B. L'EFFICACITÉ RELATIVE DES PLANS DE RIGUEUR

L'aggravation du déficit public en 2009, 5,4 % du PIB contre 2,7 % lors de l'exercice précédent, a conduit le gouvernement italien à adopter en juin 2010 un premier plan d'austérité, destiné notamment à ramener le déficit public à 2,7 % du PIB en 2012. Si la trajectoire prévue par ce plan semble avoir été plus que respectée - le déficit public a atteint 4,6 % du PIB contre 5 % attendus en 2010 - des doutes sont apparus quant à l'application réelle ou l'efficacité des mesures adoptées. La lutte contre la fraude fiscale, objectif annoncé du gouvernement, n'a, ainsi, pas produit les effets espérés.

C'est à l'aune de cette défiance à l'égard de l'action gouvernementale italienne que doivent être analysés les deux plans de rigueur - les manovre - adoptés cet été. Le premier programme d'austérité adopté le 15 juillet constituait, notamment, une réponse à la mise sous perspective négative de la note italienne et à la hausse régulière des taux de la dette italienne. Le second, présenté à peine un mois plus tard, traduisait l'incapacité des autorités italiennes à tempérer la crainte d'un effet de contagion de la crise de la dette souveraine.

1. Les manovre estivales

La première manovra avait pour principal objectif de revenir à un quasi-équilibre budgétaire en 2014. Elle devait, selon la formule du gouvernement, concourir à la stabilisation financière du pays en cohérence avec ses objectifs européens. Les économies attendues étaient de l'ordre de 2,1 milliards d'euros en 2011, 5,6 en 2012, 24,4 en 2013 et 48 en 2014. Le plan devait permettre de stabiliser la dette publique : 120 % du PIB en 2011, puis 119 % en 2012 et 117 % lors de l'exercice suivant.

En dépit des ambitions de ce plan, les taux obligataires à dix ans ont atteint 6,23  % le 4 août, dans un contexte marqué par la dégradation de la note de la dette souveraine américaine. Le taux de 7 % à 10 ans est considéré par la Banque centrale européenne comme un seuil au-delà duquel le financement sur les marchés devient insoutenable. Un tel taux a conduit la Grèce, l'Irlande puis le Portugal à solliciter une aide financière européenne.

Face à cette pression des marchés et aux réserves exprimées par la Banque centrale européenne dans sa lettre du 5 août, le gouvernement a présenté, à la mi-août, un deuxième programme d'austérité (la manovra bis ) fixant un retour à l'équilibre budgétaire à l'horizon 2013 2 ( * ) . Ce texte a été adopté début septembre.

Évolution des finances publiques
(estimations révisées du gouvernement, en % du PIB)

2011

2012

2013

2014

Solde public

- 3,9

- 1,6

- 0,1

0,2

Solde primaire

0,9

3,7

5,4

5,7

Solde structurel

- 2,8

- 0,6

0,6

0,5

Dette publique

120,6

119,5

116,4

112,6

Économies attendues sur quatre ans (en milliards d'euros)

2011

2012

2013

2014

Plan de juillet

2,1

5,6

24,4

48

Plans de juillet
et août cumulés

2,8

28,3

54,3

59,8

a) Un renforcement de la pression fiscale

La manovra bis prévoit la mise en place d'un nouveau dispositif concernant les revenus du capital. Un impôt unique de 20 % sur ces revenus devrait se substituer aux taxations existantes. La fiscalité sur les dépôts bancaires et les comptes postaux sera ainsi abaissée de 27 à 20 %, alors que tous les autres instruments financiers seront taxés à hauteur de 20 % contre 12,5 %. Seuls les titres publics resteront taxés à hauteur de 12,5 %. Ce dispositif devrait permettre d'augmenter les recettes de l'État de 4,87 milliards d'euros sur les trois prochaines années 3 ( * ) . Le texte adopté prévoit, en outre, la mise en place d'un impôt pour les transferts d'argent hors Union européenne. 2 % du montant transféré sera ainsi prélevé.

La hausse de l'impôt foncier sur les résidences secondaires a également été décidée 4 ( * ) .

