2. Le plan Campus

Le plan Campus a été lancé en 2008 et a marqué un renouveau dans l'effort d'investissement dans l'immobilier universitaire. En effet, depuis les débuts des années 2000 aucun plan à l'image d'Université 2000 et d'Université du 3ème millénaire, tous deux lancés dans les années 1990, n'avait été mis en oeuvre. Aussi, le patrimoine immobilier des universités, d'une manière générale déjà dans un état passablement vétuste au début des années 2000, avait continué irrémédiablement à se détériorer.

Les nouveautés marquantes du plan Campus ont été le mode de financement et le mode d'attribution de celui-ci. En effet, ce plan s'est vu financé par la vente par l'État de 3 % du capital d'EDF, et les lauréats se sont vu affecter une partie du produit de cette vente non pas pour payer directement les travaux mais pour la placer afin de couvrir les loyers des bâtiments nouveaux ou rénovés avec les intérêts ainsi obtenus. Le plan Campus avait pour objectif de doter seulement dix sites universitaires français de moyens substantiels pour rénover leur patrimoine bâti notamment dans l'objectif de renforcer leur compétitivité internationale. Ainsi, l'attribution des financements issus du plan Campus s'est faite par le biais d'une procédure d'appel d'offre.

Ainsi, même-si le plan Campus prolonge en quelque sorte les plans des années 90 de rénovation du patrimoine universitaire, il s'en démarque par son objectif final et par sa sélectivité. Ainsi, le gouvernement a souhaité mettre un terme à une tradition dite de « saupoudrage ». Cela a abouti à concentrer les financements sur les grandes métropoles universitaires et, à l'intérieur de celles-ci, sur les secteurs académiques jugés excellents.

Un bilan financier du plan Campus est à notre sens nécessaire car il semble malheureusement que les financements n'aient pas tous été mobilisés et que des opérations à tiroir entre contrats de projets Etat-Région (CPER) et plan Campus masquent la réalité. L'Office pense qu'il serait utile que la Cour des Comptes fasse un bilan des opérations prévues dans le CPER 2007-2013 et dans les plans Campus.

3. Le Grand Emprunt

Le Grand Emprunt participe de la même logique que le plan Campus à ceci prêt qu'il est d'un ordre de grandeur supérieur en ce qui concerne les initiatives d'excellence et qu'il ne concerne pas directement que le patrimoine bâti et les universités.

Ainsi, de par la multitude d'appels d'offres (LabEx, EquipEx, IdEx, SATT, ...), le Grand Emprunt a pour objectif de restructurer en profondeur le paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche français, notamment en ce qui concerne son double fractionnement universités/organismes de recherche et universités/grandes écoles.

Les investissements d'avenir en chiffres

è Initiatives d'excellence (IDEX) : 7.7 milliards d'euros

è Laboratoires d'excellence (LABEX) : 1 milliard d'euros

è Équipements d'excellence (EQUIPEX) : 1 milliard d'euros

è Instituts de recherche technologiques (IRT) : 2 milliards d'euros

è Instituts d'excellence en matière d'énergies décarbonnées (IEED) : 1 milliard d'euros

è Sociétés d'accélération de transfert technologique (SATT) : 1 milliard d'euros

è Instituts Carnot : 0.5 milliard d'euros

è Santé et biotechnologies : 1.55 milliards d'euros

è Opération Campus : 1.3 milliards d'euros

è Plateau de Saclay : 1 milliard d'euros

M. Ricol a dressé un bilan des investissements d'avenir lors de l'audition publique du 12 Octobre. Reprenons ses propos : "Depuis juin 2010, ce sont 74 appels à projet qui ont été lancés. 49 sont clos. Nous avons ouvert six guichets, trois OSEO , dont un très important sur des prêts participatifs pour des entreprises innovantes. Les règles de financement des fonds que nous finançons ont été changées.

Jusqu'à présent, la plupart des fonds sont financés de la manière suivante : les collaborateurs reçoivent une rémunération fixe. Lorsqu'ils font un bénéfice, ils recueillent un intérêt de 20 %. Plus vite vous vendez, plus vous encaissez rapidement, démarche extraordinairement destructrice de valeur pour ce pays, qui a une recherche merveilleuse, notamment dans le domaine des biotechs. Qu'observe-t-on en la matière ? Des chercheurs trouvent quelque chose, déposent des brevets, vont chercher des fonds d'amorçage pour faire la preuve du concept. Dès que cette preuve est faite, elle est vendue, neuf fois sur dix à l'étranger. Conclusion : ni création de richesse, ni d'emplois, donc.

Pour pallier cette difficulté, nous avons pris deux mesures correctrices. Premièrement, la règle de financement des fonds est différente, avec mise en place d'un bonus qui pourra être très important s'il y a de l'industrialisation en France. Deuxième effet correctif : nous avons créé des sociétés d'accélération de transfert de technologie qui financeront la preuve du concept.

