C. UN ENJEU GLOBAL ET LÉGITIME DE FINANCEMENT DES RÉSEAUX, DE LA CULTURE, DES ÉTATS ET DE L'UNION EUROPÉENNE

L'enjeu du financement trouve un écho dans de nombreux domaines. Il concerne bien sûr celui de la culture - car l'érosion des assiettes met aussi en péril le rendement des taxes affectées au financement de l'audiovisuel public et des droits d'auteurs -, mais aussi, avec la croissance prodigieuse du commerce électronique et des flux à hauts débits, celui des services publics et des réseaux, dont la charge pèse sur les opérateurs, les collectivités locales, l'Etat et, dans le futur, l'Union européenne.

Les termes du débat fiscal actuel font intervenir trois approches différentes qui correspondent à trois parties prenantes distinctes : les opérateurs, le monde de la culture et l'Etat, dans sa composante budgétaire. Un quatrième acteur émerge dans la recherche de sources nouvelles de financement. Il s'agit de l'Union européenne. La recherche de nouvelles recettes, s'appuyant sur l'économie numérique nous apparaît donc tout à fait légitime .

1. Pour financer le déploiement des réseaux haut débit

Le financement des réseaux à très haut débit (THD) est assuré principalement par les opérateurs et par les autorités publiques - l'Etat via le Fonds pour la société numérique - et les collectivités territoriales.

Aussi, le modèle de déploiement des réseaux THD mis en oeuvre par le programme d'investissement d'avenir articule-t-il initiative publique et privée au soutien desquelles :

- 900 millions d'euros de subventions sont destinés à abonder les ressources mobilisées par les collectivités territoriales pour des « réseaux d'initiative publique » ;

- un milliard d'euros sont consacrés à un volet de prêts, non bonifiés mais à « longue maturité », à l'intention des opérateurs pour le déploiement de la fibre optique.

Ce financement demeure toutefois très insuffisant pour faire face à un besoin estimé à quelque 25 milliards d'euros pour assurer la couverture du territoire en THD.

De leur côté, les opérateurs se sont engagés à déployer d'ici 2020 sept milliards d'euros d'investissements. Se pose la question de la capacité à tenir ces engagements et de leur coordination avec les collectivités.

Devant l' insuffisance structurelle des moyens , outre les initiatives parlementaires déjà citées, les opérateurs souhaiteraient y voir contribuer les « Géants de l'Internet ». En effet, ceux-ci utilisent les réseaux et sollicitent une bande passante toujours croissante à l'aune de l'évolution des technologies, des services rendus et des flux vidéo, sans pour autant participer à l'effort fiscal, ni à l'effort de financement des réseaux.

Ce constat est un argument supplémentaire pour définir une nouvelle fiscalité du numérique qui inclue les géants mondiaux de l'Internet afin de ne pas peser exclusivement sur les acteurs français.

2. Pour développer les industries culturelles

Pour votre rapporteur, l'enjeu dépasse très largement celui du financement de la culture, car la croissance prodigieuse du commerce électronique et le phénomène d'évasion des assiettes fiscales mettent, par les volumes en jeu, principalement en danger les recettes de l'Etat. Il est toutefois indispensable d'associer les acteurs de la culture à la réflexion fiscale car l'érosion des assiettes met aussi en péril le rendement des taxes affectées au financement de l'audiovisuel public et des droits d'auteurs.

Ainsi, au cours des auditions, plusieurs voix concordantes ont-elles fait état :

- de la baisse à venir du chiffre d'affaires global des opérateurs de télécoms du fait de l'entrée sur le marché du 4 ème opérateur Free et de la compétition sur les prix engendrée à cette occasion. La ministre déléguée chargée des PME, de l'innovation et de l'économie numérique estime à 10 % le tassement de cette assiette sur laquelle est fondée la taxe sur les services de télévision et la taxe destinée à soutenir l'audiovisuel public ;

- des nouveaux usages de l'Internet, en matière audiovisuelle et d'accès aux oeuvres culturelles, qui posent la question des supports contributifs. Sont évoqués l'extension aux ordinateurs et supports assimilés de la redevance pour l'audiovisuel public, mais aussi pour la redevance pour copie privée.

Par ailleurs, de nouveaux vecteurs d'oeuvres audiovisuelles apparaissent sur le marché, ou apparaîtront à court et moyen terme, - tels que la vidéo à la demande, la télévision connectée, etc. - et sont fournis par des acteurs qui ne sont pas établis en France.

3. Pour contribuer au budget général de l'État

La contribution au budget général de l'Etat , et par extension à celui des collectivités locales, comme pour tout acteur produisant un revenu d'activité, est l'enjeu principal de nos travaux. En effet, les acteurs de l'Internet non domiciliés sur le territoire français sont susceptibles de créer de la valeur ajoutée ; or cette valeur ne fait pas l'objet d'une taxation par le Gouvernement français contrairement aux acteurs domiciliés fiscalement sur le territoire français. Les pistes pour poser les bases d'une fiscalité des activités numérique, au même titre que celle des activités « traditionnelles », seront exposées dans les deux parties suivantes du rapport.

4. Voire, pour définir de nouvelles ressources pour le budget de l'Union européenne

Enfin, des voix émergent pour étudier la manière de faire participer l'économie numérique au budget de l'Union européenne et au financement des équipements et réseaux à haut débit.

L'agenda numérique européen envisage la mise à disposition d'ici à 2020 du très haut débit pour la moitié des ménages européens. Pour le seul volet du déploiement de la fibre optique, la Commission européenne estime que le coût attaché à une offre d'accès de 100 Mbps à 50 % des ménages européens coûterait entre 181 et 268 milliards d'euros.

Le débat initié par la commission des finances a donc pour but d'identifier les acteurs en présence et de structurer de nombreuses pistes de réflexion. Il reste à relever le défi consistant à définir des actions concrètes, et dès maintenant.

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