II. POUR SÉCURISER CES ACTIVITÉS ET PESER SUR LES ÉQUILIBRES INTERNATIONAUX, LA FRANCE DISPOSE D'UNE MARINE DONT LE FORMAT LUI PERMET DE PLUS EN PLUS DIFFICILEMENT DE CONCILIER L'ENSEMBLE DE SES MISSIONS

L'importance du domaine maritime français a nécessité que l'Etat se dote des moyens de souveraineté adéquats et notamment d'une marine capable de couvrir tous les océans où la France est présente et de faire face à tous les types de menace.

Comme on l'a constaté, plus qu'un enjeu de superficie, c'est le contrôle des océans dans leur volume qui importe, c'est-à-dire le contrôle des ressources halieutiques, minières, gazières et pétrolières.

Mais, au-delà des enjeux économiques, le contrôle des espaces maritimes est une des clefs de la puissance et de l'influence de la France sur la scène internationale, comme l'a montré son rôle dans l'opération Harmattan en Libye en 2011.

Cette marine est consubstantielle à l'histoire de France, pays continental disposant d'une tradition navale ancienne, qui s'est doté dès le XVIIe siècle d'une marine institutionnalisée et repensée grâce à l'action de Richelieu puis de Colbert, avec depuis des périodes contrastées.

Comme l'observe Monsieur André Yché dans un livre intitulé « Quelle défense pour la France ? » : « L'histoire de la marine est celle d'une grande inconstance, d'une succession de longues périodes de désintérêt, entrecoupées de phases de mobilisation aux effets spectaculaires. »

Patiemment reconstruite après les désastres de Mers-El-Kébir et de Toulon, la Marine française bénéficie aujourd'hui d'un savoir-faire reconnu dans tous les domaines de la guerre navale moderne : sous-marins, frégates, guerre des mines, moyens amphibies, porte-avions.

Ce savoir-faire est le fruit de plusieurs dizaines d'années de travail, de formation d'une marine endurante et polyvalente, d'un personnel très spécialisé et de la constitution d'une industrie à très haute valeur ajoutée.

A. LA FRANCE POSSÈDE UNE MARINE DE HAUTE MER À LARGE SPECTRE ET UNE ORGANISATION DE L'ACTION DE L'ETAT EN MER EFFICACE

Le résultat de cette histoire pourrait se résumer en une phrase : « La Marine française est présente sur tous les océans du monde, à tout moment, avec 31 bâtiments et 5 aéronefs déployés en permanence. »

Cette présence est l'illustration de la vocation mondiale de la France, puissance moyenne certes, mais à vocation universelle.

Source : Marine nationale

1. Une marine qui se situe parmi les marines du monde qui comptent

Avec un porte-avions et son groupe aérien embarqué, quatre bâtiments amphibies dont trois BPC, 18 frégates dont six de surveillance, 18 patrouilleurs, une force de guerre des mines, des sous-marins nucléaires d'attaque ou lanceur d'engins et une aéronautique navale complète (aviation de chasse, de patrouille maritime, hélicoptères), et 35 000 marins (en 1994, 64 500 marins dont 18 000 appelés soit une diminution de 45 % en 18 ans), la Marine française est une des marines qui comptent.

Selon l'expression de l'Amiral Edouard Guillaud, chef d'Etat-major des armées les effectifs de la marine française tiennent dans « un demi-stade de France ». Ils sont, de fait, très inférieurs à ceux de la RATP. Et pourtant, ils portent haut la voix de la France grâce à une grande maîtrise de leurs outils et un niveau opérationnel très élevé.

a) Une Marine nationale polyvalente

La force de frappe de la marine nationale repose d'abord sur les deux grandes inventions du XX ème siècle : le sous-marin et le porte-avions.

• Les moyens navals de la dissuasion

La composante navale de la dissuasion comprend la force océanique stratégique et la force aéronavale nucléaire (FANU).

La force océanique stratégique est actuellement constituée de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) type LE TRIOMPHANT , dont les performances en matière de navigation en immersion et de discrétion acoustique les classent parmi les sous-marins les plus invulnérables au monde.

Dans le cadre de la stratégie de dissuasion, la permanence d'un SNLE à la mer, deux si nécessaire, garantit notamment la possibilité d'exécuter à tout moment une frappe nucléaire de riposte.

Chaque sous-marin est équipé de seize missiles balistiques M45, ou M51 pour Le Terrible. Depuis 1972, sans discontinuité, au moins un SNLE est en patrouille permanente dans l'immensité des océans qui assure leur invulnérabilité.

