II. LES CONSEQUENCES DE LA RÉFORME POUR L'ETAT

L'allègement de la fiscalité des entreprises visé par la réforme, accompagné du principe de compensation des pertes de recettes des collectivités territoriales à l'euro près en année n 25 ( * ) , se traduit nécessairement par un coût pour l'Etat.

La forte contrainte qui pèse sur les finances publiques à l'heure actuelle a conduit la mission à s'interroger sur le montant de ce coût et la manière dont il a été évalué en amont.

Pour ce faire, la mission a considéré non seulement les pertes engendrées par la réforme, mais aussi les gains attendus de cette dernière, résultant notamment de l'allègement du poids des dégrèvements pris en charge par l'État. La question posée par notre collègue Michel Delebarre à Marie-Christine Lepetit, alors directrice de la législation fiscale, témoigne de ces préoccupations : « Est-ce que l'État a gagné dans la mise en oeuvre de cette réforme ? Si oui, à combien s'élève ce gain ? »

Cette interrogation en a soulevé une autre, plus générale, sur les relations financières entre l'État et les collectivités existant à travers l'impôt économique local , par le biais de ces dégrèvements mais aussi des frais de gestion perçus par l'État au titre du recouvrement des impôts locaux, par exemple.

A. UN COÛT ÉLEVÉ, GLOBALEMENT CONFORME AUX PRÉVISIONS PRÉSENTÉES LORS DU VOTE DE LA RÉFORME

1. Un coût net proche de 4,5 milliards d'euros en rythme de croisière...

La réforme de la taxe professionnelle a des incidences budgétaires contradictoires pour l'Etat, puisqu'elle se traduit :

- par des pertes de recettes et des dépenses supplémentaires , qui constituent un coût ;

- par des allègements de dépenses et des gains de recettes , qui constituent un gain.

Le coût net de la réforme s'obtient en agrégeant ces différents éléments.

a) La diversité des éléments de charge supplémentaire pour l'État

Le principe de compensation à l'euro près des pertes de recettes des collectivités engendrées par la réforme en année n s'est traduit, pour l'État, par les pertes de recettes et les dépenses suivantes :

- le transfert aux collectivités de plusieurs taxes anciennement affectées au budget de l'État. Il s'agit de la taxe sur les conventions d'assurances (TSCA) et de la part des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) que l'État percevait encore ;

- la réduction des frais de gestion facturés aux collectivités pour le recouvrement des impôts locaux par l'État, fixés de façon forfaitaire ;

- la mise en place de dotations de compensation à destination des collectivités. Il s'agit de la compensation-relais pour l'année 2010, et de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) pour les années suivantes.

En outre, l'État a subi une perte en raison de la suppression des impôts liés à la TP qu'il percevait auparavant : la cotisation minimale de taxe professionnelle (CMTP) et la cotisation nationale de péréquation (CNP).

La cotisation minimale de taxe professionnelle (CMTP)

Avant la réforme, les entreprises dont le chiffre d'affaires était supérieur à 7,6 millions d'euros étaient soumises à un impôt minimal correspondant à 1,5 % de la valeur ajoutée. Lorsque leur cotisation de taxe professionnelle n'atteignait pas cette proportion de la valeur ajoutée, elles devaient acquitter une cotisation minimale, de façon à ce que la somme de cette cotisation minimale et de leur montant de taxe professionnelle atteigne 1,5% de la valeur ajoutée. Il s'agissait donc d'une imposition différentielle couplée à la taxe professionnelle, dont le produit était reversé au budget de l'Etat.

La cotisation nationale de péréquation (CNP)

Avant la réforme, les entreprises redevables de la taxe professionnelle étaient soumises à une cotisation nationale de péréquation lorsqu'elles disposaient d'établissements situés dans les communes où le taux global de TP était inférieur au taux global moyen constaté l'année précédente au niveau national. Ce dispositif avait pour objectif de réduire les différences de taux entre les collectivités.

Jusqu'en 2003, la cotisation nationale de péréquation alimentait le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP). La suppression de ce dernier a conduit à l'affectation de la CNP au budget de l'Etat à partir de 2004.

Le transfert de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à compter de 2011 a été accompagné d'une diminution à due concurrence du montant de dotation globale de fonctionnement (DGF) qui leur est attribuée. Il ne constitue donc pas, en tant que tel, un coût pour l'Etat.

Il convient néanmoins de préciser que ce débasage de DGF correspond au montant de TASCOM perçu en 2010 : si le produit de TASCOM devait augmenter à l'avenir, il n'est pas prévu qu'une telle augmentation s'accompagne d'une nouvelle diminution de DGF. En conséquence, les communes et les EPCI pourront bénéficier, le cas échéant, du dynamisme de la taxe, ce qui pourra être assimilé à un coût pour l'État.

En revanche, l'augmentation du produit de TASCOM résultant de l'adoption éventuelle, par les collectivités concernées, d'un coefficient multiplicateur supérieur à 1 26 ( * ) , comme les y autorise la loi de finances pour 2010, ne saurait être assimilée à un coût pour l'État. Une telle augmentation n'aurait en effet pas vu le jour en l'absence de réforme.

b) Les gains de la réforme pour l'État

La refonte des dégrèvements liés à l'impôt économique local ayant accompagné sa réforme se traduit par un allègement de dépenses pour l'État . Ce point sera analysé en détail par la suite.

