Dr Nathalie Rossette-Cazel, Directrice de la société LexAct, Consule honoraire de France aux îles Cook

Les îles Cook sont situées entre la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna. Elles sont 17 fois moins grandes que la Polynésie et 68 moins grandes que la Nouvelle-Calédonie mais possèdent une zone économique maritime d'environ 2 millions de km 2 . Les Îles Cook sont, à l'heure actuelle, reconnues par les plus grands États de la communauté internationale. Elles sont membres à part entière des pays ACP, d'un grand nombre d'agences spécialisées des Nations Unies, de la Banque Asiatique de Développement et sont un partenaire privilégié dans la région Pacifique au sein du Forum notamment. Leur statut particulier semble intéresser depuis quelque temps déjà nos voisines des îles françaises. C'est sur le cheminement qui a conduit à cette situation et sur la situation économique actuelle de ce territoire que je propose de revenir ici.

Le 27 septembre 1888, le vice-consul britannique déclara les Îles Cook sous protectorat britannique. Le 11 juin 1901, le Parlement néo-zélandais annexa les Îles Cook. Le 4 août 1965, elles optèrent par un vote pour le statut d'État en libre association avec la Nouvelle-Zélande, en réservant la défense et les relations extérieures à cette dernière. Le représentant de la Nouvelle-Zélande aux Nations Unies déclara : « La Nouvelle-Zélande affirme que le droit d'avancer vers l'auto-détermination du peuple des Îles Cook reste intact et qu'il a l'entier contrôle de son avenir et le droit de changer son statut quand il le souhaite ». J'espère que Monsieur Temaru est informé. Le 4 juin 1988, les Îles Cook se déclaraient seules responsables de leurs relations extérieures, mettant ainsi clairement en avant leur qualité d'État et leur liberté de choix.

En effet, la réalité juridique des Îles Cook est en évolution permanente. L'État, en tant que personne, répond à quatre critères cumulatifs et interdépendants :

- un territoire déterminé ;

- une population ;

- un gouvernement autonome ;

- la capacité d'entrer en relation avec les autres États.

La population des Îles Cook avoisine 15 000 habitants, avec une migration d'environ 50 000 habitants en Nouvelle-Zélande et en Australie. Les différences sont beaucoup moins prononcées sur le plan culturel, notamment avec la Polynésie. 88 % des habitants des Îles Cook sont des Maoris et le partage de cette origine maorie constitue un élément très fort, qui doit être pris en compte dans toute politique régionale.

Un point semble parfois surprendre les non-initiés : une grande partie de la population des Îles Cook partage la nationalité néo-zélandaise, même si ces individus se disent citoyens des Îles Cook. La nationalité représente en fait l'aspect international de la notion d'État, tandis que la notion de citoyenneté fait plutôt référence à la notion « interne » de l'État. En effet, la nationalité n'est qu'une conséquence a posteriori de la qualité d'État. Le caractère évolutif de la relation entre la Nouvelle-Zélande et les Îles Cook va permettre au gouvernement des Îles Cook de contrôler son organisation juridique interne et d'accéder à la reconnaissance internationale des autres États, même si cela prendra du temps.

Dès 1915, cette capacité d'évoluer n'a eu de cesse de s'affirmer, sans les heurts et les artifices qu'a connus la France, comme l'a rappelé Monsieur Rocard. En 1962, un choix fut proposé par la Nouvelle-Zélande aux Îles Cook entre l'indépendance totale, l'intégration à la Nouvelle-Zélande, l'intégration à une future fédération polynésienne et/ou un gouvernement autonome avec libre accès à la Nouvelle-Zélande. Le 4 août 1965, les Îles Cook optèrent pour le statut de libre association à la Nouvelle-Zélande. Elles optèrent pour un gouvernement autonome, avec la capacité de décider à n'importe quel autre moment d'opter pour un autre statut par un acte unilatéral sur lequel la Nouvelle-Zélande avait elle-même renoncé à tout pouvoir de contrôle.

Les Îles Cook vont ensuite substituer graduellement au système juridique néo-zélandais leur système juridique propre. En 1988, elles vont déclarer que le Parlement et l'exécutif des Îles Cook sont les seuls organes constitutionnellement chargés des obligations internationales pesant sur leur territoire. La reconnaissance internationale des Îles Cook va donc prendre un certain temps. Elle a pris une vingtaine d'années. Elle fut d'abord le fait de la Nouvelle-Zélande, puis de l'Australie. La France a signé un traité d'amitié en 1991. Puis la Papouasie Nouvelle-Guinée, le Portugal et la Norvège reconnurent les Îles Cook. Très récemment, en 2012, ce fut le cas de la Corée du Sud. Les Îles Cook ont également été admises en tant qu'État à part entière au sein de la Banque Asiatique de Développement, de même qu'à l'OMS, au sein de la FAO, dans l'UNESCO et dans les pays ACP. Elles ont ratifié de nombreuses conventions internationales sur la biodiversité, le changement climatique et sur le droit des enfants. Le statut juridique est unique car il est consolidé par une réalité économique et politique qui fait des Îles Cook un acteur de la région Pacifique.