En ce qui concerne la FANU, elle est mise en oeuvre à partir du porte-avions. La Marine Nationale possède en effet des missiles de croisière ASMPA lancés à partir des chasseurs RAFALE. La complémentarité offerte par le missile de croisière ASMPA aux moyens de la FOST, confère au porte-avions un rôle très important dans la posture de dissuasion française.

• La force océanique stratégique

La force océanique stratégique (FOST), forte de 3 100 militaires et 300 civils, met donc en oeuvre quatre SNLE contre six dans les années quatre-vingt. En plus des SNLE, la force océanique stratégique dispose de six sous-marins d'attaque à propulsion nucléaire (SNA) qui remplissent des missions essentielles dans le cadre des stratégies de dissuasion, de prévention, de projection et de protection. La FOST dispose enfin de quatre stations de transmissions.

Sous-marins d'attaque à propulsion nucléaire (SNA)

Le SNA est aussi un moyen indispensable à l'acquisition des connaissances stratégiques et/ou tactiques permettant au niveau politique d'anticiper les crises et au niveau de commandement de conduire les opérations.

Ils apportent évidemment une contribution indispensable à la dissuasion en participant de façon directe à la sûreté, à la protection et à l'entraînement des SNLE.

• Un groupe aéronaval

Permettant une action en profondeur de la mer contre la terre, le porte-avions Charles de Gaulle qui a remplacé le Foch et le Clemenceau est en service depuis 2001. Son groupe aérien embarqué est composé de deux flottilles de RAFALE, complétées par une flottille de Super-Étendard jusqu'au retrait de ces appareils en 2015 et un avion de guet aérien embarqué Hawkeye.

Outil de projection de puissance par excellence, le porte-avions joue un rôle à la fois politique et militaire.

Sur le plan politique, il est l'expression de la puissance de la France et de sa volonté d'agir avec force. A ce titre, il est un outil important de diplomatie navale.

Sur un plan militaire, c'est un moyen majeur capable de frapper fort et dans la profondeur comme l'ont montré les opérations qui se sont déroulées ces dernières années.

En Afghanistan, au début de l'opération, les RAFALE du porte-avions ont été les premiers moyens français à intervenir sur ce théâtre. Plus tard, les autorisations diplomatiques étant obtenues, d'autres moyens ont pu être mis en oeuvre à partir des pays limitrophes. En Libye, en plus de son rôle déterminant dans les opérations de combat, le porte-avions a renforcé la dialectique diplomatique française et donné à la France le poids nécessaire vis-à-vis de ses alliés pour peser sur l'ensemble du déroulement de l'opération.

Outil entrant en action en premier sur les théâtres, le porte-avions Charles de Gaulle peut s'affranchir des autorisations diplomatiques que supposerait une manoeuvre terrestre pour venir au plus près des opérations et mettre en oeuvre ses avions. La liberté des mers lui permet de déplacer sur l'ensemble du globe une véritable base aérienne flottante quand ses homologues terrestres sont soumis, pour leur installation, au bon vouloir des États, à l'image des implantations en Asie centrale pour le théâtre afghan dont le retrait suppose le passage de plusieurs frontières.

Le groupe aéronaval est centré sur un porte-avions, avec son groupe aérien embarqué susceptible de faire durablement peser une menace mobile puissante, plus ou moins ostensible, sur l'ensemble de la zone de déploiement.

Le groupe aéronaval comprend aussi une à deux frégates de défense aérienne, deux frégates de lutte anti-sous-marines, une frégate de type La Fayette, un SNA et un pétrolier ravitailleur.

Aujourd'hui, avec le groupe aéronaval articulé autour de son porte-avions, la France dispose d'un instrument alliant souplesse d'emploi, puissance, mobilité et endurance. Cependant, les nécessaires périodes d'indisponibilité pour entretien du porte-avions Charles de Gaulle limitent sa disponibilité à 65% du temps.

En 2008, les travaux du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale avaient réaffirmé l'intérêt opérationnel et politique du lancement d'un deuxième porte-avions envisagé dès 2004.

La France a depuis renoncé à lancer sa construction en raison du contexte des finances publiques et du risque d'éviction vis-à-vis d'autres programmes considérés comme majeurs.

Par ailleurs, le traité de coopération franco-britannique signé en novembre 2010 et le choix de nos homologues d'outre-Manche d'équiper leurs deux porte-avions en projet de catapultes et brins d'arrêt semblaient élargir le spectre des possibilités en matière de mise en oeuvre d'un groupe aéronaval franco-britannique et offraient surtout à l'Europe la perspective de disposer en permanence d'un groupe aéronaval soit français soit britannique. Le revirement récent semble compromettre en partie cette perspective.