Par ailleurs, cette réforme a pour effet d'augmenter le produit de l'impôt sur les sociétés, ainsi que l'impôt sur le revenu dans une moindre ampleur, dans la mesure où les entreprises déduiront de l'assiette de cet impôt des montants moins élevés 27 ( * ) .

Enfin, la taxe sur les installations nucléaires a été augmentée .

c) Un coût stabilisé à 4,5 milliards d'euros

D'après les dernières estimations du ministère du budget, fournies le 20 décembre 2011 28 ( * ) , le coût net de la réforme serait de 4,8 milliards d'euros en 2011 , de 4,4 milliards d'euros en 2012 , et de 4,5 milliards d'euros en rythme de croisière . Il se décompose de la manière suivante :

Impact net de la réforme de la taxe professionnelle sur le budget de l'État (en milliards d'euros)

2010

2011

2012

1° Perte de recette due à la suppression d'impôts auparavant perçus par l'Etat liés à la TP

-2,9

-3,6

-3,8

Cotisation nationale de péréquation (CNP)

-0,9

-1,0

-1,0

Cotisation minimale de taxe professionnelle (CMTP)

-2,1

-2,5

-2,7

Rôles supplémentaires de TP au profit de l'Etat (RS-TP)

0,0

-0,1

-0,1

2° Perte de recette liée à l'abaissement des frais d'assiette, de recouvrement, de dégrèvement et de non-valeur (FAR)

-2,4

-4,2

-4,2

Frais d'assiette et de recouvrement au titre de la taxe professionnelle (FAR TP)

-2,7

-2,7

-2,7

Nouveaux frais d'assiette et de recouvrement

0,3

0,3

0,3

Frais d'assiette et de recouvrement au titre des impositions directes locales (FAR IDL)

0,0

-1,8

-1,8

3° Fiscalité nouvelle, affectée transitoirement au budget de l'Etat en 2010

16,5

0,8

0,3

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)

10,3

0,0

Cotisation foncière des entreprises (CFE)

4,9

0,7

0,3

Impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER)

1,2

0,1

4° Transfert à compter de 2011 de plusieurs impositions

0,0

-4,0

-4,1

Taxe sur les conventions d'assurance (TSCA)

0,0

-2,9

-2,9

Droits de mutation à titre onéreux (DMTO)

0,0

-0,4

-0,4

dont taxe de publicité foncière (TPF)

-0,1

-0,1

Taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) 29 ( * )

0,0

-0,6

-0,6

5° Effet induit sur l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu du fait de l'impact de la suppression de la taxe professionnelle sur les bénéfices des entreprises

1,9

1,2

Dont impact sur l'impôt sur le revenu

0,3

0,2

Dont impact sur l'impôt sur les sociétés

1,6

1,0

6° Fiscalité des installations nucléaires

0,1

0,4

0,2

Taxe sur les installations nucléaires de base (INB)

0,0

0,4

0,2

Prélèvement sur la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) des usines nucléaires en 2010

0,1

0,0

0,0

7° Diminution nette des dégrèvements d'impôts, suite à la suppression de la TP et la création de la CET

3,2

8,0

9,5

Dégrèvement de TP - plafonnement à la valeur ajoutée (PVA)

0,4

10,0

10,8

Suppression des dégrèvements divers TP

2,8

2,8

2,8

Autres dégrèvements TP (disparition)

0,0

0,5

0,9

Création d'un dégrèvement de contribution économique territoriale CET - PVA

0,0

-0,7

-0,8

Création d'un dégrèvement de CVAE (« dégrèvement barémique »)

0,0

-3,4

-3,5

Effet induit par la création d'un régime CVAE Groupe (LFI 2011) sur le coût du dégrèvement de CVAE

0,0

0,2

Restitutions d'acomptes de CVAE

0,0

-0,6

-0,3

Création d'un dégrèvement dégressif (5 ans) (« écrêtement des pertes »)

0,0

-0,7

-0,5

Dégrèvement entreprises défavorisées (LFR I 2011 - art. 1647 C quinquies C CGI)

0,0

0,0

Impact global sur les recettes fiscales nettes

14,5

-0,6

-0,9

8° Variation des prélèvements sur recettes (PSR) :

-32,4

-4,1

-3,8

Variation du PSR : compensation relais

-32,4

-0,3

0,0

Variation du PSR : dotations de compensation

0,0

-3,8

-3,8

Variation du PSR - produits syndicaux fiscalisés (art. 21 LFR I 2011)

0,0

0,0

0,0

Coût total (soustraction faite du solde du compte d'avances) 30 ( * )

-7,8

-4,8

-4,4

Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat

Il s'agit là de données prévisionnelles , dans la mesure où il est encore impossible de savoir avec précision quel sera le coût exact de la réforme .

Coût brut et coût net de la réforme

Dans son rapport sur le dernier projet de loi de finances rectificative pour l'année 2011, notre collègue Gilles Carrez, alors rapporteur général de la commission des finances à l'Assemblée nationale, chiffrait à 7,3 milliards d'euros le coût de la réforme de la TP en 2011.

L'écart de 2,5 milliards d'euros constaté par rapport à la dernière évaluation fournie par le Gouvernement reprise ici, de 4,8 milliards d'euros, s'explique par plusieurs facteurs.

Il tient tout d'abord à une différence de calcul du coût de la réforme, à hauteur de 1,9 milliards d'euros. Le chiffrage présenté par Gilles Carrez ne prend pas en compte les recettes supplémentaires d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur le revenu résultant de la réforme de la taxe professionnelle. Or, le tableau fourni par le Gouvernement les évalue à 1,9 milliard d'euros , qui allègent d'autant le coût subi par l'État.

