II. UN PARTENARIAT À RÉNOVER

A. À LA RECHERCHE DE NOUVEAUX ÉQUILIBRES ENTRE LES ORIENTATIONS EUROPÉENNES, LA VISION STRATÉGIQUE NATIONALE ET CELLE DES TERRITOIRES

Pour que la contractualisation à caractère transversal crée effectivement une dynamique des territoires, plusieurs principes doivent la régir.

1. Conforter les synergies avec les fonds européens sans se limiter aux orientations européennes

Le contexte actuel est marqué par une raréfaction des crédits : aux difficultés proprement budgétaires s'ajoute la réduction significative de l'accès au crédit. Dans ce cadre, la préservation des synergies entre les futurs contrats entre l'Etat et les collectivités, d'une part, et les fonds européens, d'autre part, est indispensable. Ces dernières permettent de mobiliser de façon cohérente et concertée les fonds européens.

Cette recherche de complémentarité ne doit néanmoins pas rendre l'Etat et les collectivités prisonniers de décisions adoptées à Bruxelles. Leurs marges de manoeuvre doivent être préservées.

Les priorités déterminées au niveau européen ne sauraient dispenser l'Etat et les collectivités d'une réflexion propre sur les enjeux auxquels sont confrontés leurs territoires et les manières d'y répondre de la façon la plus appropriée. Les futurs contrats entre l'Etat et les collectivités doivent pouvoir continuer à inclure des projets qui ne répondent pas aux orientations européennes. En Corse par exemple, les besoins de financement existants pour les infrastructures de base, dans le domaine de l'assainissement notamment, ne correspondent pas nécessairement aux priorités fixées dans la stratégie de Lisbonne.

Cette nécessité est d'autant plus forte que l'association des collectivités à la définition des orientations européennes est encore très faible, que ce soit à Bruxelles ou au niveau national, dans le cadre de la détermination du cadre de référence stratégique national (CRSN) ou des programmes opérationnels (PO). Des évolutions sont attendues dans ce domaine, notamment dans le cadre du projet de transfert de l'autorité de gestion des fonds européens aux régions annoncé par le Président de la République. L'ampleur des financements que les collectivités prennent en charge au titre des contreparties nationales implique une participation accrue de ces dernières dans la définition de la stratégie les concernant.

La nécessité de ne pas se limiter aux priorités européennes se justifie également par les incertitudes sur l'avenir des fonds européens, parfois évoquées au cours des auditions. Un éventuel resserrement des enveloppes ou une concentration accrue des priorités ne saurait conduire, au niveau national et local, à l'abandon de pans entiers de la politique d'aménagement du territoire ou à la réduction des ambitions relatives à certains types de territoires.

Sur un plan pratique, cette recherche de complémentarité induit plusieurs conséquences. Le déroulement des deux procédures doit être rapproché. La négociation concernant les fonds européens ne saurait intervenir indépendamment de celle des futurs contrats entre l'Etat et les collectivités , ce qui implique que les calendriers des deux procédures soient identiques . Cet impératif pose néanmoins des difficultés au regard du calendrier électoral à venir, sur lesquelles nous reviendrons par la suite.

La négociation, comme le suivi et l'évaluation des deux procédures ont tout intérêt à être menés de concert, afin d'assurer leur complémentarité mais aussi de faciliter leur déroulement. C'est la raison pour laquelle Philippe Bellec et Éric Sesboüe ont proposé la création de comités de programmation et de suivi communs, au niveau national comme au niveau local. À cette dernière échelle, des comités communs sont déjà en place dans certains territoires, comme en Corse. Ces initiatives doivent être saluées et poursuivies.

Elles pourraient également être l'occasion de faciliter les démarches des porteurs de projets, parfois obligés de présenter plusieurs dossiers relatifs à un même projet dans le cadre des deux procédures. De manière générale, les lourdeurs liées à la mobilisation des fonds européens, évoquées à de nombreuses reprises au cours des auditions et déplacements, doivent faire l'objet d'une vigilance particulière.