De mi 2016 à fin 2017, durant l'arrêt technique majeur n°2 (ATM2) du Charles de Gaulle, la France n'aura plus de porte-avions pendant un an et demi. Les Britanniques ne disposant pas encore de cette capacité, c'est toute l'Europe qui sera dépourvue de cet outil militaire et politique essentiel pendant cette longue période.

Dans le contexte géopolitique et stratégique actuel, nul doute que cette absence relative de l'Europe sera interprétée comme une régression par certaines nations émergentes.

Entre l'admission au service actif du porte-avions Charles de Gaulle (2001) et son retrait du service actif (2041), quatre arrêts techniques majeurs (ATM) sont ainsi planifiés.

Dans le même temps, l'ATM2 permettra un rechargement des coeurs nucléaires et des travaux de maintien en condition opérationnelle, mais également le remplacement d'équipements dont la pérennité n'est pas assurée jusqu'à l'arrêt technique majeur suivant programmé vers 2024-2025.

Le groupe aéronaval : un ensemble cohérent

Il reste qu'avec la force océanique stratégique et le groupe aéronaval, la Marine française s'impose comme une des marines qui comptent parmi les grandes puissances.

La hiérarchie des forces marines repose en effet toujours sur ces deux grandes innovations du XX e siècle .

Chacune des principales crises ayant éclaté au cours des dernières décennies a nécessité la mise en oeuvre des forces navales : la guerre du Golfe en 1990 et 1991, l'ex-Yougoslavie en 1992, 1996, 1998 et 1999, l'Afghanistan en 2001, 2002, 2004, 2006, 2007, 2010 et 2011, le Liban en 2006, la Libye et la République de Côte d'Ivoire en 2011. À chaque fois, la projection de puissance à base d'avions, de missiles et la projection de forces ont fait appel aux aptitudes des moyens navals.

Aujourd'hui, très peu de nations possèdent à la fois porte-avions et sous-marins : une dizaine de marines étaient dotées du premier dans les années 1960, seuls les États-Unis, la Russie et la France en disposent aujourd'hui, parmi des membres permanents du Conseil de sécurité, qui sont aussi les seuls à être en capacité de déployer le duo sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE)-sous-marins nucléaires d'attaque (SNA).

Si le nombre de sous-marins a considérablement chuté depuis la fin de la Guerre froide, de 915 en 1986 à un peu plus de 400 de nos jours, le nombre d'Etats détenteurs de cette capacité est en constante augmentation.

Comme, on l'a constaté dans la première partie, aujourd'hui, plus d'une centaine de ces navires sont en construction et de nouveaux possesseurs apparaissent, tandis que les capacités des submersibles s'accroissent, que ce soit en termes d'autonomie, de discrétion ou encore de puissance de feu.

Les sous-marins sont l'arme idéale d'interdiction des espaces maritimes, leur seule présence pouvant contraindre une marine qui ne dispose pas de moyens adaptés à rester clouée dans ses ports. Comme l'a souligné, lors de son audition devant le groupe de travail, l'Amiral Bernard Rogel : « La guerre des Malouines s'est par exemple jouée en grande partie sur les SNA, la présence des HMS Spartan HMS Splendid HMS Conqueror sur zone avant même l'arrivée de la flotte britannique faisant déjà planer une menace permanente sur la Marine argentine.»

Le scénario s'est déroulé de façon identique lors de l'opération Allied Force de 1999 destinée à provoquer le retrait serbe du Kosovo. De même, lors du récent conflit libyen, la présence continue d'un SNA a permis de collecter du renseignement, d'effectuer des missions de ciblage au profit des hélicoptères tout en jouant un rôle dissuasif vis-à-vis des bâtiments de la Jamahiriya tentés de sortir de ses ports.

Bâtiments de la Marine nationale en juin 2012

Bâtiments de combat et de soutien

Sous-marins Nucléaires Lanceurs d'Engins - SNLE

4

Sous-marins d'Attaque à propulsion Nucléaire - SNA

6

Porte-avions

1

Bâtiments amphibies - BPC et TCD

4

Frégates de défense Aériennes - FAA et FDA

4

Frégates Anti-sous-marine - F70 et F67

8

Frégates La Fayette - FLF

5

Bâtiments de souveraineté

Frégates de surveillance - FS

6

Patrouilleurs de haute-mer (ex-Avisos)

9

Patrouilleurs

- 4 P 400

- 3 PSP - 2 PAT

- 1 PATAUS

10

Bâtiments de Transport Léger - BATRAL

3

Bâtiments de guerre des mines

Chasseurs de mines

11

Bâtiments remorqueurs de sonar

3

Bâtiments base de plongeurs démineurs et bâtiment d'expérimentation de guerre des mines

