2- L'augmentation des capacités : la « cyborgisation »

Selon Jean-Didier Vincent, le transhumain n'est qu'une étape transitoire sur le chemin qui mène au posthumain. Chaque innovation entraînant une augmentation exponentielle des capacités d'action, on ne sait absolument pas combien de temps peut durer la transition. Le séquençage du génome humain devait durer vingt ans, il en a pris deux ou trois. Les partisans du transhumanisme rêvent d'un monde nouveau, alors que le progrès est une notion accrochée au monde ancien, un monde qui croit à l'humain et à sa pérennité. L'idée d'une victoire sur la mort est opérante.

James Hughes 146 ( * ) croit que le développement des possibilités du transhumanisme va créer une grande compatibilité entre la métaphysique, la théologie, la sociologie et l'eschatologie. Il croit que les visions limitées par la religion, par la spiritualité vont être dépassées par une nouvelle forme de trans-spiritualité. Selon lui, le futur s'ouvrira sur de nouvelles lois biologiques, vers des capacités biotechnologiques et cybernétiques incroyables.

Et le philosophe, Jean-Michel Besnier 147 ( * ) de relever : « les spéculations post-humanistes passent tantôt du côté de l'animalisation, tantôt de celui de la machinisation, oubliant dans les deux cas, la spécificité de l'humain. Les spéculations post-humanistes en tirent facilement argument. Elles se représentent les technologies comme l'instrument qui devrait aider l'homme à fusionner avec les machines, et ce d'autant plus facilement qu'elles trouveront dans les neurosciences les arguments d'une mécanisation de l'esprit, tel est le fantasme de base » .

3- L'utilisation par les armées des potentialités d'augmentation

À deux reprises Jean-Didier Vincent 148 ( * ) a attiré l'attention des rapporteurs sur l'utilisation des technologies convergentes par les armées car ces technologies augmentent artificiellement les capacités des militaires, et permettent un essor considérable de la robotique.

Le nouveau soldat n'aura pas d'armure mais un exosquelette pour alléger ses charges et divers systèmes d'écoute et de capteurs, et la guerre sera de plus en plus robotisée. Selon Jean-Didier Vincent,  « les technologies convergentes et les mécanismes d'intelligence artificielle intéressent les armées, il s'agit de travailler au service du complexe militaro-industriel, le plus fournisseur de crédits pour ces recherches dans les technologies convergentes ».

Il est vrai que comme le relevait Nathalie Guibert 149 ( * ) , la robotisation du champ de bataille s'accélère. La technologie bouleverse la guerre  car la perspective, désormais à portée, est celle d'une automatisation de l'usage de la force, voire de l'acte de tuer. Les milieux de la défense en ont débattu, lors d'un colloque international aux Écoles de Saint-Cyr, les jeudi 9 et vendredi 10 novembre 2011, à Coëtquidan : « Il ne s'agirait plus seulement de donner la mort à distance, ce que font déjà de nombreux soldats, pilotes de chasse, opérateurs de drones ou de missiles guidés, il s'agit de protéger le combattant et d'améliorer le renseignement de contact, de déminer des mines et explosifs, de renforcer les capacités de destruction du combattant, de l'alléger. » Le risque est de mettre au point des robots pour tuer de façon autonome. Quelles lois de la guerre leur seraient applicables ? Il faudra bien établir un cadre ou les interdire ?

Et Jean-Didier Vincent de noter 150 ( * ) « l'expérimentation se passe in vivo, en Afghanistan ou ailleurs, où l'on utilise des cyber-soldats, d'une efficacité redoutable, puisqu'ils tuent ennemis et civils tout en étant pratiquement invincibles, grâce à la progression des avancées des technologies convergentes (nanotechnologies, technologies de l'information, biotechnologies et technologies du cerveau). Elles ont permis de totalement modifier la structure du soldat qui s'avance dans le désert, avec de petits nanorobots, fabriqués avec des nouveaux matériaux, capteurs de tous les organes des sens qui apportent toute une série d'informations géographiques et autres. Elles permettent au soldat, par une interconnexion entre son cerveau et les bras exécutifs, de déclencher automatiquement l'envol de petits avions qui ne manqueront pas leur cible et y compris quelques centaines de personnes autour ».

La convergence des technologies est appelée à s'étendre. La loi relative à bioéthique de juillet 2011 ne fait qu'une brève allusion aux technologies convergentes en demandant à l'Agence de la biomédecine d'exercer une veille.

Vos rapporteurs estiment que les aspects éthiques et les impacts sociétaux des technologies convergentes doivent être étudiés à nouveau par l'OPECST, qui s'est déjà penché sur ce sujet à plusieurs reprises dans ses divers travaux sur les nanotechnologies. Il y a deux raisons à cela : la rapidité d'évolution des outils dans ce domaine, et leur utilisation de plus en plus étendue.


* 146 Directeur exécutif de l'Institut pour l'éthique et les technologies émergentes, bioéthicien et sociologue Trinity College, Hartford.

* 147 Professeur de philosophie à l'Université de Paris IV-Sorbonne, chercheur au Centre de recherche en épistémologie appliquée (CREA), (CNRS/École Polytechnique).

* 148 Auditions publiques du 26 mars 2008 et du 30 Novembre 2011.

* 149 Le monde 13 novembre 2011.

* 150 Audition publique du 30 novembre 2011.

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