B. LE TABLEAU CONTRASTÉ DES GAGNANTS ET DES PERDANTS

La réforme de la taxe professionnelle a eu pour effet un allègement des charges de fiscalité globale des entreprises , dont l'appréciation doit toutefois être modérée par la prise en compte des hausses intervenues par ailleurs sur la fiscalité des entreprises et des difficultés techniques accompagnant la réforme. Une analyse plus précise permet de distinguer le secteur industriel, qui apparaît comme le principal bénéficiaire de la réforme, conformément aux objectifs initiaux de celle-ci ; en revanche, les entreprises de prestation de services ont, dans leur grande majorité, vu leur contribution économique augmenter, dans des proportions parfois importantes.

1. Un allègement fiscal global pour les entreprises ...

Selon le chiffrage fourni par le Gouvernement, l'allègement fiscal des entreprises se situe dans une fourchette comprise entre 7,5 milliards d'euros , selon le ministère de l'économie, et 8,2 milliards d'euros , selon le ministère de l'industrie 7 ( * ) . Cette économie représente la différence entre la charge que les entreprises auraient dû supporter si la taxe professionnelle était toujours en vigueur et l'impôt effectivement acquitté dans le cadre de la contribution économique territoriale.

Selon notre ancienne collègue Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances du Sénat 8 ( * ) , 3,3 millions d'entreprises - soit près de 3,96 millions d'établissements - ont été redevables de la CFE en 2010. Le montant des émissions du rôle général de CFE , frais de gestion compris, s'établit à plus de 6,3 milliards d'euros et, en intégrant les taxes de financement des chambres consulaires, ce montant atteint environ 8 milliards d'euros.

954 000 entreprises ont déposé une déclaration de CVAE et 149 000 ont effectivement acquitté cet impôt. Les recouvrements de CVAE en 2010 se sont élevés à 10,35 milliards d'euros .

a) Une large majorité de gagnants

Environ 60 % des entreprises (soit environ 2 millions d'entreprises) sont gagnantes 9 ( * ) - un chiffre qui, selon François Baroin, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, atteint 86 % pour celles dont le chiffre d'affaires est compris entre 250 000 et 500 000 euros - et environ 20 % ( 845 000 entreprises, avec quelques nuances, selon le Gouvernement) sont perdantes, les 20 % d'entreprises restantes voient leur contribution stabiliser . Ces données sont confirmées par une enquête interne du Medef qui évalue à 61 % la proportion d'entreprises gagnantes, à 27 % celle d'entreprises perdantes et à 12 % celle des situations stables.

On rappellera toutefois que les estimations initiales du Gouvernement évaluaient à environ 129 000 le nombre d'entreprises dont la charge fiscale devait augmenter. Or, le nombre d'entreprises perdantes s'élevant finalement à 800 000, force est de constater que les évaluations initiales se sont avérées trop optimistes . Votre rapporteur estime que l'augmentation du nombre d'entreprises perdantes peut également s'expliquer par les effets de la cotisation minimale de la CET qui ne pouvaient être anticipés, au moment des évaluations, puisque relevant d'une décision locale.

En revanche, le Gouvernement estimait à 1,1 million le nombre d'entreprises bénéficiaires de cet allègement, alors qu'on évalue leur nombre à 2 millions. Votre rapporteur se félicite que la proportion réelle soit largement supérieure à ces prévisions.

b) Des écarts de taxation très variables

Le gain moyen par entreprise « gagnante » est évalué à 4 080 euros , soit sept fois supérieur à la perte moyenne de 604 euros des entreprises considérées comme « perdantes ». François Moutot, directeur général de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA), a rappelé que, si la hausse de la CET apparaît peu élevée en euros, elle peut, en revanche, en pourcentage, dépasser 100, 200, voire 300 %.

Selon Marie-Christine Coisne, présidente de la commission « fiscalité des entreprises » du Medef, « 38 % des entreprises perdantes subissent une augmentation d'impôt inférieure à 10 % et les autres 62 % se partagent équitablement entre 10, 20, 30 et 50 % d'augmentation, parfois 100 %. » Mme Coisne a par ailleurs précisé que, parmi les entreprises gagnantes, 30 % d'entre elles enregistrent moins de 10 % de réduction d'impôt, 25 % entre 30 et 50 % de réduction et 15 % entre 10 et 20 %.

c) Des contrastes marqués entre secteurs d'activité

Le tableau suivant présente, par secteur d'activités, la proportion d'entreprises gagnantes, perdantes et celles dont la contribution économique est stable, d'une part, ainsi que la baisse de l'impôt économique territorial en pourcentage et en montant dans chaque secteur, d'autre part.

Répartition des gagnants et des perdants par secteur d'activité

Secteur d'activité

Gagnants

Stables

Perdants

Baisse de la cotisation dans le secteur

Part du gain sur le total tous secteurs confondus

En %

En %

En %

Millions d'euros

En %

En %

Agriculture, sylviculture, pêche

63

15

22

- 109

- 62

1

Industries agricoles
et alimentaires

59

4

37

- 364

- 34

5

Industrie des biens
de consommation

40

28

32

- 244

- 25

3

Industrie automobile

74

5

21

- 120

- 24

2

Industries des biens d'équipement

62

13

25

- 289

- 28

4

Industrie des biens intermédiaires

63

16

21

- 965

- 36

13

Énergie

64

5

30

- 388

- 22

5

Construction

41

29

30

- 724

- 46

10

Commerce

63

10

26

- 958

- 23

13

Transports

51

31

17

- 502

- 31

7

Activités financières

60

5

35

- 4

0

0

Activités immobilières

55

8

37

- 110

- 24

1

Services aux entreprises

61

14

25

- 1 161

- 22

15

Services aux particuliers

52

18

30

- 453

- 37

6

Éducation, santé,
action sociale

88

6

6

- 724

- 62

10

Administration

66

6

28

- 11

- 24

0

Inconnu

70

9

21

- 376

- 27

5

Total

60

14

25

- 7 502

- 28

100

Source : Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie.