5

Bâtiments de soutien logistiques

Pétroliers ravitailleurs - Bâtiment de commandement et de ravitaillement

4

Batellerie amphibie

EDA-R

4

CTM (5 cédés par l'armée de Terre en 2010)

16

Formation et entrainement

Bâtiments écoles (8 BE - 2 BIN)

10

Voiliers

4

Bâtiment auxiliaires

Remorqueurs d'intervention pour l'assistance et le sauvetage (RIAS) affrétés

4

Remorqueurs de Haute-Mer - (RHM)

2

Bâtiment de Soutien de Région - (BSR)

3

Bâtiments de Soutien d'Assistance et Dépollution (BSAD) affrétés

4

Bâtiments de service public et de la gendarmerie maritime

Patrouilleurs

6

Vedettes côtières (gendarmerie maritime)

24

Bâtiments hydrographiques et océanographiques

Bâtiments océanographiques

2

Bâtiments hydrographiques

3

Bâtiments scientifiques

Bâtiments d'essais

2

La dissémination des sous-marins rend, de ce fait, la lutte anti-sous-marine particulièrement importante dans la protection des convois, les grandes unités du type porte-avions, les opérations amphibies, ainsi que le départ et le retour de mission des SNLE, comme en témoigne la nécessité de prévoir un SNA à l'entrée et la sortie de l'île Longue.

Quant aux porte-avions, leurs capacités à effectuer des missions de lutte antinavires et à établir une supériorité aérienne pour acquérir une maîtrise de la mer ou des détroits, sont des atouts majeurs pour le déroulement d'opérations complexes de la mer vers la terre qui semblent être aujourd'hui plus que jamais au coeur des stratégies navales.

• Le groupe amphibie

La Marine française dispose également de forces amphibies. Acteur essentiel des opérations de projection de forces, le groupe amphibie est centré sur deux bâtiments de projection et de commandement (BPC) le Mistral et le Tonnerre et les deux transports de chalands de débarquement (TCD) Foudre ou Sirocco. Ces navires disposent, en outre, d'installations médicales lourdes pour conduire des missions sanitaires de grande envergure (blocs opératoires, salle de traitement des grands brûlés...). Ils ont également la capacité d'embarquer et de mettre en oeuvre un poste de commandement de forces interarmées pour la conduite d'une opération nationale ou multinationale et de mettre en oeuvre une flottille amphibie.

• Les frégates.

La Marine française dispose de frégates de types et de capacités variés. Des frégates de surveillance sont des moyens de souveraineté et permettent de répondre à des menaces faiblement armées. D'autres sont conçues pour faire face aux menaces importantes ou sont spécialisées dans des domaines de lutte.

Les frégates sont des bâtiments polyvalents qui doivent répondre aux missions suivantes :


• être capable d'assurer la sécurité de la force stratégique océanique ;


• accompagner, escorter, protéger et les unités précieuses comme le porte-avions ou les BPC ;


• répondre positivement aux engagements liés aux accords de défense comme par exemple ceux que nous avons avec les pays du golfe.


• à cela il faut ajouter le temps nécessaire à l'entretien de la qualification (20 à 25 % de l'activité selon les bâtiments) et le temps de l'entretien.

Elles ont toutes pour vocation la protection de forces (groupe aéronaval, groupe amphibie et, le cas échéant, navires de commerce) et la participation au dispositif permanent de prévention grâce à leur prépositionnement dans la durée sur les théâtres de crise potentiels. Elles sont des outils essentiels de l'acquisition des connaissances nécessaires à l'anticipation des crises.

Alors que les interventions d'aujourd'hui sont contraintes par une compression du temps de la réponse politique, elles offrent aux autorités, dans des délais limités, un outil polyvalent et adaptable, capable d'agir en plusieurs lieux avec force et précision au large des côtes métropolitaines, en haute mer, outre-mer et partout où l'action de la France est requise.

Frégates chevalier Paul et Forbin

Les frégates, de par leur taille, peuvent être déployées pour des durées de plusieurs mois et sans contrainte particulière près des zones de crises potentielles. Elles participent ainsi à l'autonomie stratégique d'appréciation de situation car elles disposent en commun des capacités essentielles dans le domaine de la surveillance des espaces maritimes, de l'intervention lors de missions générales de sauvegarde maritime et de l'acquisition des connaissances et des renseignements nécessaires à l'anticipation. Elles ont donc un socle commun de capacités qui leur confère une très grande polyvalence. Elles ont également des capacités spécifiques en fonction de leur domaine de lutte privilégié.

