C. DÉPLACEMENTS

1. Participation au premier symposium international « maladies infectieuses, environnements et biodiversité » 4 et 5 novembre 2011 Institut Français du Gabon

J'ai participé les 4 et 5 novembre 2011 au séminaire organisé par le Professeur Patrice Debré sur les Maladies Infectieuses, Environnements et Biodiversité. Ce séminaire a rassemblé de nombreux chercheurs et acteur de terrain, principalement occidentaux, dans un pays central dans la lutte contre les maladies infectieuses émergentes. Le CIRMF (Centre International de Recherches Médicales de Franceville) dirigé par le Docteur Jean Paul Gonzales, a co-organisé ces rencontres avec le Professeur Patrice Debré, Ambassadeur « Santé » au Quai d'Orsay.

« Les maladies émergents ont quadruplé au cours des cinquante dernières années et certaines d'entre elles sont devenues des problèmes majeurs de santé publique (HIV, H1N1, West Nile Virus ...). Les facteurs environnementaux et leurs perturbations jouent un rôle majeur dans le niveau sans précédent des maladies infectieuses humaines et animales. Il en va de même pour tout un ensemble de facteurs socio-économiques qu'il convient de comprendre et d'anticiper »

Ce séminaire a rassemblé des experts internationaux sur l'émergence des maladies infectieuses et les interactions à l'interface animal-homme-écosystèmes. Les participants ont largement débattu des défis posés aujourd'hui par les maladies émergentes, sur les approches systémiques de compréhension et de lutte, tant dans le cadre de la recherche, de la veille sanitaire sur des politiques publiques de santé.

Ce séminaire a été organisé par un conseil scientifique et articulé autour de quatre sessions thématiques. Le compte rendu complet de ce séminaire est en cours de finalisation par les services du Quai d'Orsay, en relation avec le CIRMF et l'ensemble des participants. Elle reprendra aussi la présentation complète de chacun des intervenants et participants et leurs travaux.

La synthèse que vous trouverez ci-dessous est celle que j'ai pu rédigée à mon retour, étant non spécialiste du sujet, mais passionnée par l'ampleur des enjeux, la profondeur nécessaire des analyses pour fiabiliser le diagnostic et la transversalité des défis.

I) PRÉSENTATION DU SYMPOSIUM

Les objectifs du symposium étaient les suivants :

. valoriser les efforts de l'ensemble des acteurs, communiquer et enrichir la réflexion scientifique sur cette thématique ;

. développer un plaidoyer pluridisciplinaire pour sensibiliser et mobiliser autour d'une approche globale de l'émergence des maladies ;

. favoriser la réflexion et la discussion aussi bine sur le plan scientifique que politique afin d'appuyer une politique de lutte contre les maladies émergentes ;

. encourager les partenariats entre l'ensemble des acteurs, rapprocher des champs parfois déconnectés et ainsi favoriser les collaborations dans ce domaine.

Sur le plan scientifique, le symposium s'est concentré sur :

. les risques zoonotiques et la médecine de la conservation ;

. les arboviroses, les fièvres hémorragiques, les syndromes neurologiques, leurs vecteurs, leurs environnements ;

. les stratégies de mise en évidence du risque d'émergence ;

. les outils et stratégies de contrôle, de lutte, de veille.

II) SYNTHÈSE DES PRÉSENTATIONS

a) Séance inaugurale

Le Directeur Général de l'IRD, Monsieur Laurent, présente les Unités de recherche (mixtes pour la plupart) de l'IRD dans ce domaine des maladies émergentes. Le CIRMF de Franceville comporte un laboratoire P4 et une animalerie P3, et il décrit le laboratoire sur la biodiversité dans les forêts tropicales (programme pilote régional) L'ensemble des enjeux sont intriqués entre la Recherche, la formation, l'innovation et les recommandations sanitaires.

L'Ambassadeur de France au Gabon, Monsieur Demazières , souligne l'importance du colloque et de sa dimension pluridisciplinaire.

Le Ministre de la Recherche du Gabon , S. Moundouga , qui reviendra pour la clôture du Symposium, rappelle que les bactéries, virus et autres microbes ne connaissent pas de frontières. De nombreux facteurs climatiques expliquent leur développement : changement climatique, recul de la biodiversité, déplacement des populations, conflits armés, coexistence homme-animal.

Il décrit la politique générale du Gabon et de son Président : création de 13 Parcs Nationaux depuis 2002, vision de faire du Gabon un pays émergent, lien avec l'Agence Universitaire de la Francophonie. Il annonce l'inauguration d'un CHU Albert Schweitzer en 2013, pour le centième anniversaire de son installation à Lambaréné. Un projet de type zone franche, un Partenariat Public Privé dans la zone de Boué, devrait attirer des entreprises grâce aux nombreuses facilités accordées à celles qui s'y installeraient. Il évoque le projet de Musée et centre de recherche à Franceville à la suite de la découverte du fossile d'un être monocellulaire, le premier organisme vivant connu, daté de 2,5 milliards d'années.

b) Sessions du symposium

Docteur William Karesh

« Nouvelles approches pour réduire risques et impacts des maladies infectieuses émergentes »

Il dirige le programme PREDICT de l'USAID, qui alloue 75 millions de dollars pour l'anticipation et la prévention des maladies pandémiques. Il présente une étude qui a abouti à la découverte de 25 nouveaux agents pathogènes et présente le site collaboratif sur le sujet des maladies émergentes sickipedia.info.

Il souligne l'importance des échanges mondiaux de viandes, en lien avec l'augmentation de la consommation de protéines. Le changement climatique a des conséquences sur les mouvements migratoires des animaux sauvages, modifiant les conditions de vie des populations qui en dépendent. Enfin ces déplacements ont des effets sur la diffusion des pathogènes.

