II. DES ÉVOLUTIONS JURIDIQUES IMPORTANTES, QUI ONT CONTRIBUÉ À L'AMÉLIORATION DES RÉSULTATS

A. LE TRAITÉ DE LISBONNE : UNE ACCÉLÉRATION DES PROCÉDURES QUI RENFORCE LES RISQUES DE CONDAMNATION FINANCIÈRE

Le traité de Lisbonne ne remet en cause aucune des principales dispositions contenues dans les traités européens en matière environnementale. Au contraire, il les confirme et les étend à d'autres domaines.

1. La réaffirmation et l'élargissement des « objectifs environnementaux »

Le traité de Lisbonne réaffirme la volonté de l'Union « d'oeuvrer pour le développement durable de l'Europe », notamment à travers un « niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement » .

En outre, l'article 191 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) fait de la lutte contre le changement climatique un objectif de la politique environnementale de l'Union européenne « sur le plan international ».

2. Le maintien de la codécision en matière environnementale

Les paragraphes 1 à 5 de l'article 192 du TFUE reprennent les dispositions de l'article 175 du traité sur la Communauté européenne (TCE), le paragraphe 6 reprenant celles de l'article 176 TCE. Ainsi, la procédure de codécision 5 ( * ) continue d'être d'application générale pour l'adoption des décisions relatives à la politique environnementale, après consultation du comité des régions et du comité économique et social.

3. Le contentieux communautaire : une procédure accélérée en cas de défaut de transposition

La possibilité d'infliger des sanctions pécuniaires à l'Etat membre qui n'a pas exécuté un arrêt en constatation de manquement a été introduite par le traité de Maastricht avec l'article 228 du TCE. Lorsque la Commission sollicite la Cour de justice aux fins d'une condamnation d'un Etat membre au paiement d'une somme forfaitaire et/ou d'une astreinte, elle se réfère à des critères dont l'application est déterminée par la nécessité de garantir le respect effectif du droit de l'UE 6 ( * ) .

Le traité de Lisbonne ne modifie pas l'article 258 TFUE (ex-article 226 TCE) sur la procédure de manquement. En revanche, il induit des modifications s'agissant de l'article 260 du TFUE (ancien article 228 TCE) relatif à la procédure du manquement sur manquement.

Les articles 258 et 260 du traité de Lisbonne

Article 258 (ex-article 226 TCE)

« Si la Commission estime qu'un Etat membre a manqué à l'une de ses obligations qui lui incombent en vertu des traités, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet Etat en mesure de présenter ses observations.

Si l'Etat en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice de l'Union européenne. »

Article 260 (ex-article 228 TCE)

« 1. Si la Cour de justice de l'Union européenne reconnaît qu'un Etat membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités, cet Etat est tenu de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour.

2. Si la Commission estime que l'Etat membre concerné n'a  pas pris les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour, elle peut saisir la Cour de justice de l'Union européenne, après avoir mis cet Etat en mesure de présenter ses observations. Elle indique le montant de la somme forfaitaire ou de l'astreinte à payer par l'Etat membre concerné qu'elle estime adapté aux circonstances.

Si la Cour reconnaît que l'Etat membre concerné ne s'est pas conformé à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte. Cette procédure est sans préjudice de l'article 259.

3. Lorsque la Commission saisit la Cour de justice de l'Union européenne d'un recours en vertu de l'article 258, estimant que l'Etat membre concerné a manqué à son obligation de communiquer des mesures de transposition d'une directive adoptée conformément à une procédure législative, elle peut, lorsqu'elle le considère approprié, indiquer le montant d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte à payer par cet Etat, qu'elle estime adapté aux circonstances.

Si la Cour constate le manquement, elle peut infliger à l'Etat membre concerné le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte, dans la limite du montant indiqué par la Commission. L'obligation de paiement prend effet à la date fixée par la Cour dans son arrêt ».

En effet, le nouvel article 260 TFUE comporte deux nouveautés de portée majeure en termes de gestion des précontentieux et contentieux en manquement, susceptibles d'avoir des conséquences financières importantes.

D'une part, la période d'exécution des arrêts en manquement est réduite , dans la mesure où la phase de l'avis motivé est supprimée . Cela signifie que, après avoir mis en demeure l'Etat défaillant, la Commission pourra immédiatement saisir la Cour de justice sur le fondement de l'article 260 § 2 du TFUE, dès l'expiration du délai prévu pour la réponse à la mise en demeure. Autrement dit, le risque de condamnation à une amende augmente et s'accélère de façon non négligeable .

D'autre part, la possibilité pour la Cour de condamner financièrement un Etat membre est élargie aux cas de défaut de notification des mesures de transposition d'une directive adoptée conformément à la procédure législative. En effet, dès le premier arrêt en manquement, la Commission sera en mesure de présenter des conclusions aux fins de condamnation à une somme forfaitaire ou à une astreinte, sur la base des articles 258 et 260 § 3 du TFUE.

A titre d'exemple, la France a été condamnée deux fois, en 2010, en manquement pour défaut de transposition. Si le traité de Lisbonne avait été appliqué, les conséquences pécuniaires auraient été de l'ordre de 90 millions d'euros .

Afin de prendre en compte les modifications introduites par l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la Commission a adopté en novembre 2010 une communication relative à la mise en oeuvre du nouvel article 260 § 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Ce document ne constitue pas en soi une révision de la doctrine précédemment élaborée par la Commission européenne, mais plutôt une actualisation de la pratique existante , conformément aux règles générales prévues dans la communication de 2005. Une mise à jour des coefficients servant de base aux calculs à appliquer aux sanctions a ainsi été effectuée. Les formules de calcul des sanctions restent identiques, puisqu'elles se fondent toujours sur les trois critères de gravité de l'infraction, de durée de celle-ci, et de capacité de l'Etat membre à payer .

Les formules de la Commission pour le calcul des astreintes
et de la somme forfaitaire

1. Formule relative à l'astreinte journalière :

640 (forfait de base uniforme) X gravité de l'infraction (de 1 à 20) X durée de l'infraction (de 1 à 3) X 18,96 (capacité de paiement de la France).

2. Formule relative à la somme forfaitaire :

210 (forfait de base uniforme) X gravité de l'infraction (de 1 à 20) X durée de l'infraction (nombre de mois de persistance de l'infraction divisé par 10) X 18,96 (capacité de paiement de la France).

Source : Secrétariat général des affaires européennes (SGAE)

Enfin, la Commission a indiqué que, dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article 260 § 3, elle se bornerait dans un premier temps à solliciter la condamnation au paiement d'une astreinte.

Au vu des apports du traité de Lisbonne, on peut craindre qu'un désistement de la part de la Commission soit désormais plus difficile à obtenir en cas d'achèvement de la transposition postérieur à la saisine de la CJUE . En effet, portée par une logique volontariste, la Commission risque de vouloir mener la procédure contentieuse à son terme, même si elle n'aurait pas forcément d'incidence financière pour l'Etat.


* 5 Cette procédure, qui associe le Conseil et le Parlement européen, est devenue la procédure de droit commun d'élaboration des textes depuis l'adoption du traité de Lisbonne.

* 6 Voir à cet égard la communication du 13 décembre 2005, relative à la mise en oeuvre de l'article 228 TCE.

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