2. Le risque d'une fiscalité fragilisante

En dépit de retards considérables dans certains secteurs, la mondialisation du commerce électronique progresse , principalement à l'échelon européen pour ce qui concerne la France. Marc Lolivier, Délégué général de la FEVAD, indique que « la concurrence devient planétaire : 25 % des internautes français ont déjà acheté à l'étranger. Cette concurrence peut s'accroître en dépit des coûts d'acheminement, dont il ne faut pas surévaluer l'impact : quelques « hubs » 157 ( * ) peuvent livrer plusieurs pays... ». S'il n'y a que 7 % de consommateurs européens transfrontaliers par an, l'objectif de la commission européenne est de passer à 20 % en 2015.

Dans ces conditions, tout handicap national, notamment fiscal, peut devenir dangereux pour les e-commerçants français , soumis à une concurrence internationale de plus en plus vive.

Il apparaît déjà préjudiciable que, jusqu'en 2015 en Europe, la TVA soit prélevée au taux du pays d'expédition, ce qui avantage les pays présentant les taux les plus faibles et favorise l'implantation d'opérateurs extra-européens, qui peuvent se localiser où la règlementation les concernant se trouve la plus favorable. On relèvera, par ailleurs, que la taxe nationale sur la copie privée provoque un approvisionnement soutenu des Français en supports vierges -CD, DVD et disques durs- à l'étranger.

Des différences de fiscalité problématiques


• TVA

« (...) L'écart de compétitivité fiscale en matière de TVA peut, pour certains opérateurs, constituer à lui seul l'unique source de profit pour le commerçant.

Les règles en vigueur sur la vente de produits immatériels permettent en effet à un site marchand opérant depuis le Luxembourg de bénéficier jusqu'en 2015 du taux de TVA luxembourgeois (15 %) plutôt que du taux en vigueur dans le pays d'origine du client (19,6 % en France). Le Conseil Ecofin de décembre 2007 a cependant entériné la fin de ce système en 2019 (avec une période transitoire entre 2015 et 2019) : à partir de cette date, la TVA devra être versée au pays du consommateur.

Mais, pendant cette période transitoire, avant 2015, les différentiels de taux impacteraient négativement les recettes de TVA en France.

A partir de 2015, le paiement de la TVA au pays de résidence du consommateur implique qu'il reviendra à l'Etat Luxembourgeois de contrôler les entreprises établies sur son sol afin de veiller à ce que les recettes de TVA ne lui reviennent pas.

L'avantage de taux dont bénéficie le Luxembourg est cependant compensé par les effets de la structure et de la sociologie du marché des ventes en ligne. Ainsi, dans le domaine de la vente par correspondance, les principaux concurrents des entreprises françaises sont implantés en Allemagne et en Grande-Bretagne, non au Luxembourg. Le différentiel de 4,6 % de TVA ne semble donc pas être jugé déterminant. Par ailleurs, la France bénéficie également de cette concurrence des taux grâce à un taux réduit de 2,1 % sur la vente de biens culturels . (...)

En matière de TVA, plus que la question de convergence des taux, l'enjeu principal demeure le contrôle effectif des transactions, le point le plus difficile à résoudre étant encore la surveillance aux frontières de l'Europe . En France, les modalités pratiques de l'application du principe de taxation au premier euro mériteraient d'être étudiées, notamment au sein des grandes plateformes de fret que sont Roissy et Lyon ». (...)


• Financement de la culture

« Le financement de la culture, au sens large, fait (...) peser sur les acteurs du commerce électronique un nombre important de prélèvements non fiscaux.

Ainsi, la « taxe COSIP », perçue au profit du Compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels, a-t-elle été instaurée par la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, en échange de l'avantage fiscal constitué par l'application du taux réduit de TVA pour les FAI 158 ( * ) , afin de financer l'industrie des programmes audiovisuels pour un montant de près de 100 millions d'euros par an.

Par ailleurs, [se pose] la question du niveau élevé de la rémunération des droits d'auteurs assise sur la vente de supports de copies privées (...). La redevance sur la commercialisation en France de supports numériques (CD, DVD, disques durs, etc.) est de l'ordre de 35 centimes par CD et de un euro par DVD. La FEVAD estime que le niveau ces redevances est trois fois supérieur à celui constaté en Belgique, et de l'ordre du sextuple du taux fixé en Allemagne : dans ces conditions, une offre de ce produit facturée 10 euros au Luxembourg coûte 70 euros sur un site français.

Un tel niveau de prélèvement entraînerait [selon certaines sources] la fuite à l'étranger de près de 40 % du chiffre d'affaires de la rémunération des droits d'auteurs ».

Source : Rapport d'information n° 398 (2009-2010) de la commission des finances du Sénat, intitulé « Le développement du commerce électronique : quel impact sur les finances publiques ? », publié le 7 avril 2010

Malgré ces difficultés, comment exclure, dans un contexte d'aridité budgétaire nécessitant des prélèvements nouveaux, que l'e-commerce ne soit prochainement désigné pour endosser une part spécifique de l'effort national, part que justifierait une situation économique, dans son ensemble, comparativement enviable ?

La tension entre concurrence fiscale et besoins de financement public va s'accroître... Dans un marché en expansion, au sein duquel les positions dominantes vont s'acquérir chèrement, on ne saurait donc écarter le risque que la fiscalité ne pénalise l'émergence ou la consolidation de « champions » nationaux aujourd'hui nombreux, dans la mesure où les pays voisins n'emprunteraient pas une trajectoire similaire quant à leur politique de prélèvements obligatoires.

Enfin, le risque fiscal peut résulter de considérations d'une toute autre nature. Ainsi, des discussions sont en cours pour autoriser les Etats membres de l'Union européenne à prendre certaines mesures de simplification fiscale concernant les droits de douane. Or, ces mesures pourraient consister en la suppression des droits de douane pour les petits colis (d'une valeur, par exemple, inférieure à 200 euros). Cela s'avèrerait préjudiciable aux distributeurs locaux, car les expéditions à partir de sites chinois ne manqueraient pas de se multiplier...


* 157 Carrefours, plaques tournantes.

* 158 Fournisseurs d'accès à Internet.

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