Les sociétés de production et de commercialisation de pétrole et de gaz voient, quant à elles, le taux de la taxe « Robin Hood » dont elles sont redevables depuis 2008, passer de 6,5 à 20,5 %. Le seuil au-delà duquel est appliqué cet impôt est abaissé, quant à lui, de 25 à 10 millions d'euros de recettes. Cette majoration est censée rapporter à l'État entre 1,5 et 2 milliards d'euros.

Le gouvernement a de plus annoncé, quelques heures avant le vote au Sénat du projet de plan, une hausse d'un point du taux de la TVA, fixé désormais à 21 %. Cette disposition devrait rapporter à l'État 12,7 milliards d'euros d'ici 2014 5 ( * ) .

La « contribution de solidarité » sur les hauts revenus, retirée du plan début septembre à la demande du président du Conseil, a finalement été réintroduite, et cela pour une durée de trois ans. Elle devrait, en effet, cesser de s'appliquer dès lors que le déficit public sera ramené à zéro, soit en 2014. Alors que cet impôt devait initialement frapper les revenus supérieurs à 90 000 euros annuels, il vise désormais ceux dépassant 300 000 euros, avec un taux de 3 % appliqué sur la part dépassant ce seuil. Cette mesure devrait concerner 34 000 contribuables. Cette taxe devrait accroître les recettes fiscales de 341,4 millions d'euros sur les trois prochains exercices (53 millions d'euros en 2012, puis 144,2 millions d'euros au cours des deux exercices suivants).

L'alourdissement des prélèvements s'accompagne de mesures destinées à renforcer la lutte contre la fraude fiscale. Le montant des sommes non déclarées au fisc chaque année équivaut, en effet, à 8 % du PIB. Les sociétés fictives permettant à 35 000 contribuables de ne pas déclarer au fisc des actifs luxueux sont particulièrement visées. Le gouvernement italien espère récupérer entre 3 et 7 milliards d'euros, améliorant ainsi le solde des recettes et des dépenses de 0,3 à 0,4 % de PIB.

Le plan prévoit ainsi l'abaissement du montant maximal de paiement en liquide, de 5 000 à 2 500 €, avec des sanctions pouvant atteindre jusqu'à 40 % du montant de la transaction en cas de non-respect. Les chèques d'un montant supérieur à 2 500 € devront obligatoirement faire figurer le nom du bénéficiaire. Le dispositif aggrave les sanctions à l'encontre des entreprises qui n'émettent pas de tickets de caisse ou de factures, avec notamment une fermeture de l'activité commerciale de trois jours à un mois en fonction de la gravité de l'infraction. Il durcit, en outre, la répression à l'encontre des fausses factures et des fraudes d'importance. Cette lutte contre la fraude fiscale se décline au niveau local, où les communes récupèreront 100 % des montants recouvrés. Les communes seront, par ailleurs, autorisées à publier en ligne les déclarations de revenus des citoyens.

b) Une réduction des dépenses sociales

La manovra de juillet prévoit des économies importantes dans le secteur sanitaire, avec des coupes budgétaires de l'ordre de 2,5 milliards d'euros en 2013 et 5,4 milliards d'euros en 2014. L'État devrait ainsi réduire les dotations initialement prévues au Fonds sanitaire pour le financement du service sanitaire national. En 2013, 30 % des économies pourraient être atteints grâce à la fixation des prix de référence des biens et des services, 40 % par l'intermédiaire de dispositions en matière de dépenses pharmaceutiques et 30 % via un plafond de dépenses pour les dispositifs médicaux. En 2014, les économies proviendraient des mêmes postes de dépenses, mais cette fois-ci à hauteur respectivement de 22 %, 10 % et 15 % alors que 3 % seraient liés à des mesures visant le personnel et 40 % à la mise en place de nouveaux tickets modérateurs.

Un ticket de 10 euros sera, en effet, créé à cette date pour les ordonnances émanant d'un médecin spécialisé et un autre de 25 € pour les prestations du SAMU jugées non urgentes. Les enfants de moins de 14 ans, les personnes âgées ou celles disposant d'un revenu inférieur à 36 150 € par an seront exonérés. Les malades chroniques ou affectés par une pathologie rare, les invalides de guerre, civils et du travail en seront également exempts. Le plan renforce également les contrôles des travailleurs absents pour maladie, 70 millions d'euros seront d'ailleurs affectés au financement de ce contrôle d'ici à la fin 2012.