Ce sont des centaines de projets qu'on a financés à ce jour, et dont je vous communiquerai la liste. La plupart ont été sélectionnés par des jurys internationaux, le seul critère étant celui de l'excellence mondiale, étant entendu que je fais tout sauf de l'aménagement du territoire. De même, je m'interdis de faire de la politique industrielle. Nous avons pris une option, celle du bottum up . Nous faisons remonter les projets, et sélectionnons ceux qui sont d'un niveau d'excellence mondiale. A Clermont-Ferrand, on a ainsi découvert trois laboratoires exceptionnels, de niveau de réputation mondiale, et six à Montpellier. Lorsqu'on dresse la carte de France, on s'aperçoit que beaucoup de territoires seront couverts, certains pensant, à tort, qu'ils étaient les meilleurs dans le domaine des biotechs, alors qu'ils le sont dans celui des matériaux. On les aide donc à se développer sur les lieux où ils ont la meilleure recherche.

Les directions d'administration centrale voudraient que je prédétermine où inscrire l'argent. Un institut hospitalo-universitaire est un lien entre les chercheurs et les industriels. Pas plus que vous, je ne saurais contester qu'au regard d'un jury international d'une qualité non contestable, aucun IHU sur le cancer n'a été primé. C'est un problème, compte tenu de tous les crédits qu'on consacre à la lutte contre ce fléau. Les membres du jury me disent qu'aucun institut ne s'est mis en situation de rupture de recherche, notamment à cause de l'influence des laboratoires, qui rêvent encore à des « blockbusters » dans le système - des médicaments qui génèrent des milliards. Or une telle conception est périmée, la recherche sur le cancer exigeant des recherches beaucoup plus fines, bref, une rupture. Le commissariat général a convoqué tous les porteurs de projet, et nous avons annoncé le lancement d'un nouvel appel à projet sur le cancer. Si aucun projet A+ n'émerge, j'ai indiqué que je me demanderai pourquoi distribuer autant d'argent à de telles recherches qui font fi de toute rupture.

Cet exemple est intéressant, car il montre que la recherche est en train d'être handicapée par les laboratoires, ces derniers n'allant pas dans la bonne direction. Voyez Sanofi Aventis, qui vient de racheter pour plusieurs milliards Genzyme, société qui n'a eu de cesse d'aller à la rencontre de nos meilleures équipes pour les financer. La conséquence ? Ce sont 10 milliards d'incorporels.

Cela dit, nous avons trois règles d'or dont nous ne dérogeons pas.

Première règle : nous avons mis un terme à la logique des subventions, maladie bien française s'il en est. Tout le monde veut être subventionné. Nous utilisons la notion juridique de subvention dans les investissements d'avenir. Pour autant, nous voulons un retour sur investissement, des retours suffisants pour financer la recherche sur le long terme, exigence que nous avons imposée à un formidable projet pour transformer de la paille en pâte à papier et en bioéthanol, et qui ne s'était pas posé cette question dans un premier temps. Se poser tous ensemble la question du retour sur investissement est déjà une révolution culturelle.

Deuxième règle : nous voulons « plugguer » - j'utilise ce terme à dessein car il va plus loin que « brancher » - la recherche et l'industrie, à la fois les grands groupes, les PME et les start-up . Nous avons lancé des appels à projet qui tous intègrent cette dimension, et pris la décision que les gens doivent respecter scrupuleusement leurs engagements, une fois les projets sélectionnés. Les industriels nous ont assuré qu'ils mettraient de l'argent pour financer de la recherche. S'ils ne tiennent pas leur promesse, nous relancerons un nouvel appel à projets.

Troisième règle : nous sommes en train de monter un écosystème qui ressemblera à celui que nous avions monté pour la médiation du crédit. On aurait pu penser que le système était simple en disant que lorsqu'un banquier et une entreprise sont en désaccord, c'est le banquier qui a tort, et qu'il doit financer. Or la situation est beaucoup plus complexe, car le banquier, comme l'entreprise, peuvent chacun avoir en partie tort. Il a donc fallu prendre des décisions, en mettant en place un écosystème avec la Banque de France, les administrateurs des finances publiques, OSEO, la Caisse des dépôts et consignations, et des tiers de confiance, qu'on a pris dans le domaine industriel. Au total, ce sont 1 000 personnes qui sont en capacité d'aider les entreprises à refaire leur stratégie. Nous avons ainsi pu sauver 18 000 entreprises, et pas loin de 200 000 emplois. Les statistiques de mon successeur montrent que le taux de risque des entreprises sauvées est le même que celui de la moyenne des entreprises françaises. Nous sommes parvenus à ce résultat parce qu'on s'est attaché à identifier la bonne stratégie, la bonne connexion, les bons financements et les bons capitaux propres. Nous avons également travaillé en lien avec les tribunaux de commerce, le Parquet et les parlementaires. Nous allons poursuivre, en organisant sur le terrain la coordination de l'ensemble de ces dispositifs, avec la médiation de la sous-traitance, aussi, pour que les grands groupes soient solidaires des petits.

Tous seront autour de la table, en associant les collectivités locales, l'essentiel étant de transcender les débats politiques pour faire de la gestion au quotidien. Les 35 milliards des investissements d'avenir - 70 milliards avec les effets de levier - doivent assurer le bon fonctionnement de l'ensemble. Tel est notre état d'esprit, l'essentiel étant de faire en sorte que tout le monde travaille ensemble sur le terrain, les écosystèmes pouvant être plurirégionaux, notamment pour les instituts de recherche technologique.

