4. Préparer les futures réformes dans la concertation avec les enseignants reconnus comme experts de leur métier

L'émergence de collectifs enseignants en prise sur leur métier nécessite surtout de repenser le mode de fonctionnement de l'institution pour rendre plus démocratique la vie de l'éducation nationale. Il faut aujourd'hui moins d'injonction verticale, moins de prescription mais plus de soutien et plus de respect pour le travail et pour l'expertise des enseignants.

Votre rapporteure est convaincue que l'éducation nationale doit considérablement évoluer si elle veut être fidèle à ses missions fondamentales d'assurer la réussite de tous les élèves et de lutter contre la reproduction des inégalités sociales. Mais les réformes à la hussarde, à la fois très ambitieuses dans leurs objectifs et très floues sur leurs traductions concrètes, échouent. Il convient donc de réformer l'éducation nationale dans la concertation avec les enseignants sans tenter d'exacerber les tensions existantes entre l'école et son environnement extérieur .

Il paraît désormais nécessaire d'associer les enseignants à la préparation des futures réformes comme experts de leur métier au lieu, comme cela a pu être le cas par le passé, de les considérer comme des obstacles à surmonter ou comme de simples objets dont il faudrait forcer l'évolution. Ceci ne remet nullement en cause les prérogatives propres du politique, ni sa responsabilité éminente dans la définition des missions et des finalités de l'éducation nationale.

Il est souvent question de jeter les bases d'un nouveau statut des enseignants, en arguant de l'obsolescence du décret de 1950 qui le régit, pour l'adapter aux évolutions de la société. Votre rapporteure estime que ce chantier important ne peut être amorcé qu'après avoir redonné sens à l'école en la recentrant sur l'objectif de démocratisation, conforté les moyens alloués à l'éducation et remis à plat la formation et le recrutement des enseignants. Une fois ces fondations fermement posées et la confiance restaurée avec le monde enseignant, le débat sur l'adaptation du statut pourra s'ouvrir dans de bonnes conditions . Les organisations syndicales reçues par la mission ne s'y sont pas montrées hostiles et chacune a déjà commencé à prendre position.

Pour ne pas préjuger de la concertation à venir et pour ne pas arbitrer trop précocement alors qu'aucun consensus n'émerge encore, votre rapporteure se contentera de présenter à titre personnel quelques éléments de réflexion.

En premier lieu, la rénovation du statut des enseignants ne peut être entreprise sans transformation de la politique de gestion des ressources humaines du ministère. Elle ne peut intervenir sans que parallèlement soit élaboré un plan d'action ambitieux pour améliorer les conditions de travail, renforcer la médecine de prévention et protéger la santé des personnels. Un accompagnement spécifique des enseignants en fin de carrière devrait être mis en place rapidement afin d'assurer un suivi ciblé de leur état de santé, de répondre à leurs besoins de formation particuliers, de prévoir des aménagements de leur temps de travail, ainsi que de leur environnement de travail.

En outre, votre rapporteure considère que tout aggiornamento du statut devra s'accompagner d'une revalorisation de la condition enseignante, tant symbolique que matérielle. Il devra, en outre, contribuer à rendre visible le travail invisible des enseignants, c'est-à-dire réintégrer l'ensemble des tâches effectuées tout en demeurant occultées et non prises en compte. Le service des enseignants devrait inclure les travaux exercés qui ne sont pas officiellement reconnus mais qui participent du rôle éducatif global joué par les enseignants au-delà de la simple transmission des savoirs.

Pour autant, il faut éviter de viser une codification et une quantification précise de toutes les activités qui contribuent à l'exercice du métier, sous peine de tayloriser la profession. Par exemple, les lectures, les moments de formation personnelle et d'approfondissement sont à la fois indispensables et trop liés à l'idiosyncrasie de chaque professeur pour être intégrés dans la définition du service.

En revanche, la fixation d'une norme hebdomadaire d'heures de cours devant élèves est un élément structurant que votre rapporteure estime important de préserver. Une modulation du service hebdomadaire en fonction de la difficulté du travail peut être envisagée, en prévoyant par exemple moins d'heures de cours hebdomadaires devant élèves pour les professeurs exerçant dans l'éducation prioritaire. En outre, le travail collectif de réflexion entre collègues et les relations avec les parents devraient être comptabilisés selon des modalités encore à définir, peut-être sous la forme d'un volet annualisé de quelques heures par semaine.

Enfin, à titre personnel, votre rapporteure estimerait intéressant de prévoir un forfait d'heures pour tous les enseignants afin de leur permettre de mener des projets culturels avec leurs élèves. En d'autres termes, il s'agit d'étendre le dispositif dont bénéficient les enseignants d'EPS pour promouvoir le sport scolaire. Ce « forfait culturel » intégré au service serait de nature à améliorer le climat de vie scolaire dans les établissements tout en facilitant la démocratisation de l'accès à l'art.

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