Professeur Anne Marie Moulin

« La pari sur la vaccination face aux phénomène d'émergence est il renouvelable ? »

A la fois médecin parasitologue et agrégée de philosophie, elle décrit et analyse les exemples historiques d'émergence et analyse « l'hypothèse vaccinale » à la lumière des expériences passées. Le choc culturel du SIDA et ses enseignements appellent une veille sur la circulation des agents pathogènes et des personnes, qu'elle rapproche d'une lutte contre le terrorisme ! Celle-ci crée d'ailleurs une forme de solidarité planétaire.

Le pari vaccinal est illustré par le cas de la variole, éradiquée en 1979 après deux siècles de lutte, c'est le « modèle de la variole ». Depuis 1881, les vaccins sont des virus atténués qui protègent les populations de la maladie. C'est ainsi que Pasteur lutte contre la peste, la rage, la tuberculose, dans un but d'éradication. L'immunité est une forteresse et l'agent pathogène un ennemi.

Le vaccin permet-il de traiter les nouveaux pathogènes ? Ceux-ci fonctionnent désormais plutôt sur le modèle grippal, c'est-à-dire que le vaccin doit être adapté sans cesse, parce que le virus lui-même change : ainsi les nouveaux vaccins permettent plutôt de limiter la charge virale et les essais cliniques sont particulièrement complexes.

Dans les pays en développement, la diffusion des vaccins est freinée par des rumeurs sur un complot de stérilisation des pauvres (Yemen, Cameroun, Philippines, Nigeria). La vaccination pose également le problème de la transmission du virus par les seringues.

Professeur Salvatore Rubino

« Tirer les leçons du passé »

Il analyse les sept plus grandes pandémies depuis la peste noire de 1347-1354, qui avait fait plus de 200 millions de morts jusqu'au VIH. Il démontre, carte des migrations à l'appui, les liens entre les mouvements de population et le développement des grandes pandémies.

La dissémination des maladies infectieuses s'est intensifiée au fur et à mesure de l'évolution des civilisations. Les caravanes ou les convois maritimes de marchands ou de soldats ont transporté de nouveaux pathogènes et leurs vecteurs vers des populations susceptibles. L'émergence de nouvelles maladies aujourd'hui comme dans le passé est clairement en lien avec la mondialisation à la fois en raison de l'augmentation du nombre de voyageurs et la diffusion de nourriture et de biens à l'échelle de la planète.

Le professeur Rubino dirige un journal sur le net (Journal of Infection in Developing Countries), journal numérique gratuit destiné aux pays en développement.

Professeur John Mackenzie

« Arbovirus dans la région Asie Pacifique : émergence, circulation et menaces potentielles »

De nombreux arbovirus sont enzootiques dans la région Asie du Sud-Est/Pacifique. Neuf sont des pathogènes majeurs pour l'espèce humaine, dont sept flavivirus - quatre sérotypes de la dengue et trois liés à l'encéphalite japonaise- : cela justifie qu'une attention particulière leur soit portée.

Il convient de construire une vision très globale de l'évolution de ces virus, assurer leur surveillance et leur détection. Il a présidé le comité d'urgence de l'OMS pour la grippe H1N1

Professeur Stephan Günther

« Phylogeographie du virus Lassa en Afrique de l'Ouest : impact des activités humaines sur les relations virus-hôte »

Il présent ces travaux sur les aunavirus, et interroge la question de la coévolution.

Docteur Eric Leroy

« Mécanismes d'émergence chez l'homme de la fièvre hémorragique à virus Ébola »

Responsable de la Recherche au CIRMF, il est très engagé dans la formation de chercheurs gabonais et internationaux. Le CIRMF est centre référent pour l'OMS pour les fièvres hémorragiques.

Il décrit les trois familles virales (virus à ARN) à l'origine des fièvres hémorragiques Lassa, Ébola Marburg, Crimée Congo. Ce sont toutes des zoonoses, et elles touchent particulièrement les personnels de santé. Des études épidémiologiques de terrain et les analyses de laboratoire permettent d'analyser les trois étapes : rencontre avec le virus (souvent par la chauve-souris, directement ou par les chimpanzés), infection, diffusion. Il a analysé des étiologies nouvelles responsables de fièvres hémorragiques virales. Il cite en particulier INRB, présent en RDC .

Docteur François Renaud

« Biodiversité et évolution des pathogènes »

Son travail est centré sur l'analyse des processus écologiques et les mécanismes d'évolution des maladies infectieuses. Il présente la situation mondiale, et ces analyses de la situation et de l'évolution des agents infectieux responsables. Il pose la question de la collaboration avec les médecines traditionnelles.

Christian Drosten

« Nouveaux virus chez la chauve souris »

Il souligne que certains virus interagissent avec leur « réservoirs ». Ainsi ceux là ne sont pas seulement des « donneurs » de virus mais contribuent à l'émergence de nouveaux virus recombinés.

Pierre Formenty , Département d'Alerte Globale et Réponse de l'OMS

« Les maladies infectieuses émergentes d'origine zoonotique : connecter les systèmes de santé humaine et animale »

Il décrit les principes des programmes de prévision et de préparation aux émergences, la détection et l'évaluation des risques, enfin la mise en place de la réponse coordonnée.

Il présente l'exemple de la fièvre de la Vallée du Rift : l'utilisation des données satellitaires de télédétection de l'état de la végétation combinée à la prévision des pluies a permis de cartographier les zones à risque. Finalement, les déplacements des cheptels (pour fuir la zone de maladie) l'ont en fait déplacée, les animaux étant déjà infectés. L'émergence primaire a entrainé une amplification secondaire.