Dans un pays aussi compliqué que la France, fait de multiples chapelles, de multiples directions d'administration, autant d'organismes supposés financer la recherche, sans compter les alliances, une réflexion sur les structures et les fusions n'est pas réaliste, chacun d'entre nous étant sûr d'être à la retraite avant que 5 % des objectifs aient été atteints. Par contre, on avance très vite dès lors qu'on demande aux gens de se mettre en réseau et de travailler ensemble. Telle est la tactique que j'avais mise en avant lorsque j'étais médiateur du crédit : c'est également celle que nous mettons en place pour les investissements d'avenir. Chacun est convaincu qu'il faudra dépenser l'argent le plus intelligemment possible, pour créer du potentiel de recherche et d'emploi pour demain."

La dynamique créée par les investissements d'avenir, couplée au Plan Campus et aux Pôles de compétitivité, permet de faire émerger des structures d'envergure par des regroupements et des mutualisations, avec une meilleure lisibilité à l'international, et capables de rivaliser avec les cluster s de niveau mondial.

Toutefois, en tant que parlementaires, il nous apparait important que, sans pour autant remettre en cause la procédure de jurys internationaux et souverains, le développement et les investissements restent équilibrés sur le territoire : il ne faudrait pas que la France perde le Nord, comme l'a dit Jean-Yves Le Déaut, ou que les financements ne s'orientent que vers les projets les plus gros, à même de financer du personnel pour répondre aux appels d'offres et donc de financements annexes. "Les chiens maigres courent plus vite que les chiens gras", et les projets les plus gigantesques ne sont pas forcément ceux sur lesquels le retour sur investissement sera le meilleur.

L'OPECST se pose plusieurs questions. Quelle est la réalité du grand emprunt ? Où en sont aujourd'hui les traductions financières ? A quel taux se fait l'emprunt ? Qui l'a contracté ? Il faut en effet dissiper les craintes, comme l'a dit Jean-Pierre Gorges , député d'Eure-et-Loir, que des baisses de crédit budgétaire soient compensées par les intérêts du grand emprunt. Il faut éviter la tentation de combler les effets de la disette budgétaire par l'octroi d'une compensation issue du grand emprunt. Nous souhaitons obtenir sur ce sujet la réalité des chiffres et faire que l'organisation de l'enseignement supérieur en France ne soit pas limitée à 10 centres d'excellence mais qu'elle soit fondée sur un maillage en réseau où chaque site universitaire trouve sa place. L'exemple des IRT illustre bien le décalage entre la vision théorique et la réalité.

Ainsi que l'indique le Code général des impôts (CGI) «  les IRT sont des instituts thématiques interdisciplinaires qui :

- pilotent des programmes de recherche couplés à des plates-formes technologiques et des formations ;

- effectuent des travaux de recherche fondamentale, mais aussi de recherche appliquée et de développement expérimental ;

- veillent à la valorisation socio-économique des résultats obtenus.

Les objectifs des IRT sont de :

- produire des innovations, c'est-à-dire des inventions qui trouvent un marché, dans leurs domaines thématiques avec une efficience plus importante que les dispositifs préexistants ;

- viser une position dans le peloton de tête mondial dans leur(s) domaine(s) avec une finalité de développement industriel et/ou de services ;

- couvrir l'ensemble du processus d'innovation, y compris la démonstration, le prototypage industriel et l'ingénierie de formation ;

- faciliter la concentration des acteurs en mobilisant sur un même lieu physique une taille critique suffisante de compétences pour notamment disposer d'une visibilité internationale et permettre des collaborations fructueuses de longue durée ;

- contribuer à la compétitivité des filières industrielles et/ou de services ».

Mais la réalité est très éloignée de ce que voulaient les concepteurs car les services de Bercy ont contribué à augmenter l'incertitude juridique pour les industriels qui avaient pourtant répondu présents. Les pères du grand emprunt, Michel Rocard et Alain Juppé n'y retrouveraient pas leur bébé car l'intendance en a totalement modifié le fond.

D'après les services de législation fiscale, les IRT sont à but lucratif dans la mesure où ils apporteraient un avantage concurrentiel aux entreprises. Ils sont donc soumis aux impôts commerciaux et ne sont pas éligibles au mécénat.

S'ils ont fait le choix du statut de fondation de coopération scientifique, ils sont éligibles au crédit impôt recherche sur les seules prestations externes mais pas sur les programmes de recherche et développement propres car ils ne sont pas imposables à 100 % à l'impôt sur les sociétés.

L'encadrement européen complique encore le système. Or, l'intérêt des IRT était précisément de contribuer à la compétitivité des filières industrielles et de services. Leur rôle est de motiver les industriels sur les sujets qui intéressent l'industrie à moyen et à long terme.

L'intérêt était de développer des recherches par filière, ce qui n'a pas été fait. L'usine à gaz actuelle fera que les industriels ne s'engageront jamais dans ce contexte caractérisé d'incertitudes juridiques.

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