Deux conclusions générales se dégagent de la lecture de ce tableau :

- d'une part, on constate, pour l'ensemble des secteurs d'activité, que la proportion d'entreprises gagnantes est supérieure à celle des entreprises perdantes à la réforme de la taxe professionnelle. Ces dernières représentent, en moyenne, 25 % des entreprises globales. On dénombre toutefois des secteurs d'activités pour lesquelles la proportion de perdants est très importante, tels que les industries agricoles et alimentaires (37 %), les activités financières (35 %) et les activités immobilières (37 %) ;

- d'autre part, l'allègement de la fiscalité économique se concentre sur quelques secteurs : les industries des biens intermédiaires (avec une baisse de cotisation de 965 millions d'euros), le commerce (958 millions d'euros), les services aux entreprises (1 161 millions d'euros) et l'éducation, la santé et l'action sociale (dont la baisse de cotisation s'élève à 724 millions d'euros).

2. ... dont l'ampleur et le bénéfice doivent être relativisés

La réforme, applicable aux entreprises depuis le 1 er janvier 2010, est loin d'avoir encore produit tous ses effets. Toutefois, on constate que, malgré une forte proportion d'entreprises gagnantes, l'allègement fiscal apparaît plus limité que prévu, en raison notamment du renforcement de la fiscalité des entreprises et des difficultés techniques qui ont accompagné la réforme, notamment pour la déclaration des effectifs .

a) Parallèlement à la réforme, la fiscalité des entreprises a été alourdie

Pour évaluer l'impact de la réforme de la taxe professionnelle sur les entreprises, il est nécessaire de mesurer la pression fiscale globale pesant sur les entreprises. En effet, il importe de savoir si la diminution de la fiscalité économique a été contrebalancée ou non par une hausse simultanée d'autres fiscalités pesant sur elles.

Or, votre mission n'a recueilli aucune donnée officielle sur cette question de la part des administrations du ministère du budget. C'est pourquoi elle s'en remet aux estimations effectuées par le Medef sur cette question. Celui-ci évalue à 40 % le poids de la taxe professionnelle sur le total des prélèvements avant l'acquittement de l'impôt sur les sociétés. La réforme de la taxe professionnelle aurait permis de diminuer cette part de cinq points. Toutefois, les gains liés à la réforme de l'impôt économique territorial ont été contrebalancés par une augmentation simultanée de la fiscalité pesant sur les entreprises.

(1) La création des impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux

La réforme de la taxe professionnelle s'est accompagnée de la création de nouvelles taxes, les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER) , aujourd'hui au nombre de neuf et destinées à compenser les gains jugés excessifs de certains secteurs non délocalisables. Ces nouvelles impositions ont représenté en 2011 un produit de 1 270 millions d'euros à la charge des entreprises.

Les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER)

Leur instauration par l'article 2.3 de la loi précitée de finances pour 2010 poursuit un double objectif :

- d'une part, le financement partiel de la réforme de la taxe professionnelle. De ce fait, l'IFER vise à neutraliser les gains fiscaux des secteurs possédant une assiette non délocalisable et étant considérés comme les « très grands gagnants » de la réforme ;

- d'autre part, le maintien pour les collectivités territoriales d'une incitation financière à l'accueil d'installations génératrices d'externalités négatives.

Les IFER permettent, en moyenne, de maintenir le prélèvement sur les grandes entreprises de réseaux au niveau des recettes de taxe professionnelle.

Concernant trois secteurs économiques (l'énergie, le transport ferroviaire et les télécommunications), l'IFER repose sur neuf composantes qui sont :

- l'imposition forfaitaire sur les installations terrestres de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent et sur les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique des courants situées dans les eaux intérieures ou la mer territoriale (article 1519 D du code général des impôts) ;

- l'imposition forfaitaire sur les installations de production d'électricité d'origine nucléaire ou thermique à flamme (article 1519 E du code général des impôts) ;

- l'imposition forfaitaire sur les centrales de production d'énergie électrique d'origine photovoltaïque ou hydraulique (article 1519 F du code général des impôts) ;

- l'imposition forfaitaire sur les transformateurs électriques (article 1519 G du code général des impôts) ;

- l'imposition forfaitaire sur les stations radioélectriques (article 1519 H du code général des impôts) ;

- l'imposition forfaitaire sur les installations de gaz naturel liquéfié, les stockages souterrains de gaz naturel, les canalisations de transport de gaz naturel, les stations de compression du réseau de transport de gaz naturel et les canalisations de transport d'autres hydrocarbures (article 1519 HA du code général des impôts) ;

- l'imposition forfaitaire sur le matériel roulant utilisé sur le réseau ferré national pour les opérations de transport de voyageurs (article 1599 quater A du code général des impôts) ;

- l'imposition forfaitaire sur le matériel roulant utilisé pour le transport de voyageurs en Île-de-France (article 1599 quater A bis du code général des impôts) ;

- l'imposition forfaitaire sur les répartiteurs principaux de la boucle locale cuivre, les unités de raccordement d'abonnés et les cartes d'abonnés du réseau téléphonique commuté (article 1599 quater B du code général des impôts).