La manovra bis prévoit, quant à elle, la mise en place d'une revue des dépenses des administrations sociales. Une économie de 5 milliards d'euros est ainsi attendue via la fusion des organismes de sécurité sociale. Le plan anticipe par ailleurs d'un an une réforme prévue de l'aide sociale. Les dépenses sociales (invalidité, pension de réversion) devraient ainsi diminuer de 36 milliards d'euros d'ici 2014.

Le texte prévoit, par ailleurs, le passage de l'âge de départ en retraite des femmes dans le secteur privé de 60 à 65 ans dès 2014. Cette disposition devrait rapporter 90 millions d'euros en 2015. La manovra bis cale également l'âge de départ en retraite sur l'évolution de l'espérance de vie. Il devrait ainsi atteindre 67 ans en 2026, contre 65 aujourd'hui.

c) Une révision à la baisse des crédits accordés aux administrations et aux collectivités locales

Les crédits des ministères devraient être diminués de 8,5 milliards d'euros au cours des deux prochains exercices, dont 6 milliards dès 2012. Une réforme de la carte judiciaire est, en outre, envisagée avec pour objectif des économies annuelles de l'ordre de 60 millions d'euros.

Cette réduction des crédits entraînera la suppression de 300 000 postes de fonctionnaires en cinq ans. Les salaires comme les recrutements ont par ailleurs été gelés, alors que l'évolution de la masse salariale était supérieure de 15 % à la progression des salaires dans le secteur privé. Les salaires des hauts fonctionnaires sont, quant à eux, diminués de 5 % dès lors qu'ils dépassent 90 000 euros annuels et de 10 % s'ils sont supérieurs à 150 000 euros annuels. Le gel du treizième mois du salaire des fonctionnaires dont les administrations n'atteindraient pas leurs objectifs a finalement été remplacé par une réduction de 30 % de la prime de résultat des cadres de ces administrations.

Les crédits accordés aux collectivités locales seront également amputés de 4,2 milliards d'euros en 2012 et de 3,2 milliards d'euros en 2013. Les financements de l'État aux régions en matière de transports publics locaux vont ainsi baisser de 77 % en 2012, alors qu'une augmentation des tarifs aux usagers de 20 % a déjà eu lieu il y a quelques mois. La réduction des crédits accordés aux collectivités locales pour 2012 est moins sévère qu'attendue, puisque le projet initial tablait sur une coupe de 6 milliards d'euros. Cet écart de 1,8 milliard d'euros sera cependant compensé par l'augmentation de la taxe dite « Robin Hood » détaillée plus haut.

Une telle diminution de crédits va de pair avec une réforme de la carte territoriale. Alors qu'une première version de la manovra bis prévoyait la fusion des communes de moins de 1000 habitants au sein d'unions municipales, le texte adopté prévoit désormais que les conseils municipaux subsisteront dans un format réduit. Les communes auront néanmoins l'obligation de gérer leurs fonctions essentielles dans le cadre des unions municipales.

L'inscription dans la Constitution de la règle d'or sur l'équilibre budgétaire a, en outre, été annoncée par le gouvernement italien. Aux termes de celle-ci, dès 2012, gouvernement, parlement et collectivités territoriales ne pourront plus adopter un budget en déficit. Les seules dérogations consenties devraient concerner les dépenses d'investissement dont les plans d'amortissement devront être détaillés au moment du vote. Le projet d'article 81 modifié de la Constitution prévoit également l'interdiction de recourir à l'endettement, sauf lors des phases adverses du cycle économique ou en cas de nécessité. Cette exception devra néanmoins être approuvée au préalable par un vote à la majorité absolue des deux Chambres.

d) Le recours aux privatisations

Le gouvernement prévoit la libéralisation des services publics locaux et la cession de participations d'État dans de grandes entreprises. Le patrimoine italien (immobilier, participations, concessions, infrastructures) s'élève à 1 815 milliards d'euros. Si les sociétés stratégiques (défense, énergie) ne devraient pas être concernées par ce programme de privatisations, il n'en va pas de même pour les milliers de sociétés de service public contrôlées par les municipalités.

Le gouvernement envisage, par ailleurs, de céder une partie de son patrimoine immobilier, évalué à 500 milliards d'euros. 40 milliards d'euros pourraient ainsi être récupérés. L'ensemble de ces mesures permettrait de réduire le déficit de 9,8 milliards d'euros par an.