Il résulte ensuite, dans une moindre mesure, de différences dans les données utilisées pour le calcul du coût de la réforme. La présentation du chiffrage de l'Assemblée nationale étant différente de celle du chiffrage fourni à la mission par le ministère du budget, il est difficile de les relever avec précision.

2. Un coût globalement conforme aux prévisions, mais qui conserve des zones d'ombre

Le coût net de la réforme reste donc bien compris dans la fourchette prévisionnelle de 4 à 5 milliards d'euros fournie par le Gouvernement à l'occasion de l'adoption de la réforme.

Les différentes estimations du coût net de la réforme fournies par le Gouvernement

(en milliards d'euros)

2011

2012

Rythme de croisière

Estimations initiales

3,2

4,4

4,3

Juin 2010

4,2

5,5

5,3

LFI 2011

4,3

4,7

4,7

LFI 2012

4,2

4,7

Estimations actuelles (fournies à l'occasion du dernier collectif budgétaire de 2011)

4,8

4,4

4,5

Source : mission commune d'information

Si le coût de la réforme reste globalement du même ordre de grandeur, des écarts peuvent être constatés entre les différentes estimations. Ils s'expliquent essentiellement par deux facteurs :

- le manque à gagner résultant de la censure du dispositif applicable aux titulaires de bénéfices non commerciaux (BNC) par le Conseil constitutionnel, de l'ordre de 840 millions d'euros ;

- l'ajustement des données de référence au fur et à mesure de leur connaissance par l'administration fiscale.

a) Le manque à gagner résultant de la censure du régime des titulaires de bénéfices non commerciaux (BNC) par le Conseil constitutionnel

L'écart entre les estimations initiales et les suivantes résulte d'une actualisation des données de référence ainsi que du surcoût engendré par la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi de finances pour 2010.

L'annulation par le Conseil constitutionnel des dispositions relatives à l'assiette recettes des titulaires de BNC de moins de cinq salariés

Avant la réforme de la taxe professionnelle, les contribuables imposés d'après leurs BNC et employant moins de cinq salariés étaient soumis à une assiette particulière de TP.

Dans le régime de droit commun, la TP avait pour base la valeur locative des immobilisations corporelles dont le redevable avait disposé pour les besoins de son activité. Pour les titulaires de BNC, elle avait pour base 6 % de leurs recettes et la valeur locative des seules immobilisations passibles des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties et dont le contribuable avait disposé pour les besoins de son activité professionnelle.

En effet, les bases de droit commun, qui comprenaient à la fois les biens immobiliers et les équipements et biens mobiliers (EBM) ne constituaient pas une assiette pertinente pour les BNC ou, en tout cas, pour les plus petits d'entre eux (ce critère de taille étant apprécié à l'aune du nombre de leurs salariés). En effet, il s'agit le plus souvent de professions libérales (médecins, avocats, experts-comptables, etc.) dont la valeur ajoutée est avant tout « intellectuelle ». Ils étaient donc imposés sur une part de leurs recettes et sur les biens immobiliers nécessaires à l'exercice de leur activité.

Le texte de la loi de finances pour 2010 adopté par le Parlement prévoyait que les bases de la CFE étaient, dans le régime de droit commun, la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière et, dans le cas de titulaires de BNC de moins de cinq salariés, 5,5% de leurs recettes et la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière. Le projet de loi prévoyait également qu'ils étaient exonérés de CVAE.

Le Conseil constitutionnel a toutefois jugé que la « discrimination » entre BNC employant moins de cinq salariés et ceux employant plus de cinq salariés ne trouvait plus de justification , à partir du moment où l'assiette des EBM était totalement supprimée.

Ont ainsi été censurées la disposition prévoyant une base spécifique de CFE pour les titulaires de BNC de moins de cinq salariés, de même que la disposition prévoyant leur exonération de CVAE.

Source : Rapport général n° 111 (2010-2011) fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2011 adopté par l'Assemblée nationale, par Philippe Marini (commentaires de l'article 59).

Cette décision a entraîné une perte de recettes aujourd'hui estimée entre 830 et 840 millions d'euros , qui s'est ajoutée aux compensations versées par l'Etat aux collectivités territoriales.

Coût de l'annulation du régime des titulaires de BNC de moins de cinq salariés

(en millions d'euros)

Cotisation mise en recouvrement après application des dégrèvements sur rôles et crédits

Coût brut

Montant de la cotisation minimale

Montant du dégrèvement PVA

TP nette de PVA et de cotisation minimale

Gain entreprises

Gain Etat

Pertes CT

Avant

Après

Avant

Après

Avant

Après

Avant

Après

1 166

251

- 915

20

37

51

2

1 135

286

849

- 18

- 831

Source : direction de la législation fiscale

Si cette décision a lourdement affecté l'équilibre de la réforme, aucune mesure n'a pu être prise afin d'en limiter les effets. De fait, comme l'a exposé notre collègue Philippe Marini, alors rapporteur général de la commission des finances, « la censure du Conseil constitutionnel soulève un problème épineux : quelle fiscalité est-elle susceptible de s'adapter au modèle économique et aux facultés contributives des BNC sans introduire de nouvelle discrimination injustifiée ?

En tout état de cause, il n'apparaît pas possible d'établir une différence entre types de BNC. En revanche, le Conseil constitutionnel a admis (décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998 sur la loi de finances pour 1999) qu'il existe une différence de situation entre les contribuables assujettis au régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et celui des BNC.