Plusieurs représentants des collectivités territoriales ont proposé la création de nouvelles impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux. Ainsi, le syndicat d'agglomération nouvelle Ouest-Provence a estimé que l'effort de reconstitution de l'intéressement des collectivités territoriales à l'accueil d'entreprises industrielles, mis à mal par la réforme de la taxe professionnelle, doit être poursuivi à travers la création de nouvelles IFER applicables, par exemple, aux armateurs, à la logistique (entrepôts, terminaux conteneurs, stockage produits pétroliers), aux incinérateurs ou encore aux cimentiers.

Votre rapporteur met en garde contre la tentation de multiplier la création de nouvelles impositions sectorielles afin d'augmenter les ressources des collectivités territoriales. Comme l'a souligné Hervé Le Hérissel 10 ( * ) , « les solutions simplistes mettent en cause l'équilibre et l'équité du système fiscal ». En effet, les IFER ne tiennent nullement compte de la capacité contributive des entreprises, créant ainsi une situation d'injustice fiscale, d'où l' « obligation existentielle pour le redevable de parvenir à répercuter l'impôt sur autrui, le plus souvent le consommateur ». C'est pourquoi votre rapporteur ne souscrit pas à la création de nouvelles IFER en raison de leurs effets pervers sur les entreprises. Si, dans les prochaines années, certains secteurs économiques venaient à bénéficier de gains anormaux, une réflexion pourra alors être conduite afin de créer de nouvelles IFER. Toutefois, ces créations ne doivent ni être automatiques ni être guidées par le seul objectif d'une compensation des ressources des collectivités territoriales mais exclusivement fondées sur la situation réelle des entreprises.

Proposition n° 1:

Ecarter la création de nouvelles IFER sauf si on constate, dans les prochaines années, de nouveaux secteurs économiques bénéficiant des gains anormaux à la suite de la réforme de la taxe professionnelle

(2) La hausse de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés

De surcroît et paradoxalement, on constate, depuis 2010, une hausse de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu.

En effet, la contribution économique territoriale ne pénalise plus les bénéfices des entreprises, contrairement à l'ancienne taxe professionnelle à travers l'assiette des équipements et biens mobiliers (EBM). Dès lors, l'assiette fiscale des impôts sur le revenu et sur les sociétés, qui repose sur les bénéfices réalisés par une entreprise, progresse ce qui augmente mécaniquement la pression fiscale des entreprises. Ainsi, le Gouvernement évalue à 1,9 milliard d'euros en 2011 (1,6 milliard d'euros pour l'impôt sur les sociétés et 0,3 milliard d'euros pour l'impôt sur le revenu) et 1,2 milliard d'euros en 2012, l'augmentation de ces deux impôts.

La chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) considère que le surplus d'impôt sur les sociétés réduit d'un tiers le gain produit par la réforme .

(3) La création ou l'augmentation de nouvelles impositions hors du champ de la réforme de la taxe professionnelle

La pression fiscale à laquelle sont soumises les entreprises a pu augmenter en raison de la création ou de l'augmentation de nouvelles taxes ou redevances qui s'inscrivent en dehors de la réforme de la taxe professionnelle .

On citera, par exemple, la mise en oeuvre de la nouvelle taxe sur les enseignes publicitaires ou le renforcement des charges fiscales applicables aux produits pharmaceutiques . Pour l'entreprise Pierre Fabre, visitée par une délégation de votre mission lors de son déplacement à Toulouse, la réforme de la taxe professionnelle a fait passer la pression fiscale de 15,8 millions d'euros, au titre de la taxe professionnelle en 2009, à 14,7 millions d'euros au titre de la CET en 2010 (se répartissant entre 10,8 millions au titre de la CVAE et 3,9 millions au titre de la CFE), soit une diminution de l'imposition économique égale à 1,1 million d'euros. Cet allègement est toutefois sans commune mesure avec la charge représentée par la hausse des taxes spécifiques à l'industrie pharmaceutique 11 ( * ) . En 2010, ces taxes s'élevaient à 21,2 millions d'euros 12 ( * ) , contre 18,4 millions d'euros en 2009, soit une augmentation de 2,8 millions d'euros représentant 15,2 % de hausse. Le différentiel de taxes entre la France et les autres pays d'Europe est estimé, par l'entreprise Pierre Fabre, à 1 % du chiffre d'affaires annuel (hors taxes nouvelles). Cette charge fiscale serait en accroissement en 2011 en raison de la forte augmentation des barèmes de la taxe sur les spécialités et de celle sur les produits remboursés (portée de 1 % à 1,6 % du chiffre d'affaires) et de la création d'une nouvelle taxe sur les produits cosmétiques égale à 0,1 % du chiffre d'affaires.

