CLÔTURE

S.E. Philippe LEYSSÈNE, Ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'Océan indien

Je suis très impressionné par les exposés présentés cet après-midi ; leur richesse et leur densité rendent difficile la présentation de conclusions directement à l'issue de ces échanges.

Comme demandé, je commencerai par présenter le rôle d'ambassadeur. Ainsi que vous le savez, trois ambassadeurs régionaux du Ministère des Affaires étrangères sont placés auprès du cabinet du Ministre de l'Outre-mer, respectivement chargés de la zone Caraïbe, de l'Océan indien et de l'Océan Pacifique. Ils doivent assurer la cohérence de la diplomatie française dans leur zone géographique, chacune caractérisée par l'existence de territoires et d'une population française. L'Océan indien se compose de trois collectivités : l'île de La Réunion, Mayotte et les TAAF. Par ailleurs, ces ambassadeurs sont chargés de développer la coopération au sein de chacune de ces zones au profit du développement des territoires français et d'oeuvrer à leur insertion dans leur environnement géographique. Dans ce contexte, j'ai participé activement à une négociation sur l'île Tromelin avec l'île Maurice. En effet, les îles Eparses sont l'objet de contestations de souveraineté de la part de nos partenaires et de certains États riverains. Ainsi, ma feuille de route inclut le règlement de ces contentieux territoriaux.

De cet après-midi, je dirai d'abord que j'ai été frappé par le potentiel exceptionnel des TAAF en matière de recherche et de biodiversité, aussi bien qu'en termes sociétaux ou dans le domaine de l'observation de la Terre. J'ai également été saisi par les nombreuses discussions qui portaient sur les moyens et les problèmes de logistique. La présentation des moyens existants et des moyens à venir nous inquiète quant à la cohérence entre l'intérêt scientifique de ces territoires, qui est partagé, et les moyens qu'on veut leur allouer, qui sont en diminution.

En cherchant les raisons de cet état de fait, j'ai estimé que la question était d'abord politique. Ainsi, le préfet Gaudin s'est interrogé sur la nature du projet politique de l'État pour ces territoires. J'ignore si le Ministère de l'Outre-mer a édité un document pour nous préciser ce point. Ce travail doit être mené. En effet, différents ministères ont pu décider de certaines mesures, en parfaite cohérence avec leurs objectifs ministériels. Cependant, ces ministères ne se sont pas explicitement rapprochés pour rechercher une stratégie cohérente sur ce périmètre géographique. Les nombreux travaux de ces dernières années mériteraient d'être synthétisés pour fixer le discours politique lié à ces territoires.

En termes de déclinaison scientifique, en tant que profane, j'ai été frappé au cours de l'audition du nombre et des noms prestigieux des opérateurs. L'IPEV nous a précisé son cadre d'intervention : opérateur de terrain et de recherche mais il n'arrête pas plus les programmes qu'il n'analyse et exploite les données. De son côté, le préfet et l'administration supérieure des TAAF, opérateur de l'État, gèrent la sécurité et la logistique de ces territoires. Mais où se définit la stratégie scientifique des TAAF ? Je n'ai pas entendu que cette question avait été soulevée, hormis à travers les interrogations du président. Pourtant, le Ministère de la Recherche, à travers la réflexion stratégique StratOM, réfléchit sur une telle stratégie. De même, l'Europe a pour sa part une stratégie en matière de biodiversité. Quelle est la place des TAAF ? Comment cet exceptionnel potentiel de biodiversité s'articule-t-il ? Les réponses ne sont pas évidentes et mériteraient une étude.

La situation exceptionnelle et le potentiel incroyable des TAAF confèrent à la France une responsabilité mondiale. La coopération européenne et internationale aboutira-t-elle ? Chacun constatera la pertinence scientifique de cette coopération. Comment s'intégrer dans des réseaux internationaux susceptibles de trouver un avantage dans le financement de programmes spécifiques aux TAAF ? Je suis confiant sur l'intérêt éventuel de l'Europe à mobiliser ses moyens dans les TAAF afin de poursuivre les programmes de recherche susmentionnés. Or c'est lorsque nous aurons suscité un intérêt européen et international que nous pourrons régler la question des moyens.

En effet, nous mesurons les limites logistiques et financières actuelles, même si les ressources existent. Nous pouvons dégager un certain nombre de moyens et nous parviendrons à avancer lorsque nous aurons démontré l'intérêt d'une mutualisation des démarches scientifiques de laquelle découlera une mutualisation de moyens. Cette coopération existe et existera d'autant plus que nous distinguerons intérêt scientifique et problèmes logistiques. D'autres intérêts comme l'environnement et la lutte contre la pêche illégale sont l'objet de coopérations. Or les opérations doivent être conçues à l'échelle régionale, en cohérence avec le périmètre des problématiques, au lieu d'être menées bilatéralement, comme elles le sont aujourd'hui. Nous pourrons progresser sur la question scientifique lorsque nous aurons transmis ce message aux gouvernements. L'Europe est dotée de ressources abondantes, à travers le PCRD ou le FED qui, au travers de son volet coopération régionale Océan indien représente 645 millions d'euros.

Nous devons continuer résolument à faire connaître les TAAF et à rendre les activités menées dans ces territoires accessibles au grand public. Nous devons poursuivre l'effort de communication autour des réalisations en termes de recherche de ces îles. Ce sujet doit devenir l'affaire du grand public et représenter une cause commune aussi souvent que possible. L'année polaire a permis de communiquer sur les TAAF voici deux ans. Nous devons entretenir cette dynamique pour éviter que les TAAF demeurent un sujet de spécialistes, de passionnés ou des 48 touristes par an qui viennent chercher l'aventure dans cette partie du monde.

Je souligne enfin l'image extrêmement positive que la possession des TAAF donne à la France. Il convient de prendre la mesure de ce qu'elles peuvent apporter au plan international et à la dimension scientifique de la coopération. En effet, l'action que la France peut proposer à la communauté internationale ne relève pas d'une volonté de gérer un hasard historique ou de prendre en compte une préoccupation de souveraineté sur ces îles, mais de sa pleine conscience d'une responsabilité dans cette partie du monde. Elle sait qu'elle peut partager avec d'autres pays des mécanismes de compréhension de l'évolution de la planète que lui apporte la connaissance approfondie des TAAF. Cette démarche positive et constructive est tout à son honneur. Le projet d'un grand observatoire de l'Océan Indien pourrait représenter la première réalisation concrète de cette ambition.

Claude BIRRAUX

Plus qu'une conclusion, vos propos proposent une feuille de route aux différents partenaires : ils nous invitent à travailler ensemble et à montrer la richesse de ces « cailloux » au monde entier. Ce n'est pas un enjeu de pouvoir mais de partage, dans l'intérêt de la connaissance et dans l'intérêt global de la science et de la planète.

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