IV. UNE FEUILLE DE ROUTE OPÉRATIONNELLE AUX NIVEAUX NATIONAL, EUROPÉEN ET INTERNATIONAL

A. LA NÉCESSAIRE RÉGULATION FISCALE DE L'ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

1. Définir une véritable stratégie européenne du numérique

Il appartient aux Etats, aux autorités de régulation et au législateur d'intervenir. En effet, il ne s'agit nullement de faire porter un quelconque anathème sur des pratiques d'optimisation qui, du point de vue des sociétés concernées, sont tout à fait compréhensibles, mais de créer les conditions juridiques d'y mettre fin. Ainsi, n'est-il pas paradoxal qu'un Etat soit dans l'incapacité d'appréhender le montant du chiffre d'affaires engendré par son territoire de consommation alors que, sur le plan purement conventionnel, les grands acteurs du numérique acceptent de collaborer avec les sociétés de gestion des droits d'auteurs afin d'accéder à de nouveaux marchés ?

Les pistes d'évolution relèvent autant, sinon plus, de la négociation internationale que de la législation interne. Aussi, en faisant le parallèle avec la démarche adoptée par la France pour la création de la taxe sur les transactions financières, l'idée de jeter les bases de la fiscalité numérique d'abord sur le plan national peut-elle être défendue. Car, même incomplète, elle préfigurerait l'adoption d'une taxation plus globale au niveau européen. Une telle initiative donnerait un support juridique solide permettant aux acteurs de l'Internet et aux responsables politiques de s'impliquer plus fortement en vue de la création d'un projet européen de fiscalité numérique. Il en est allé de même pour l'instauration du taux réduit de TVA pour le livre numérique. Même si elle peut rencontrer, en l'état, l'opposition de la Commission européenne, elle ouvre un débat et révèle la carence d'une véritable stratégie numérique au plan européen .

Le contexte européen semble maintenant se prêter à ce mouvement et les opinions publiques nationales commencent à prendre conscience du fait que les comportements d'optimisation fiscale nuisent aux finances publiques de leurs Etats . Ce sujet est donc devenu un enjeu de premier plan dans l'actualité économique et fiscale, tant d'un point de vue national qu'international car sont touchés par ces distorsions fiscales de concurrence tous les grands Etats de consommation. En effet, l'essor des transactions électroniques soulève le problème du recouvrement de l'impôt non seulement en Europe, mais aussi aux Etats-Unis. La feuille de route proposée implique donc la recherche de synergies au niveau européen avec les parlementaires des Etats membres rencontrant les mêmes problématiques (Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne, etc.) en vue de l'élaboration d'une stratégie commune.

2. Les grandes lignes de la feuille de route pour une fiscalité numérique neutre et équitable

Partant de ces constats et compte tenu des enjeux politiques majeurs (compétitivité, croissance des marchés, impact sur l'industrie européenne, équilibre des finances publiques), il paraît important qu'une impulsion concrète puisse être donnée, notamment par le biais d' une proposition de loi au niveau national combinée à une feuille de route opérationnelle au niveau européen et international .

Cette feuille de route opérationnelle comprendrait trois objectifs à atteindre pour chacun des trois niveaux, national, européen et international :

- à court terme, le niveau national au moyen d'une proposition de loi prévoyant un dispositif de déclaration fiscale applicable aux acteurs étrangers pour une série de taxations destinées à rétablir la neutralité et l'équité fiscale ;

- à moyen terme, le niveau européen avec le raccourcissement du calendrier de mise en oeuvre de la directive TVA relative aux services électroniques (2008/8/CE du 12 février 2008) qui, en l'état, entre en vigueur le 1 er janvier 2015 mais reporte à 2019 la perception effective de la totalité de la TVA sur les services électroniques par l'Etat de résidence du consommateur final ;

- à moyen et long terme, le niveau international avec la redéfinition des règles d'imposition des bénéfices établies par l'OCDE, en prenant en compte la spécificité de l'économie numérique et de la dématérialisation des flux de richesses.

Ainsi, en complément de la proposition de loi, la feuille de route proposée suppose un soutien spécifique et la recherche de synergies au niveau européen avec les parlementaires des Etats membres rencontrant les mêmes problématiques (Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne, etc.) de distorsion de concurrence et d'optimisation fiscale des grands acteurs du net.

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