Proposition 1 : Prévoir une nouvelle génération de contrats entre l'Etat et les collectivités, qui succéderaient aux contrats de projets Etats-régions, sur la période 2014-2020, en préservant ainsi l'articulation avec le calendrier des fonds européens

Cette recherche de complémentarité implique que les orientations des futurs contrats entre l'Etat et les collectivités soient arrêtées rapidement, afin que les négociations puissent effectivement être menées en même temps que celles relatives aux fonds européens.

Bien évidemment, il devra également être tenu compte des évolutions liées à la répartition des compétences entre les collectivités, afin qu'il y ait une adéquation entre les compétences des collectivités et les interventions inscrites dans les contrats. En délégation, notre collègue Christian Favier a évoqué l'incidence des projets de transferts de compétences aux régions annoncés par le Président de la République sur le contenu des contrats.

D'après les prévisions actuelles, l'adoption de la loi de décentralisation, qui fixera de nouvelles règles de répartition des compétences, devrait intervenir au printemps 2013. Si les contrats doivent être prêts pour 2014, leur négociation dans les territoires devrait intervenir dès l'adoption de la loi, en lien avec les négociations relatives aux fonds européens mais aussi celles qui pourraient avoir lieu sur la répartition des compétences. La qualité de la négociation dépendra en effet du temps qui lui sera donné, et ce d'autant plus que des échanges effectifs entre le niveau territorial et le niveau national sont souhaités. Cela suppose que le cadrage stratégique national des CPER soit adopté au plus tard au printemps 2013. Le respect de ce calendrier doit faire l'objet d'une vigilance particulière.

2. Définir une véritable stratégie nationale qui reste compatible avec l'objectif d'adaptation aux territoires

Nombre de personnes auditionnées ont exprimé le souhait de voir émerger une vision stratégique nationale plus lisible s'agissant des CPER. De manière générale, la politique nationale d'aménagement du territoire fait l'objet d'une vive préoccupation.

Si les collectivités ont désormais un rôle majeur en matière d'aménagement du territoire, la présence d'un Etat-stratège reste indispensable. L'approfondissement de la décentralisation n'est en rien incompatible avec l'affirmation d'une politique d'aménagement du territoire au niveau national. Elle permet notamment que la solidarité entre les territoires puisse s'exercer .

C'est la raison pour laquelle une réflexion sur l'avenir de la politique d'aménagement du territoire, et notamment le rôle de la DATAR, doit être menée dans les plus brefs délais. Votre rapporteur salue à ce titre la mise en place, par la ministre de l'Egalité des territoires et du logement, Mme Duflot, d'une commission de travail sur les missions de long terme et l'organisation future du ministère de l'Egalité des territoires, dont les conclusions sont attendues à la fin de l'année 2012. La question de l'articulation des missions de l'organisme interministériel avec celles des ministères pourrait notamment être posée à cette occasion, compte tenu des effets pervers liés à la multiplication des politiques sectorielles.

Au-delà, c'est une nouvelle politique d'aménagement du territoire, plus ambitieuse, qui doit être dessinée, en concertation avec les collectivités territoriales et leurs groupements, compte tenu du rôle majeur qu'ils ont acquis dans ce domaine. Sans qu'il entre dans le cadre de ce travail de se prononcer sur son contenu, votre rapporteur renvoie aux différentes propositions remises par plusieurs associations d'élus à ce sujet.

Ces réflexions doivent être l'occasion de distinguer clairement les domaines dans lesquels l'Etat a vocation à garder un rôle prépondérant, et y affecter en conséquence les moyens adéquats, des domaines dans lesquels il a vocation à intervenir en partenariat avec les collectivités. Seuls ces domaines ont vocation à constituer le champ des futurs contrats entre l'Etat et les collectivités. L'Etat ne saurait continuer à mettre à contribution les collectivités pour financer des politiques qui relèvent de sa seule responsabilité.

La définition d'une stratégie nationale claire régissant les futurs contrats entre l'Etat et les collectivités territoriales doit notamment permettre d'éviter le saupoudrage des crédits et l'impression de « fourre-tout » qui caractérise les CPER à l'heure actuelle. Elle doit répondre à une logique interministérielle forte, garante de la cohérence des différentes politiques menées. Pour préserver leur plus-value, les contrats à caractère transversal entre l'Etat et les collectivités ne sauraient en effet se résumer à la simple agrégation de politiques sectorielles.

