2. La pression contentieuse

Le mécanisme de financement de la branche AT-MP a en effet également été remis en cause par le développement d'un contentieux systématique de la part de certaines entreprises, destiné à permettre l'optimisation de leurs dépenses sociales. La possibilité de recours contre une imposition afin d'établir sa légalité est un des fondements de notre Etat de droit et il ne saurait être question de la restreindre en aucune manière. Néanmoins, le risque d'instrumentalisation du droit et de la justice comme moyen de maximiser la rentabilité économique justifie une vigilance accrue des partenaires sociaux et du législateur.

a) L'optimisation des dépenses sociales

Le coût des procédures contentieuses pour la branche a explosé au cours des dernières années. Le rapport Fouquet l'estimait à 200 millions d'euros par an en moyenne, mais il était de 325 millions d'euros en 2007, de 451 millions en 2010 (dont 314 millions de remboursement de cotisation et 137 millions liés à la modification des taux notifiés) et a atteint 520 millions en 2011 (dont 360 millions de remboursement de cotisation et 160 millions liés aux modifications de taux avant notification). « Les dénouements défavorables de contentieux se sont traduits par une réduction de 360 millions d'euros des produits de cotisations sociales au titre de l'exercice 2011 (après 315 millions au titre de l'exercice 2010 et 298 millions au titre de l'exercice 2009) » 25 ( * ) pesant sur les recettes et empêchant le retour à l'équilibre prévu par la loi de finances 26 ( * ) . 30 % à 50 % de ces sommes sont constitués par la rémunération des conseils des entreprises requérantes. Le nombre de ces entreprises est pour sa part resté relativement stable, passant de quatre mille en 2008 à cinq mille en 2011. De plus, la majeure partie du contentieux se concentre sur un petit nombre d'entreprises : une centaine d'entre elles représentait 50 % des sommes en cause en 2008 et 60 % à 70 % en 2011.

Face à l'ampleur des sommes liées au contentieux, l'absence de provisionnement adéquat dans les comptes de la branche est le premier motif et l'une des raisons essentielle du refus de certification des comptes de 2011.

L'analyse conduite par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail fait ressortir le caractère systématique et organisé de la majorité du contentieux, qui s'inscrit dans une démarche de réduction du coût des cotisations sociales pour les entreprises concernées. Ceci explique le caractère essentiellement procédural des recours engagés souligné par la Cour des comptes 27 ( * ) . Les sommes récupérées par la voie contentieuse sont réparties entre l'entreprise, ses avocats et les cabinets de conseils spécialisés.

b) L'apparition de nouvelles sources de contestation

L'augmentation importante du contentieux depuis 2008 est partiellement due à l'anticipation de la mise en oeuvre de la réforme de la tarification qui devrait faire disparaître une part importante des fondements de recours. Il serait cependant illusoire de penser que ceux-ci disparaîtront. En effet, la masse des contentieux de procédure pourrait se reporter sur la contestation des seuils mis en place par les nouveaux barèmes de tarification et vers la contestation du taux d'incapacité fixé pour la victime. Les cabinets de conseil proposant aux entreprises la réduction des cotisations AT-MP sont d'ailleurs liés à des médecins spécialisés susceptibles d'appuyer les recours.

Ainsi que l'ont souligné à vos rapporteurs les magistrats de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, les normes seront toujours en retard sur le contentieux. Il importe donc qu'elles puissent être les plus simples possibles afin de limiter les difficultés d'interprétation et de garantir la sécurité juridique nécessaire tant aux victimes qu'aux entreprises.


* 25 Cour des comptes, Certification des comptes du régime général de sécurité sociale- Exercice 2011, juin 2012.

* 26 Commission des comptes de la sécurité sociale, note n° 25, juin 2012.

* 27 Op. cit., p.88, «certains employeurs recherchent de manière systématique des vices de procédure ».

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