Il recommande donc le développement des collaborations avec les hôpitaux et les vétérinaires des pays membres, et le travail sur des modèles, et souligne ainsi l'importance de l'interdisciplinarité. Il évoque la base de données des évènements infectieux (EMS), interne à l'OMS, et le réseau GOARN « Global Outbreak Allotment and Response Network », les réseaux organisés COMBI, Control IPC, décrit une adresse d'information sur les évènements infectioncontrol@who.un.int . Sa présentation est jointe en annexe à ce compte rendu

Professeur Stephen Morse

« Surveillance et anticipation des maladies émergentes »

Il souligne la faiblesse des capacités de surveillance globales adéquates, aussi bien pour les maladies infectieuses communes que pour les maladies émergentes. Il présente des initiatives prometteuses : « ProMed-mail », le programme « menaces pandémiques émergentes de l'USAID, et notamment PREDICT (ce dernier projet s'appuyant sur une approche « One Health », cf William Karesh ci-dessus)

Professeur Jean-Claude Manuguerra

« Prévention et anticipation des émergences »

Il analyse le rôle de l'animal : il peut être simple réservoir, population cible, hôte ancestral ou intermédiaire, simple relais ou amplificateur, et enfin hôte où se déroule la genèse du nouveau virus. L'étude de Kate E. Jones (Nature2008) a analysé plusieurs centaines d'évènements d'émergence de maladies infectieuses entre 1940 et 2004.

Il analyse aussi les facteurs non virologiques associés à une émergence, déforestation, changement dans l'industrie agro-alimentaire, voyages, évolutions dans l'industrie de la santé, changement de sensibilité de l'homme à l'infection.

C'est en se plaçant aux interfaces homme/animal et en tenant compte des facteurs non virologiques que l'on peut espérer anticiper ou prévenir une émergence virale chez l'homme.

Professeur François Bricaire

« Organisation et prise en charge des maladies infectieuses en France »

Il décrit l'organisation opérationnelle en France, qui s'applique non seulement aux infections émergentes mais aussi aux cas isolés contagieux, au bioterrorisme, aux épidémies (type grippe) et aux bactéries multi résistantes. Chaque crise sanitaire a permis de faire évoluer les réflexions sur la prise en charge. « Ce sont les hommes, et non les pierres, qui font la force des remparts protecteurs des Cités »

Docteur Franck Baudino

« Quelles réponses à la sous-médicalisation des zones isolées ? »

Il présente les H4D, des Unités Médicales Autonomes, qui sont des cabines de télésanté. Elles permettent le recueil de données physiologiques, pour les individus, et une transmission de ces informations aux médecins (pour le suivi) et aux autorités sanitaires (pour la veille épidémiologique) Elles seront testées sur le terrain par le CIRMF.

c) Table Ronde

Mme Bernadette Murgue de l'IRD estime que l'on a pas analysé assez en profondeur et a posteriori H1N1. Elle propose la mise en place de plateformes de coopération.

Catherine Ferrand , Directrice de la Fondation Total, rappelle la convention avec l'Institut Pasteur, la création de la chaire Françoise Barré-Senoussi, le travail de recherche soutenu à Madagascar (Vincent Richard) et au Cameroun (Pédiacam, recherche sur les bébés séropositifs) Elle souligne l'importance de l'accompagnement des communautés.

Dr François Moutou souligne la qualité, tant sur le fond qu'en terme « d'ambiance » de ces deux journées de symposium. Le lien avec les différents animaux, domestiques ou sauvages, est important et il recommande le développement de tests « au pied de la vache ».

L'enjeu de coordonner les différents niveaux de surveillance est majeur, ce qui implique la confiance entre les acteurs, alors même qu'ils ont des objectifs parfois contradictoires.

Professeur Patrice Debré, ambassadeur santé, Quai d'Orsay

Le Professeur Debré rappelle l'expérience du SIDA, à bien des égards exemplaire.

Il fait deux constats : les maladies infectieuses sont au coeur de la mondialisation, c'est l'enjeu des biens publics mondiaux, tant sur la plan de la santé que du développement et de la lutte contre la pauvreté. S'agissant de l'organisation institutionnelle, de nombreux Ministères sont concernés.

Le Professeur pose ensuite quatre questions.

Est-ce bien de la compétence du Quai d'Orsay : il répond sans aucun doute par l'affirmative, rappelant l'enjeu de l'accès de tout le Monde aux soins, c'est un engagement lié aux conventions Internationales des Droits de l'Homme.

Quels partenariats ? Ceux-ci sont stratégiques, compte tenu de l'ampleur du sujet et des interactions entre différentes politiques.

Quels sont les outils d'action ? Il s'agit « d'assembler » les connaissances liées à la recherche et la veille sanitaire pour construite les mesures de Santé Publique, et assurer un bonne prise en compte à l'échelle régionale.

Quels en sont les opérateurs ? Ils sont nombreux : opérateurs et organismes de recherche, agences de financement (ANRS, AIRD, ANR...), Instituts de Veille, les partenaires et fondations, les entreprises et sociétés de biotechnologies, les représentants de la société civile. Il s'agit donc de construire des programmes de coopération entre ces (très) nombreux intervenants.

Une question importante est la biodiversité, source de toutes les infections, mais aussi ressource pour toutes les évolutions. En effet, l'écosystème, riche avec la diversité, est une garantie de l'évolution. Il détaille les cas du ROR (vaccin contre la rougeole, maladie qui ré-émerge aujourd'hui), des vaccins contre les hépatites A, B et C.