Cette stratégie nationale doit se traduire de différentes manières :

- par la détermination d'axes d'intervention plus ciblés ;

- par la définition d'une méthode de sélection des projets reposant sur des critères précis et objectifs. Ce point sera détaillé dans la partie suivante « Renforcer la portée des futurs contrats entre l'Etat et les collectivités ».

S'agissant des secteurs d'intervention couverts par les futurs contrats, sur lesquels se sont interrogés Antoine Lefèvre et Christian Favier en délégation, votre rapporteur considère qu'ils devront être déterminés à l'issue d'une concertation entre l'Etat et les collectivités. La définition d'une véritable politique d'aménagement du territoire au niveau national permettra de dégager les priorités dans ce domaine. Ces dernières constitueront l'ossature des futurs contrats entre l'Etat et les collectivités.

Sans être nécessairement moins nombreux que ceux de la génération actuelle des CPER, des axes d'intervention plus précis et ciblés permettront de concentrer les crédits sur les opérations jugées majeures en matière d'aménagement du territoire et renforceront ainsi la cohérence des futurs contrats. La position de Philippe Bellec et Eric Sesboüe n'est pas différente : « plutôt qu'à des contenus plus resserrés, il conviendrait de rechercher à envisager des contenus mieux ciblés » .

Proposition 2 : Préciser et cibler davantage les axes d'intervention des futurs contrats entre l'Etat et les collectivités au niveau national, en association avec les collectivités

Ce travail de définition d'une stratégie au niveau national aura nécessairement pour effet de réduire les marges de négociation, puisqu'il vise à répondre aux accusations d'instrument « fourre-tout » : le resserrement du champ de la contractualisation rend de fait plus difficile la prise en compte de l'ensemble des préoccupations des territoires.

C'est la raison pour laquelle un accent particulier doit être mis, en parallèle, sur la qualité de la négociation au niveau des territoires , afin que des solutions adaptées aux spécificités des territoires puissent effectivement émerger, à l'intérieur des priorités fixées au niveau national.

A ce titre, plusieurs acteurs ont déploré l'octroi des enveloppes d'Etat par région avant même le début de la négociation entre le préfet et les collectivités territoriales.

Le rapport de Philippe Bellec et Eric Sesboüe relève que « les CPER se traduisent trop souvent par des répartitions d'enveloppes budgétaires, fixées a priori et présentées, depuis 2006, selon la nomenclature verticale de la LOLF. Cette conception des contrats en « tuyaux d'orgue » conduit à privilégier une pratique de guichet ».

L'AdCF préconise notamment une démarche plus ascendante, en affirmant que « la construction des CPER et des programmes européens doit débuter par un travail en région puis ouvrir à une négociation nationale et non l'inverse. » Votre rapporteur adhère complètement à cette recommandation.

Proposition 3 : Veiller à ce que la répartition des enveloppes de l'Etat au niveau national se fasse sur la base de travaux préalables de négociation en région, entre les préfets de région et les collectivités concernées

3. Renforcer la complémentarité entre les contrats et les autres outils de la politique d'aménagement du territoire

Le développement de la contractualisation hors CPER conduit à une perte de cohérence des différentes interventions, avec la multiplication d'actions déployées de façon individuelle, selon une logique sectorielle. Par ailleurs, il réduit la lisibilité des CPER, et de manière générale, des relations partenariales entre l'Etat et les collectivités concernées. Les CPER ne constituent en effet plus le document de référence des différentes politiques menées conjointement par l'Etat et les collectivités concernées.

Pour assurer une lisibilité et une visibilité aux partenariats existant entre l'Etat et les collectivités dans les domaines de la future contractualisation entre l'Etat et les collectivités, il conviendrait de les rassembler dans un document unique, qui serait joint aux contrats et servirait d'outil à la négociation. Y seraient notamment intégrés les programmes relatifs aux infrastructures ferroviaires, les projets fluviaux et portuaires, les projets résultant des différents appels à projets (Plan Campus, pôles d'excellence rurale)... Ce document pourrait être réajusté lors de la révision à mi-parcours, afin de tenir compte des politiques sectorielles lancées après la signature de ces contrats.

