B. FAUT-IL SUPPRIMER LES ETATS-MAJORS DE SOUTIEN ?

Cette question, est, dans une certaine mesure, liée à la précédente, dans la mesure où la nécessité des États-majors de soutien, échelon intermédiaire, non prévu à l'origine, aurait découlé du grand nombre de bases, qu'il aurait été impossible pour l'échelon central de l'état major, le centre de pilotage et de conduite du soutien, ou CPCS, lui-même en phase de montée en puissance, de gérer « en râteau ».

1. Le maintien controversé d'un échelon intermédiaire
a) Une organisation en « dérivation », sans lien hiérarchique sur les bases de défense

Alors que leur mise en place était décidée en juillet 2010, deux ans après le lancement de la réforme, et à quelques mois de la généralisation de la mise en place des bases de défense, les états-majors de soutien de défense (EMSD) ont été officiellement créés par l'arrêté du 19 mars 2011. Une instruction en date du 25 juillet 2011 définit notamment leurs attributions au sein de la chaîne du soutien.

Cette création intervient dans un contexte de réduction systématique des échelons régionaux de tous les organismes, qu'il s'agisse de la Direction générale de l'armement, de l'armée de l'air, du commissariat... Il faut noter que les bases de défense expérimentales, déployées à partir du début 2009, certes moins nombreuses, fonctionnaient d'ailleurs sans échelon intermédiaire.

Il faut dire qu'ils ont été mis en place alors que la structure centrale de commandement du soutien, le CPCS, était elle-même en phase de montée en puissance et ne comportait qu'une quinzaine de personnels (contre une centaine environ à terme).

Cinq EMSD ont donc été créés, à partir des anciennes régions terre, dissoutes, à Bordeaux, Lyon, Metz, Paris, Rennes, sachant qu'à Brest-Lorient et Toulon, les fonctions d'EMSD sont assurées par la direction de la base de défense, l'échelon intermédiaire se confondant alors avec l'échelon local.

La particularité de ces états-majors est qu'ils ne jouent pas un rôle « hiérarchique » traditionnel de niveau intermédiaire ou régional. La responsabilité première dans le domaine du soutien est clairement attribuée aux commandants de base de défense, sur lesquels ils n'ont pas autorité et qui sont directement commandés par le COMIAS, par l'intermédiaire du Centre de pilotage et de conduite du soutien (CPCS).

L'organisation est dite en « dérivation », suivant le schéma suivant, qui fait apparaître une subordination directe des commandants de base de défense au COMIAS, et une simple « coordination » par les états-majors de soutien défense, qui ne sont pas dans la chaîne hiérarchique à proprement parler :

Source : état major de soutien défense de Metz

b) Des structures légères, d'une centaine de personnes

Les représentants du ministère de la défense entendus par vos rapporteurs ont fait valoir que les états-majors de soutien défense sont des structures relativement légères, sans rapport notamment avec les anciennes régions terre, en voie de dissolution.

Chaque ESMD comporte environ une centaine de personnes (130 à Metz, que vos rapporteurs ont visité), et est organisé suivant l'organigramme ci-dessous :

ORGANIGRAMME D'UN ÉTAT MAJOR DE SOUTIEN DÉFENSE

2. Un rôle désormais bien identifié, qui a pu se montrer décisif pendant la transition

Vos rapporteurs se sont rendus à l'état major de soutien défense de Metz pour mieux comprendre l'articulation des rôles entre le centre de commandement du soutien et les états-majors de défense.

Ils ont pu constater que les EMSD avaient vocation à apporter des expertises rares, qu'ils mutualisent au bénéfice des bases de défense d'une région donnée (par exemple, en matière d'environnement). Ils peuvent servir de relais du commandement du soutien dans l'animation des bases de défense (exemple : travail sur l'optimisation fonctionnelle des processus de soutien), et peuvent avoir un rôle de coordination des niveaux intermédiaires des différentes chaînes métiers, si nécessaire. De plus, ces états-majors interviennent dans les procédures domaniales et environnementales, qui bien souvent dépassent le champ d'une seule base de défense.

Les trois fonctions des états-majors de soutien défense :

- expertise :

Infrastructure (maîtrise d'ouvrage) ;

Connaissance de la règlementation relative à la biodiversité et au développement durable ;

Autorisation de crédits de mouvements (convois ou véhicules hors gabarits) ;

Protection contre l'incendie, experts du domaine de la prévention ;

Protection des installations et du secret ;

Organisation ;

Connaissance des situations locales (infrastructures, prévention, gestion des moyens de transport...).

- synthèse au profit de l'échelon central, avec l'apport d'une bonne connaissance du terrain, notamment dans les domaines de l'infrastructure, de l'hébergement, du parc de véhicules...

- coordination : La coordination entre différents services permet de réduire la difficulté générée par l'organisation en « tuyaux d'orgue », en réunissant les instances décisionnelles appropriées, en garantissant la circulation des informations et en coordonnant les calendriers.

Vos rapporteurs ont pu par ailleurs recueillir plusieurs témoignages de commandants de base de défense sur l'apport décisif qu'ils ont pu recevoir de L'EMSD lors de la constitution de la base de défense.

Il ne fait aucun doute que pendant cette période de transformation profonde où l'échelon central souffrait lui-même d'un sous-dimensionnement, ces états-majors, dirigés par des officiers généraux de grande qualité, ont facilité la mise en place des bases.

