N° 659

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 juillet 2012

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1), préparatoire au débat d' orientation des finances publiques (DOFP) pour 2013 ,

Par M. François MARC,

Sénateur,

Rapporteur général.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Adnot, Mme Michèle André, MM. Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, François Marc, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung.

PREMIÈRE PARTIE L'HÉRITAGE DE LA PRÉCÉDENTE LÉGISLATURE

I. L'ABSENCE DE MAÎTRISE DES FINANCES PUBLIQUES

Le déficit public s'est établi à 5,2 points de PIB en 2011.

Dans le cas de l'année 2012, le programme de stabilité d'avril 2012 prévoit un déficit de 4,4 points de PIB (objectif ramené à 4,5 points de PIB par le nouveau Gouvernement). Toutefois, sans mesures supplémentaires de réduction, le déficit serait de l'ordre de 4,8 points de PIB, selon la Cour des comptes comme selon le Gouvernement 1 ( * ) .

A. LA CRISE N'EXPLIQUE QU'UNE FAIBLE PART DU DÉFICIT PUBLIC ACTUEL

1. Une responsabilité collective

Le niveau élevé du déficit public actuel ne provient que partiellement de la crise. En effet, il serait considérablement plus bas si les gouvernements successifs ne s'étaient précédemment accommodés d'un déficit structurel élevé.

Schématiquement, avant 2008, il faut distinguer deux périodes :

- du premier choc pétrolier à la crise de 1992-1993, le déficit public a été d'environ 2 points de PIB en moyenne ;

- de la crise de 1992-1993 à 2007, il a été d'environ 3,5 points de PIB en moyenne.

Le PIB tendant à fluctuer autour de son niveau potentiel, ces chiffres correspondent à peu près au déficit structurel moyen de la période considérée.

Le déficit public : évolution historique

(en points de PIB)

Sources : Insee, calculs de la commission des finances

Un déficit public structurel de l'ordre de 3 points de PIB est, en tant que tel, soutenable. En effet, un tel déficit conduit à une dette qui se stabilise autour de 75 ou 100 points de PIB, selon que la croissance en valeur est de 4 % ou 3 %. Avec des taux d'intérêt « normaux », cela correspond à une charge d'intérêts supportable.

Si cette politique apparaît rétrospectivement inadaptée, c'est en raison de la succession de crises depuis 2008 :

- dans un premier temps, la forte récession de 2009 (- 3,1 %), consécutive à la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, a porté le déficit effectif à un niveau très élevé ;

- dans un second temps, la crise des dettes souveraines dans la zone euro a suscité, pour chaque Etat, le risque d'une augmentation autoréalisatrice de ses taux d'intérêt.

Avec le recul, il apparaît donc que les gouvernements en place depuis le début des années 1990, voire depuis 1975, ont manqué de prudence.

2. L'impact « comptable » de la crise sur le déficit public : environ 3,8 points de PIB

Le tableau ci-après, calculé par la commission des finances, indique les différents facteurs d'évolution du solde public depuis 2003 :

- l'effort structurel, correspondant à ce qui dépend de l'action du Gouvernement. Il se définit comme la somme de l'évolution du ratio dépenses/PIB potentiel et des mesures nouvelles sur les recettes ;

- les facteurs ne dépendant pas de l'action du Gouvernement, c'est-à-dire les fluctuations du solde conjoncturel et de l'élasticité des recettes au PIB (c'est-à-dire de leur tendance spontanée à augmenter plus ou moins vite que le PIB en valeur).

Il montre en particulier qu'en 2008-2012, la croissance faible ou négative a augmenté le déficit conjoncturel de 3,8 points de PIB. Autrement dit, sans la crise, toutes choses égales par ailleurs le déficit serait actuellement inférieur de 3,8 points de PIB .

D'autres estimations sont possibles, en fonction notamment des hypothèses retenues en matière de croissance potentielle.

Les facteurs d'évolution du solde public : une décomposition indicative par la commission des finances

(en points de PIB)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012*

2003-2007

Précédente législature

2003-2012

2008-2010

2011-2012

2008-2012

Solde public (en niveau)

-4,1

-3,6

-2,9

-2,3

-2,7

-3,3

-7,5

-7,1

-5,2

-4,8

Evolution

Solde public

-0,8

0,5

0,7

0,6

-0,4

-0,6

-4,2

0,4

1,9

0,4

0,6

-4,4

2,3

-2,1

-1,5

Solde public hors soultes**

-0,8

0,4

0,3

1

-0,3

-0,6

-4,2

0,4

1,9

0,4

0,6

-4,4

2,3

-2,1

-1,5

Facteurs d'évolution

Effort structurel

0,0

0,0

0,6

0,2

-0,4

-0,1

-1,4

0,2

1,4

1,4

0,4

-1,3

2,8

1,5

2,0

Dont :

Mesures nouvelles sur les PO**

0,1

0,1

0,4

0,1

-0,6

-0,5

-0,8

0,2

1,0

1,0

0,1

-1,1

2,0

0,9

1,0

Recettes hors PO

-0,1

0,1

0,4

-0,3

0,0

0,2

0,4

-0,1

0,0

-0,2

0,2

0,5

-0,2

0,2

0,4

Maîtrise des dépenses

0,0

-0,2

-0,3

0,4

0,2

0,2

-0,9

0,1

0,4

0,7

0,2

-0,7

1,1

0,4

0,6

Facteurs ne dépendant pas de l'évolution du Gouvernement

-0,8

0,4

-0,3

0,8

0,1

-0,5

-2,8

0,2

0,5

-1,0

0,2

-3,1

-0,5

-3,6

-3,5

Dont :

Evolution du solde conjoncturel

-0,6

0,3

-0,1

0,3

0,2

-0,9

-2,6

0,1

0,1

-0,6

0,0

-3,3

-0,5

-3,8

-3,8

Elasticité des prélèvements obligatoires au PIB différente de 1***

-0,2

0,1

-0,2

0,6

0,0

0,4

-0,3

0,1

0,4

-0,4

0,2

0,2

0,0

0,2

0,4

* Sans les mesures correctrices prévues par le nouveau Gouvernement.

** Source des soultes et des mesures nouvelles pour 2000-2008 : Thibault Guyon, Stéphane Sorbe, « Solde structurel et effort structurel : vers une décomposition par sous-secteur des administrations publiques », document de travail de la DGTPE n° 2009/13, décembre 2009.

*** Calculé par différence. Une sous-estimation éventuelle des mesures nouvelles peut donc conduire à majorer l'élasticité.

Compte tenu des incertitudes sur l'estimation de la croissance potentielle une année donnée, et de la volonté d'en lisser dans la mesure du possible les fluctuations (afin d'identifier le mieux possible ce qui dépend de l'action du Gouvernement), l'effort structurel est ici calculé par rapport à une croissance potentielle fixée par convention à 2 % par an jusqu'en 2007 et 1,5 % ensuite (cette diminution s'expliquant par des raisons démographiques ainsi que par la crise).

Sources : Insee, direction générale du Trésor, documents budgétaires, calculs de la commission des finances


* 1 Selon le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques (juillet 2012), les aléas à la baisse sur le solde de 2012 avec une croissance de 0,4 % sont compris entre 6 et 10 milliards d'euros, soit entre 0,3 et 0,5 point de PIB. Le Gouvernement évalue quant à lui les moindres recettes à 7,1 milliard d'euros, soit 0,3 point de PIB.

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