3. La déduction des subventions des dépenses déclarées au CIR

Afin de ne pas financer les mêmes activités de recherche à travers deux aides publiques, et susciter des taux d'aide publique excessivement élevés, l'article 244 quater B du code général des impôts prévoit que « les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit (...) ».

Ainsi, le CIR s'applique à la part des dépenses de R&D non financée par la subvention. Par exemple, si la subvention est de 40 %, l'entreprise perçoit le CIR sur les 60 % restants, ce qui, avec un taux de 30 %, correspond à un CIR de 18 %. Le taux d'aide global (subvention + CIR) est donc alors de 58 % du montant total des dépenses de R&D concernées.

4. Des « opérations de recherche scientifique et technique » par nature sujettes à interprétation
a) L'assiette correspond aux dépenses de R&D au sens international, et donc strict

Comme on l'a indiqué ci-avant, 95 % des dépenses déclarées au CIR (personnel, fonctionnement, amortissement, dépenses externalisées) sont assises sur les « opérations de recherche scientifique et technique ».

Les « opérations de recherche scientifique et technique » sont définies par l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts, qui retient une définition proche de celle du « manuel de Frascati » élaboré par l'OCDE.

Il s'agit bien de dépenses de R&D au sens strict, et non de simples dépenses relatives à l'innovation, comme le montre l'encadré ci-après.

L'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts

« Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique :

« a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ;

« b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance.

« Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ;

« c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. »

Ainsi, comme le souligne une instruction fiscale du 21 février 2012, « certaines activités s'inscrivent dans le cadre d'un processus d'innovation sans pour autant relever des activités de R&D ».

Elle indique que « le critère fondamental permettant de distinguer la R&D des activités connexes est le fait qu'un projet de R&D doit combiner un élément de nouveauté non négligeable avec la dissipation d'une incertitude scientifique et/ou technique . Autrement dit, le projet de R&D vise à résoudre un problème dont la solution n'apparaît pas évidente à quelqu'un qui est parfaitement au fait de l'ensemble des connaissances, pratiques et techniques couramment utilisées dans le secteur considéré ».

Cette instruction fiscale fournit l'arbre de décision ci-après.

Arbre de décision permettant de déterminer si une activité relève des « opérations de recherche scientifique et technique »

Source : Instruction 4 A-3-12 du 21 février 2012, Bulletin officiel des impôts n° 19 du 23 février 2012

b) Des pratiques d'optimisation existent...

• Les critères présentés ci-avant laissent une certaine marge à l'interprétation pour déterminer les dépenses éligibles au CIR.

Contrairement à ce que l'on aurait pu craindre a priori , le critère de « dissipation d'une incertitude scientifique et/ou technique » 47 ( * ) semble peu susciter d'abus.

En revanche, selon les informations obtenues par le rapporteur spécial auprès de certaines personnalités auditionnées, certaines entreprises rattachent artificiellement certains projets non éligibles au CIR à un « méga-projet » de R&D. En effet, comme le souligne l'instruction fiscale précitée du 21 février 2012, « un projet particulier peut être considéré comme de la R&D s'il est entrepris avec un certain objectif, mais ne le sera pas s'il est entrepris dans un autre ».

De telles pratiques concerneraient essentiellement de grandes entreprises, réalisant des dépenses de R&D d'un montant important, de nature variée et difficiles à contrôler.

• Selon la sous-direction du contrôle fiscal, l'autre principal motif de rehaussement est le périmètre des salariés considérés comme affectés aux travaux de recherche.

• D'une manière générale, selon Edouard Marcus, sous-directeur du contrôle fiscal, la fraude caractérisée concernerait plutôt les PME, les grandes entreprises s'efforçant plutôt de se placer dans la « « zone grise ».

c) ... mais semblent concerner de plus faibles montants que la sous-déclaration des dépenses de R&D

Toutefois les sur-déclarations semblent d'un montant inférieur à celui des sous-déclarations.

En effet, en 2009 les entreprises ont déclaré 17 milliards d'euros de dépenses au CIR, alors que leurs dépenses de R&D (DIRDE) ont été de 26 milliards d'euros, ce qui représente un écart de 9 milliards d'euros. Si cet écart s'explique essentiellement, on l'a vu, par le plafonnement des activités externalisées prises en compte, le MESR considère qu'il vient également, notamment, du fait que les entreprises tendent plutôt à sous-déclarer les dépenses de R&D.

Le MESR indique à cet égard que « des échanges notamment avec de grandes entreprises suggèrent que le différentiel peut atteindre environ 30 % des dépenses de R&D » 48 ( * ) .


* 47 L'instruction fiscale précitée du 21 février 2012 indique que « le projet de R&D vise à résoudre un problème dont la solution n'apparaît pas évidente à quelqu'un qui est parfaitement au fait de l'ensemble des connaissances, pratiques et techniques couramment utilisées dans le secteur considéré » , et que « toute réalisation qui ne présente pas d'originalité particulière par rapport au savoir-faire de la profession ne relève pas d'activités de R&D ». On pourrait a priori considérer que le critère de l' « évidence » n'est en lui-même guère évident, et celui de l'« originalité » est tout aussi sujet à interprétation.

* 48 Source : réponse au questionnaire adressé par le rapporteur spécial.

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