Une telle disposition a déjà été encouragée dans le cadre des volets territoriaux des CPER. La circulaire du 24 mai 2006 du délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires aux préfets de région dispose en effet que « par souci de clarté et de cohérence, les conventions territoriales rappelleront les dispositions des autres contrats signés entre l'Etat et les collectivités locales au sein du même périmètre géographique (tels que les contrats urbains de cohésion sociale) et les actions du volet général du CPER localisées dans ce périmètre 15 ( * ) . » Elle précise également que les initiatives des pôles d'excellence rurale, qui ont été lancées hors du cadre des CPER, pourront être prolongées par les volets territoriaux de ces derniers.

Il s'agit désormais de généraliser ce type d'initiative afin de renforcer la clarté et la cohérence des différentes interventions. Cette proposition a particulièrement été défendue par les collectivités rencontrées à l'occasion du déplacement en Alsace. Notre collègue Edmond Hervé l'a également encouragée, en faisant référence à la démarche engagée par M. François Lamy, ministre de la Ville, consistant à rassembler dans un contrat unique les projets de rénovation urbaine, les actions de cohésion sociale et les politiques de droit commun entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Proposition 4 : Réaliser en préalable des négociations relatives à chaque contrat une synthèse des partenariats existant entre l'Etat et les collectivités participantes dans les domaines concernés (conventions résultant d'appels à projets, programmes relatifs aux infrastructures de transports...)

Par ailleurs, la cohérence avec les outils régionaux de développement des territoires doit être renforcée. Nombre d'acteurs ont souhaité qu'un lien plus fort soit établi avec le schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT).

Le schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT)

Anciennement appelé schéma régional d'aménagement et de développement du territoire (SRADT) 16 ( * ) , il fixe les orientations fondamentales, à moyen terme, du développement durable du territoire régional. Il définit notamment les principaux objectifs relatifs à la localisation des grands équipements, des infrastructures et des services d'intérêt général qui doivent concourir au sein de la région au maintien d'une activité de service public dans les zones en difficulté ainsi qu'aux projets économiques porteurs d'investissements et d'emplois, au développement harmonieux des territoires urbains, périurbains et ruraux, à la réhabilitation des territoires dégradés et à la protection et la mise en valeur de l'environnement, des sites, des paysages et du patrimoine naturels et urbains en prenant en compte les dimensions interrégionale et transfrontalière.

Il comprend un document d'analyse prospective et une charte régionale, assortie de documents cartographiques, qui exprime le projet d'aménagement et de développement durable du territoire régional.

Il est élaboré et approuvé par le conseil régional après avis des conseils généraux des départements concernés et du conseil économique, social et environnemental régional.

Les départements, les agglomérations, les pays, les parcs naturels régionaux et les communes chefs-lieux de département ou d'arrondissement, les communes de plus de 20 000 habitants et les groupements de communes compétents en matière d'aménagement ou d'urbanisme, ainsi que les représentants des activités économiques et sociales, dont les organismes consulaires, sont associés à l'élaboration de ce schéma.

Avant son adoption motivée par le conseil régional, le projet de schéma régional, assorti des avis des conseils généraux des départements concernés et de celui du conseil économique, social et environnemental régional ainsi que des observations formulées par les personnes associées à son élaboration, est mis, pour consultation, à la disposition du public pendant deux mois.

Source : Article 34 de la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, dans sa version actuelle

De fait, la loi dispose que le SRADDT « veille à la cohérence des projets d'équipement avec les politiques de l'Etat et des différentes collectivités territoriales, dès lors que ces politiques ont une incidence sur l'aménagement et la cohésion du territoire régional. [...] Il prend [...] en compte les projets d'investissement de l'Etat, ainsi que ceux des collectivités territoriales et des établissements ou organismes publics lorsque ces projets ont une incidence sur l'aménagement du territoire de la région.»

