2. La proposition du rapporteur spécial : supprimer le seuil de 100 millions d'euros
a) Financer cette suppression en i nstaurant un taux de CIR de 20 % dès le premier euro pour les principaux bénéficiaires

Dans ces conditions, il paraît nécessaire de supprimer le seuil de 100 millions d'euros 101 ( * ) et de le remplacer par un taux de CIR réduit (mais nettement supérieur à 5 %), par exemple de 20 % 102 ( * ) , pour les principaux bénéficiaires (par exemple, ceux d'au moins 5 000 salariés) .

Afin de ne pas créer d'effet de seuil sur les dépenses de R&D, ce taux s'appliquerait dès le premier euro de dépenses, et serait défini en fonction de la taille de l'entreprise (par exemple par référence à ses effectifs) 103 ( * ) .

Le CIR ne serait plus une réduction quasi forfaitaire d'impôt sur les sociétés pour les déclarants dont les dépenses sont supérieures à 100 millions d'euros. Il cesserait donc, dans ces entreprises, de relever de la préoccupation du seul directeur financier, pour revenir réellement aux services de recherche.

Une telle solution permettrait en outre de résoudre indirectement le problème du contournement du seuil de dépenses de 100 millions d'euros par la création artificielle de filiales. Ce problème paraît en effet bien réel 104 ( * ) , même si jusqu'à présent il semble encore essentiellement virtuel 105 ( * ) . Le remplacement de la tranche à 5 % par un taux de 20 % dès le premier euro réduirait fortement l'incitation des entreprises à recourir à de tels procédés.

« Cibler » les bénéficiaires de plus de 5 000 salariés ?

L'IGF propose, dans son rapport de 2010 sur le CIR, de soumettre au taux réduit non seulement les grandes entreprises, mais aussi les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Ainsi, « le taux de 30 % pourrait par exemple être réservé aux PME (moins de 250 salariés) indépendantes, avec un taux de 15 % pour les autres entreprises ».

Toutefois pour l'IGF cette mesure ne devrait être mise en oeuvre que si l'effet d'entraînement du CIR apparaît plus faible pour les grandes entreprises. Or, comme on l'a indiqué, l'étude de 2011 de Benoît Mulkay et Jacques Mairesse suggère le contraire.

Par ailleurs, diviser par deux le CIR pour les entreprises autres que les PME, a fortiori en l'absence de justification économique, pourrait faire douter l'ensemble des entreprises de la stabilité du CIR, et donc lui faire perdre son effet incitatif.

La détermination du seuil exact pourrait être effectuée sur la base de simulations « fines ».

La suppression du seuil de 100 millions d'euros et le remplacement du taux de 30 % par un taux de 20 % dès le premier euro pour les bénéficiaires de 5 000 salariés et plus réduirait le montant du CIR d'environ 300 millions d'euros 106 ( * ) .

Le rapport de 2010 de l'inspection générale des finances indique toutefois qu' « une modulation par taille d'entreprise exposerait le CIR à une requalification en aide d'Etat. Une notification préalable à la Commission européenne serait donc nécessaire ».

b) La suppression du seuil de 100 millions d'euros est nécessaire pour ne pas conduire à des situations absurdes pour les principaux bénéficiaires du CIR

Actuellement, le seuil de 100 millions d'euros a pour effet que le taux de CIR perçu par un bénéficiaire dépend non seulement de ses dépenses de R&D, mais aussi de sa structuration éventuelle en filiales.

Ainsi, parmi les 25 principaux bénéficiaires du CIR, le taux de CIR ne présente qu'un lien assez lâche avec le niveau de dépenses de R&D, comme le montre le graphique ci-après.

Les 25 principaux bénéficiaires du CIR en 2009 : assiette du CIR* et taux de CIR

* Dépenses déclarées moins subventions.

Source : commission des finances, d'après les données transmises par le MESR (tableau reproduit en page 157 du présent rapport d'information)


* 101 Ce qui coûte environ 500 millions d'euros. En effet, la tranche à 5 % coûte 107 millions d'euros (2008). Faire bénéficier les dépenses correspondantes d'un taux de 30 % porterait donc son coût à 642 millions d'euros, ce qui représenterait une augmentation de 535 millions d'euros, correspondant à environ 10 % de la créance totale du CIR.

* 102 Les 25 plus grands bénéficiaires du CIR en 2009 avaient une créance de CIR égale à 22,1 % de l'assiette du CIR (cf. tableau reproduit en page 157 du présent rapport d'information).

* 103 Une variante consisterait à supprimer le seuil de 100 millions d'euros (ce qui coûterait plus de 500 millions d'euros) et :

- soit à ramener le taux du CIR à 27 %, du premier au dernier euro, pour l'ensemble des entreprises ;

- soit - ce qui serait préférable en termes d'affichage - à réduire le montant forfaitaire des dépenses de fonctionnement, actuellement égal à 50 % des dépenses de personnel et 75 % des amortissements. Concrètement, on pourrait ramener ces deux taux à respectivement 30 % et 50 %.

Toutefois la suppression du seuil de 100 millions d'euros serait alors financée par l'ensemble des entreprises.

* 104 Selon le rapport de 2010 de l'inspection générale des finances, « l'application du seuil à l'échelle de chaque filiale (et non à l'échelle du groupe fiscalement intégré) est propice à son contournement, ce qui devrait progressivement réduire le nombre d'entreprises concernées par le taux à 5 % ».

* 105 Dans une réponse au questionnaire adressé par le rapporteur spécial, le MESR indique : « Il faut évidemment être très attentif à de possibles créations artificielles de filiales à des fins d'optimisation fiscale. L'administration n'a pas constaté d'abus à cet égard : le nombre de filiales pour les groupes concernés est resté globalement stable depuis la réforme du CIR. L'administration a en tout état de cause les moyens juridiques de sanctionner une création artificielle de filiales qui constituerait un abus de droit ».

* 106 En 2010 les bénéficiaires de 5 000 salariés et plus ont bénéficié d'un CIR égal à 22,7 % des dépenses déclarées, soit, après déduction des financements publics directs, environ 24 % de l'assiette. Leur CIR ayant été en 2010 de 1 620 millions d'euros, le passage à un taux de 20 % le réduirait d'environ 300 millions d'euros.

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