Les frégates antiaériennes (FAA Cassard et Jean Bart) et les frégates de défense aérienne (FDA Forbin et Chevalier Paul) permettent des opérations de lutte antiaérienne. Généralement, elles escortent des forces aéronavales et amphibies nationales et interalliées. Elles mettent en oeuvre un système d'armes anti-aérien bâti autour de la famille des missiles ASTER. Ils sont les premiers bâtiments à pouvoir tirer les missiles anti-navires EXOCET Mer/Mer 40 Block III. Agissant au profit des opérations interarmées, elles peuvent aussi assurer la coordination des actions de défense aérienne au-dessus de territoires en crise à partir de la mer.

Les frégates de lutte sous la mer (FASM Georges Leygues) permettent quant à elles de faire face aux menaces constituées par les sous-marins. Elles agissent pour la protection des forces aéronavales ou de tous bâtiments dont l'importance justifie une telle protection. Elles sont une pièce essentielle de la sûreté de la FOST.

Avec les frégates de type LA FAYETTE (La Fayette, Surcouf, Aconit, Courbet, Guépratte), la France s'est également dotée de moyens de préserver et faire respecter les intérêts nationaux sur les espaces maritimes outre-mer et de participer au règlement des crises hors d'Europe. Dotées d'hélicoptères de lutte anti-navire, PANTHER, elles peuvent être amenées à assurer le soutien d'une force d'intervention, la protection du trafic commercial, des opérations spéciales ou des missions humanitaires.

Ces forces de frégates sont complétées par des forces de guerre des mines comprenant onze chasseurs de mines équipés du matériel nécessaire à l'identification d'engins posés sur le fond et à leur destruction. Trois groupes de plongeurs-démineurs (GPD) intervenant jusqu'à 80 mètres de profondeur et pouvant embarquer à bord de bâtiments des bases de plongeurs-démineurs (Méditerranée, Atlantique, Manche-mer du Nord), et de trois bâtiments remorqueurs de sonars, pour la surveillance des abords de Brest.

• Les bâtiments de souveraineté

Les missions de sauvegarde maritime sont assurées par une vingtaine de bâtiments de souveraineté dédiés aux missions de surveillance des espaces océaniques, de contrôle des ZEE, de police de la navigation et de surveillance des pêches. Ils sont destinés à opérer outre-mer et dans les zones à risques limités.

Les frégates de surveillance sont des bâtiments de souveraineté. Elles sont adaptées aux missions hauturières de basses intensités. Elles conduisent des opérations de police des pêches, sauvetage en mer, immigration clandestine, contrôle maritime, leur armement étant suffisant pour dissuader un adversaire modeste. Leur taille permet néanmoins l'embarquement d'un hélicoptère qui leur donne une allonge et une rapidité d'intervention sur des zones étendues.

Six frégates de surveillance sont actuellement basées outre-mer : Antilles (Ventôse, Germinal), Réunion (Floréal, Nivôse), Nouvelle-Calédonie (Vendémiaire) et Polynésie Française (Prairial). Elles peuvent embarquer un hélicoptère PANTHER ou ALOUETTE III.

Bâtiments de souveraineté également prépositionnés outre-mer, les patrouilleurs P400 y assurent, dans le cadre de l'action de l'État en mer, des missions de surveillance et de protection des ZEE (la Capricieuse, la Glorieuse, la Moqueuse, la Gracieuse).

Ces forces sont naturellement complétées par des bâtiments de soutien et de ravitaillement (le pétrolier-ravitailleur Meuse et les bâtiments de commandement et de ravitaillement Var, Marne et Somme). Ils sont intégrés aux forces avec pour fonction de ravitailler les bâtiments en combustibles, munitions, vivres et rechanges tout au long de la mission. Trois d'entre eux ont une capacité de commandement et peuvent accueillir un état-major embarqué.

• Les forces aéronautiques

La Marine française s'appuie enfin sur des forces aéronautiques complètes composées d'avions de chasse, de guet aérien, de patrouille maritime et d'hélicoptères. L'aviation de patrouille maritime est basée à terre. Les avions de chasse et de guet aérien sont les composantes essentielles du groupe aérien embarqué (GAé). Les hélicoptères sont dans le GAé mais aussi sur les frégates. Ils offrent une capacité d'action rapide à partir des navires.

