2. Un abandon partiel des forces nucléaires ?
a) Le bilan coût-avantage des deux composantes

Là encore, le réexamen des composantes doit être fait en fonction d'un bilan coût-avantage.

S'agissant des coûts tout d'abord, d'après les estimations rassemblées par vos rapporteurs, le coût de la modernisation de la FOST sur les quinze prochaines années serait de l'ordre de 29 milliards d'euros, tandis que celui des FAS serait de l'ordre de 2,6 milliards.

Concernant l'utilité des composantes, la permanence à la mer offerte par la FOST présente l'énorme avantage de dispenser les autorités politiques de prendre une décision en cas de crise, comme celle d'envoyer un bateau à la mer, décision forcément visible, et donc, le cas échéant, d'alimenter la tension.

Mais le principal avantage de la composante sous-marine est d'assurer au pouvoir politique la certitude absolue d'une possibilité de frappe en second.

L'existence de la composante aérienne permet au contraire de donner un signe visible de notre détermination politique, si nécessaire en organisant des manoeuvres démonstratives, en appui de la manoeuvre diplomatique lors d'une crise. La composante aérienne dispose de moyens polyvalents et complémentaires de la première composante.

Cette composante autorise également des frappes de précision sur des objectifs qui pourraient être des centres de pouvoir et de décision politiques ou militaires, et donner ainsi un « ultime avertissement ». L'utilisation de cette composante peut servir utilement à dissuader des États belliqueux, non dotés d'armes nucléaires.

Réversible, flexible, très peu coûteuse, la composante aérienne présente également un atout majeur qu'il convient de prendre en compte : elle met en oeuvre un missile de croisière super véloce, qui restera totalement invulnérable à la défense anti-missile balistique, qui comme son nom l'indique n'est capable d'intercepter que des missiles « balistiques ».

b) Les réductions envisageables

S'agissant des FOST, compte tenu de la fréquence et de la durée des cycles de maintenance, ainsi que de la nécessité de permettre la transition de mise à la mer et de prendre en compte certaines fortunes de mer, le chiffre de quatre SNLE semble un minimum pour être certain d'avoir en permanence au moins un navire à la mer. Passer de quatre à trois SNLE supposerait donc de renoncer à une permanence à la mer et de faire reposer toute la dissuasion océanique sur un seul sous-marin. Cela ne serait pas raisonnable.

On pourrait peut être envisager d'utiliser les SNLE de façon duale, à l'instar des escadrons des FAS, avec des lots mixtes de missiles balistiques et de missiles de croisière navals. Mais cette piste n'a pas été explorée plus avant par vos rapporteurs tant elle semble difficile à mettre en oeuvre compte tenu de la spécificité de la mission nucléaire. Il est vrai que les forces américaines navales ont bien reconverti certains de leurs anciens SNLE en plateformes pour missiles de croisière, mais ils distinguent précisément les missions et spécialisent leurs propres sous-marins.

S'agissant des deux escadrons de la composante aérienne, pourrait-on envisager d'en réduire le nombre à un seul ?

Cette hypothèse doit être envisagée à l'aune des besoins opérationnels et du bilan coût/avantage. S'agissant des besoins opérationnels, la dissuasion repose sur un principe de stricte suffisance défini sur des critères politiques et opérationnels. La réduction du format de la composante aérienne ne permettrait plus de couvrir les besoins opérationnels, et donc de répondre aux exigences politiques. S'agissant du bilan financier, diminuer le format de la composante aérienne reviendrait à diminuer le flux de crédits nécessaires au maintien en condition opérationnelle des avions et des armes, représentant un gain de quelques dizaines de millions d'euros par an pour un escadron, d'une centaine de millions si on supprimait la totalité de la composante aérienne. Le jeu en vaut-il la chandelle ?

En outre, les moyens utilisés sont polyvalents et participent à des missions conventionnelles telles que la protection de l'espace aérien ou l'intervention sur des théâtres extérieurs. A cet égard, l'entraînement extrêmement exigeant des pilotes français pour être capable de mener des raids nucléaires a montré son utilité lors de l'opération Harmattan en permettant à nos forces aériennes de rentrer en premier sans difficulté et de mener des missions de frappes de précision dans la profondeur d'un territoire hostile.

En conclusion, et sous réserve naturellement du respect du principe de séparation des pouvoirs qui fait du Premier ministre le responsable de la défense nationale et du Chef de l'Etat le chef des armées, vos rapporteurs considèrent que la réduction supplémentaire du format des forces nucléaires n'est pas souhaitable. Les deux composantes, reposant sur des techniques très différentes, se complètent dans leurs effets et rendent impossible toute surprise stratégique en cas de rupture technologique.

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