Professeur Koussay Dellagi

Directeur du Centre de Recherche et Veille sur les maladies émergentes dans l'Océan Indien, Ile de la Réunion - CRVOI-.

Il souligne l'importance d'un travail à construire sur les « hot spots » fédérant médecins, biologistes, vétérinaires, spécialistes de l'environnement, et pose le problème de l'organisation du travail en commun. En effet, chauve souris, mammifères.. sont des sujets réservoirs et aussi des « bases de données » de pathogènes ou précurseurs : comment utiliser cette information ?

Il faudrait s'appuyer sur un réseau de structures interconnectées pour pouvoir quadriller ces « hot spots ». Il souligne ainsi l'importance de la création de structure de recherche dans les territoires ultra-marins.

Le CRVOI, qui couvre l'ensemble de la Région, a été créé il y a quatre ans, à la suite du chikungunbia. Rappelons que cette maladie a « cloué au lit » 40 % de la population de l'île.

Il souligne l'importance de la coopération avec l'Institut Pasteur de Madagascar. Un Groupement d'intérêt Scientifique (GIS) a été créé, regroupant recherche, Santé et Affaires Etrangères (CNRS, INSERM, Institut Pasteur, IRD, CIRAT, INRA, INVS, ANSES, l'Université de la Réunion, le CHU (à venir), les Conseil Général et Régional ...).

Trois niveaux de coopération sont à construire : au niveau local, régional, international.

Il souligne l'intérêt de l'analyse de l'émergence dans un système insulaire, où le nombre de variables est plus limité, et donc l'investigation plus facile. Le défi est pour le professeur Dellagi de « faire bouger l'Europe sur les Régions Ultrapériphériques ! »

Commentaire : Ma description des présentations n'est pas exhaustive, car j'étais en visite protocolaire chez le Président du Gabon au moment de plusieurs interventions que je n'ai donc pas pu reproduire. Le compte rendu plus complet et surtout plus scientifique est en cours de finalisation. Ce séminaire passionnant a été pour moi l'occasion de rencontrer les acteurs sur ce sujet transversal des maladies infectieuses émergentes. Il s'est conclu par une soirée traditionnelle, qui fut l'occasion de découvrir les danses rituelles, et d'échanger avec les chercheurs dans une ambiance chaleureuse. Il a été complété le lendemain par une visite du centre de recherche de Franceville (CIRMF) tout à fait passionnante.

Liste des intervenants au Symposium International

« Maladies infectieuses, Environnements et Biodiversité »

Libreville, 4 et 5 Novembre 2011

- Pr Françoise Barré-Sinoussi , Prix Nobel de médecine 2008, Institut Pasteur

- Dr Franck Baudino , Health for Development (H4D), France

- Pr François Bricaire , Maladies infectieuses et tropicales, Hôpital La Pitié-Salpêtrière, France

- Pr Patrice Debré , Ministère des Affaires Etrangères et Européennes, France

- Pr Koussay Dellagi , Centre de Recherche et de Veille sur les maladies émergentes dans l'Océan Indien

- Pr Christian Drosten , Institut de Virologie, Université de Bonn, Allemagne

- Mme Catherine Ferrant , Fondation TOTAL, France

- Pr Didier Fontenille , Maladies infectieuses et vecteurs, Génétique, Evolution et Contrôle, IRD, France

- Dr Pierre Formenty , Alerte et Action au niveau mondial (GAR), OMS, Suisse

- Pr Antoine Gessain , Institut Pasteur, France

- Pr Stephan Günther , Institut de Médecine Tropicale Bernhard-Nocht, Allemagne

- Dr Mirdad Kazanji , Institut Pasteur, République Centrafricaine

- Dr William Karesh , Ecohealth Alliance, USA

- Dr Aurélie Flore Koumba Pambo , Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique, Gabon

- Dr Gérard Lambert , médecin et écrivain, France

- Dr Eric Leroy , Unité des maladies virales émergentes, CIRMF, Gabon

- Pr John Mackenzie , Curtin University, Australie

- Pr Jean-Claude Manuguerra , Institut Pasteur, France

- Pr Bertrand Mbatchi , Conseil Africain et Malgache pour l'enseignement supérieur, Gabon

- P r Souleymane Mboup , Laboratoire de bactériologie et de virologie, Université Cheikh Anta Diop, Sénégal

- Pr Anne-Marie Moulin , CNRS/université de Paris 7, France et université Senghor, Egypte

- Pr Stephen Morse , USAID Emerging Pandemic Threats (EPT) Program, Département d'épidémiologie, Columbia University, USA

- Dr François Moutou , Laboratoire de santé animale, Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES), France

- Pr Jean-Raymond Nzenze , Service de Santé militaire, Gabon

- Pr Dominique Pontier , Laboratoire de Biométrie et de Biologie évolutive, CNRS, Université Claude Bernard de Lyon, France

- Pr François Renaud , Maladies infectieuses et vecteurs, génétique, Evolution et Contrôle, IRD, France

- Dr Vincent Richard , Institut Pasteur, Madagascar

- Pr Salvatore Rubino , Département des sciences biomédicales, Université de Sassari, Journal of Infection in Developing Countries (JIDC), Italie

- Pr Gérard Salem , Professeur de géographie de la santé à l'Université Paris X Nanterre, directeur du Laboratoire Espace Santé et Territoires

- Pr Romain Tchoua , Service de santé des armées, Ministère de la Défense, Gabon

- Dr Yaya Thiongane , Laboratoire National d'Elevage et des Recherches Vétérinaires, Sénégal

- Pr Mark Wilson , Département d'écologie et de biologie évolutionnaire, University of Michigan, USA

2. Déplacement en Inde du 7 au 12 février 2012

Les maladies n'ont pas de frontière. Le retour de certaines maladies que l'on croyait disparues en France le prouve. A titre d'exemple, le département de la Seine saint Denis qui est le plus pauvre de France est enclin depuis quelques mois au retour des infections à la tuberculose. Celle ci est due à l'insalubrité des logements, leur sur-occupation, la promiscuité ou la malnutrition. Fort de ce constat de recrudescence de certaines de ces maladies infectieuses en France, il apparaît nécessaire d'engager une étude prospective dans le monde.