Ces trois composantes donnent à cette force moderne une très grande polyvalence et une précieuse cohérence avec le groupe aérien embarqué qui rassemble le RAFALE M standard F3, le SUPER ÉTENDARD, l'e-2c HAWKEYE 18 ( * ) ; le DAUPHIN Pedro 19 ( * ) , la composante hélicoptère qui aligne quatre types d'appareils : les CAÏMAN (NH90 marine), les PANTHERS, les LYNX, les DAUPHINS et les ec225 et l'aviation de patrouille, de surveillance et d'intervention maritime avec les Atlantique 2 et le Falcon 50

AERONEFS

Groupe aérien embarqué

Super-Etendard Modernisé - SEM

27

Rafale (dont 10 F1)

32

Hawkeye - E2C

3

Patrouille maritime et surveillance maritime

Atlantique 2 - ATL2

22

Falcon 50 M

4

Falcon 200 Gardian

5

Hélicoptères de combat et de service public

Lynx

22

Panther

16

Dauphin Pedro

3

NH 90 Caïman

7

EC225

2

Dauphin SP (dont Polynésie)

8

Aviation de soutien maritime

Alouette III

25

Falcon 10

6

Xingu

11

Cap 10

7

Rallye

7

Enfin la force maritime des fusiliers marins et commandos , qui comprend environ 2 500 marins, répartis en neufs unités de protection défense, et six commandos de marine stationnés sur le territoire national, en métropole et outre-mer, a pour missions : la protection-défense des sites stratégiques et sensibles de la Marine et le renforcement de la protection des navires de la marine et des navires de commerce contre la menace que constituent la piraterie, les opérations spéciales, les missions générales aéromaritimes et l'action de l'État en mer.

L'ensemble de ces moyens permet à la Marine nationale d'intervenir sur un spectre d'activités extrêmement large et sur une aire géographique très étendue.

Cette diversité, la complexité naturelle des missions dans l'environnement aéromaritime et les contraintes financières ont imposé le développement de la polyvalence.

Cette polyvalence s'applique d'abord aux équipements : les frégates ou les avions de la Marine doivent être capables de conduire des missions dans plusieurs registres.

Pour remplir des missions qui vont de la dissuasion nucléaire à l'assistance aux naufragés, la Marine nationale doit disposer de bâtiments de guerre pour mener des actions militaires du "haut de spectre" partout où cela est nécessaire, mais elle doit aussi pouvoir utiliser des navires moins armés et moins chers pour le "bas de spectre" et les missions de sauvegarde maritime.

De ce point de vue, les espaces maritimes sont un lieu tout à fait propice à l'expression du continuum sécurité-défense, axe important du Livre blanc de 2008, et qu'il n'y a aucune raison de remettre en cause. Sur mer, les protagonistes, qu'il s'agisse d'acteurs privés ou étatiques s'observent, se jaugent, s'intimident.

Comme il s'agit d'espaces géographiques où ces protagonistes ont la possibilité de se trouver au contact les uns des autres, il existe une possibilité d'escalade souvent plus importante que dans d'autres milieux. Ce sont donc des espaces au sein desquels la détermination et la crédibilité des acteurs sont des facteurs clés.

OPÉRATIONS MAJEURES DE LA MARINE NATIONALE


• HARMATTAN : 2011 - mise en oeuvre de la résolution 1973 en Libye - mandat ONU


• ATALANTA : 2008 à nos jours - lutte contre la piraterie au large de la Somalie - protection des navires du Programme Alimentaire Mondial (PAM) - groupe d'action maritime - mandats UE & ONU.


• FINUL NAVALE : 2006 à nos jours - surveillance de zone maritime le long des côtes libanaises - groupe d'action maritime - mandat ONU


• ENDURING FREEDOM : 2001 à nos jours - lutte contre le terrorisme en océan Indien - groupe d'action maritime ou groupe aéronaval - mandat ONU


• PAMIR : 2001/2002/2004/2006/2007/2010 - soutien des forces alliées en Afghanistan (ISAF) à partir de l'océan Indien
• groupe aéronaval
• mandat ONU


• TRIDENT : 1998/1999 - campagne aérienne contre la Serbie et positionnement d'un SNA devant Kotor pour contenir la flotte yougoslave - groupe aéronaval & SNA - mandat OTAN


• SHARP VIGILANCE/SHARP FENCE/SHARP GUARD : 1992/1996
• embargo maritime de la Yougoslavie
• groupe d'action maritime & ATL - mandats ONU, OTAN & UEO


• ORYX : 1993 - participation au débarquement d'une force internationale en Somalie - groupe amphibie - mandat ONU


• SOUTHERN BREEZE : 1991
• participation aux opérations de déminage devant Koweït - groupe de guerre des mines - mandat UEO


• ARTIMON : 1991 - contrôle de l'embargo contre l'Irak puis DAGUET- groupe d'action maritime - mandat ONU


• SALAMANDRE : 1990 - patrouille au large de Djibouti puis l'Arabie Saoudite pour restaurer un climat de confiance dans la région après l'annexion du Koweït par l'Irak - groupe aéronaval
• mandat ONU

Cette polyvalence s'applique également aux hommes. Sur un bâtiment de la Marine nationale, les marins ont plusieurs métiers, qu'ils doivent pratiquer avec le plus haut degré de professionnalisme.

b) Parmi les cinq plus grandes marines du monde ?