Elle énonce par ailleurs que « le contrat de plan entre l'Etat et la région [...] contribue à la mise en oeuvre des orientations retenues par le schéma régional ainsi que, le cas échéant, par le schéma interrégional de littoral [...] ou par le schéma interrégional de massif [...]. Les collectivités territoriales appelées à cofinancer les actions ou les programmes inclus dans les contrats de plan entre l'Etat et la région sont associées aux procédures de négociation, de programmation et de suivi des contrats relatives à ces actions ou programmes. »

Or, plusieurs personnes auditionnées ont regretté que le CPER ne soit pas toujours, dans les faits, véritablement articulé au SRADDT. Les bénéfices d'une telle recherche de complémentarité entre ces documents sont pourtant évidents.

Dans ce cadre, un document annexé aux futurs contrats entre l'Etat et les collectivités pourrait expliciter davantage les modalités de l'articulation entre ces contrats et les autres instruments de l'aménagement du territoire tels que le SRADDT, et notamment son volet transports, le schéma régional des infrastructures et des transports (SRIT). Votre rapporteur souligne par ailleurs son attachement à ce qu'une nouvelle impulsion soit donnée à ces outils.

Le renforcement de l'articulation entre les contrats entre l'Etat et les collectivités, d'une part, et les SRADDT, d'autre part, pose la question de l'articulation entre leurs calendriers. Les SRADDT peuvent être révisés en tant que de besoin. Dans ce cadre, si leur révision est décidée par le conseil régional, il serait préférable qu'elle ait lieu avant la négociation des contrats entre l'Etat et les collectivités plutôt qu'après.

Proposition 5 : Renforcer l'articulation des futurs contrats entre l'Etat et les collectivités avec les autres instruments d'aménagement du territoire tels que les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT), en prévoyant notamment pour chaque contrat un document qui en explicite les modalités

La mise en oeuvre de ces deux propositions transformerait le CPER et ses documents annexés en une sorte d'agenda de l'action publique dans un territoire. Il deviendrait le document unique de référence des relations partenariales entre l'Etat et les collectivités dans un territoire et ferait la synthèse des interventions menées dans le domaine de la politique d'aménagement du territoire.

4. Associer davantage l'ensemble des catégories de collectivités

Comme leur nom l'indique, les CPER reposent sur un socle minimal composé de deux partenaires : l'Etat et la région. La circulaire du 6 mars 2006 rappelle que « compte tenu de leurs missions en matière de développement économique et social et d'aménagement du territoire, les régions ont vocation à être les interlocuteurs privilégiés de l'Etat sans exclure les autres collectivités territoriales. » La présence du binôme Etat-région doit rester une caractéristique indispensable des prochains contrats, et le périmètre régional de la contractualisation doit être conservé.

Se pose néanmoins la question de l'association des autres catégories de collectivités territoriales et de leurs groupements à ces futurs contrats. Les auditions et déplacements ont mis au jour de fortes attentes à ce sujet. De fait, le développement des intercommunalités ces dernières années, encore accentué par les efforts réalisés récemment dans le cadre des schémas départementaux de coopération intercommunale, ainsi que leur implication croissante dans ces domaines les ont élevées au rang d'acteurs incontournables. Les départements ont également leur mot à dire, et ne doivent pas être cantonnés au rôle de « financeurs en dernier ressort ». C'est un point qu'ont notamment souligné les présidents des conseils généraux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud, MM. Joseph Castelli et Jean-Jacques Panunzi.

Par ailleurs, les projets inscrits en CPER peuvent avoir des répercussions au plan local qui doivent être intégrés à la réflexion globale. Une analyse de l'impact des opérations lourdes portant sur un même territoire gagnerait à être développée, comme l'a souligné l'AdCF. D'après elle, la nécessité de développer une approche plus territorialisée des politiques de développement et d'aménagement du territoire s'étend d'ailleurs bien au-delà de la contractualisation entre l'Etat et les régions.

L'association des collectivités autres que la région existe déjà, mais de façon très inégale et sous des formes diverses. La région Alsace constitue sans aucun doute l'exemple d'association la plus poussée des autres catégories de collectivités et de leurs groupements. L'ensemble des signataires du CPER rencontrés à l'occasion du déplacement en Alsace ont souligné les avantages de cette association. Dans d'autres territoires, les collectivités autres que la région peuvent être consultées en amont. Elles peuvent être maîtres d'ouvrage sur certaines opérations et/ou participer à leur financement. Enfin, l'adoption de volets territoriaux a favorisé l'association des collectivités autres que les régions aux CPER.