(4) Les taxes spécifiques à la région Île-de-France

L'augmentation du poids de la fiscalité, malgré la réforme de la taxe professionnelle, a été particulièrement nette en région Île-de-France. La mise en place du réseau de transports du « Grand Paris » s'est accompagnée d'une contribution fiscale plus importante des entreprises situées sur son territoire, se caractérisant par :

- d'une part, la création d'une taxe additionnelle à la taxe spéciale d'équipement en faveur de la Société du Grand Paris à laquelle sont assujetties les entreprises en tant que redevables des taxes foncières ;

- d'autre part, l' augmentation de la redevance sur la création de bureaux perçue par la région Île-de-France et de la taxe locale sur les locaux à usage de bureaux, de commerce ou de stockage perçue dans la région Île-de-France.

Pour la région Île-de-France, le montant de taxe professionnelle en 2007 s'élevait à 3,9 milliards d'euros. Aujourd'hui, la CVAE s'élève à 1,2 milliard d'euros, la taxe additionnelle à la taxe spéciale d'équipement en faveur de la Société du Grand Paris à 117 millions d'euros, la redevance sur la création de bureaux perçue par la région Île-de-France à 70 millions d'euros, et la taxe locale sur les locaux à usage de bureaux, de commerce ou de stockage perçue dans la région Île-de-France à 236 millions d'euros. Ainsi, on s'aperçoit que les gains engendrés par la réforme de la taxe professionnelle ont été partiellement mais sensiblement annulés par l'augmentation ou la création des taxes destinées à financer la Société du Grand Paris.

La taxe locale sur les locaux à usage de bureaux, locaux commerciaux
et locaux de stockage perçue dans la région Île-de-France

Prévue à l'article 231 ter du code général des impôts, cette taxe est due par les propriétaires des locaux précités et calculés, à partir de la surface de ces locaux, en fonction de tarifs, qui, en ce qui concerne les locaux de bureaux, sont différenciés suivant un zonage en trois circonscriptions.

Un arrêté du 22 décembre 2011 13 ( * ) a actualisé, en fonction du dernier indice connu du coût de la construction, les tarifs au mètre carré en vigueur au 1 er janvier 2012, pour le calcul de la taxe locale sur les locaux à usage de bureaux, des locaux commerciaux et des locaux de stockage en région Île-de-France. Ainsi, le tarif pour les bureaux passe, à titre d'exemple, de 344 euros par m² à 361,24 euros par m² pour la zone 1 (correspondant à Paris et le département des Hauts-de-Seine), soit une hausse de 5 %.

b) Les difficultés administratives liées à la mise en oeuvre de la réforme

Les entreprises ont été soumises à un certain nombre de difficultés techniques lors de la mise en oeuvre de la réforme ainsi qu'à d'importants coûts de mise en oeuvre , en particulier pour la déclaration des effectifs salariés.

(1) La déclaration des effectifs

La question de la déclaration d'effectifs a notamment été soulevée par le Conseil du commerce de France et la CCIP qui estiment que le choix retenu par le législateur s'est accompagné d'une gestion plus lourde, notamment pour les entreprises fonctionnant sur un mode succursaliste.

En effet, la clé de répartition du produit de la CVAE entre les collectivités locales est fondée sur la localisation des effectifs salariés 14 ( * ) . L'obligation déclarative est à la charge des entreprises , ce qui a occasionné un coût de gestion administratif supplémentaire : en plus de déclarer le montant de la valeur ajoutée, les entreprises doivent mentionner, par établissement et par lieu d'emploi, le nombre de salariés employés au cours de la période de référence. Les entreprises bénéficiant d'un dégrèvement total de CVAE sont également soumises à cette déclaration tandis que les entreprises mono-établissement sont dispensées du dépôt de déclaration. Pour les entreprises multi-établissements, en revanche, le salarié qui exerce son activité dans plusieurs établissements est déclaré dans celui où sa durée d'activité est la plus importante.

Par ailleurs, Claude Boulle, président exécutif de l'Union du commerce de centre-ville, président de la commission fiscale du Conseil du commerce de France, a regretté que certaines entreprises doivent réaliser une seconde déclaration d'effectifs , toutes n'ayant pas les mêmes dates de clôture d'exercice comptable qui sont soit le 30 mars, soit le 31 août.

Cette nouvelle obligation a également entraîné des difficultés de collecte des informations dans certains secteurs soumis à des règles particulières , principalement ceux des transports, des bâtiments et travaux publics (BTP) ou encore celui de l'intérim. Le calcul de la valeur ajoutée est source de surcoût administratif pour ces entreprises.

En outre, les entreprises se sont plaintes de l'obligation déclarative imposée à toutes celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 000 euros, alors que seules sont effectivement redevables celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à 500 000 euros, obligation rendue nécessaire pour la répartition du produit fiscal entre collectivités. C'est pourquoi le Gouvernement a dispensé de cette obligation les entreprises ne comptant qu'un seul établissement sur lesquelles l'administration fiscale disposait des données déclarées, soit plus de la moitié des 954 000 entreprises soumises à déclaration, afin d'alléger cette charge administrative sans enjeu de paiement pour les entreprises 15 ( * ) .