Il est complexe de définir des critères de comparaison permettant de donner un rang mondial aux marines.

En effet, l'obsolescence des matériels, les savoir-faire spécifiques, l'entraînement et la qualification des équipages sont quelques-uns des éléments majeurs qualifiant les grandes marines mondiales.

Mais au-delà du tonnage, une marine se jauge sur trois critères : son aptitude à durer en mer, qui renvoie au rayon d'action marine côtière ou hauturière, son panel d'action (protection de ses côtes, projection de puissance, projection de forces, missions de sécurité comme la lutte contre les trafics illicites ou la police des pêches) ; enfin, son niveau opérationnel incluant sa maîtrise des savoir-faire : posséder des sous-marins qui ne naviguent pas ou des équipages qui ne participent pas à des opérations diminue considérablement la crédibilité de l'outil.

En se référant au tableau ci-dessous, la Marine française se plaçait, en 2011, parmi les cinq plus grandes marines du monde.

Aussi bien par la variété des moyens navals mis en oeuvre (porte-avions, SNLE, SNA, frégates) que par le taux important d'activité, elle démontre en permanence une grande maîtrise de ses outils et un niveau opérationnel très élevé.

c) Qui s'efforce de couvrir des besoins stratégiques

Grâce à ces moyens, la Marine française prend une place essentielle dans chacune des cinq fonctions stratégiques définies par le Livre Blanc :

- la fonction connaissance anticipation : Le renseignement d'intérêt maritime ou portant sur les activités dans les pays et en particulier sur le littoral où se concentre 80 % de l'activité humaine. Les déploiements des bâtiments de la Marine, et en particulier ceux des frégates et des sous-marins nucléaires d'attaque (SNA), s'inscrivent dans la fonction connaissance-anticipation car ils sont autant d'occasions de contribuer au recueil du renseignement lors des opérations, des exercices ou des escales. Les savoir-faire maritimes techniques et opérationnels évalués à ces occasions révèlent souvent plus largement les capacités de défense du pays visité.

Grâce au système de surveillance maritime baptisé SPATIONAV2, la France échange des informations avec ses partenaires, et en particulier avec l'Union européenne et l'OTAN. Au final, ce travail de renseignement permet une connaissance précise de l'activité maritime et, par conséquent, une intervention plus efficace ;

- la fonction dissuasion : la dissuasion grâce aux sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE), missiles air/sol moyenne portée améliorés emportés par les avions du Charles de Gaulle : la marine embarque plus de 90 % des têtes nucléaires françaises ;

- la fonction prévention : la prévention et la lutte contre les activités dangereuses ou illicites avant qu'elles n'atteignent les intérêts stratégiques de la France et de l'Union européenne, notamment le long de l'axe de crise, lutte contre la piraterie, mesures de confiance auprès de toutes les marines. Il faut également agir pour éviter l'apparition ou l'aggravation de menaces contre nos intérêts. Dans ce domaine, les délais de réaction tolérés par l'opinion publique et le politique sont de plus en plus courts en raison de la compression des temps politique, médiatique et militaire. Ils nécessitent un prépositionnement et une permanence des moyens navals au plus près des zones à risques pour garantir une action rapide ;

- la fonction protection : les menaces contre la population et les ressortissants français peuvent prendre des formes diverses allant de l'attaque terroriste contre un navire de commerce à la prise d'otages à terre ou sur des navires. L'augmentation du nombre de Français à l'étranger accroît pour l'État le besoin en moyens de protection et d'évacuation. La fonction protection concerne également la protection de nos infrastructures d'intérêt national (ports, installations off-shore, champs d'éoliennes etc.) ;

- la fonction intervention : la projection de puissance à partir du porte-avions, des sous-marins d'attaque ou des frégates, ou mise à terre de commandos ou de troupes. Si leur déplacement n'est pas aussi rapide que celui des forces aériennes, les forces navales peuvent parcourir sans contrainte diplomatique jusqu'à 1 000 km par jour : ceci place le détroit d'Ormuz à douze jours et celui de Malacca à vingt-cinq jours de mer du port de Toulon. Les capacités qui lui sont dédiées reflètent l'ambition politique de la France et permettent de remplir la quasi-totalité des autres fonctions stratégiques.

2. Une organisation de l'action de l'Etat en mer qui a fait ses preuves

La France est dotée depuis 1978 d'une organisation originale pour son action en mer reposant sur la coordination des administrations agissant en mer (marine nationale, douanes, affaires maritimes, police nationale, gendarmerie nationale, sécurité civile) sous l'autorité unique d'un délégué du Gouvernement, par bassin maritime : les préfets maritimes en métropole et les préfets de zone de défense outre-mer.