Dans cette perspective, je me suis déplacée en Inde 7 au 12 février dernier afin d'analyser la source et les conditions de développement des maladies et de rencontrer les acteurs clés. C'est en partageant les bonnes pratiques que nous parviendrons à prévenir l'apparition des épidémies et empêcher leur propagation en France.

Très touchée par la tuberculose, le VIH ou la co-infection, l'Inde cherche à mettre en place une organisation des soins et de prévention permettant de lutter le plus efficacement possible contre ces maladies. Le Pays s'engage activement dans le développement des vaccins, notamment génériques, à coût réduit, afin de traiter la population le plus largement et efficacement possible.

Dans un pays peuplé de plus d'un milliard d'habitants dont 21 millions vivent dans la zone urbaine de Dehli, ce sont 3,5 millions de personnes qui sont infectées par la tuberculose chaque année. Les pneumonies, la tuberculose et les diarrhées sont en effet les principales causes de mortalité. La lèpre a été éliminée mais le choléra reste endémique surtout après les grandes moussons d'été.

Le manque d'éducation des jeunes femmes dont l'âge moyen du mariage et de 17 ans accentue les risques liés au VIH. De même l'intolérance de la société face aux homosexuels ne favorise pas la prévention de cette maladie. Néanmoins, le débat sur la question est entrain d'évoluer puisque la Delhi High Court a accepté le principe de liberté sexuelle.

Mercredi 8 février : Visite de l'Hopital « Rajan Babu Institut for Pulmonary Medecine, and Tuberculosis » dirigé par le Docteur J.N. Banavaliker.

Notre visite nous amène à découvrir un hôpital de 1 150 lits, qui traite la tuberculose et les maladies infectieuses pulmonaires. Dans ce pays sur les 1,9 million de cas de tuberculose diagnostiqués chaque année, 68 % sont contagieux. C'est le drame de cette infection qui se transmet par l'air (en cas d'éternuement ou de toux) et prolifère aisément au sein des bidonvilles dont la population est en proie à la malnutrition.

Le docteur nous présente le système « DOTS », organisation mise en place par l'Etat Indien pour soigner les malades. En effet le défi est d'éviter qu'au-delà de la période de crise de quatre à six semaines, les malades tendent à cesser le traitement du fait de l'estompement des symptômes. Des résistances aux médicaments se créent alors à ce moment. Des relais ont été organisés sur le terrain, pour suivre l'administration des médicaments (pris devant un agent de Santé ou « DOTS provider »). Ce programme, développé depuis 1997, aurait bénéficié à plus de 400 millions d'indiens en complément des bénéficiaires du système de santé public et privé.

Le docteur nous présente également les dispositifs mis en place en faveur des personnes atteintes de tuberculose multi-résistante. La moitié des cas de cette forme aggravée de la maladie dépistés sur la planète surviennent en Chine et en Inde.

Dans cette hypothèse le traitement est plus long, plus coûteux. S'il représente déjà 10 000 roupies pour une tuberculose « classique », il coûte 200 000 roupies pour la forme multi résistante (résistante à quatre ou cinq médicaments différents) et 2000 roupies par jour pour les formes ultra résistantes. Pour donner un ordre d'idée, notons qu'une infirmière est payée seulement entre 35000 et 50000 roupies par mois. Toutefois les médicaments sont distribués gratuitement dans le système public de santé.

Nous évoquons en outre la difficulté de traiter les enfants ainsi que les problèmes spécifiques de la contamination croisée VIH/tuberculose

Rencontre avec l'«International Union Against Tuberculosis and Lung Disease».

C'est une ONG issue de la volonté de scientifiques d'oeuvrer ensemble contre la maladie dans le monde créée en France en 1920. Leur action depuis 15 ans contre la tuberculose vise à former la « Société Civile » du pays, en complément des réseaux de soins existants. Il s'agit de sensibiliser les populations sur la maladie et ses signes cliniques ainsi que de favoriser le dépistage, mais également d'éviter autant que possible que les malades transmettent la maladie à leurs proches lorsqu'ils sont dans leur phase contagieuse.

Ils ont organisé 20 000 réunions de terrain, la formation de 9 000 professionnels qui assurent le relais auprès des malades (nommés « Health care providers »), de  900 ONG mobilisées (composées d'églises, groupes et mouvements de jeunes, groupes tribaux, associations sportives...) réparties en 240 districts organisés pour être au plus près des malades. Cette action est structurée, progressive, robuste est bien entendu plus efficace. Celle ci a été largement financée par le Fond mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme. Ce fond est aujourd'hui fragilisé par le même si la France y assure encore tous ses engagements. Elle en est le deuxième payeur avec 340 millions d'euros par an.

L'Inde grâce à son essor économique est de moins en moins tributaire du fonds, sa structure médicale étant désormais maîtrisée par l'État. Par ailleurs, l'Inde peut s'appuyer sur 300 facultés de médecine. Toutefois le problème de l'exode de nombreux jeunes médecins vers les pays anglophones (États Unis, Grande Bretagne, Canada, Afrique du Sud) n'est pas en voie d'être résolu.