Effets attendus des principales mesures de consolidation
(en milliards d'euros)

2011

2012

2013

2014

Augmentation des recettes

2,6

20,7

35,4

38,8

Suppression des déductions fiscales

0

4

16

20

Augmentation de la TVA

0,7

4,2

4,2

4,2

Taxation des revenus financiers

0

1,4

1,5

1,9

Taxes sur les jeux, accises

1,2

5,4

7,8

6,6

Taxes sur le secteur énergétique

0

1,8

0,9

0,9

Réduction des dépenses

0,2

7,6

18,9

21

Crédits ministériels

1,7

7,4

6,3

5

Transferts aux collectivités locales

0

4,2

6,4

6,4

Retraites

0

1

3,5

3,4

Total

2,8

28,3

54,3

59,8

2. Des plans incomplets ?

Les effets d'annonce autour de l'effort de consolidation budgétaire ne doivent pas occulter les doutes qui entourent la mise en application effective de ces plans de rigueur et surtout leur efficacité. Les incertitudes en matière de croissance comme leur difficile gestation politique relativisent en effet la portée des manovre et soulève un peu plus la question de la crédibilité du gouvernement qui les a mis en oeuvre.

a) Un effet récessif inévitable ?

La cure d'austérité sans cesse renforcée - 156 milliards d'euros de mesures d'économies annoncées depuis un an 6 ( * ) - n'est pas sans susciter de craintes quant à la reprise de la croissance, les prévisions pour 2011 et 2012 étant d'ores et déjà assez basses. Alors que le deuxième trimestre 2011 a été marqué par une timide reprise, + 0,3 %, la progression sur l'ensemble de l'année devrait atteindre 0,6 % du PIB selon le FMI.

Le gouvernement italien a revu à la baisse sa propre prévision de croissance pour 2011, la faisant passer de 1,1 % à 0,7 %. Le taux de croissance pour 2012 est, quant à lui, réévalué passant de 1,3 % à 0,6 %. Ces chiffres demeurent relativement optimistes au regard des estimations du Fonds monétaire international et surtout de la Banque d'Italie, qui envisage une récession de 0,4 % du PIB en 2012. Ces prévisions gouvernementales conditionnent pourtant l'efficacité des programmes de consolidation budgétaire récemment adoptés cet été.

Prévisions de croissance (variation du PIB en %)

2011

2012

2013

2014

Gouvernement

+ 0,7 %

+ 0,6 %

+ 0,9 %

+ 1,2 %

Rappel : prévisions gouvernementales avril 2011

+ 1,1 %

+ 1,3 %

+ 1,5 %

+ 1,6 %

Fonds monétaire international

+ 0,6 %

+ 0,3 %

+ 0,5 %

Confindustria

+ 0,7 %

+ 0,2 %

Le ralentissement de la consommation explique pour partie la réévaluation à la baisse de sa prévision de croissance par le gouvernement italien. L'augmentation de la consommation privée attendue en 2011, + 0,8 %, demeure inférieure au rythme qui prévalait avant la crise (+1,1 % en moyenne par an entre 2004 et 2007). La dynamique devrait être la même pour les exercices à venir : + 0,7 % en 2012, + 0,8 % en 2013 et + 0,9 % en 2014. Les économistes demeurent sceptiques sur une telle progression, estimant que l'impact des manovre devrait être plus marqué.

Si la consommation publique devrait, quant à elle, bénéficier d'un rebond au cours du présent exercice (+ 0,4 %) après la chute constatée en 2010 (- 0,6 %), elle pourrait néanmoins subir à court terme les effets des mesures de rigueurs budgétaires annoncées. Elle devrait ainsi se contracter de 0,5 % en 2012 et de 0,8 % l'année suivante avant de stagner en 2014 : + 0,1 %. La consommation publique était un des piliers de la croissance italienne avant 2007 : + 1,4 % en moyenne entre 2004 et 2007.

Les importations devraient, quant à elles, diminuer en raison de l'affaiblissement de la demande intérieure. Malgré le ralentissement de l'activité mondiale, les exportations devraient continuer à contribuer à la croissance italienne : + 0,3 point de PIB en 2011, puis 0,1 point par an sur les trois prochains exercices.