3. Des structures dont la pérennisation devra être réexaminée fin 2012

Pour vos rapporteurs, la question de leur pérennisation au-delà de la période de transition devra toutefois rester posée fin 2012. C'est d'ailleurs ce qui était initialement prévu.

En effet, si la moitié des commandants de base rencontrés par vos rapporteurs a jugé leur rôle utile voire indispensable, l'autre moitié s'est prononcée en sens inverse.

De fait, dans leurs 3 attributions décrites dans l'arrêté du 19 mars 2011, deux pourraient être transférées au CPCS (expertise et synthèse) et l'autre, à l'origine de toute l'ambigüité de leur positionnement, comporte, en « rythme de croisière » un risque réel de suradministration .

L'article 3 de l'arrêté du 19 mars 2011 fixe en ces termes leurs attributions :

Afin de faciliter l'action des commandants de base de défense, chaque état major de soutien défense est chargé, pour sa zone de responsabilités :

- d'assurer la coordination des actions de soutien menées par l'ensemble des directions et services relevant des armées ou du secrétariat général pour l'administration lorsqu'elle ne relève pas des bases de défense, en s'assurant de leur cohérence et de la qualité du service. Il exprime dans ce domaine des priorités limitées au strict besoin de cohérence dans la zone géographique concernée ;

- de constituer un niveau de synthèse et une force de proposition pour l'échelon central du ministère ;

- d'apporter son expertise aux commandants des bases de défense dans les domaines pour lesquels ces derniers ne disposent pas de ressources dédiées, notamment : environnement et développement durable, protection des installations, affaires pénales militaires.

Plusieurs personnes auditionnées par vos rapporteurs se sont prononcées en faveur de leur maintien, avec principalement deux arguments, qui outrepassent d'ailleurs parfois la définition limitée du rôle de ces états-majorsdans le domaine du soutien :

- il serait impossible au CPCS de gérer tous les conflits d'attribution et de prendre tous les arbitrages relatifs aux 60 bases de défense,

- cet état major permet à l'officier général de zone de défense d'avoir en mains à la fois le soutien et les missions intérieures (les « 2 chaînes »). Cet élément de cohérence serait décisif pour l'organisation d'événements tels que le G20 par exemple.

La cohérence des « 2 chaînes » (missions intérieures et soutien) : un argument utilisé pour justifier le maintien des EMSD

source : EMSD de Metz

Toutefois, vos rapporteurs jugent que le risque de sur-administration est, malgré tout, bien réel :

- le positionnement de l'EMSD par rapport au commandant de base de défense demeure complexe : relevant hiérarchiquement directement de l'échelon parisien, ce dernier, le plus souvent un colonel expérimenté pour ce qui concerne l'armée de terre, relève sans relever d'un général étoilé situé à l'EMSD, instance de « recours » mais sans autorité hiérarchique...

- l'exercice de compétences dans le « soutien spécifique d'armée » qu'exerce l'EMSD, qui serait créateur de synergies avec le soutien, n'est pertinent que dans le cas de l'armée de terre , qui a mutualisé ses effectifs avec ceux de l'EMSD à cet effet, l'armée de l'air et la marine nationale ayant déjà mis en place des organisations sans échelon intermédiaire. Depuis le plan « armées 2000 », l'armée de l'air avait déjà organisé la gestion de son soutien autour de 30 bases, sans échelon intermédiaire. Sur les bases navales, l'échelon intermédiaire et l'échelon local se confondent ;

- la fonction de coordination, qui est limitée par l'arrêté qui fixe leurs attributions à la seule « définition de priorités limitées au strict besoin de cohérence dans la zone géographique concernée » est liée à l'incohérence des différents zonages d'intervention des niveaux intermédiaires, question qu'il faudra de toutes façons s'attacher à résoudre (cf. ci-dessous).

Force est de constater en outre que les textes n'ont pas prévu que les EMSD aient autorité sur les soutiens spécialisés. Il serait d'ailleurs difficile de le prévoir, s'agissant des centres ministériels de gestion (CMG) ou des plates-formes achats finances, les PFAF, qui ne sont pas des échelons intermédiaires mais des centres de services partagés, au ressort territorial différent de celui des EMSD. Dès lors, la réelle plus-value de leur « coordination », qui plus est limitée à la définition de simples priorités, n'est pas totalement démontrée. A l'inverse, le risque de doublon souligné par la Cour des Comptes apparaît quant à lui bien réel.

Les habitudes de fonctionnement liées à l'existence des anciennes « régions terre » seront certes culturellement difficiles à modifier, et à ce titre la mise en place des EMSD a sans doute permis de créer un « sas » de décompression et d'absorber le choc de la réforme.

Pour autant, leur pérennisation définitive ne doit pas être considérée comme acquise. A l'heure des choix capacitaires, 400 personnes c'est quasiment l'équivalent d'un régiment de l'armée de terre.

Deux scénarios seront donc à étudier fin 2012 :

- un renforcement du CPCS en termes de moyens dédiés à la coordination, de missions expertes (environnement, développement durable, droit pénal militaire, protection des installations ) et si nécessaire de synthèse et une suppression corrélative des EMSD ;

- ou le maintien des EMSD, mais dans un format resserré, autour des missions « expertes ».

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