Jeudi 9 février : Visite de l'Association Shalom

Les docteurs Saira Paulose et Savita Sanghi dirigent cette ONG, d'inspiration chrétienne, suit 2500 malades co-infectés par le VIH et la Tuberculose. Elles mettent en place un soin quotidien des malades, pour mieux traiter les deux maladies. Elles animent des groupes de fidèles d'une dizaine de communautés d'Eglises, pour encourager l'accompagnement des séropositifs, au long cours. Elles gèrent un centre de diagnostic et de soins et une dizaine de lits d'accueils. Elles oeuvrent particulièrement en faveur des populations discriminées du fait de leurs orientations sexuelles ou de leurs conditions de vies (habitants des bidonvilles notamment).

La visite des lieux est impressionnante.

Le courage d'une jeune fille de quinze ans venant avec sa maman m'impressionne : elle est gravement malade et sera hospitalisée. Elle n'est pas scolarisée car elle doit prendre en charge ses trois jeunes frères et soeur, sa maman, qui assure à elle seule la subsistance de la famille travaille toute la journée. Sa grande soeur est déjà hospitalisée dans l'hôpital public. Ce sont vraisemblablement les conditions de promiscuité qui ont entrainé une transmission de la maladie dans la famille.

Nous évoquons plus généralement la situation des enfants dans les bidonvilles. Les jeunes sont peu scolarisés, car ils sont peu motivés, leurs parents sont absents car généralement ils travaillent la journée. L'alcoolisme est très fréquent, les jeunes livrés à eux même font de mauvaises rencontres et consomment très tôt de la drogue, en particulier de la colle. Quant aux filles, elles s'occupent souvent des plus petits, comme la jeune fille rencontrée plus tôt.

Grace Nurila, visiteuse des familles, nous explique son activité : elle suit  280 situations, et se rend au domicile de ceux qui viennent d'être infectés une fois par mois et un peu moins chez ceux qui ont l'habitude du traitement. Elle suit particulièrement 20 transsexuels, très marginalisés dans ce pays encore très traditionaliste.

Déjeuner avec Boby John, de Global Health Advocates, l'ONG qui a co- organisé ce voyage d'étude.

En dix ans, les avancées en terme de santé ont été considérables, grâce a la mise en place d'une organisation efficace intégrant les « communautés » ou groupe sociaux. Cela permet de toucher plus largement les populations. Le nombre de décès dus à la tuberculose est ainsi passé de 1800 par jour en 2001 à 800 actuellement. Mais le combat continue. Une personne malade de la tuberculose pulmonaire non soignée peut la transmettre à environ quinze autres personnes en un an. L'importance d'un traitement rapide est évidente.

Une partie de la population n'est pas encore concernée par la couverture, pourtant totale en théorie, sur le territoire indien, grâce aux 30 000 centres de diagnostic et de soins ont été mis en place. Les traitements des malades doivent être menés à terme pour éviter les multi résistances. Le soulagement ressenti par les malades au bout de quatre à six semaines de traitement les conduit trop souvent à interrompre leurs médicaments.

Sur le chemin du retour, nous passons près de plusieurs zones de bidonvilles, qui côtoient d'autres parties de la ville plus développées. Contraste d'un grand pays plein d'espérance et aux défis multiples et sévères.

Nous évoquons la place des secteurs public et privé : le secteur public s'est en effet concentré sur la tuberculose pulmonaire, du fait des risques de contamination. Le secteur privé a ainsi la charge des autres formes de tuberculose, en particulier osseuses, qui touchent les personnes mais ne se transmettent pas aussi facilement. Le nombre total de cas de tuberculose serait ainsi plus proche de 3,5 à 4 millions par an en Inde.

Rencontres avec des acteurs de lutte contre la Tuberculose.

Rencontre avec Loon Gangte, un « activiste » de la cause des maladies, comme il se nomme lui même : malade du sida depuis quinze ans, il a perdu de ce fait beaucoup d'amis. Il s'est investi dans le collectif « Dehli Network of Positiv People », « DNP+ », et défend la diffusion de médicaments produits, selon l'accord de Doha , sous la forme de génériques en Inde et dans les pays pauvres.

Demain, vendredi, sera évoqué l'accord de « Free Trade » entre l'Union Européenne et l'Inde, dont la discussion n'est pas encore aboutie. Elle pourrait remettre en cause un élément central de l'accord de Doha, qui a permis de faire baisser considérablement le coût des traitements (par exemple pour le sida, de 15 000 à  150 dollars en quinze ans).

Cet accord de Doha prévoit en effet la possibilité d'autoriser la production de « génériques » - pendant la période de validité du brevet - dans un pays pauvre (comme l'Inde) dans certaines conditions « d'urgence médicale ». C'est en partie la remise en cause du bénéfice de cet accord pour certaines maladies qui pose la question centrale de l'accès aux soins dans le monde.

Il convient de procéder à un rapide l'historique pour comprendre les enjeux actuels. Après la guerre, c'est une législation très protectrice des brevets qui est mise en place, et les médicaments sont massivement importés en Inde, à des prix élevés. A partir de 1970, le gouvernement indien met en place une stratégie de développement et de recherche en faveur de son industrie pharmaceutique.