Il peut être objectivement démontré que la faculté contributive moyenne des uns et des autres est différente. D'une part, à chiffre d'affaires équivalent, les BNC dégagent une valeur ajoutée plus importante (faibles charges). D'autre part, à valeur ajoutée équivalente, la part des bénéfices est plus élevée pour les BNC.

D'après le Gouvernement, le ratio [VA/CA] évolue dans un rapport de 1 à 2,5 entre BIC et BNC et celui du ratio [bénéfice/VA] dans un rapport de 1 à 1,78.

Compte tenu de ces éléments, le Gouvernement a étudié plusieurs options et, en particulier, celle d'une imposition différenciée à la CVAE, à partir d'un barème moins favorable pour les BNC. Il aurait donc fallu introduire un barème distinct de celui existant actuellement.

Or cette option ne rapporte, au maximum, qu'une centaine de millions d'euros en contrepartie d'une complexification du droit applicable et de la gestion de la contribution économique territoriale.

Pour cette raison, le Gouvernement a préféré prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel 31 ( * ) . »

Cette position a été confirmée par Marie-Christine Lepetit : « Le Gouvernement n'a pas proposé de nouvelles dispositions en la matière, pour des raisons juridiques, les considérants du Conseil constitutionnel ayant fortement réduit le champ du possible sur cette question . »

Votre rapporteur n'a pas été convaincu de la pertinence de cette position. Il considère qu' aucune piste permettant de desserrer la contrainte sur les finances publiques ne doit être écartée à l'heure actuelle. La « centaine de millions d'euros » attendue de l'option proposée au lendemain de la décision du Conseil constitutionnel est loin de lui apparaître comme une somme dérisoire.

Les objectifs de simplification et de stabilité du droit fiscal, aussi fondamentaux soient-ils, ne sauraient à ses yeux légitimer un tel statu quo. Dès lors qu'« il peut objectivement être démontré que la faculté contributive des uns et des autres est différente », la recherche d'un mécanisme destiné à combler le manque à gagner engendré par la décision du Conseil constitutionnel se trouve justifiée. Aussi préconise-t-il que l'administration réexamine les possibilités de taxation différenciée des titulaires de BNC, dans le respect de la décision du Conseil constitutionnel, et que le Gouvernement présente un dispositif en ce sens dès le projet de loi de finances pour 2013.

Proposition n° 9 :

Réexaminer les possibilités de taxation différenciée des titulaires de bénéfices non commerciaux (BNC), afin de combler le manque à gagner résultant de la censure du Conseil constitutionnel

b) L'ajustement des données de référence

Cet ajustement mis à part, la relative stabilité des prévisions est d'autant plus remarquable que les premières d'entre elles ont dû être réalisées dans des délais très courts, compte tenu des modifications adoptées par le Parlement par rapport au projet initial du Gouvernement, et dans un contexte d'incertitudes nombreuses.

Comme le rappelait notre collègue Philippe Marini à l'occasion de son rapport sur les travaux de la commission des finances relatifs à la mise en oeuvre de la contribution économique territoriale et à la situation des finances locales de juin 2010, « les chiffrages de la réforme de la taxe professionnelle disponibles à l'appui de la discussion du projet de loi de finances pour 2010 ont toujours été présentés comme fragiles, car reposant sur des extrapolations à partir des recettes de taxe professionnelle de 2008 32 ( * ) . »

Les estimations ultérieures résultent ainsi d'une actualisation, progressive et continue, des données de référence (les données relatives à 2009, à 2010 puis à 2011 se substituant à celles de 2008).

Les derniers ajustements réalisés depuis les estimations fournies à l'occasion de la loi de finances pour 2012 (soit une augmentation de l'ordre de 600 millions d'euros du coût net de la réforme en 2011 et une diminution de l'ordre de 300 millions d'euros de son coût en 2012) sont essentiellement la résultante de deux facteurs :

- une réévaluation à la hausse du montant des dotations de compensation aux collectivités. La compensation-relais a notamment été réévaluée de 219 millions d'euros . Versée au titre de l'année 2010, elle a fait l'objet d'un calcul définitif à l'automne 2011, qui tient compte des régularisations intervenues entre le 1 er janvier 2010 et le 30 juin 2011 (rôles supplémentaires de TP 2009, rôles supplémentaires de CFE 2010, révisions de bases théoriques de TP). La DCRTP a, quant à elle, été augmentée de 424 millions d'euros et atteint 3,4 milliards d'euros contre 2,5 milliards d'euros prévus en LFI 2011. Cette révision résulte de la nouvelle majoration de la compensation-relais et des corrections du produit des impôts perçus en 2010 ;

- une révision à la hausse du gain lié au nouveau régime de remboursements et dégrèvements , de l'ordre de 200 millions d'euros. La direction du budget a précisé que ce dernier est encore susceptible d'évoluer, compte tenu du caractère encore estimatif des données concernant les dégrèvements liés à la contribution économique territoriale.

Une nouvelle actualisation du coût de la réforme devrait avoir lieu une fois que les données définitives relatives à 2011 auront été rassemblées. D'après les informations fournies par le ministère du budget à votre rapporteur, elle sera présentée à l'occasion de la remise du rapport sur le bilan de la réforme prévu par la loi de finances pour 2010, annoncée pour juin ou juillet 2012.

