B. ... DONT LES DIFFICULTÉS S'ACCROISSENT QUAND ON LA MET EN PERSPECTIVE

De surcroît, une perspective dynamique paraît s'imposer pour établir ce bilan ce qui complexifie encore le problème.

À cet égard, deux variables au moins paraissent devoir être particulièrement prises en compte :

 les changements prévisibles des conditions naturelles ;

 les innovations technologiques.

Les scénarios de modification des conditions naturelles du développement agricole amènent à élargir le questionnement sur les effets des modes de production agricole sur l'environnement en portant plus d'attention à certains de ces effets considérés comme les plus critiques (effet de serre, dégradation des sols et des ressources en eau..), mais aussi en anticipant les rétroactions des modifications de la biosphère sur la production agricole elle-même.

Cette compréhension large des phénomènes appelle une mobilisation des moyens accordés non seulement aux études qu'elle implique mais encore à leur transformation en guides d'action. De ce point de vue aussi, une institutionnalisation performante s'impose. Elle manque aujourd'hui.

Quant aux innovations technologiques, elles appellent, elles aussi, la combinaison d'un effort de recherche le plus ouvert possible et d'une organisation des choix dont on sait qu'ils ne doivent être confisqués par personne sauf à accepter de naviguer à vue entre les positions, nécessairement irréconciliables des groupes de pression.

Dans un domaine à externalités fortes, s'il n'est pas légitime que les intérêts du complexe « techno-productif » s'imposent sans autre examen, il ne l'est pas davantage que les « socio-affects » bloquent le progrès. La démocratie, enrichie par les procédures de délibération le plus pleinement informées et « informantes » possible, doit prévaloir, problématique qui, pour n'être pas propre à l'agriculture, doit être reconnue comme particulièrement digne d'attention dans cette activité.

Ces considérations doivent avoir à l'avenir des prolongements pratiques tant en France qu'au niveau international où manque un système de pilotage des innovations technologiques les plus lourdes d'enjeux alors même que les effets des innovations sont mondiaux.

Par ailleurs, la formalisation des choix du modèle agricole doit prendre pleinement en compte les dimensions socio-économiques de ces choix.

S'agissant de l'alternative « rendements/extension des surfaces » la seule considération des questions techniques est trop étroite et ne suffit pas.

Une fois dit qu'à l'échelle planétaire les objectifs d'élévation et la production agricole peuvent être atteints moyennant des combinaisons « terres-capital technique » diversifiées, l'observation plus locale conduit à nuancer le propos. Dans certaines régions, les terres sont déjà saturées ; dans d'autres, les perspectives d'une augmentation de la production par engagement de capitaux supplémentaires ressortent comme très incertaines.

Par ailleurs, la composante environnementale, sous l'angle de la durabilité mais aussi des risques, doit être vue comme un élément à part entière, de ces conditions techniques (à côté de l'innovation ou de la disponibilité effective de sols raisonnablement cultivables...).

Idéalement, la combinaison terre/capital technique devrait être construite à partir d'une évaluation complète des coûts et des risques, ce qui implique d'estimer les consommations du capital naturel associées à la mobilisation de chacun de ces facteurs productifs et d'intégrer des hypothèses de risques environnementaux.

On conçoit que l'entreprise n'est pas simple du fait des problèmes de délimitations des nuisances et de scénarisation des risques. Il est dès lors possible de douter de l'efficacité d'estimations tendant à une complète précision scientifique.

Il n'en reste pas moins que, localement, l'aversion à certains risques peut jouer un rôle non-négligeable dès le choix de la combinaison productive et contribuer à définir plus globalement les stratégies mises en oeuvre.

Mais, la dimension socio-économique des choix du modèle agricole va au-delà de la question des risques par les contraintes logiques qu'elle comporte notamment dans la perspective du présent rapport qui est celle de la mise en oeuvre du droit à l'alimentation.

Autrement dit, votre rapporteur estime que plutôt que d'une démarche essentiellement technique les choix effectués sur ce point doivent procéder d'une approche combinant cette dimension et les composantes socio-économiques du développement.

À cet égard, les questions démographiques doivent être considérées avec d'autres problèmes aigus comme le financement, l'assurance, la formation...

Les contraintes de financement des différentes catégories de combinaisons productives peuvent n'être pas toujours équivalentes si les risques pesant sur ces deux classes d'actif diffèrent et si, du fait des conditions de marché, les coûts actualisés de leur mise en oeuvre ne sont pas égaux.

Par ailleurs, les rendements des deux facteurs peuvent différer offrant des perspectives de rémunération dissemblables. L'intensité capitalistique et les rendements semblent corrélés mais, d'un autre côté, les rendements d'échelle positifs paraissent jouer en agriculture comme dans d'autres activités, malgré quelques particularités.

En bref, on oscille entre deux modèles, l'un avec beaucoup de capital par hectare, l'autre avec beaucoup d'hectares par unité de capital. C'est dans ce cadre théorique qu'il faut déterminer une taille optimale d'exploitation ou (et) du parc capitalistique accessible tout en tenant compte des spécificités locales et des particularités des productions agricoles.