La signature par l'Inde, avec l' « Organisation Mondiale du Commerce » (OMC) d'accords dits ADPIC, sur les Droits de Propriété Intellectuelle liés au Commerce (nommés TRIP en anglais) lui donne dix ans pour adapter sa législation de protection des brevets. En 2001, les accords de Doha permettent à l'Inde la production de « génériques », et une concurrence entre compagnies indiennes accentue encore la baisse des prix. L'Inde est aujourd'hui le premier fournisseur au monde de médicaments « génériques » pour les pays pauvres, et couvre 80 % de ce marché.

L'avocate Kajal Bhardwaj nous présente ces arguments avec fougue et détermination. « Nous venons de déposer vingt cercueils à la délégation de l'Union Européenne, car les politiques commerciales menacent des vies ». Elle défilera, avec de nombreux activistes et d'Indiens mobilisés, demain vendredi à l'occasion de la venue des Présidents Hermann Von Rompuy et Barroso à New Delhi. Des recours ont été engagés par des compagnies pharmaceutiques contre des Etats faisant application de l'accord de Doha (Brésil et Equateur) pour des rétroviraux. Les risques de condamnation du Brésil et de l'Equateur sont réels, ce qui déstabiliserait la production de « génériques » dans le monde.

Le rôle très positif de la France, en particulier d'Unitaid qui a monté des accords sur des brevets avec des fabricants de génériques est cité en exemple. La France est encore sollicitée pour aider l'Inde dans ce combat. On rappellera qu'Unitaid est financé par la « taxe Chirac » sur les billets d'avion.

Stop TB Partnership

Nous rencontrons ensuite Blessy Kummar Vice Présidente et John Kurian George, membre de la structure qui fédère les acteurs mondiaux de la tuberculose. « Stop TB Partnership » comprend des Etats participants aux programmes, des fondations telles que Bill et Melinda Gates et des représentants des « Communautés» (au sens anglo-saxon de groupes sociaux, formels ou non). Rappelons que l' « Objectif M6 » du millénaire pour la tuberculose était de réduire de 50 % le nombre de décès en 2015 et que l'Inde est en passe de réussir ce pari.

John Kurian rappelle l'inquiétude de tous les acteurs, le dernier appel à projet (n.11) ayant été annulé.

Le comite national de suivi (CCM) pour les trois maladies (sida tuberculose et paludisme) qui dépend du fond mondial traitant des trois mêmes pandémies, a exprimé son inquiétude sur ce risque de non financement d'actions engagées. Mais l'état indien entend très largement financer lui même ce programme pour les années à venir.

Le diner rassemble les responsables de Global Health Advocacy. Une belle exposition réalisée par de jeunes artistes, qui se sont « immergés » dans l'hôpital -Institute for Pulmonary Medicine- visité hier, ont exprimé dans leurs oeuvres l'espoir et la souffrance. Un Membre de la chambre Basse du Parlement, Dr Thokchom Meinya, nous a rejoints pour ce moment d'encouragement et de félicitations aux acteurs impliqués pour le soutien au programme contre la tuberculose en Inde.

Vendredi 10 février : Rencontre avec le Directeur du projet Tuberculose à la Direction Générale de la Santé, Ministère de la Santé et de la Famille

Le Docteur Ashak Kumar, en charge du programme national de Lutte contre la Tuberculose (Revised National Tuberculosis Control Program - RNTCP) présente le dispositif mis en place.

1993-1996 : test de la « DOTS Strategy » avec l'ensemble des partenaires

1997: décision de déployer la « Stratégie DOTS » avec prise de quatre médicaments 3 fois par semaine.

Les évaluations du Ministère sont reprises dans un rapport publié, très complet. Quelques chiffres officiels :

- 72 % des cas d'infection sont détectés

- 85 % des traitements aboutissent à une guérison

- 80 % des tuberculoses sont pulmonaires, les autres cas étant lymphatiques, abdominales, méningée ou osseuses.

Il nous rappelle (cf visite de l'hôpital le 1er jour) le principe d'organisation du diagnostic. La technique utilisée est la vérification au microscope après désactivation sur une plaque de la bactérie contenue dans le crachat par le bleu de méthylène et chauffage. Des centres de diagnostic ont été installés dans toute l'Inde : 1 pour 100 000 habituellement, 1 pour 50 000 en zone difficile.

Il nous décrit les relais de santé mis en place, ou « DOTS providers ». Ce sont des agents de santé, des communautés, pharmaciens, commerçants.., qui assurent le suivi d'un malade, pour une durée de six mois: ces 400 000 relais sont rémunérés 250 roupies, et distribuent des médicaments donnés gratuitement sous la forme d'une boite pour le traitement de six mois. Le taux d'échec est estimé à seulement 5-6 %.

Les clés pour le programme, nous dit-il, sont le plaidoyer, la mobilisation des populations et la communication. L'implication des acteurs non gouvernementaux est déterminante, en effet 2000 ONG sont ainsi financées par le gouvernement (cf visite d'Union le premier jour).

Nous évoquons ensuite la situation des médecins dans le pays. Ils sont 800 000 à pratiquer la médecine allopathique (dite classique) et autant, soit 800 000 à pratiquer les médecines Ayurvedic, iunani et homéopathique, médecines reconnues dans la Constitution indienne. Il y a donc plus d'un médecin pour 1000 habitants.

La question de la résistance aux médicaments est majeure : le diagnostic peut se faire en 2-3 mois par culture en boite, en 2 semaines par culture en solution liquide ou deux jours par séquençage moléculaire.

36 laboratoires « P2 » et « P3 » fonctionnent pour ces analyses, 24 autres sont en projet. Ce dispositif est structuré par 120 centres de soins « DOTS plus », soit un pour un million d'habitants.

Quels sont les principaux défis ?

- L'accès universel au dépistage, avec un objectif de passer de 72 % à 90 %.