L'investissement en équipement, très dynamique en 2010 (+ 9,6 %), en raison notamment des aides fiscales, serait également affecté par les plans de rigueur de l'été. Sa progression devrait être en conséquence limitée à 3,1 % au cours des trois prochaines années. La baisse des investissements dans la construction, - 3,7 % en 2010, devrait se poursuivre en 2011 (- 1,4 %) et en 2012 (- 1,1 %) avant de progresser timidement lors des deux exercices suivants : 1,1 % en 2013 et 1,3 % en 2014. Au final, l'investissement global devrait augmenter de façon relative en 2011 (+ 1,3 %) et en 2012 (+ 1,1 %) avant de retrouver un rythme comparable à celui observé entre 2004 et 2007 (+ 1,9 % par an en moyenne) avec + 2,2 % en 2013 et + 2,4 % l'année suivante.

Le rythme de créations d'emplois devrait également se réduire (+ 0,2 % en moyenne sur la période 2012-2014) après le léger sursaut enregistré en 2011 : + 0,7 %. Le taux de chômage devrait donc se maintenir à un niveau élevé à l'horizon 2014 : 8 % de la population active contre 6 % avant 2007. Si la productivité devait progresser lors des trois prochaines années (+ 0,5 % en 2012 et 2013 et + 0,8 % en 2014), le coût du travail devrait continuer à augmenter sensiblement, + 1,5 % par an attendu sur la période 2011-2014 7 ( * ) .

Prévisions macroéconomiques du gouvernement italien (septembre 2011)

2011

2012

2013

2014

Consommation privée

+ 0,8 %

+ 0,7 %

+ 0,8 %

+ 0,9 %

Consommation publique

+ 0,4 %

- 0,5 %

- 0,8 %

+ 0,1 %

Investissements

+ 1,3 %

+ 1,1 %

+ 2,2 %

+ 2,4 %

Investissements Équipement

+ 3,2 %

+ 2,9 %

+ 3,1 %

+ 3,2 %

Investissements Construction

- 1,4 %

- 1,1 %

+ 1,1 %

+ 1,3 %

Importations

+ 3 %

+ 3,2 %

+ 3,5 %

+ 4 %

Exportations

+ 4,4 %

+ 3,7 %

+ 4,1 %

+ 4,6 %

Taux de chômage

8,2 %

8,1 %

8,1 %

8 %

b) Des textes incomplets et peu crédibles

La question de la croissance est au coeur des doutes exprimés par les marchés et les analystes sur la crédibilité des mesures adoptées en juillet et en septembre. Aux interrogations quant à la réalité du taux de croissance lors des prochains exercices et à l'effet potentiellement récessif des dispositions votées, s'ajoute une critique sur l'absence de volet spécifique dans ces deux plans en faveur d'une relance de l'économie. La Confindustria , le syndicat patronal, et Confartigianato , l'association représentant les intérêts des PME, insistent toutes deux sur l'absence de réelles dispositions en faveur de la relance économique du pays et la mise en place d'une croissance durable. La pression fiscale renforcée est principalement visée, notamment l'absence d'une véritable taxation du patrimoine.

Les annonces en faveur d'un programme de grands travaux se heurtent à la réalité budgétaire comme en témoigne l'abandon du projet pharaonique du pont de Messine reliant la Sicile à la péninsule. Les arbitrages budgétaires trahissent, à cet égard, la priorité accordée à la réduction des dépenses, sans prise en compte de leur éventuel caractère d'avenir. Ainsi, au sein du budget 2012, une partie des recettes tirées de la vente aux enchères des fréquences de téléphonie 4G - 3,9 milliards d'euros -, qui devaient initialement être affectées à des investissements dans les télécommunications, sera finalement affectée à la réduction de la dette et au règlement de dépenses considérées urgentes : assurance chômage (1 milliard d'euros), opérations extérieures des armées (700 millions d'euros), transports publics (400 millions d'euros), université (400 millions d'euros), associations (400 millions d'euros) et enseignement privé (300 millions d'euros).

Le ministre des finances estime, en outre, que l'assainissement des comptes italiens est réalisable, même sans croissance. Il convient de rappeler que les deux tiers des économies budgétaires annoncées reposent sur une augmentation des recettes alors même que l'Italie subit déjà une pression fiscale élevée. De plus, cette augmentation est uniforme et affecte notamment la capacité d'investissement des entreprises et des banques.

