B- LA FIABILITÉ DES INTERPRÉTATIONS

« La question de la fiabilité du matériel, des données et des interprétations qui peuvent être faites en neurosciences est centrale. J'appartiens à une génération qui a toujours connu l'imagerie cérébrale » explique Olivier Oullier 103 ( * ) ; et de souligner que ses attentes et exigences sont élevées en ce qui concerne la qualité du signal et la reproductibilité des données : « l'exigence de qualité des données vaut autant pour le diagnostic médical et la recherche qui se nourrissent mutuellement » .

Or les bases de données se multiplient, de véritables bibliothèques d'images et de modèles se constituent au fil d'expériences très médiatisées, telle celle de Jack Gallant : chaque image est liée à un objet visualisé, afin de reconstituer ce que voit le sujet. La tentation est grande de percevoir ce que l'on souhaite.

Comme l'a rappelé Sylvain Ordureau 104 ( * ) , l'IRM produit des images en coupe contenant des pixels colorés en dégradés de gris. Chaque pixel (Picture Element) est une information sur la qualité du signal capté dans sa zone spatiale donnée. Ensuite, l'assemblage des coupes permet de recréer un volume, et par voie de conséquence, le corps du patient. Cette représentation est donc une abstraction mathématique qui dépend de celui qui la constitue.

La précision dépend de la machine, de l'opérateur et de la préparation du patient. L'échelle de mesure est souvent insuffisante avec les IRM à 1,5T (les plus courantes). Aussi, est-il tentant d'augmenter la puissance du champ magnétique pour obtenir des images plus fines, ce que la mission a constaté dans la plupart des laboratoires de recherche. Cependant il faut prendre garde aux risques potentiels de toxicité magnétique décrits plus haut.

Sylvain Ordureau explique que suivant le seuil choisi par l'observateur pour effectuer la mesure, les résultats sont différents, induisant des risques de biais et d'erreur dans l'évaluation de la mesure. « Si l'on suit l'exemple de l'image d'un corps calleux, se posent les questions suivantes : l'épaississement du corps calleux est-elle due à la diminution du nombre de neurones, ou à une modification de la vascularisation, ou à l'augmentation des fibres nerveuses ? Pour donner une signification au résultat, il faudrait soit recourir à des prélèvements, soit utiliser des machines encore plus précises. On est encore très loin du compte » .

Vos rapporteurs ont constaté le grand intérêt des chercheurs mais aussi des cliniciens pour des outils performants extrêmement sophistiqués et fort coûteux. Ils comprennent ce souci mais ils s'interrogent pour savoir qui pourra y accéder. Qui a la capacité de maintenance ? Qui a la capacité d'analyser les données de ces prototypes si ce n'est le constructeur lui-même ?


* 103 Professeur de psychologie à l'Université d'Aix-Marseille, conseiller scientifique, Centre d'analyse stratégique (CAS) - (Audition publique du 29 juin 2011).

* 104 Directeur de « Usefull Progress » (Audition publique du 29juin 2011).

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