SECONDE PARTIE - DE NÉCESSAIRES ADAPTATIONS

Si le CIR est globalement efficace, il n'en est pas moins nécessaire de le modifier de manière significative, afin en particulier de limiter les effets d'aubaine dans le cas des grandes entreprises et de le réorienter vers les PME et les ETI.

I. NE PAS RÉDUIRE LE CIR

A. LA TENTATION DE LA RÉDUCTION DU CIR

Il est tentant de s'interroger sur l'utilité, dans le contexte actuel des finances publiques, d'une mesure coûteuse à court et moyen termes (même si elle doit s'autofinancer sur le long terme), si son seul effet attendu est d'accroître marginalement le PIB à l'horizon d'une quinzaine d'années.

Or, le coût du CIR devrait être de l'ordre de 5 à 6 milliards d'euros en 2014, comme le montre le graphique ci-après.

Le coût budgétaire du CIR : projection à l'horizon 2017

(en milliards d'euros)

Les scénarios CF1 à CF3 sont calculés par le rapporteur spécial.

Hypothèses : scénario de référence correspondant à une augmentation de la DIRDE de 3,5 % par an ; à partir de la créance de 2008, clé de passage entre la créance et le coût budgétaire de 40 % la première année, 10 % chacune des deux années suivantes et 40 % ensuite ; la réforme de 2008 fait sentir son impact de manière linéaire à partir de la créance de 2009 et jusqu'à celle de 2013.

Source : MESR, calculs du rapporteur spécial

Aussi, il est souvent préconisé de « rogner » le CIR.

1. Une tentation du Parlement

Il s'agit tout d'abord d'une tentation du Parlement.

Le tableau ci-après synthétise les principales préconisations du Parlement relatives au CIR.

Les principales propositions de « rationalisation » du crédit d'impôt recherche faites au premier semestre 2010 par le Sénat et l'Assemblée nationale

(en millions d'euros)

Montant

Source du chiffrage

1. Proposition Sénat : plafonner les dépenses éligibles au CIR à 100 millions d'euros*

107

Rapport de l'IGF sur le CIR (2010)

2. Proposition commune AN**-Sénat : prendre en compte ce plafond au niveau de l'ensemble du groupe (et non de chaque filiale)

386

3. Proposition AN** : ramener de 75 % à 33 % la part des dépenses de personnel prise en compte pour déterminer les frais de fonctionnement engagés par les entreprises

865

Rapport d'information n° 2686 (XIIIe législature)

Total

1 400***

* Christian Gaudin, rapport d'information n° 493 (2009-2010) du 25 mai 2010, commission des finances du Sénat.

** Rapport d'information n° 2686 (XIIIe législature), mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances de l'Assemblée nationale, 30 juin 2010.

*** Hors interactions des mesures entre elles.

Source : commission des finances

On a vu que la troisième de ces propositions a été en partie mise en oeuvre, à l'initiative de nos collègues députés, par la loi de finances initiale pour 2011, qui a ainsi réduit le coût du CIR de 136 millions d'euros.

Ces trois propositions obéissent à une logique purement comptable , et n'ont pas pour effet de remédier à des « défauts » du CIR :

- la première aggrave l'un des problèmes fondamentaux du CIR, qui est que pour les entreprises dépensant plus de 100 millions d'euros, le CIR est de fait un impôt quasi-forfaitaire, par conséquent sans effet incitatif significatif sur la R&D. Comme le CIR perçu par ces entreprises est de l'ordre de 800 millions d'euros, il s'agit d'un enjeu important, qui va bien au-delà d'une réduction symbolique d'une centaine de millions d'euros, qui aggraverait le problème en remplaçant un quasi-plafond par un plafond strict ;

- la deuxième proposition réduirait le CIR d'environ 400 millions d'euros pour les groupes, alors que les travaux économétriques suggèrent que les grandes entreprises réagissent aussi bien au CIR que les petites (cf. ci-après). Elle défavoriserait par ailleurs les groupes français par rapport à leurs concurrents implantés en France, puisque ceux-ci ne seraient pas plafonnés au niveau du groupe 88 ( * ) , ce qui serait d'autant plus dommageable que les grands groupes sont les entreprises les plus mobiles ;

- la troisième proposition est une manière déguisée de réduire le taux du CIR. En effet, les dépenses de personnel correspondent à environ la moitié de l'assiette du CIR. Ramener la prise en compte forfaitaire des dépenses de fonctionnement de 75 % (comme c'était le cas en 2008) à 33 % réduit donc mécaniquement le CIR de 20 % 89 ( * ) , ce qui équivaut au passage du taux du CIR de 30 % à 24 %.


* 88 En réponse au questionnaire du rapporteur spécial, le MESR indique : « La déclaration du CIR au niveau des filiales permet en particulier de traiter de la même manière les filiales de groupes français et de groupes étrangers. Une déclaration au niveau du groupe reviendrait à favoriser les entreprises étrangères qui n'ont souvent qu'une ou deux filiales en France aux dépens des entreprises françaises. »

* 89 En chiffres arrondis et avec pour base 100 le montant de l'assiette avant la mesure : l'assiette est initialement de 50 pour les salaires, 50 × 0,75 = 37,5 pour les dépenses de fonctionnement, et de 12,5 pour les autres dépenses. Après la mesure, l'assiette est de 50 pour les salaires, 50 ×0,33 = 16,5 pour les dépenses de fonctionnement et 12,5 pour les autres dépenses, soit 80 au total.

Page mise à jour le

Partager cette page