2. ... semblent l'emporter sur les freins et les anomalies ...

On peut recenser un certain nombre de facteurs et anomalies préjudiciables à une concurrence optimale.


La « transparence » est parfois mise à mal par la difficulté qui subsiste à comparer tous les prix, à prestation équivalente .

En premier lieu, le fonctionnement des comparateurs de prix ne garantit pas a priori l'accès au meilleur prix, puisque le référencement des commerçants ainsi que leur classement relève de la compétence de leurs propriétaires, souvent rémunérés par une commission sur les ventes engendrées par leur intermédiaire.

Ensuite, la comparaison des offres est moins simple qu'il n'y paraît au premier abord, en raison du cumul :

- des possibilités de remises additionnelles, dont la découverte sur la toile revêt en outre un caractère assez aléatoire,

- de délais d'expédition variables, notamment selon que le produit se trouve ou non en stock,

- de frais, de durées et de modalités (domicile ou relais) d'acheminement de plus en plus différenciés,

- de garanties et d'étendues de service après-vente eux-même différenciés.

Ainsi, les consommateurs se livrent parfois difficilement à des comparaisons directes.

Par ailleurs, l' offre sur Internet apparaît comme de plus en plus segmentée , en cohérence avec le phénomène de « longue traîne » 52 ( * ) et un renouvellement accéléré de gamme toujours plus différenciées, débouchant sur un «  hyperchoix » pour les consommateurs.

Enfin, l'offre s'oriente vers la proposition de « solutions », de « bouquets » 53 ( * ) de services ou de biens et services, donnant lieu à un « marketing relationnel » dont l'objectif est que l'essence même de la relation commerciale - telle prestation contre tel paiement - n'apparaisse plus comme primordiale dans la relation établie avec le client. Cette évolution est évidemment préjudiciable à la capacité du consommateur à comparer les propositions.


L' élasticité-prix de la demande pourrait être moindre sur Internet en raison d'une sensibilité plus marquée à la notoriété des distributeurs. Une telle configuration serait de nature à limiter la stimulation de la concurrence. Toutefois, ce diagnostic s'appuie sur des études déjà anciennes 54 ( * ) et, dans la mesure où la confiance des internautes dans le commerce électronique irait globalement croissante, cet effet présumé pourrait, dans une assez large mesure, s'estomper.


D'aucuns 55 ( * ) émettent l'hypothèse qu'« une meilleure diffusion de l'information permettrait (...) une coordination des industriels , avec un possible alignement des prix à la hausse (par exemple dans le secteur du transport aérien) ». De façon générale, l'instantanéité de la connaissance des tarifs pratiqués par les concurrents peut favoriser des stratégies d'alignement dont rien ne permettrait alors de garantir qu'elles s'effectuent sur le prix le plus bas.


• La concurrence entre commerce physique et commerce électronique traduit un équilibre complexe
.

Ainsi, le commerce électronique :

- parfois reporte sur le client la charge d'une partie du processus d'intermédiation normalement assumée par le vendeur dans le commerce physique :

- pas de signalisation, d'accueil et de « mise en scène » physique des produits ou services ;

- pas de personnels dédiés au paiement ;

- parfois, à l'inverse, endosse une partie du processus d'intermédiation assumée par le consommateur dans le commerce physique :

- en cas d'achats multiples, le commerçant doit composer lui-même le « panier » ;

- en cas de livraison à domicile, l'expédition et l'acheminement pèsent aussi sur les commerçants, même s'ils donnent lieu à facturation.

Par delà ces avantages et handicaps « structurels », on notera que les sites de commerce en ligne échappent à la taxe sur les surfaces commerciales.

La taxe sur les surfaces commerciales : la question de la neutralité fiscale

« Si le commerce électronique présente peu de disparités fiscales avec le commerce traditionnel, il est une particularité à souligner : les sites de commerce en ligne échappent à la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom), applicable aux surfaces de vente au détail supérieures à 400 m 2 dont le chiffre d'affaires hors taxes est supérieur ou égal à 460 000 euros. Le rendement annuel de la TaSCom est évalué à 595 millions d'euros pour 2009 et 2010.

Dans la mesure où commerce électronique et commerce traditionnel revêtent des réalités différentes, il ne semble pas anormal que chaque type de commerce possède des avantages et inconvénients propres. Mais en vertu du principe de neutralité fiscale, ne serait-il pas inenvisageable de créer une assiette spécifique pour le commerce électronique ?

