B. LA PROPOSITION DE LOI RELATIVE À L'ÉGALITÉ SALARIALE : FAIRE DE L'ÉGALITÉ SALARIALE UNE OBLIGATION DE RÉSULTAT ET NON DE MOYENS

Lors du débat portant sur la réforme des retraites, Mme Claire-Lise Campion, co-auteure de la proposition de loi, marquait son désaccord avec le dispositif proposé par le Gouvernement, avant même son adoption : « que nous propose le Gouvernement pour réduire cette inégalité ? La seule création d'une pénalité financière pour les entreprises qui ne signeraient pas un accord relatif à l'égalité professionnelle ou qui ne mettraient pas en oeuvre un plan d'action en la matière ? [...] . Cette disposition ne saurait à elle seule constituer un dispositif suffisant, complet, de nature à garantir l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes » .

Elle appelait de ses voeux, par conséquent, une volonté politique forte et suivie d'effets pour espérer une modification des comportements.

La proposition de loi n° 230 (2011-2012) déposée le 23 décembre 2011 traduit cette volonté.

Formulée en un article unique, elle vise à rendre effective l'égalité salariale entre femmes et hommes en prévoyant des sanctions et incitations financières :

d'une part, elle propose de priver , à partir du 1 er janvier 2013, toute entreprise n'ayant pas conclu d'accord définissant et programmant les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes, des allègements et exonérations sur les cotisations sociales de la branche maladie ainsi que des réductions d'impôts dont elle pourrait bénéficier ;

d'autre part, elle prévoit que l'absence de transmission du Rapport de situation comparée ainsi que de l'avis à l'inspection du travail dans les quinze jours suivant la consultation exposera l'employeur à une pénalité équivalente à 1 % de la masse salariale dont les modalités de paiement seront fixées par décret.

Le tableau suivant présente en parallèle les deux dispositifs de sanctions :

Article 99 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites

Proposition de loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes 18 ( * )

Entreprises concernées

Les entreprises - y compris les EPIC 19 ( * ) et les EPA 20 ( * ) lorsqu'ils emploient des salariés de droit privé - de plus de 50 salariés

Toutes les entreprises, sans considération de seuil

Objet de l'infraction

Absence d'accord ou de plan d'action sur l'égalité professionnelle

1. Absence de conclusion d'un accord définissant et programmant les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes

2. Absence de transmission du RSC et de l'avis du comité d'entreprise ou des responsables du personnel à l'inspection du travail, dans les 15 jours suivant la consultation

Nature de la sanction

Pénalité équivalente à 1 % maximum de la masse salariale, modulée en fonction de :

- l'importance des obligations non respectées

- des motifs de défaillance

- des autres mesures prises par l'entreprise en matière d'égalité professionnelle

- de la bonne foi du chef d'entreprise

1. Suppression de tous les allègements et exonérations de cotisations sociales de la branche maladie

Suppression de toutes les réductions d'impôts

2. Pénalités équivalentes à 1 % de la masse salariale

Procédure de la sanction

Mise en demeure de l'inspection du travail

Six mois laissés à l'entreprise pour se mettre en conformité

Notification de la décision de la DIRECCTE 21 ( * ) d'appliquer ou non la pénalité au plus tard dans le délai d'un mois

Suppression automatique en cas de constat de carence

Modalités de paiement fixées par décret

1. Conditionner le bénéfice des allègements généraux de cotisations sociales et de réduction d'impôt à la conclusion d'un accord visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes

Le dispositif proposé est rigoureux puisqu'il :

vise toutes les entreprises, sans considération de seuil ;

exige la conclusion d'un accord sur les conditions de l'égalité salariale et pas seulement l'engagement d'une négociation ;

propose de supprimer les allègements de charge et les réductions d'impôt auxquels l'entreprise aurait droit.

Il faut rappeler que le même dispositif a été proposé dans des termes identiques par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Annie David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen (CRC) sous forme d'amendement 22 ( * ) au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, et discuté en séance publique le 9 novembre 2011.

Le rapporteur général 23 ( * ) de la commission des affaires sociales avait alors considéré que « même si la commission [était] réservée sur l'idée d'interférer dans la conclusion d'accords dans l'entreprise elle [partageait] pleinement le souci exprimé par les auteurs de cet amendement. [...] « Pour faire progresser une cause qui [n'avançait] pas assez vite à [ses] yeux » , il avait appelé la commission à s'en remettre à la sagesse du Sénat, qui avait alors adopté le dispositif en première lecture. Il a été supprimé dans la suite de la discussion.

Un certain nombre de nos interlocuteurs se sont interrogés sur la compatibilité du dispositif avec d'autres exigences législatives, ou constitutionnelles, notamment avec le principe d'autonomie syndicale ou avec le fondement originel des allègements de charges. Pour certains représentants syndicaux, il apparaît difficile, au nom de l'égalité de traitement salarial entre les femmes et les hommes, de pouvoir envisager de pénaliser ceux qui, du fait de leurs caractéristiques socio-économiques, se trouvent éloignés du marché de l'emploi et qui peuvent être, par ailleurs, des femmes.

La délégation estime que la rigueur du dispositif doit être analysée comme un signal fort envoyé à l'intention des chefs d'entreprise et des partenaires sociaux.

Puisque l'incitation a échoué à convaincre les acteurs de l'entreprise de la nécessité de s'emparer de la question de l'égalité salariale, la contrainte n'est plus une alternative, mais une nécessité.


* 18 Proposition de loi n° 230 (2011-2012) relative à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes présentée par Claire-Lise Campion, Michèle André, Catherine Génisson, François Rebsamen et les membres du groupe socialiste et apparentés

* 19 Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC)

* 20 Établissement public à caractère administratif (EPA)

* 21 Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE)

* 22 Amendement n° 65 rectifié bis présenté par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Annie David et les membres du groupe CRC en séance le 9 novembre 2011

* 23 M. Yves Daudigny

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