- Travailler avec les praticiens privés, 25 à 30 % des malades étant traites par leurs soins.

Sur le sujet de la recherche, les 380 « Medical Schools » sont impliquées en participant activement aux travaux sur la tuberculose.

Rendez-vous à la Fondation Bill et Melinda Gates

Nous rencontrons le responsable de projet tuberculose pour l'Inde, Peter Small, ancien professeur de micro biologie à Washington et précédemment chargé de la stratégie mondiale pour la fondation Gates. Il a décidé de s'investir en Inde, convaincu de l'importance des défis et du potentiel de ce pays touché si durement par la maladie. Le test de diagnostic a déjà 120 ans nous rappelle-t-il, le vaccin 90 ans et les médicaments 50!

Les pays concernés par la tuberculose sont pauvres tandis que les pays à haute technologie sont désormais moins touchés. Ceci pourrait changer car de nouveaux vaccins sont au stade des essais cliniques, comme une douzaine de nouveaux médicaments et des tests de diagnostic. L'un d'entre eux vient d'ailleurs d'être validé par l'OMS.

Le défi est double :

- maintenir les outils anciens, qui ne permettent de détecter que 50 % des malades (le test actuel nécessitant une concentration élevée de bacilles pour qu'ils soient détectés)

- tout en introduisant les découvertes récentes

Il considère que le programme de santé Publique en Inde est l'un des plus performants mais qu'il manque de capacité d'innovation. Il nous donne deux exemples de solutions en cours de validation :

- « Gene-expert » est un test par analyse génétique : elle est réalisée en deux heures, pour un coût unitaire de 20 USD

- Bigtec Lab. a mis au point un kit d'analyse ADN (real time PCR) couplé avec un téléphone : une goutte de salive est analysée et les résultats sont adresses au médecin et au fichier central en routine Le coût est de 10 USD et pourrait rapidement descendre à 5 USD.

Ces deux techniques permettent la mise en place de bons médicaments adaptés et efficaces pour le traitement, et d'éviter le développement de résistances.

L'Etat indien a beaucoup progressé dans l'utilisation des diagnostics en 10 ans. Grâce aux financements internationaux, ils ont quadruplé leurs investissements : l'enjeu est de suivre le même chemin pour l'innovation. La Fondation Gates investit 20 millions d'USD dans les tests, par an, en Inde.

Il nous décrit un autre origine du développement des résistances, ce sont les « quaks » des docteurs non qualifiés qui délivrent un traitement non adapté. Il souligne l'importance de l'intégration des médecins dans une organisation vertueuse contre la maladie (mais essentiellement dans 8 villes soit 500 millions d'habilitants, 700 millions d'habitants vivant dans 600 000 villages).

Nous évoquons ensuite la Recherche et Développement en Inde.

L'Indian Concil of Medical Research a répertorié toutes les nouvelles connaisances pouvant aboutir à un nouveau test diagnostic ou à un nouveau traitement, et a décelé 130 « leads ». Le sujet est le lien avec le développement industriel, le risque étant le rachat des droits de propriété intellectuelle par des compagnies qui ne les exploiteraient pas. La Fondation a une philosophie : elle tente de financer des produits concurrents, afin de faire baisser le prix des médicaments et des tests.

Il y a aujourd'hui des traitements qui sont en phase clinique, ainsi que 5 vaccins, après des années d'arrêt de la recherche sur la tuberculose (puisque cette pandémie ne concernait plus les pays solvables). Depuis 10 ans, cette recherche a été stabilisée par le potentiel du Fonds mondial.

Samedi 11 février : Visite de l'orphelinat de la fondation NAZ

Les enfants nous accueillent avec naturel et vitalité - après des visiteurs prestigieux, notamment Madame Bruni-Sarkozy et Lady Gaga. Ils nous décorent d'un superbe collier de fleurs en signe d'accueil.

Leurs parents sont décédés. Les enfants sont tous porteurs du VIH. La directrice et fondatrice, Angeli Gopalan, nous présente la maison, et nous propose une visite avec la complicité des enfants. Une cuisine généreuse, un étage pour les garçons, l'autre pour les filles, une bibliothèque salle de jeux, lieu accueillant et vivant au dernier étage. La pièce pour les consultations du médecin est près des lieux de vie, signe de la place importante des soins dans la maison. Vingt cinq enfants sont accueillis sur le site, plus d'une centaine d'autres, tous séropositifs et vivant dans leurs familles, sont très régulièrement suivis, logés et soignés quand une maladie les affecte. Le nom de la fondation, NAZ, signifie la fierté en Vourdou : force de l'âme humaine et détermination des femmes engagés ici à faire vaincre la vie.

L'ambassadeur de France en Inde, François Richier, décore la fondatrice du prix de la France des Droits de l'Homme et salue son engagement remarquable. Cela frappe aux yeux qu'elle entoure d'affection et d'amour ces enfants qui en ont tant besoin. Elle les suit et les soutient dans leurs parcours scolaires car en effet tous vont à l'école.

Cette cérémonie est chaleureuse et émouvante, nous avons passé un merveilleux moment avec les enfants qui chantent et nous offrent des dessins. Leurs yeux pétillent de joie de vivre malgré leurs souffrances et la fragilité de leurs petits corps marqués par la maladie.Cette journée me démontre avec force la valeur de la vie, le miracle de l'affection et du combat de celles qui accompagnent ces enfants très fragiles. Terrible réalité du VIH transmis aux enfants car pas dépisté chez leurs parents aujourd'hui disparus et qui les livre à cette adversité. Nous découvrons le courage d'un peuple qui lutte contre tant de douleurs et de difficultés.

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