Si les ajustements des différentes composantes du coût de la réforme sont nombreux - et comment ne le seraient-ils pas -, force est de constater qu'au niveau global, les estimations fournies restent du même ordre de grandeur et ne subissent pas de variations démesurées. Le coût de la réforme à partir de 2011 aurait donc été bien anticipé, d'après les données fournies par le ministère du budget.

c) Un chiffrage qui n'a pas encore été validé par la Cour des comptes

Dans ce domaine, le Parlement ne peut qu'analyser les données qui lui sont fournies par les ministères. Ces dernières n'ont d'ailleurs pas été accompagnées d'une présentation de la méthode employée pour les obtenir.

Aussi la mission a-t-elle cherché à savoir si la Cour des comptes avait procédé à une évaluation similaire.

La Cour a exposé sa propre méthode de calcul du coût de la réforme, ainsi que les difficultés qu'elle soulève, dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2011 :

« Le coût en régime permanent est la différence, pour une année de référence où tous les effets transitoires de la réforme auraient disparu, entre le produit des nouveaux impôts et ce que la taxe professionnelle aurait rapporté si elle avait été maintenue.

Ce rendement de référence de la TP ne peut être obtenu qu'en prenant son produit constaté une année antérieure à 2010 et en lui appliquant le taux de croissance qu'il aurait dû connaître ensuite. Le plus pertinent semble de prendre le produit de la taxe professionnelle en 2009, dernière année où elle a été appliquée, mais ce choix peut en réalité ne pas être satisfaisant.

En effet, la valeur ajoutée des entreprises a exceptionnellement baissé en valeur en 2009, en raison de la crise, et les dégrèvements obtenus en 2009 au titre du plafonnement de la TP en fonction de la valeur ajoutée ont pu être particulièrement élevés et réduire d'autant le rendement de la TP. Toutefois, retenir une année antérieure à 2009 ne serait pas nécessairement plus satisfaisant dans la mesure où certaines dispositions, comme le dégrèvement pour investissements nouveaux, ont monté en régime jusqu'à 2009.

Pour estimer le rendement des nouveaux impôts, l'année 2010 ne peut elle-même pas être retenue comme référence. En effet, les entreprises n'ont versé l'an dernier que des acomptes au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée et son produit réel ne sera connu qu'à la fin de l'exercice 2011. En outre, les entreprises peuvent obtenir en 2011 des remboursements et dégrèvements au titre de l'impôt dû en 2010.

Enfin, un écrêtement des pertes subies par les entreprises dont la charge fiscale augmente à la suite de la réforme est prévu jusqu'à 2013. »

Elle en conclut à l'impossibilité de fournir un chiffrage du coût de la réforme en rythme de croisière à l'heure actuelle, faute de données arrêtées de façon définitive pour l'année 2011 :

« Pour pouvoir évaluer a posteriori le coût de cette réforme en régime permanent, il faudrait au moins connaître les résultats de l'exercice 2011 et il est en conséquence encore trop tôt. Il est donc également impossible d'estimer le surcoût ponctuel en 2010 de la réforme, par rapport à son coût en régime permanent [...] 33 ( * ) ».

La mission sera attentive aux chiffrages que la Cour des comptes fournira dans ses rapports futurs, une fois qu'elle aura recueilli et analysé l'ensemble des données requises.

3. Le cas particulier de l'année 2010
a) Une révision à la baisse du coût de la réforme pour 2010...

L'année 2010 a été une année de transition, durant laquelle l'Etat a perçu le produit des nouveaux impôts à la place des collectivités territoriales et leur a octroyé une compensation-relais, tout en continuant à assumer le coût des dégrèvements liés à la taxe professionnelle, dont la disparition a été progressive et non immédiate.

Le coût budgétaire de la réforme durant cette année de transition avait initialement été évalué par le ministère du budget à 11,7 milliards d'euros . Les dernières estimations font état d'un chiffre de 7,8 milliards d'euros .

La Cour des comptes s'est interrogée sur les raisons de cet écart, lié à la variation exceptionnelle du solde du compte d'avances aux collectivités territoriales en 2010.

Les estimations de coût fournies par le ministère du budget ne retracent en effet pas seulement les coûts et gains de la réforme au niveau du budget général de l'Etat, mais prennent également en compte le solde du compte d'avances.

Le compte d'avances aux collectivités

L'Etat a la charge du recouvrement des impositions directes locales et du versement de leur produit aux collectivités. Le compte d'avances a pour objectif de garantir aux collectivités ce versement sous formes d'avances, calculées en fonction du produit voté avec régularisation sur les derniers versements, indépendamment du recouvrement effectif de l'impôt par l'Etat. Ainsi, l'Etat garantit aux collectivités le montant intégral des impôts émis, même en cas de recouvrements étalés sur plusieurs années ou de défaut de recouvrement.

Il est composé :

- des recettes issues du recouvrement effectif des impôts locaux ;

- des recettes pour ordre, qui correspondent aux dégrèvements auto-imputés par les entreprises* et aux admissions en non-valeur pris en charge par l'Etat. Elles trouvent leur contrepartie dans des dépenses pour ordre du programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » du budget général. En effet, lorsqu'un dégrèvement est auto-imputé par l'entreprise, le montant correspondant au dégrèvement n'est pas recouvré sur le compte de concours, ce qui le rend déficitaire pour l'exercice.

Le programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » ne comble pas ce déficit sur l'exercice, mais sur l'exercice suivant. Ces recettes et ces dépenses sont dites « pour ordre », parce qu'elles renvoient à des écritures comptables entre le budget général et le compte d'avances et non à des mouvements de fonds réels.