Les gouvernements successifs des Îles Cook ont mené à bien cette indépendance grâce à une croissance économique qu'il convient de souligner. Les Îles Cook ont dégagé en 2011 un PIB de 371 millions de dollars néo-zélandais, pour une dette publique de 77 millions de dollars, dont la Chine détient 35 %, la Banque Asiatique de Développement 62 % et la France 3 %. Leurs dépenses publiques s'élèvent à 111 millions de dollars, pour un déficit qui devrait atteindre 2,5 millions de dollars. L'économie des Îles Cook est donc en croissance (+ 0,8 % en 2010 et sans doute 5,3 % en 2012). Au départ, dans les années 1960-1970, l'économie des Îles Cook reposait essentiellement sur l'agriculture. Mais cela a tourné court. Grâce à la Banque Asiatique de Développement, le tourisme devint le principal moteur de développement des Îles Cook. S'y est alliée la reconnaissance de la nécessité d'une bonne gestion des finances publiques, à travers plusieurs lois. Une loi de 1995 a introduit les principes de gestion des finances publiques, après la création, en 1990, des entreprises étatiques. Puis est intervenue la réforme du système de retraite et l'adoption, en 2008, d'un acte de transparence en matière de finances publiques. En 2012, enfin, a été introduit le budget d'investissement public sur trois ans.

Parallèlement à cette reconnaissance de la nécessité d'une bonne gestion publique, le secteur touristique s'est développé et le PIB par habitant des Îles Cook a été multiplié par trois entre 2000 et 2011. Les chiffres du secteur du tourisme sont aujourd'hui comparables à ceux de la Polynésie française, avec 116 000 touristes par an pour un PIB qui avoisine 14 millions de dollars néo-zélandais. Le tourisme devrait connaître une croissance d'environ 9 % au cours des années à venir, notamment grâce à l'Australie et à la Nouvelle-Zélande. Les Îles Cook ont également des besoins, notamment sur le plan des ressources marines, qui sont très importantes dans la région.

Des difficultés sont apparues en particulier dans le domaine du contrôle de la pêche et du point de vue de l'accès aux technologies modernes.

Grâce à son succès économique, le gouvernement actuel a lancé de grands chantiers qui peuvent nous intéresser, notamment :

- la continuation d'un programme d'amélioration de la gouvernance publique ;

- la modernisation du système d'eau et d'assainissement, à la faveur d'un partenariat sans précédent entre la Chine et la Nouvelle-Zélande (avec des investissements néo-zélandais de 60 millions de dollars pour la seule île de Rarotonga) ;

- la poursuite des programmes d'investissement public dans les systèmes d'éducation et de santé.

De nombreux partenariats se poursuivent, notamment avec l'Australie, la Nouvelle-Zélande et la Commission européenne, qui a accordé un prêt de 80 millions d'euros sur trois ans aux Îles Cook. La Chine est très présente également, notamment au travers de prêts, de même que le Japon. En ce qui concerne la France, cette Histoire appartient plutôt au passé et l'AFD, notamment, a eu un rôle développement dans le domaine de l'énergie. Des efforts sont conduits actuellement en matière d'éducation et sur le plan linguistique, notamment avec la Nouvelle-Calédonie et peut-être la Polynésie. La surveillance de la zone économique européenne fonctionne très bien, avec la présence régulière, deux fois par an, du patrouilleur français Arago de même qu'au travers des missions conduites en collaboration avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Les Îles Cook ont l'ambition de devenir membres de la Banque Mondiale, des Nations Unies et de l'OMC. Elles souhaitent surtout développer leur rôle d'acteur du développement régional. Elles constituent un vrai partenaire économique et politique et sont très écoutées par la Polynésie française. Ce n'est pas en opposant les intérêts économiques des pays voisins de la zone que la région Pacifique pourra véritablement décoller. Elle doit au contraire développer des partenariats autour de défis communs tels que la maîtrise des mers, l'énergie, les transports et les ressources minières. Les États-Unis semblent se réengager dans cette partie du monde comme nous l'avons vu lors du Forum des Îles du Pacifique, auquel Hillary Clinton a participé. C'est en priorité avec cette organisation politique, le Forum des îles du Pacifique, que la France doit développer son dialogue au plus haut niveau afin de consolider son rôle dans la région. La mission future de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie, voire de Wallis et Futuna dans cette enceinte politique, doit être perçue comme un élément positif du rapprochement de la France avec le Pacifique.

M. Hadelin de La Tour du Pin, modérateur :

Je rappelle que les Îles Cook président actuellement le Forum des îles du Pacifique, et ce jusqu'en août 2013. Elles passeront alors le relais à la République des Îles Marshall. Un État qui n'a pas de compétences en matière de défense peut donc présider une organisation politique régionale, tout en étant très lié à un autre État.

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