La gendarmerie maritime

Source : SG mer

a) Une coordination des administrations agissant en mer sous l'autorité unique d'un délégué du Gouvernement

Cette organisation simple et économe a montré son efficacité, qui a été renforcée par la création de la fonction garde-côtes en 2009 . La fonction garde-côtes a pour but d'améliorer la cohérence de l'action des administrations maritimes et d'offrir une meilleure visibilité à l'international dans un domaine, la mer, où l'on ne peut agir en se cantonnant aux limites de nos zones.

Elle est placée sous l'autorité du Premier ministre et mise en oeuvre par le Secrétaire général de la mer. La fonction garde-côtes est dotée d'un comité directeur et d'un centre de tenue de situation maritime. Un comité directeur, constitué des directeurs des administrations agissant en mer et présidé par le Secrétariat général à la mer, prépare et met en oeuvre les décisions du Gouvernement concernant la fonction garde-côtes : priorités d'action, schéma directeur des moyens, mutualisation des moyens, coopération internationale, formation.

En quelques mois, il a déjà retenu la création d'un centre unique de l'action de l'Etat en mer en Polynésie française, l'organisation de la mutualisation des moyens maritimes à La Réunion, la mise en place de formations communes aux agents publics intervenant en mer et réunit les moyens pour constituer le centre opérationnel de la fonction garde-côtes.

Le Centre opérationnel de la fonction garde-côtes (CoFGC) est un centre interministériel placé sous l'autorité du Premier ministre et dirigé par le Secrétaire général de la mer. Chargé de la tenue de la situation maritime de référence, il a pour missions l'information permanente du gouvernement, l'observation et l'analyse des flux maritimes pour permettre aux autorités nationales l'adaptation des priorités d'action (analyse d'autant plus pertinente qu'elle est conduite par des agents provenant d'administrations différentes) tout en étant le point d'entrée des coopérations internationales en matière de situation maritime (NCC).

Comme l'a souligné l'Amiral Bernard Rogel, chef d'État-major de la Marine : « A elle seule, la Marine nationale apporte sa contribution, à titre principal ou accessoire, à 44 des 45 missions de l'action de l'Etat en mer. L'organisation française a largement fait ses preuves et repose sur une autorité nationale, le SG/mer qui agit au nom du Premier ministre, et sur une autorité régionale, le Préfet maritime, qui a le pouvoir de coordonner les moyens des autres administrations pour faire respecter les droits de l'Etat en mer » .

b) Un dispositif qui fait ses preuves

La raison d'être de la fonction garde-côtes est bien de parvenir au développement de synergies entre les administrations concourant à l'action de l'Etat en mer dans un contexte de contraintes budgétaires croissantes et au moment où nombre de moyens ont besoin d'être renouvelés, notamment outre-mer.

Car l'efficience d'un dispositif, en vue d'un effet à obtenir, s'obtient aussi au travers de synergies dans la formation du personnel, les doctrines, les organisations des administrations respectives, les infrastructures et l'interopérabilité des matériels, par exemple. Une démarche capacitaire n'est pertinente que si elle est globale. C'est d'autant plus vrai en période de difficultés financières.

Cet objectif de synergie s'est notamment concrétisé par l'instauration récente pour les différentes administrations qui interviennent en mer et que sont la Marine nationale, les douanes, la sécurité civile, les affaires maritimes... de sessions de formation supérieures communes sur l'action de l'Etat en mer.

Dans le domaine de la surveillance maritime, qui inclut de plus en plus une dimension satellitaire, des efforts ont été déployés avec la Commission européenne, dans le cadre de la Politique Maritime Intégrée de l'Union Européenne, pour favoriser le partage de l'information entre des secteurs de compétences très différents, qui traitent soit de contrôle des pêches, soit d'immigration illégale, de lutte contre les narcotrafics ou encore d'assistance et de sauvetage en mer.

Il demeure néanmoins que, parmi les administrations qui concourent à la fonction gardes-côtes, la Marine nationale apporte environ 80% des moyens (essentiellement du fait de sa compétence d'administration hauturière). Pour les missions de sûreté en haute mer, notamment, nos actions requièrent des moyens aéromaritimes adaptés et performants tout en restant dans une zone de coûts acceptable.


* 18 Avion de guet aérien qui assure la sûreté de la force navale, le contrôle aérien, la coordination et le guidage d'assaut contre les objectifs navals et terrestres. Il joue à partir du porte-avions le rôle que l'AWACS joue à partir de la terre.

* 19 Hélicoptère de sauvetage et de liaison, embarqué sur les frégates de type LA FAYETTE.

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