D'après l'AdCF, de 2007 à 2011, la participation des communautés d'agglomération, urbaine ou de communes s'élève à plus de 2 milliards d'euros. Elle concerne plus de 1200 communautés. Comme le note l'AdCF, ces deux milliards « sont à rapprocher des seulement 80 millions d'euros de crédits recensés comme participation des communautés lors de la signature des CPER (seuls les crédits des cocontractants sont comptabilisés dans les maquettes initiales). »

L'AdCF relève toutefois que malgré cette participation, « l'association des communautés à la définition des CPER puis à leur mise en oeuvre a été très faible voire inexistante. » Les départements regrettent également que leur association en amont ne soit pas systématique, et qu'ils soient souvent mis à l'écart du suivi des CPER, sauf lorsqu'il s'agit d'opérations auxquelles ils participent directement.

Votre rapporteur estime que la nouvelle génération de CPER doit prévoir une association effective des départements ainsi que des intercommunalités à partir d'un certain seuil démographique et des villes les plus importantes, à la démarche contractuelle entre l'Etat et les régions.

Cette question ne pourra être traitée indépendamment des décisions qui vont être prises à l'occasion de la nouvelle étape de la décentralisation, s'agissant de la répartition des compétences entre collectivités, d'une part, mais aussi de l'avenir de la politique d'aménagement du territoire d'autre part. Les décisions qui seront prises dans ces deux domaines auront en effet nécessairement un impact sur les orientations à donner aux futurs contrats.

S'agissant de l'aménagement du territoire, l'Association des régions de France a notamment proposé en juillet 2011 « une nouvelle gouvernance de l'aménagement du territoire en France », qui se traduirait, au niveau régional, par la mise en place de conférences régionales d'aménagement du territoire. Des représentants des départements et des intercommunalités participeraient à ces « instances de coordination et de débat des démarches stratégiques contractuelles » .

L'Assemblée des communautés de France a pour sa part proposé « de réunir une conférence nationale chargée d'identifier, de manière concertée, les priorités de l'investissement public pour les prochaines années » , ainsi que la mise à l'agenda du Haut conseil des territoires de « l'élaboration concertée d'une stratégie nationale d'aménagement et de développement du territoire pour la période 2014-2020 », tandis que des conférences régionales d'exécutifs pourraient définir des stratégies régionales concertées.

Malgré ces questions en suspens, plusieurs principes peuvent être fixés s'agissant des modalités de l'association des collectivités territoriales et de leurs groupements aux futurs contrats.

En premier lieu, il convient de souligner qu'il n'y a pas nécessairement de réponse unique à cette question, compte tenu de la diversité des territoires. C'est l'un des enseignements des déplacements effectués par votre rapporteur.

Par exemple, l'association systématique de certains types de collectivités ou de leurs groupements à la signature des contrats, qui existe en Alsace, pourrait se révéler difficile à mettre en oeuvre dans d'autres territoires. Les difficultés liées à l'étendue de certaines régions, au nombre de collectivités concernées, et au climat général des relations entre les différents acteurs, ne doivent pas être négligées.

Lorsque cette solution n'est pas envisageable, une association effective des collectivités concernées devrait toutefois avoir lieu en amont, au moment de la négociation des contrats, ou de l'élaboration de stratégies régionales d'aménagement du territoire qui les sous-tendent.

Cette association ne saurait se limiter à la demande d'avis formels ou de participations budgétaires à des projets qui auraient déjà été arrêtés par l'Etat et la région. Elle doit se faire au niveau de l'identification des besoins et du choix des projets destinés à y répondre. Dès lors, elle ne saurait intervenir après la signature des contrats ni se limiter à la déclinaison des futurs contrats en conventions infrarégionales avec les collectivités concernées.

Lors de son audition, M. René Souchon, président du conseil régional d'Auvergne et président de la commission aménagement du territoire de l'ARF, a évoqué les risques susceptibles d'être engendrés par la multiplication des acteurs : dispersion des moyens, perte de cohérence des interventions et difficultés accrues lors du déroulement de la négociation. La diffusion d'une logique de guichet est aussi redoutée.