Enfin, l'entreprise Airbus et la CCIP ont regretté que la déclaration des effectifs ne soit pas réalisée via le recours aux déclarations annuelles de données sociales (DADS) . On rappellera qu'il s'agit d'une formalité déclarative que doit accomplir toute entreprise employant des salariés, en application de l'article R. 243-14 du code de la sécurité sociale. Ce document, commun aux administrations fiscales et sociales, permet aux employeurs de fournir annuellement, et pour chaque établissement, la masse des traitements versés, les effectifs employés ainsi qu'une liste nominative de leurs employés, en indiquant pour chacun d'eux le montant des rémunérations salariales perçues. Les obligations qui incombent aux entreprises via la souscription des DADS sont similaires à celles qui leur sont demandées dans le cadre de la déclaration de leurs effectifs, par établissement et par lieu d'emploi. On peut d'ailleurs s'étonner que l'administration fiscale, déjà destinataire des DADS, réclame aux entreprises la souscription d'un nouveau document. C'est pourquoi, dans un souci d'allègement des formalités administratives incombant aux entreprises, votre mission estime que la déclaration des effectifs devrait être réalisée par les déclarations annuelles des données sociales, qui méritent d'être adaptées aux informations demandées pour la répartition de la CVAE.

Proposition n° 2 :

Simplifier les formalités de déclaration des effectifs par l'utilisation des déclarations annuelles des données sociales (DADS)

(2) La définition des équivalents temps plein travaillé (ETPT)

La seconde difficulté rencontrée par les entreprises est liée à la définition des effectifs : la notion retenue, celle d'équivalent temps plein travaillé (ETPT), est familière à la fonction publique, mais elle complique la tâche des services comptables des entreprises, qui doivent comptabiliser les temps de travail au prorata de leur localisation.

Pour pallier cette difficulté, la direction générale des finances publiques autorise désormais les entreprises à comptabiliser l'emploi là où la majorité du temps est travaillé et n'a pas appliqué, jusqu'à aujourd'hui, la sanction de 200 euros prévue par la loi pour chaque omission, dans la limite de 100 000 euros. Jean-Marc Fenet, directeur adjoint chargé de la fiscalité à la direction générale des finances publiques, considère en effet « qu'en période de rodage, mieux [vaut] soutenir les entreprises que les pénaliser ».

(3) Des interrogations sur la comptabilisation de la valeur ajoutée

Des interrogations ont également été soulevées au sujet de la comptabilisation du produit et des charges liés à la valeur ajoutée à des moments différents. En effet, un décalage dans le temps peut être constaté entre le moment où les produits sont inscrits en comptabilité et la date de création de richesse par l'entreprise.

3. Un rééquilibrage attendu en faveur du secteur industriel

La réforme de l'imposition économique a davantage favorisé les entreprises de l'industrie que celles des services, en raison de la suppression de l'assiette sur les équipements et biens mobiliers (EBM), ce qui était l'un des objectifs de la réforme.

a) Une réduction fiscale globale de 2,2 milliards d'euros

Selon les données fournies par le gouvernement, l' industrie a bénéficié de 2 milliards d'euros de réduction de charge fiscale , représentant près de 27 % des gains globaux enregistrés en 2010. François Baroin a indiqué que l'industrie bénéficiait ainsi d'un allègement de plus de 30 % de son impôt économique. Dans la plupart des industries, les gains engendrés par la mise en place de la CET sont supérieurs aux simulations de 2009 réalisées par le rapport Durieux-Subremon. On rappellera, pour mémoire, que ce rapport estimait que « L'effet de réduction de la fiscalité locale (hors effet sur l'impôt sur les sociétés) sera davantage prononcé sur certains secteurs économiques, comme l'industrie automobile (près de 60 % de baisse de fiscalité), la construction (plus de 40 %), les industries agroalimentaires et de biens intermédiaires (près de 40 %). »

Ces données ont été confirmées par la plupart des personnes entendues par votre mission. Selon Marie-Christine Coisne, certaines entreprises du secteur industriel ont bénéficié d'une réduction de 80 % de leur charge fiscale ; d'autres entreprises n'ont bénéficié d'aucun allègement, voire doivent s'acquitter d'un niveau de CET légèrement supérieur à celui de la taxe professionnelle. Toutefois, les différences de charges fiscales des entreprises sont liées à plusieurs facteurs qui rendent particulièrement difficile leur analyse : on peut citer les investissements réalisés en 2009, auxquels se sont appliqués le dégrèvement pour investissements nouveaux ou encore les rectifications d'erreurs de la part de l'administration fiscale.

De même, une enquête interne de CroissancePlus, association professionnelle d'entrepreneurs, démontre que certaines entreprises industrielles ont bénéficié d'une baisse de leur contribution fiscale égale parfois à 50 %. CroissancePlus a cité le cas d'une entreprise de fabrication et de réparation de flexibles hydrauliques sur site, dont le montant de la taxation économique est passé de 332 043 euros de taxe professionnelle en 2009 à 151 612 euros de CET en 2010, soit une diminution de plus de 50 % de sa charge fiscale, pour un chiffre d'affaires passant de 16 000 000 euros à 20 000 000 euros.

L'allègement fiscal important dont bénéficie désormais le secteur industriel s'explique principalement par la nouvelle assiette de la CET, qui repose en partie sur la valeur ajoutée et par l'abattement de droit de 30 % sur la valeur locative des immobilisations industrielles 16 ( * ) .

b) Un allègement plus important selon les secteurs...

Il apparaît que certains secteurs industriels ont plus particulièrement bénéficié de la réforme.

