour renforcer l'efficacité de l'accompagnement, le nombre de demandeurs d'emploi suivis en moyenne par conseiller devait être réduit, avec l'objectif d'arriver, d'abord pour les parcours renforcés, à un conseiller pour soixante demandeurs d'emploi ;

- l'Etat s'est enfin engagé à contribuer au budget de Pôle emploi à hauteur de 1,36 milliard d'euros chaque année, de 2009 à 2011 .

Enfin, le titre V est relatif au suivi de la convention et à l'évaluation des actions de l'institution . Il prévoit la création d'un comité de suivi , dans lequel siègent trois représentants de l'Etat, le directeur général et deux représentants du conseil d'administration de l'Unedic, le président du conseil d'administration et le directeur général de Pôle emploi. Le comité doit, en principe, se réunir au moins deux fois par an.

Le comité de suivi doit élaborer chaque année un rapport sur la mise en oeuvre de la convention qui présente et analyse différents indicateurs de performance .

(2) Les indicateurs de performance

En annexe de la convention figure une liste de trente-trois indicateurs de performance destinés à évaluer l'activité et les résultats de Pôle emploi. Un trente-quatrième indicateur permettant de mesurer de manière fiable la part de marché de Pôle emploi en matière d'offres d'emploi devait être élaboré en lien avec la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail.

Liste des indicateurs de performance figurant en annexe de la convention tripartite

Indicateurs de suivi du processus de fusion

1 - Part des implantations locales recevant du public disposant d'une équipe mixte

2 - Part des implantations ouvertes au public 35 heures par semaine ou plus

3 - Part des demandeurs d'emploi reçus le même jour en entretien d'inscription et en entretien d'élaboration du projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE)

3 bis - Part des demandeurs d'emploi reçus en entretien unique d'inscription

4 - Part des demandeurs d'emploi disposant d'un conseiller personnel

5 - Part des effectifs dédiés à la production de services

Indicateurs de résultats

6 - Part des demandeurs d'emploi satisfaits des services rendus par Pôle emploi

7 - Part des employeurs satisfaits des services rendus par Pôle emploi

8 - Nombre d'offres d'emploi recueillies, dont nombre d'offres d'emploi de six mois ou plus

9 - Taux de satisfaction des offres, dont taux de satisfaction des offres portant sur les métiers en tension

10 - Nombre des demandeurs d'emploi en chômage de longue durée

11 - Taux de sortie pour retour à l'emploi et pour retour à l'emploi durable, dont publics prioritaires

12 - Taux d'insertion dans l'emploi six mois après la sortie d'une action de formation financée par Pôle emploi, dont insertion dans l'emploi durable

13 - Taux d'insertion dans l'emploi six mois après la fin d'un contrat unique d'insertion ou d'un contrat avec une structure d'insertion par l'activité économique prescrits par Pôle emploi, dont insertion dans l'emploi durable

14 - Part des licenciés économiques bénéficiaires de la convention de reclassement personnalisé (CRP) ou du contrat de transition professionnelle (CTP) non inscrits comme demandeurs d'emploi à l'issue du dispositif

Indicateurs complémentaires

Services aux demandeurs d'emploi

15 - Pourcentage des appels aboutis

16 - Part des inscriptions réalisées moins de cinq jours après le premier contact avec Pôle emploi

17 - Taux de décision sur les dossiers d'indemnisation en moins de quinze jours

18 - Indicateur de qualité du traitement des demandes d'allocations

19 - Nombre moyen de demandeurs d'emploi par conseiller personnel

20 - Part des demandeurs d'emploi dans les différents types de services

21 - Taux de réalisation des entretiens de suivi mensuel personnalisé

22 - Part des demandeurs d'emploi en suivi mensuel sans mise en relation depuis deux mois ou plus

23 - Nombre de demandeurs d'emploi pris en charge par des réseaux spécialisés et par des opérateurs de placement prestataires de Pôle emploi

Services aux entreprises

24 - Pourcentage des appels aboutis (taux d'aboutement ATT Employeurs)

25 -Taux de restes à recouvrer des contributions d'assurance chômage

26 - Délai moyen de satisfaction des offres d'emploi

27 - Nombre d'entreprises clientes de Pôle emploi, dont PME de moins de cinquante salariés

Services d'intermédiation active

28 - Nombre d'embauches réalisées par l'intermédiaire de Pôle emploi, dont embauches sur offres de six mois ou plus

29 - Nombre de demandeurs d'emploi bénéficiaires d'une prestation spécifique d'orientation ou d'évaluation des compétences

30 - Nombre de demandeurs d'emploi orientés vers le dispositif de validation des acquis

31 - Nombre d'embauches en contrat unique d'insertion, contrat de professionnalisation, contrat d'apprentissage, réalisées par l'intermédiaire de Pôle emploi

32 - Effectivité du contrôle de la recherche d'emploi

33 - Coût de la mise en relation positive


* 8 Ce groupe de travail réunissait des membres de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), de l'ANPE, de l'Unedic et du contrôle d'Etat.

* 9 Contribution à la préparation de la convention tripartite entre l'Etat, l'Unedic et la nouvelle institution créée par la loi du 13 février 2008, par Jean-Marc Boulanger, inspecteur général des affaires sociales.

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