* Il convient de distinguer les dégrèvements auto-imputés par les entreprises, qui entraînent une perte de recettes au niveau du recouvrement de l'impôt, des dégrèvements qui font l'objet d'une demande de remboursement du contribuable. Ces derniers n'entraînent pas de perte de recettes au niveau du recouvrement de l'impôt, dans la mesure où la totalité de l'impôt dû avant dégrèvement est payée par l'entreprise, avant de faire l'objet d'un remboursement.

Source : Cour des comptes, Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat, Mai 2011, pp. 25-26.

Or, le solde du compte d'avances a été exceptionnellement positif en 2010, à hauteur de 10,2 milliards d'euros 34 ( * ) . Après avoir exposé que « le fort excédent du compte d'avances résulte majoritairement d'un surplus de recettes de taxe professionnelle sur exercices antérieurs par rapport à la prévision de la LFI (9,9 Md€ contre 4,5 Md€) », la Cour des comptes avait précisé, que « cet écart de 5,4 Md€ soulève des interrogations », dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat de mai 2011.

D'après ce rapport, « bien qu'estimant que les recettes supplémentaires enregistrées en 2010 sur le compte d'avances aux collectivités territoriales sont essentiellement constituées de recettes d'ordre, l'administration n'est pas en mesure, compte tenu des insuffisances des systèmes d'information, d'opérer la distinction entre celles-ci et les recettes réelles. Le montant exact de taxe professionnelle effectivement recouvré au titre d'un exercice et le rattachement de ces recettes à chacun des rôles émis antérieurement ne peuvent davantage être connus. Le partage entre les dégrèvements « auto-imputés » par les entreprises et ceux dont elles réclament la restitution au Trésor public ne peut donc être effectué 35 ( * ) . »

b) ... dont les causes doivent encore être précisées

Ce constat a conduit la Cour des comptes à mettre en doute l'explication fournie par le ministère du budget, également présentée devant la mission, selon laquelle cette réévaluation serait principalement liée à des erreurs de prévisions concernant le coût du plafonnement de la valeur ajoutée . D'après le ministère du budget, ce dégrèvement aurait été majoritairement auto-imputé par les entreprises dès 2009, alors que le Gouvernement avait estimé que les entreprises n'en auto-imputeraient pas plus de la moitié sur leur taxe professionnelle, ce qui aurait réparti les coûts à parts égales sur les années 2009 et 2010.

Comme l'a exposé le directeur du budget, Julien Dubertret, « les entreprises ayant la faculté d'anticiper l'effet à leur bénéfice du plafonnement de la valeur ajoutée, on estimait que ce comportement n'était pas mobilisé à hauteur de plus de 50 % de la totalité des droits que les entreprises pouvaient faire valoir.

On sait depuis quelque temps que la proportion dans laquelle le plafonnement de valeur ajoutée auto-imputé par les entreprises était plutôt de l'ordre de 80 %, la question étant de savoir s'il s'agissait d'un comportement spécifique à 2009 ou d'un comportement pérenne. Tout donne à penser qu'il s'agissait d'un comportement pérenne et que, de façon régulière, en régime de croisière, les entreprises mobilisaient environ 80 % de la créance par anticipation sur l'année suivante. »

Cette réévaluation du coût de la réforme pour 2010 ne signifierait ainsi pas nécessairement que le surcoût temporaire serait moindre que prévu, mais qu'il aurait été réparti sur deux années, 2009 et 2010, ce qui n'avait pas été anticipé.

C'est ce qu'a précisé Julien Dubertret : « Ce n'est donc pas tant le coût temporaire de la bosse qui a été revu à la baisse que sa répartition dans le temps. On s'aperçoit aujourd'hui que, du fait de comportements anciens - peut-être légèrement accentués par la crise de 2009 - et permanents, une partie du coût de 11,7 milliards d'euros a été anticipée. Je ne nie pas que le passage de 11,7 milliards d'euros à 7,8 milliards d'euros traduise une révision à la baisse du coût de cette réforme mais il constitue toutefois a posteriori une anticipation passée en partie inaperçue, liée à un comportement des entreprises consistant à anticiper autant que possible - de manière au fond assez naturelle- les droits qu'elles pouvaient mobiliser au titre du plafonnement de la valeur ajoutée . »

La Cour des comptes avait relevé dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de mai 2011 que « si cette hypothèse était exacte, cette auto-imputation accrue se serait traduite par de moindres recettes du compte d'avances, et donc par une détérioration à due concurrence de son solde, lors des exercices antérieurs. Or, la lecture des soldes du compte de chacun des exercices de 2006 à 2009 ne corrobore pas mécaniquement l'hypothèse de l'administration, le cumul des déficits (-2,1 Md€ sur le programme 833 hors TIPP) étant même très inférieur à l'écart relevé sur 2010 36 ( * ) .

Compte tenu des déficiences majeures qui affectent le système d'information comptable en ce domaine..., la Cour ne peut que prendre note des éléments d'explication fournis et constater leurs limites. Elle estime ne pas avoir l'assurance que ceux-ci fournissent une justification complète et cohérente des évolutions exceptionnelles et non prévues initialement qui ont été enregistrées en 2010 sur le compte d'avances aux collectivités territoriales. »

Elle concluait que « l'ensemble de ces éléments se traduit par une incertitude sur la charge nette supplémentaire ayant pesé en 2010 sur le budget de l'Etat à l'occasion de la première année de mise en oeuvre de la réforme de la taxe professionnelle et par l'impossibilité d'attester la concordance entre les dépenses et les recettes d'ordre enregistrées dans la comptabilité budgétaire de l'État . »

C'est la raison pour laquelle elle avait annoncé sa volonté de procéder à un examen approfondi de l'ensemble du compte d'avances. Ses enseignements sont exposés dans le rapport de mai 2012 sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État.