Il en est ainsi de l' industrie de biens intermédiaires , qui intervient en amont dans la chaîne de valeur industrielle (textile, métallurgie, chimie, composants électriques), dont l'allègement par rapport à la taxe professionnelle s'élève à 40 %. Les industries de biens d'équipement (aéronautique, naval, ferroviaire, mécanique) et de biens de consommation (habillement, équipement du foyer) affichent, quant à elles, une diminution de leur charge fiscale égale à 25 %, alors qu'il s'agit des industries les plus exposées à la concurrence internationale.

Enfin, l' industrie automobile , dont la baisse de la charge fiscale avoisine également 25 %, enregistre le gain moyen par entreprise le plus important. Selon Eric Besson, alors ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, le gain moyen pour l'industrie automobile s'élevait, en 2010, à 73 000 euros par an , contre 28 688 euros pour les industries de biens intermédiaires et 16 244 euros pour les biens d'équipement.

Toutefois, il convient de rappeler les conclusions d'une étude réalisée par le Conseil national de la profession automobile, fin 2010, sur un panel de 286 établissements de tailles diverses constitués de PME du commerce et de l'artisanat, selon laquelle 41 % d'entre eux subissent une hausse de leur contribution économique territoriale supérieure à 10 %. Ces entreprises imputent cette hausse à l'augmentation de la CFE en raison de la surface qu'elles occupent.

c) ...en contrepartie d'une charge fiscale plus importante pour les secteurs de prestations de services

Les entreprises de prestation de services ont vu leur contribution fiscale augmenter.

Ainsi, pour le secteur financier , la hausse moyenne de la charge fiscale est évaluée à 20 % pour les banques et à environ 10 % pour les sociétés d'assurance. Toutefois, les effets constatés sont ceux qui avaient été annoncés lors de la présentation de la réforme, comme l'a rappelé Patrick Suet, président du comité fiscal de la Fédération bancaire française.

Plusieurs facteurs contribuent à l'augmentation de la charge fiscale de ce secteur. La principale explication réside dans la différence d'assiette entre la taxe professionnelle et la CET, et plus particulièrement la CVAE. En effet, la contribution en taxe professionnelle des entreprises de prestation de services était peu élevée puisqu'elles étaient peu consommatrices d'équipements et biens mobiliers. Dans le cadre de la CET, leur valeur ajoutée dépend très largement de leurs ressources humaines, qui sont importantes.

Parallèlement, le plafonnement de la taxe professionnelle bénéficiait largement aux sociétés d'assurances. Le plafonnement, dans le cadre de la CET, a été fixé à 3 % et intègre la CVAE et la CFE qui leur est moins favorable. Par ailleurs, comme l'a expliqué François Tallon, directeur des affaires fiscales à la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA), la prise en compte du chiffre d'affaires de groupe pour déterminer la valeur ajoutée pénalise les entreprises de ce secteur en raison de leur taille importante, la moitié d'entre elles dégageant un chiffre d'affaires annuel supérieur à 50 millions d'euros. Ainsi, il évalue le taux de progression de la charge fiscale pour le secteur assurantiel entre 4 % et 40 %, se traduisant, en montants d'imposition, en centaines de milliers, voire en millions d'euros supplémentaires. Le secteur des prestations de services financiers a donc bien enregistré une « remise à niveau » de son imposition locale.

Plus généralement, votre mission a cherché à mesurer l'écart de taux d'imposition de chaque secteur économique en pourcentage de la valeur ajoutée produite. Les éléments disponibles, qui datent de 2005, faisaient état, avant la réforme, de fortes disparités. Ainsi, le taux d'imposition moyen de la valeur ajoutée au titre de la taxe professionnelle 17 ( * ) du secteur financier était le moins élevé (1,7 %), en comparaison du secteur industriel (3,6 %) ou de l'énergie (5,6 %). En d'autres termes, le secteur financier s'acquittait d'un montant de taxe professionnelle, en comparaison de sa valeur ajoutée, beaucoup moins élevé que les secteurs industriels et de l'énergie. Le tableau suivant, issu des travaux de notre collègue Marie-France Beaufils réalisés dans le cadre de la loi de finances pour 2006, présente les simulations du ministère du Budget sur le taux moyen de la valeur ajoutée par secteur d'activité au titre de la taxe professionnelle.

Taux d'imposition moyen de la valeur ajoutée dans le cadre de la taxe professionnelle (données de 2004)

Secteur

Taux d'imposition moyen de la valeur ajoutée en 2004

1. Industrie

3,6 %

2. Énergie

5,6 %

3. BTP

1,9 %

4. Commerce

2,3 %

5. Finance

1,7 %

6. Services

2,7 %

Source : Ministère du Budget

Malgré plusieurs demandes formulées au ministère du Budget, votre rapporteur n'a pu obtenir les mêmes données applicables au nouveau régime de la CET. Ces données auraient permis d'apprécier la diminution de la charge fiscale des secteurs industriels et de l'énergie en fonction de la valeur ajoutée produite, dans le cadre du régime de CET, en comparaison de celui de la taxe professionnelle. Votre rapporteur estime indispensable de renforcer la connaissance du taux d'imposition moyen de la valeur ajoutée par secteur d'activités. La seule estimation disponible résulte d'une affirmation du Medef, en référence à une enquête interne, selon laquelle le ratio « CET/valeur ajoutée taxable » serait de l'ordre de 2,5 % pour le secteur industriel, soit 1,1 point de moins que sous l'empire de la taxe professionnelle.