Un effort de cadrage des modalités de cette association, avec notamment l'adoption d'une méthode précise de sélection des projets, devraient cependant remédier à ces difficultés. Des règles précises pourraient être fixées afin d'assurer un lien entre les compétences des collectivités et leur participation aux différents projets.

La logique du « volet territorial » tel qu'il est conçu à l'heure actuelle doit donc être dépassée : plutôt que de maintenir un volet territorial dont les contours doivent être précisés dans une seconde phase, après une première négociation entre l'Etat et les régions, il conviendrait d'intégrer les projets territoriaux dans les contrats qui succéderont aux actuels CPER. L'actuelle séparation entre les deux démarches n'aura pas lieu d'être maintenue dès lors que les collectivités autres que les régions seront davantage associées en amont et qu'une dimension territoriale sera intégrée dès le départ à la négociation. La démarche contractuelle gagnera en cohérence, et il n'y aura plus besoin de rouvrir une négociation spécifique aux territoires une fois le contrat signé.

L'intégration d'une dimension territoriale au sein même des futurs contrats entre l'Etat et les collectivités devra bien évidemment s'accompagner d'une réflexion sur les moyens d'assurer aux collectivités concernées les capacités d'ingénierie nécessaires à l'élaboration et au portage des projets, comme l'a notamment souligné M. Simon Renucci, maire d'Ajaccio. Il serait en effet fort regrettable que les bénéfices de la contractualisation soient limités aux seules collectivités possédant de fortes capacités dans ce domaine. L'actuel volet territorial des CPER prévoit d'ailleurs que l'Etat puisse financer l'ingénierie, et ce sur l'ensemble de ses thématiques, à la suite d'une action déterminante de l'APFP en ce sens en 2006.

Enfin, l'association des collectivités autres que la région devrait s'accompagner, au niveau de l'Etat, d'une association plus forte des préfets de département et des sous-préfets. Les dimensions infrarégionales des contrats doivent également être prises en compte du côté de l'Etat.

Proposition 6 : Promouvoir une association plus forte des départements ainsi que des intercommunalités et des villes les plus importantes, par leur participation aux contrats en tant que signataires ou, au minimum, par une consultation obligatoire préalable à la négociation et leur association à la procédure

5. Mieux prendre en compte les avis des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER)

D'après l'article L. 4241-1 du Code général des collectivités territoriales, le conseil économique, social et environnemental régional est obligatoirement saisi pour avis des documents relatifs « à la préparation et à l'exécution dans la région du plan de la nation » ainsi qu' « au projet de plan de la région et à son bilan annuel d'exécution ainsi qu'à tout document de planification et aux schémas directeurs qui intéressent la région » , préalablement à leur examen par le conseil régional.

Pour autant, l'association à la démarche des CPER semble plus que formelle dans bien des territoires, comme l'ont révélé les témoignages recueillis par votre rapporteur auprès des présidents de CESER rencontrés à l'occasion de ses déplacements. Les CESER sont rarement consultés en amont de la négociation. Ainsi, le projet de CPER qui leur est présenté est le fruit de la négociation entre l'Etat et les collectivités concernées. Il n'a pas vocation à être modifié, ce qui rend difficile la prise en compte de l'avis du CESER. En outre, une fois les CPER signés, les CESER sont relativement peu associés à leur suivi, et notamment à la révision à mi-parcours.

Votre rapporteur considère qu'une association plus forte des CESER aux contrats entre l'Etat et les collectivités doit être encouragée, dans la mesure où la société civile apporte un éclairage utile à la réflexion. Une nouvelle contrainte réglementaire ou législative risquerait toutefois d'aboutir à nouveau à une consultation formelle. Il revient dès lors aux conseils régionaux de porter une attention particulière à cette question, de même qu'aux CESER eux-mêmes, qui disposent d'une capacité d'autosaisine, comme l'a rappelé M. Alain Even, président de l'Assemblée des CESER de France.


* 15 Circulaire du 24 mai 2006 du délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires aux préfets de région sur la préparation du volet territorial des contrats de projets Etat-régions.

* 16 Le Code général des collectivités territoriales fait encore référence à ce terme (article L. 4251-1).

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