La recherche d'économies ou de nouvelles recettes à court terme n'a pas été, jusqu'à présent, accompagnée de véritables réformes structurelles, visant le marché du travail ou la libéralisation de certains secteurs économiques.

Un doute subsiste également sur la volonté du gouvernement de mettre en place de façon effective les mesures votées. Les déclarations du président du Conseil, en septembre dernier, sur l'absence d'urgence quant à leur entrée en vigueur n'ont pas, à cet égard, été sans susciter d'inquiétude. Confartigianato rappelle régulièrement, par ailleurs, les retards déjà pris par le gouvernement en matière de mesures en faveur de la croissance. Le Small business act européen adopté en 2008 n'a été transposé dans le droit italien qu'en 2011. La directive « délais de paiements » n'est, quant à elle, toujours pas entrée en vigueur. Là où le texte prévoit des délais compris entre 3 et 6 mois, la pratique italienne porte cette période à trois ans.

Il convient, en outre, de s'interroger sur la réalité de certaines annonces. Il en va ainsi de la réforme de la carte territoriale qui prévoit la suppression de l'échelon administratif des 110 provinces, qui semble faire double emploi avec les 20 régions. Les provinces seraient remplacées par des cités métropolitaines en ce qui concerne les grandes agglomérations. Une telle refonte de l'administration territoriale permettrait une économie de 7 milliards d'euros. Dans un même souci d'adaptation aux nouvelles compétences dévolues aux collectivités locales, le gouvernement a annoncé son intention de réduire le nombre de parlementaires. Le Parlement italien est, en effet, considéré comme le plus coûteux des parlements nationaux de l'Union européenne. Le nombre de parlementaires serait ainsi divisé par deux (315 députés contre 630 actuellement et 158 sénateurs au lieu de 315).

L'économie enregistrée demeurerait néanmoins symbolique : 130 millions d'euros 8 ( * ) .

Ces modifications, fussent-elles symboliques, traduiraient une réelle volonté de réforme. Elles impliquent néanmoins une révision constitutionnelle dont l'issue s'avère incertaine, compte tenu du contexte politique et des enjeux de tels votes. Dans l'hypothèse où les deux chambres examineraient rapidement ce projet de révision de la Constitution, la procédure devrait durer au minimum 4 mois, le texte devant faire l'objet de deux lectures par la Chambre des députés et le Sénat, avec un intervalle d'au moins trois mois entre les deux séries d'examen. Si la majorité des deux tiers venait à ne pas être atteinte lors de la deuxième lecture de ce texte, la Constitution italienne prévoit la possibilité d'un référendum populaire si 1/5 ème des membres d'une des deux Chambres, 500 000 électeurs ou 5 conseils régionaux en font la demande. La procédure deviendrait dès lors plus longue et risquée.


* 2 Le déficit public devrait atteindre 3,9 % du PIB en 2011, soit un niveau inférieur à la moyenne de la zone euro.

* 3 1,421 milliard d'euros en 2012, 1,534 en 2013 puis 1,915 l'année suivante.

* 4 La taxe foncière sur les résidences principale, l'ICI, a été supprimée en 2008.

* 5 L'augmentation de la TVA devrait ainsi rapporter 700 millions d'euros dès cette année puis 4,2 milliards supplémentaires par an. L'Italie a perçu au titre de cette taxe 116 milliards d'euros en 2010. Le coût social de cette disposition n'est pas à mésestimer : le budget des familles devrait être amputé de 60 à 124 euros par an, l'impact le plus fort se faisant ressentir en matière d'habillement et de textile.

* 6 Les économies obtenues par l'ensemble des collectifs budgétaires mis en place depuis le début de la législature au printemps 2008 s'élève à environ 250 milliards d'euros. Elles sont supérieures à celles prises adoptées pour permettre l'entrée du pays au sein de la zone euro.

* 7 Le gouvernement envisageait en août dernier de regrouper les fêtes religieuses le dimanche, afin d'augmenter la productivité. Cette idée n'a pas été retenue au sein de la manovra bis.

* 8 De fait, dans l'immédiat et bien que revue à la baisse, seule la réduction de l'indemnité des parlementaires exerçant une seconde activité devrait être opérante. La diminution serait de l'ordre de 20 % pour la part excédant 90 000 € et de 40 % pour la part excédant 150 000 €.

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