Proposition n° 3 :

Renforcer la connaissance du taux d'imposition moyen
de la valeur ajoutée par secteur d'activités

D'autres secteurs ont, quant à eux, connu une « explosion » de leur charge fiscale : les entreprises du secteur de l'intérim , dont le chiffre d'affaires est composé, pour 85 %, de masse salariale, ont vu leur contribution économique augmenter de 700 % par rapport à la taxe professionnelle. Une telle croissance n'est pas sans lien, selon François Roux, délégué général du Prisme 18 ( * ) , avec la cessation d'activité de 180 entreprises de ce secteur en 2011. Il a considéré qu' « à moins de 7,6 millions d'euros de chiffre d'affaires, les PME du secteur ont vu leur prélèvement multiplié par sept. Pour 3 millions d'euros de chiffre d'affaires, une entreprise qui payait 5 000 euros de taxe professionnelle verse 35 000 euros de CVAE, entre un tiers et la moitié de son résultat. »

Pour faire face à ces difficultés, les représentants du secteur de l'intérim réclament un allongement de la période de mise en oeuvre de la réforme pour les secteurs connaissant une explosion de leur charge fiscale ainsi qu'un plafonnement spécifique de la CET pour les entreprises à forte intensité de main d'oeuvre. Votre rapporteur estime que, malgré les difficultés rencontrées par l'intérim, la mise en place d'un dispositif spécifique pour ce secteur pourrait conduire à la multiplication de dispositifs applicables à d'autres secteurs, ce qui conduirait à rendre le nouvel impôt économique illisible et complexe, ce qui correspondait à l'une des principales critiques adressées à la taxe professionnelle.

Proposition n° 4 :

Ecarter la tentation de mettre en place des dispositifs spécifiques pour certains secteurs d'activité, y compris l'intérim

Enfin, alors que le Gouvernement avait initialement évalué que le secteur du commerce représenterait 22 % des gagnants ou des gains, le Conseil du commerce de France considère que, en raison des assiettes de la CET, et malgré le plafonnement global prévu à 3 % de la valeur ajoutée, les entreprises du commerce, qui ont procédé à de nombreux recrutements et ont bénéficié de la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle en 1999, « vont nécessairement être frappées par la réforme de la taxe professionnelle ».

Eric Besson a rappelé que le Gouvernement avait anticipé l'existence d'entreprises « perdantes » à l'issue de la réforme de la taxe professionnelle. Certains mécanismes correcteurs ont d'ailleurs été mis en place afin de limiter la hausse de la pression fiscale. On rappellera notamment qu'un dispositif d'écrêtement permet de lisser, sur une période de cinq ans, la hausse de la charge fiscale lorsque celle-ci est supérieure à 500 euros et supérieure de plus de 10 % à l'imposition que l'entreprise aurait normalement dû acquitter en 2010 au titre de la taxe professionnelle. Ainsi, sur demande des contribuables, les pertes supérieures à 10 % sont alors dégrevées en totalité en 2010, à hauteur de 75 % en 2011, de 50 % en 2012 et de 25 % en 2013.

L'exemple d'Airbus

Les charges d'impôt sur les sociétés pour l'entreprise sont minimes puisqu'elle est pour l'instant peu rentable.

Les conséquences de la réforme de la TP sont à distinguer pour :

- d'une part, Airbus SAS , qui rassemble les activités de service de l'entreprise et le service après-vente. Pour cette société, la réforme a entraîné une hausse de 20 % de la charge fiscale, c'est-à-dire d'environ 2,5 à 3 millions d'euros ;

- d'autre part, Airbus industriel , qui prend en charge la construction des aéronefs et dispose donc de beaucoup d'équipements et biens mobiliers (EBM). Pour cette société, le montant de l'imposition économique locale a diminué de 30 millions d'euros.

Globalement, malgré la réforme de la TP, Airbus estime que la charge fiscale reste supérieure en France à ce qu'elle est dans les autres pays d'implantation de l'entreprise : Allemagne, Royaume-Uni, Espagne.

5. Des questions en suspens sur le ciblage des nouvelles impositions

Bien que la réforme de la taxe professionnelle soit récente et que tous ses effets ne soient pas encore connus, force est de constater que la détermination de l'assiette de la CET comme l'exclusion de certains redevables soulèvent un certain nombre d'interrogations.

a) Les conséquences de l'annulation de l'imposition des titulaires de bénéfices non commerciaux employant moins de cinq salariés

La censure, par le Conseil constitutionnel, de la disposition de l'article 2 de la loi de finances initiale pour 2010 relative aux bénéfices non commerciaux (BNC) et l'absence de nouveau dispositif destiné à la remplacer, allège fortement l'imposition à la CET des professions libérales . On rappellera, pour mémoire, que les bénéfices non commerciaux concernent les personnes qui exercent une activité professionnelle non commerciale, à titre individuel ou comme associées de certaines sociétés.

Le Conseil constitutionnel a estimé, dès lors que l'assiette des EBM était totalement supprimée par la réforme, que la « discrimination » entre BNC employant moins de cinq salariés et ceux employant au moins cinq salariés ne trouvait plus de justification. Ainsi, sur le motif de la rupture d'égalité devant l'impôt, le juge constitutionnel a censuré le 2° du nouvel article 1467 du CGI ainsi que le deuxième alinéa du I de l'article 1586 ter du même code.