Ils confirment les doutes relevés par la Cour, puisque « les hypothèses avancées en 2011 par l'administration fiscale pour expliquer le solde 2010 ne sont pas confirmées par les données figurant dans les applications des services fiscaux . Celles-ci font apparaître un taux d'auto-imputation de 64 % qui, pour être effectivement supérieur aux estimations initiales, n'atteint pas les 80 % avancés par les services du ministère chargé du budget.

Il apparaît que la budgétisation des recettes de taxe professionnelle du compte d'avances reposait ainsi sur une modélisation inexacte, à défaut de données fiscales et comptables précises et détaillées. Ce modèle sous-estimait l'étalement sur plusieurs exercices des opérations budgétaires et comptables liées à la taxe éligible au titre d'une année donnée, et plus particulièrement de l'effet dans le temps des dégrèvements et recouvrements.

En conséquence, la Cour constate que les éléments permettant d'expliquer de manière satisfaisante le niveau élevé du solde du compte d'avance aux collectivités territoriales en 2010 font encore défaut 37 ( * ) . »

La mission souligne son attachement à ce que ce manque de transparence du compte d'avances soit résorbé au plus tôt. Elle déplore que la recommandation formulée à ce sujet par la Cour n'ait pas été suivie, malgré le fait que « la direction générale des finances publiques a indiqué réfléchir à un réaménagement des procédures de suivi ».

Extrait du « suivi des recommandations formulées par la Cour des comptes au titre de l'exercice 2010 »

« Adapter le système d'information relatif aux recettes de l'Etat afin d'opérer le rattachement des opérations réelles et d'ordre à l'année d'imposition, pour en assurer la traçabilité.

Dans sa réponse au RRGB 2010, le ministre chargé du budget reconnaissait l'enjeu de cette recommandation mais n'y apportait qu'une réponse nuancée, en s'appuyant notamment sur le fait que les systèmes informatiques ne permettent pas de distinguer au sein du programme 201 - Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux les différentes catégories de dépenses, ou au sein du programme 833 - Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes, les recettes « réelles» et les recettes « pour ordre ». Afin de mieux mesurer l'impact de la réforme de la taxe professionnelle sur le programme 201, la direction générale des finances publiques a indiqué réfléchir à un réaménagement des procédures de suivi.

En l'état, la recommandation n'a donc pas été suivie même si elle pourrait à terme déboucher sur des démarches d'amélioration des applications de suivi des recettes. »

Source : Cour des comptes, Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat (exercice 2011), Mai 2012, pp. 259-260.

Proposition n° 10 :

Mettre en oeuvre la recommandation de la Cour des comptes relative à la traçabilité des opérations réelles et d'ordre, afin de renforcer la transparence du compte d'avances aux collectivités territoriales

La mission relève par ailleurs une nouvelle fois la différence soulignée par la Cour des comptes entre ses méthodes de calcul du coût de la réforme et celles retenues par le ministère du budget. Ces dernières n'ont pas été présentées dans le détail devant la mission.

La méthode de calcul du coût de la réforme de la Cour des comptes
pour l'année 2010

D'après la Cour des comptes, « le coût de la réforme en 2010 est égal à la différence entre les encaissements de taxe professionnelle qui auraient dû être constatés en 2010 si elle avait été maintenue, d'une part, et les recouvrements effectivement réalisés au titre des nouveaux impôts et des reliquats de TP, d'autre part.

Le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire en 2010 a montré que les défaillances du dispositif d'enregistrement de ces taxes et impôts dans les comptes de l'Etat, notamment le compte d'avances aux collectivités territoriales 16 , ne permettent pas de valider les montants déclarés par l'administration.

Sous cette importante réserve, le coût de la réforme en 2010, pour l'ensemble des administrations publiques, peut être reconstitué de la manière suivante 17 .

Le montant brut de la taxe professionnelle payée par les entreprises et enregistrée sur le compte d'avances en 2009 s'était élevé à 31,6 Md€ 18 . L'Etat avait cependant pris à sa charge des dégrèvements et remboursements accordés aux entreprises pour 13,5 Md€.

Le produit net de la TP recouvré sur les entreprises a donc été de 18,1 Md€ 19 . Il faut y ajouter des recettes perçues directement par l'Etat et non reversées aux collectivités territoriales 20 , ce qui conduit à un total de 24,3 Md€.

Le produit net qu'aurait procuré la TP en 2010 si elle avait été maintenue peut être estimé, conventionnellement, en multipliant ce montant par le taux de croissance du PIB en valeur (2,3 %) 21 , ce qui conduit à une estimation de 24,9 Md€.

En 2010, les nouveaux impôts ont rapporté 17,2 Md€ (10,3 Md€ pour la cotisation sur la valeur ajoutée, 4,9 Md€ pour la cotisation foncière et 1,2 Md€ pour l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux, auxquels s'ajoute 0,8 Md€ au titre des reliquats sur les cotisations minimales et de péréquation de la TP).