Les sites de commerce électronique ne paient pas de loyer ni de TaSCom, pourtant ils ne constituent, pour certains, qu'une extension de leur activité de vente en magasins. Sous réserve d'un examen approfondi de l'assiette taxable et du taux qui pourrait être appliqué à partir d'un seuil d'activité, sans préjudice du risque de délocalisation de certaines activités, la création d'une TaSCoe (taxe sur les sites de commerce électronique) ne serait que la transposition de la TaSCom à un secteur dont la base est dynamique ».

Source : Rapport d'information n° 398 (2009-2010) de la commission des finances du Sénat, intitulé « Le développement du commerce électronique : quel impact sur les finances publiques ? », publié le 7 avril 2010

Sous un autre angle, certaines mesures de la loi « Chatel » 56 ( * ) peuvent être présentées comme favorisant une « concurrence loyale » entre le commerce physique et le commerce électronique.

Dispositions de la loi « Chatel » concernant la vente à distance

« Afin d'améliorer la confiance des consommateurs et la fluidité du marché, la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs comprend 5 articles pour adapter le droit de la consommation au développement des ventes en ligne :


• meilleure information des consommateurs sur l'existence ou l'absence d'un droit de rétractation ;


• obligation pour le professionnel d'indiquer, avant la conclusion du contrat, une date limite de livraison. Si cette date est dépassée de plus de 7 jours, le consommateur peut annuler sa commande et se faire rembourser intégralement ;


• interdiction faite aux professionnels de surtaxer les moyens de communications par lesquels les consommateurs peuvent suivre leur commande, exercer leur droit de rétractation, ou faire jouer la garantie ;


• clarification de l'exercice du droit de rétraction (et de l'annulation), en précisant que l'assiette du remboursement comprend bien tous les frais de port aller et les éventuels frais de traitement de commande ;


• remboursement des consommateurs par un véritable moyen de paiement (chèque, virement, ...) et non plus systématiquement par un avoir.

Ces mesures, qui améliorent les droits des consommateurs, permettront également l'exercice d'une concurrence loyale entre le commerce électronique et le commerce traditionnel ».

Source : site du ministère de l'économie, de finances et de l'industrie, lien : http://www.economie.gouv.fr/fonds_documentaire/archives/dossiersdepresse/plaintes_conso080206/mesures_ventes_distance.pdf

En définitive, plutôt que de concurrence, on signale des effets de complémentarité croissants entre commerce physique et commerce électronique , dont témoignent le déploiement sur Internet des acteurs du commerce traditionnels et, réciproquement, le développement de magasins physiques de la part des acteurs du e-commerce.


Les freins ou les distorsions apportés à la concurrence transfrontalière sont importants.

Les différences de fiscalité créent de sérieux problèmes de concurrence (voir infra ). Il existe aussi des différences de règlementations en Europe et notamment dans la zone euro, qui peuvent dissuader de recourir à des sites étrangers ou -pour être généralement ignorées des consommateurs- nuire à la perfection des consentements lors de transactions effectives. Par ailleurs, concernant les biens physiques, on remarquera que les coûts d'acheminement peuvent être beaucoup plus élevés pour un distributeur qui est implanté à l'étranger.

Enfin, l' obstacle de la langue ainsi que certaines appréhensions quant à l'issue d'un éventuel différend constituent d'autres freins et, dans ces conditions, il n'est pas étonnant que la part du commerce électronique interétatique dans le commerce électronique européen puisse se trouver limitée à 3 % 57 ( * ) .


* 52 On rappelle qu'en permettant d'accéder à une certaine visibilité auprès d'un très grand nombre de consommateurs, Internet permet aux produits de niche de trouver plus facilement acquéreur (phénomène de longue traîne). De fait, l' e-commerce distribuerait davantage de ces produits ( allongement de la traîne ), pour lesquels la concurrence avec les canaux de distribution classiques est limitée (Brynjolfsson et Alii, 2009).

* 53 Voir supra et « L'Économie des bouquets » par Philippe MOATI (2008), Éditions de l'Aube.

* 54 Dans une étude comparative des ventes de livres de Barnes et Noble et Amazon, Chevalier et Goolsbee (2003) trouvent que l'élasticité prix de la demande est faible lorsque le distributeur bénéficie d'une certaine notoriété. D'après Brynjolfsson et Smith (2001), même les consommateurs qui font appel à un comparateur de prix sont prêts à payer un livre de 1,5 $ à 2 $ plus cher à un distributeur renommé plutôt qu'à un distributeur inconnu.

* 55 Voir « Vente a distance, internet et dynamique des prix » ». Document de travail de la Banque de France par P. Askenazy, C. Célérier, D. Irac, Juillet 2010.

* 56 Loi n°2005-67 du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur.

* 57 D'après la FEVAD.

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