B. ... MAIS DES PROGRÈS INSUFFISANTS

Ces performances doivent toutefois être relativisées.

En premier lieu, il existe un doute sur la signification des données sur lesquelles le diagnostic d'un progrès de la situation alimentaire mondiale est posé. Il pourrait s'agir d'une performance partiellement apparente puisque les statistiques disponibles concernent des disponibilités et pas nécessairement des consommations effectives. Or, pour différentes raisons, parmi lesquelles les problèmes de mesure mentionnés précédemment et la dynamique des pertes et gaspillages21(*), il peut y avoir entre les deux données un écart substantiel.

En outre, les chiffres disponibles sont des moyennes qui peuvent cacher une dispersion plus ou moins forte des progrès réalisés.

À cet égard, plusieurs constats s'imposent.

Les performances ont varié entre grandes régions, ce que montre le tableau ci-dessus. Les progrès effectués par l'Afrique sub-saharienne ont été modestes tandis que la situation s'est dégradée dans les pays en transition.

Par ailleurs, au sein des grandes régions identifiées, des pays sont restés à l'écart du progrès.

Sans doute, doit-on observer que la population des pays en développement touchée par la sous-nutrition sévère a reculé22(*).

En 1970, près de 2 milliards de personnes vivaient dans 47 pays où la consommation journalière par habitant était inférieure à 2 200 kcal. Trente ans plus tard, la population concernée est passée à 584 millions regroupés dans 32 pays.

De son côté, la population des émergents dépassant le seuil considéré généralement comme représentatif de la sous-nutrition (2 700 kcal par jour)23(*) a beaucoup progressé passant de 100 millions à 2,4 milliards de personnes vivant désormais dans 30 pays (contre 6 en 1970).

Ainsi, la population considérée comme correctement nourrie représente dorénavant 51 % du total des pays en développement (contre 4 % en 1970), ces évolutions retraçant pour une large part les progrès réalisés dans les pays fortement peuplés que sont l'Inde et la Chine.

Pourtant, la croissance de la population des pays en développement s'est également soldée par le maintien d'une situation précaire pour un très grand nombre d'individus.

Les personnes vivant dans des pays où les ressources accessibles s'étagent entre 2 200 et 2 700 kcal par jour sont au nombre de 1,7 milliard contre 540 millions trente ans plus tôt.

Par ailleurs, les 32 pays concernés par une sous-nutrition sévère ont souvent connu une dégradation de leur situation.

Les pays en développement sous la barre de 2 200 kcal en 2000 en perspective avec leur meilleure et leur pire performance dans la période 1960-2000

L'Afghanistan et l'Irak témoignent de ce phénomène qui paraît avoir particulièrement touché des pays confrontés à des conflits.

Une partie importante des pays en déclin sont situés en Afrique sub-saharienne qui est la région du monde où la situation alimentaire s'est le moins améliorée.

Elle partage avec l'Asie du Sud la position la plus dégradée dans un monde où les situations des grandes régions restent contrastées malgré les progrès réalisés.

Enfin, et surtout le nombre absolu des personnes subissant la sous-alimentation n'a pas beaucoup régressé. Il s'élevait à 813 millions en 2000 contre 960 millions en 1970 ce qui représente une amélioration non négligeable mais qui doit être relativisée. Les progrès réalisés semblent s'essouffler : en 1990 la sous-alimentation touchait 823 millions d'individus. Le recul dix ans plus tard, est minime.

En tout état de cause, la prévalence de la sous-alimentation doit être appréciée très différemment selon qu'on s'intéresse à des proportions ou à des valeurs absolues.

Prévalence de la sous-nutrition dans le monde
(en %, en millions)

 

1990

2000

1990

2000

Pays en développement dont :

20,3

17

823

813

Afrique sub-saharienne

35,7

32,7

170

209

Afrique du Nord, Moyen Orient

7,6

10,1

24

40

Amérique latine-Caraïbes

13,4

10,2

60

53

Asie du Sud

25,9

22,1

291

301

Asie du Sud-Est

16,5

11,5

277

217

Source : FAO


* 21 Les pertes et gaspillages ne sont déduits que partiellement dans la mesure de la nourriture disponible.

* 22 Du moins au vu de la consommation apparente moyenne.

* 23 Voir infra. Pour quelques précisions sur ce concept.