Des recettes de TP ont continué à être enregistrées en 2010 sur le compte d'avances (11,4 Md€), au titre des exercices antérieurs ou parce que des rôles complémentaires ont été émis. Elles ont été légèrement inférieures aux remboursements et dégrèvements pris en charge par l'Etat (11,6 Md€), notamment au titre du plafonnement de la TP en fonction de la valeur ajoutée, et le solde net s'est élevé à - 0,2 Md€ 22 .

Le produit net total des nouveaux impôts et de la taxe professionnelle a ainsi été de 17,0 Md€ en 2010, alors que la TP aurait rapporté 24,9 Md€. Ces estimations sont fragiles car elles reposent sur les montants enregistrés dans les comptes de l'Etat au titre des recouvrements de TP et des remboursements et dégrèvements qui sont parfois peu cohérents et souvent invérifiables, comme l'a montré le rapport sur les résultats et la gestion budgétaires de 2010. Sous cette réserve, le coût de la réforme peut être estimé à 7,9 Md€ en 2010 pour l'ensemble des administrations publiques. »

« 17 La méthode suivie diffère de celle retenue par le ministère chargé du budget.

18 Hors taxes associées à la taxe professionnelle et reversées à des organismes tels que les chambres de commerce et d'industrie. Les collectivités territoriales ont, de leur côté, reçu 30,2 Md€ (DOM-TOM compris) selon le rapport de l'observatoire des finances locales. Il est normal que les deux montants diffèrent car l'Etat a versé aux collectivités locales en 2009 la TP due en principe par les entreprises, mais il ne l'a pas pour autant recouvrée, du moins dès 2009. En revanche, il a collecté de la TP due au titre des années antérieures.

19 Les recettes du compte d'avances comprennent des recettes d'ordre qui sont en principe strictement égales à des dépenses d'ordre elles-mêmes incluses dans les remboursements et dégrèvements. Ce calcul repose sur le respect de cette égalité qui n'est cependant pas vérifiable en pratique (cf. rapport sur les résultats et la gestion budgétaires de 2010).

20 Cotisation minimale de taxe professionnelle (2,8 Md€), cotisation nationale de péréquation (1,0 Md€) et frais d'assiette prélevés par l'Etat (2,4 Md€).

21 Conformément à l'hypothèse générale d'une élasticité unitaire des recettes fiscales au PIB et à défaut d'une estimation fiable de l'élasticité spécifique de la TP.

22 En supposant à nouveau que les recettes et dépenses d'ordre s'équilibrent. »

Source : Cour des comptes, Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, Juin 2011, pp. 24 et 25.

Si le chiffrage du coût de la réforme pour 2010 obtenu par la Cour des comptes (7,9 milliards d'euros) reste proche de celui du ministère du budget (7,8 milliards d'euros), il a été fourni sous d'importantes réserves. Dès lors, la mission exprime son attachement :

- à ce qu'il soit procédé à un éclaircissement des écritures comptables relatives au compte d'avances aux collectivités territoriales ;

- à ce que le coût de la réforme fasse l'objet d'un traitement clair et transparent de la part du ministère du budget, et d'une validation par la Cour des comptes.

Proposition n° 11 :

Exiger du Gouvernement une évaluation claire et validée par la Cour des comptes du coût de la réforme et de ses conséquences

La prise en compte du solde d'avances concerne également les autres exercices considérés (à partir de l'année 2011), mais pour des montants moins spectaculaires. Le solde du compte d'avances a en effet été estimé à un montant de l'ordre de -130 millions d'euros pour 2011, et 450 millions pour 2012, d'après les informations fournies à votre rapporteur par le ministère du budget. Les incertitudes qui entourent ce compte d'avances n'en méritent pas moins d'être levées pour les années postérieures à 2010.


* 25 Ce dispositif sera détaillé dans la troisième partie, « Les conséquences de la réforme pour les collectivités territoriales ».

* 26 Les collectivités disposent, à compter de 2012, de la possibilité de moduler le taux de la TASCOM en appliquant aux montants de la taxe un coefficient multiplicateur compris entre 0,8 et 1,2 (0,95 et 1,05 la première année de mise en oeuvre d'une telle disposition). Ce coefficient ne peut ensuite varier de plus de 0,05 chaque année.

* 27 Cf. infra Partie I : « Les conséquences de la réforme pour les entreprises ».

* 28 Elles correspondent aux estimations fournies à l'occasion de la dernière loi de finances rectificative pour 2011.

* 29 La diminution de la DGF des communes et des EPCI ayant accompagné ce transfert de fiscalité a été comptabilisée dans la ligne « variation du PSR: dotations de compensation » de ce tableau, d'après les informations fournies par le ministère du budget à votre rapporteur.

* 30 Ce tableau ne présente pas le solde du compte d'avances, pourtant pris en compte dans le calcul du coût total. Ce point sera précisé infra .

* 31 Rapport n° 111 (2010-2011) - tome III - Volume 1, loi de finances pour 2011, moyens des politiques publiques et dispositions spéciales, p. 134.

* 32 Rapport n° 588 (2009/2010) fait par M. Philippe Marini sur les travaux de la commission des finances relatifs à la mise en oeuvre de la contribution économique territoriale et à la situation des finances locales, p. 14.

* 33 Cour des comptes, Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2011, pp. 26 et 27.

* 34 A la fin de l'année 2009, le solde du compte d'avances était négatif de 1,4 milliards d'euros.

* 35 Cour des comptes, Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat, Mai 2011, p. 26.

* 36 Ibid., p. 27.

* 37 Cour des comptes, Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat (exercice 2011), Mai 2012, pp. 29-30.

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