Cette décision entraine un manque à gagner pour l'État 19 ( * ) mais également une situation difficilement supportable au regard de l'égalité de traitement qui devrait s'appliquer entre les entreprises dans leur contribution aux recettes fiscales de leur territoire d'implantation.

D'après les données fournies par la direction départementale des finances publiques de la Haute-Marne, on constate qu'un cabinet d'avocats, dont la contribution de taxe professionnelle s'élevait à 5 116 euros en 2009, s'acquitte désormais d'une charge de 335 euros de CET en 2010 et de 339 euros en 2011.

b) La question des entreprises délocalisables

Il est encore aujourd'hui difficile d'affirmer que la réforme de la taxe professionnelle a davantage favorisé les entreprises soumises au risque de la délocalisation .

D'après les informations fournies par le Gouvernement, il semblerait que les entreprises et les activités industrielles les plus menacées et les plus susceptibles de délocalisation aient bénéficié des allègements les plus significatifs. Toutefois, cette affirmation ne permet pas de conclure que la réforme de la taxe professionnelle a permis d'éviter certaines délocalisations. En effet, selon Eric Besson, « Personne ne peut dire que les entreprises ne se sont pas délocalisées du fait de la suppression de la taxe professionnelle. C'est un ensemble qui permet d'y contribuer mais, à partir du moment où les plus menacées d'entre elles, celles qui sont le plus tentées de délocaliser leur outil de production, en ont été les principales bénéficiaires, on peut dire qu'il s'agit d'un instrument contre la délocalisation ». Or, l'absence d'outils d'analyse et le manque de recul ne permettent pas, aujourd'hui, de confirmer ou d'infirmer une telle hypothèse.

Par ailleurs, certains secteurs, non délocalisables, ont largement bénéficié de la réforme . Ainsi, selon les informations fournies par le Gouvernement, 41 % des entreprises du secteur des bâtiments et travaux publics (BTP) ont vu leur charge fiscale diminuer tandis que 30 % y ont perdu. Selon François Baroin, 63 % des entreprises oeuvrant en matière d'agriculture, de sylviculture et de pêche ont également bénéficié de la réforme. La proportion d'entreprises gagnantes dans les secteurs de l'éducation, de la santé et de l'action sociale s'élève à 64 %.

Un tel bénéfice soulève des interrogations sur la capacité de cibler la réforme sur les entreprises industrielles délocalisables. Votre rapporteur s'interroge sur la possibilité d'un tel ciblage en raison, d'une part, de la difficulté à définir une entreprise délocalisable et, d'autre part, de la jurisprudence constitutionnelle. Toutefois, malgré ces difficultés, il estime indispensable d'explorer toutes les pistes pour cibler la réforme sur les seules entreprises industrielles délocalisables.

Proposition n°5 :

Explorer toutes les pistes pour cibler la réforme sur les seules entreprises industrielles délocalisables


* 7 La différence des évaluations de la charge fiscale des entreprises consécutive à la réforme de la taxe professionnelle s'explique principalement par les dispositifs de lissage mis en place pour les entreprises dites « perdantes » et par les effets de la cotisation minimum de CET. Ces différences de méthodologie soulèvent le problème de l'évaluation précise de l'efficacité de la réforme.

* 8 Rapport d'information n° 64 (2011-2012) : « Prélèvements obligatoires 2007-2012 : un quinquennat d'injustices et d'incohérences » de Nicole Bricq, fait au nom de la commission des finances.

* 9 Une entreprise est considérée comme « gagnante » à la réforme de la taxe professionnelle lorsque le montant de la contribution économique territoriale est inférieur au montant que ladite entreprise aurait dû acquitter si la taxe professionnelle était toujours en vigueur.

* 10 « Le bénéfice des entreprises reste-t-il l'assiette optimale d'imposition des entreprises ? », Hervé Le Hérissel, Revue de droit fiscal, n° 14, 5 avril 2012.

* 11 On dénombre 11 taxes spécifiques applicables aux entreprises pharmaceutiques.

* 12 Ce chiffre s'entend hors restitution de chiffre d'affaires, à 36,8 millions d'euros si ces restitutions sont incluses.

* 13 Arrêté du 22 décembre 2011 relatif à l'actualisation annuelle des tarifs au mètre carré pour le calcul de la redevance pour la création de locaux à usage de bureaux, des locaux commerciaux et des locaux de stockage en région d'Île-de-France (articles L. 520-1 et L. 520-3 du code de l'urbanisme) et pour le mètre carré de taxe d'aménagement (article L. 311-11 du même code).

* 14 Cette question est abordée dans la partie consacrée aux conséquences de la réforme de la taxe professionnelle pour les collectivités territoriales.

* 15 Décret n° 2011-688 du 17 juin 2011 relatif aux modalités de déclaration du nombre de salariés employés par les contribuables assujettis à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

* 16 Article 1499 du code général des impôts.

* 17 Le taux d'imposition moyen de la valeur ajoutée par secteur d'activité est défini comme étant le rapport entre la CVAE nette du dégrèvement sur la valeur ajoutée et de la cotisation minimale, d'une part, et la valeur ajoutée, d'autre part.

* 18 Professionnels de l'intérim, services et métiers de l'emploi.

* 19 Détaillé infra dans les développements concernant les conséquences pour l'État.

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