III. COMMENT SORTIR DE LA CRISE DE LA ZONE EURO ?

A. LA CRISE GRECQUE : DES INCERTITUDES MAXIMALES

1. Une crise grecque toujours pas réglée
a) Deux plans d'aide

La Grèce a déjà fait l'objet de deux plans d'aide.

Le premier , de 110 milliards d'euros, consiste en des prêts bilatéraux décidés par l'Eurogroupe le 2 mai 2010. Il se répartit entre 80 milliards d'euros apportés par les Etats de la zone euro et 30 milliards d'euros pour le FMI.

Premier plan d'aide (prêts bilatéraux)

(en milliards d'euros)

Etats de la zone euro

Dont : France

FMI

Total

Montants initialement prévus

80,0

16,8

30,0

110,0

Sommes déboursées

55,6

11,4

20,1

75,7

Sommes restant à débourser (qui seront prises en charge par le FESF : cf. tableau ci-après)

24,4

5,4

9,9

34,3

Source : commission des finances, d'après les données transmises par le Gouvernement

Le deuxième plan d'aide, qui s'y ajoute, a été mis en oeuvre de manière relativement confuse :

- il y a eu tout d'abord le « faux départ » du plan annoncé le 21 juillet 2011 (abandonné car réduisant de manière insuffisante la dette de la Grèce) ;

- le « vrai » deuxième plan, dont les grandes lignes ont été fixées par les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro le 26 octobre 2011, n'a été finalisé et adopté par l'Eurogroupe que le 20 février 2012.

Ce deuxième plan s'élève à 130 milliards d'euros (dont 120 milliards pour le FESF, qui reprend à sa charge environ 25 milliards d'euros de prêts bilatéraux non encore déboursés).

Nouveau plan d'aide décidé par l'Eurogroupe le 20 février 2012 (FESF)

(en milliards d'euros)

FESF

Dont : France

FMI

Total

Prêts bilatéraux non déboursés

24,4

5,4

9,9

34,3

Montant supplémentaire du FMI

8,2

8,2

Second plan d'aide

120,2

26,2

9,9

130,0

Total

144,6

31,6

28,0

164,4

Dont :

Programme

109,1

Echange

35,5

Source : commission des finances, d'après les données transmises par le Gouvernement

Dans le cas du secteur privé, ce deuxième plan prévoit :

- une décote de 53,5 % sur la dette négociable (soit 107 milliards d'euros sur un total de 200 milliards) ;

- pour la petite centaine de milliards d'euros restants, un échange par le secteur privé des titres existants contre des titres à très long terme, à des taux plus faibles ;

- au total, des pertes actualisées de plus de 70 % (contre 21 % pour le plan annoncé en juillet 2011).

b) Vers un nouveau défaut de la Grèce ?

La déclaration de l'Eurogroupe du 20 février 2012 indique que si tout se passe bien, le ratio dette/PIB sera de 120,5 points de PIB en 2020 .

Un ratio dette/PIB de 120 % correspond à la situation actuelle de l'Italie. Il est clair qu'avec la perspective d'un tel taux d'endettement en 2020, la Grèce ne sera pas en mesure de se financer sur les marchés en 2015, comme cela est prévu (ni en 2020).

On voit donc mal comment il serait possible de ramener la dette publique de la Grèce à un niveau supportable sans impliquer des pertes supplémentaires pour ses détenteurs, qui sont désormais en quasi-totalité publics.

2. Deux scénarios extrêmes
a) Le scénario pessimiste : défaut désordonné, sortie de l'euro, crise économique majeure

Les semaines précédant le Conseil européen du 29 juin 2012, la presse économique s'inquiétait fréquemment du risque de l'enchaînement suivant :

- refus de la Grèce d'honorer ses engagements ;

- cessation de son financement par le FESF ;

- effondrement immédiat de l'économie grecque, obligée de supprimer d'un coup son déficit public, faute de financement ;

- défaut désordonné ;

- refus par la BCE d'admettre comme collatéraux les titres de dette publique grecque, entraînant un effondrement du système bancaire grec ;

- pour réparer son système bancaire (qui exigerait alors un financement massif par sa banque centrale), sortie de la Grèce de l'euro ;

- craintes renforcées d'une sortie de la zone euro des autres Etats au déficit extérieur courant important (Portugal, Espagne), et défaut de ces Etats, avec « panique bancaire » ;

- récession majeure de l'ensemble de la zone euro, voire explosion de l'euro.

Même si on peut penser que les Etats de la zone euro feront en sorte d'éviter un tel scénario catastrophe, celui-ci ne peut être écarté a priori .

b) Le scénario optimiste : une fin de la crise vers 2014 grâce à un défaut complet de la Grèce, quand elle aura un excédent budgétaire primaire ?

Selon la Commission européenne, le déficit public primaire (c'est-à-dire hors charge d'intérêt) de la Grèce devrait être de seulement 1 point de PIB en 2012 . Certes, la Commission européenne prévoit pour 2013 un déficit primaire de 2 points de PIB, mais c'est parce que, selon l'usage, elle raisonne à politiques inchangées.

Ainsi, en poursuivant l'effort, la Grèce devrait pouvoir faire défaut vers 2014, sans avoir besoin de se financer sur les marchés, puisque son solde public serait alors excédentaire . On voit mal comment la Grèce pourrait ne pas profiter de cette possibilité.

Sous réserve qu'une solution soit trouvée pour le refinancement des banques grecques, le scénario d'une sortie de la Grèce de la zone euro disparaîtrait de lui-même, ce pays pouvant alors mener une politique budgétaire neutre, qui devrait lui permettre de renouer avec la croissance.

Si un défaut « pur et simple » de la Grèce n'a jusqu'à présent pas été possible, c'est notamment parce que les titres de dette publique étaient détenus par le secteur privé. Maintenant qu'ils le sont en quasi-totalité par les administrations publiques de la zone euro, la situation a changé.

Dans le cas de la France , un défaut de la Grèce sur la totalité de sa dette publique coûterait à l'Etat et à la Banque de France un montant qui a pu être évalué à environ 66 milliards d'euros , soit de l'ordre de 3 points de PIB 84 ( * ) .


* 84 Source : Eric Dor, directeur de la recherche à l'IESEG School of Management, article publié sur Internet le 15 mai 2012 ( http://www.next-finance.net/France-Evaluation-du-cout-de ).

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