4. Le manque de qualification des personnes handicapées : principal obstacle à l'accès et au maintien dans l'emploi

De plus en plus d'entreprises cherchent à recruter, à intégrer et à accompagner les travailleurs handicapés, mais peinent à trouver les profils dont elles ont besoin. Comme pour le marché du travail dans son ensemble, il existe un manque d'adéquation entre l'offre de compétences et la demande des employeurs, du fait de la sous-qualification des personnes handicapées : 83 % d'entre elles ont aujourd'hui une qualification égale ou inférieure au certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ou au brevet d'études professionnelles (BEP) .

a) Des jeunes handicapés insuffisamment formés

Les jeunes handicapés, qui accèdent au marché du travail, sont confrontés à une « double peine » : leur handicap et leur manque de qualification.

Pour les jeunes ayant été scolarisés en milieu ordinaire, ce faible niveau de qualification s'explique par des ruptures dans le parcours de scolarisation - surtout à partir du second degré -, par un accès limité à l'enseignement supérieur, par une mauvaise orientation, par une renonciation à la poursuite des études en raison d'un profond sentiment de découragement.

Pour les jeunes handicapés, qui ont effectué tout ou partie de leur scolarité en établissement spécialisé, des formations leur sont proposées, mais toutes ne sont pas qualifiantes. Et, même lorsqu'elles le sont, certains enfants ne sont pas en mesure de les valider.

Par ailleurs, le livret personnel de compétences 26 ( * ) , outil pédagogique permettant de valider les connaissances et les compétences acquises par l'élève -qu'il soit handicapé ou non-, n'est pas toujours rempli par les équipes enseignantes. Or, pour les jeunes handicapés, il s'agit souvent du seul document attestant de leurs acquis.

Proposition n° 22 : Rendre obligatoire le remplissage du livret personnel de compétences pour les élèves handicapés

b) Un accès encore limité à la formation professionnelle

Dans son rapport de 2010 27 ( * ) , le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) dresse le constat, très sévère, que « l'accès des travailleurs handicapés à la formation ne s'est pas sensiblement amélioré au cours des vingt dernières années » .

Les travailleurs handicapés accèdent en effet quatre fois moins à la formation que les travailleurs valides . En cause : les difficultés qu'ils rencontrent en termes d'information, d'orientation, d'accès aux lieux, d'adaptation des rythmes de travail, de rémunération, etc.

La loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a, certes, apporté, des éléments de réponse globaux sur l'information et l'orientation, mais elle ne prévoit pas l'accompagnement des travailleurs handicapés. Or, pour la plupart d'entre eux, qui ont connu des échecs dans leur scolarité, un véritable accompagnement en amont - au stade de l'orientation et pendant la formation - est indispensable. Le rappel fréquent, dans les dispositifs de formation de droit commun, du principe de non-discrimination, se traduit souvent sur le terrain par une absence de prise en compte du handicap.

c) L'échec des politiques régionales concertées

Aspect innovant de la loi de 2005, la mise en place de politiques régionales concertées est trop souvent restée lettre morte :

- fin 2010, seules dix régions avaient formalisé ou construit, sous des formes différentes, un cadre de politique régionale concertée de formation ;

- au premier trimestre 2011, seuls six plans régionaux pour l'insertion des travailleurs handicapés (Prith) étaient recensés.

La forte dispersion des compétences institutionnelles dans le domaine de la formation professionnelle des personnes handicapées (Etat, conseils régionaux, Pôle emploi, Agefiph, FIPHFP, Cap emploi...) et l'absence de réel partenariat entre les différents acteurs demeurent un obstacle majeur à l'accès à la formation.

d) Le désengagement financier de l'Etat

La loi de finances pour 2011 a organisé le transfert à l'Agefiph de la gestion de plusieurs dispositifs relevant de la compétence de l'Etat, notamment le financement de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi handicapés .

Ainsi, l'Agefiph s'est substitué à l'Etat comme contractant de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) pour le marché des demandeurs d'emploi reconnus travailleurs handicapés.

Ce transfert de compétence a eu pour finalité première de décharger l'Etat de tâches de gestion ; de ce point de vue, il s'agissait d'une mesure de rationalisation administrative bienvenue.

Mais, dans un contexte de raréfaction des moyens budgétaires, le gain pour l'Etat est aussi financier puisque le transfert à l'Agefiph du marché de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi handicapés, qui s'élevait à 30,5 millions d'euros en 2011, atteint plus de 60 millions d'euros en 2012.

Cette politique de transfert de charges, qui ne s'est accompagnée d'aucune compensation financière, va nécessairement contraindre l'Agefiph à diminuer les aides directes qu'elle accorde, d'une part, aux travailleurs handicapés pour compenser leur handicap, d'autre part, aux entreprises pour leur permettre d'embaucher et de maintenir dans leur emploi les personnes handicapées.


* 26 Le livret personnel de compétences, qui s'adresse à tous les élèves, a une double fonction : outil institutionnel attestant leur niveau de maîtrise des sept compétences du socle commun et outil pédagogique au service de leur suivi personnalisé.

* 27 Rapport 2010 du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page