B. LES MESURES INCITATIVES N'ONT PAS EU D'EFFET DÉCISIF

A côté des mesures structurelles précédemment évoquées, il existe un ensemble de dispositifs incitatifs ciblés, dont l'empilement se traduit par une absence de lisibilité et par l'impossibilité d'une évaluation globale. La Cour des Comptes, qui a procédé à leur examen dans son rapport annuel 2011 sur la sécurité sociale, n'est pas parvenue à en évaluer les coûts globaux. Ces dispositifs apparaissent toutefois onéreux et parfois redondants.

1. Les exonérations fiscales et sociales financées par l'État pour l'installation dans certaines zones

Les médecins peuvent bénéficier des dispositifs d' exonération d'impôt sur le revenu ou sur les sociétés au titre d'une installation dans les zones de redynamisation urbaine (ZRU), définies par la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, et dans les zones de revitalisation rurales (ZRR), prévues par la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. L'exonération est totale pendant les cinq premières années, puis dégressive durant neuf ans. Selon la Cour des Comptes, le bénéfice moyen exonéré était en 2009, pour les dispositifs en ZRU et en ZRR, respectivement de 47 400 euros et 58 800 euros par médecin concerné.

Ces exonérations fiscales se doublent, en ZRU comme en ZRR, d'une exonération de charges sociales financée par l'État au titre de l'embauche d'un salarié par un cabinet médical. Elles s'accompagnent, en ZRR seulement, d'une possibilité d'exonération de taxe professionnelle .

La loi du 23 février 2005 précitée a également prévu une exonération d'impôt sur le revenu au titre de la participation à la permanence des soins , à hauteur de soixante jours par an, pour les médecins installés dans une zone déficitaire en offre de soins, telle que définie dans le schéma régional d'organisation des soins en application de l'article L. 1434-7 du code de la santé publique. Le gain moyen est estimé, selon la Cour des Comptes, à 1 500 euros par an.

Le rapport de la Cour des Comptes fournit ainsi des évaluations du gain individuel moyen par médecin représenté par ces dispositifs d'exonération, mais pas de leur coût total annuel pour l'État.

2. Les incitations à l'installation en zones sous-dotées financées par l'assurance maladie

L'avenant n° 20 à la convention médicale de 2005, approuvé par arrêté du 23 mars 2007, a institué une majoration de 20 % des honoraires des médecins généralistes libéraux exerçant en groupe dans les zones déficitaires identifiées par les SROS.

Selon la Cour des Comptes, le bilan de cette mesure met en évidence un effet d'aubaine . Cette mesure, d'un coût élevé de 20 millions d'euros pour 773 bénéficiaires en 2010, ne s'est traduite que par un apport net de l'ordre de 50 médecins dans les zones déficitaires depuis 2007. En outre, la majoration de 20 % a représenté en moyenne 27 000 euros par médecin concerné et a même dépassé 100 000 euros pour l'un d'entre eux, ce qui conduit la Cour à s'interroger sur la réalité de l'activité correspondante et sur l'absence de plafonnement de l'aide.

Dans le cadre de la nouvelle convention médicale, entrée en vigueur le 26 septembre 2011, le dispositif d'incitation de l'avenant n° 20 a été redéfini, avec la mise en place de « l'option démographie », complétée par une nouvelle « option santé solidarité territoriale ».

L' option démographie élargit le périmètre du dispositif de 2007 à tous les médecins libéraux, généralistes ou spécialistes, de secteur 1 ou de secteur 2 adhérant à l'option de coordination, ou de secteur 2 pratiquant les tarifs opposables dans la zone. Elle concerne les médecins exerçant leur activité en groupe ou en pôle de santé et réalisant au moins deux tiers de leur activité auprès de patients résidant dans une zone sous dense. Le médecin adhérent s'engage à s'installer ou rester installé dans la zone ou à proximité immédiate (5 kilomètres en zone rurale, 2 kilomètres en zone urbaine) pour une durée de trois ans. En contrepartie, il bénéficie d'une aide forfaitaire à l'investissement de 5000 euros par an pour les médecins exerçant en groupe et de 2 500 euros par an pour les médecins membres d'un pôle de santé, ainsi que d'une aide à l'activité de 10 % des honoraires annuels dans la limite de 20 000 euros par an, pour les médecins exerçant en groupe, et de 5 % des honoraires annuels dans la limite de 10 000 euros par an, pour les médecins membres d'un pôle de santé.

L' option santé solidarité territoriale vise à favoriser une solidarité entre médecins face à la difficulté des praticiens exerçant en zone déficitaire pour se faire remplacer. Elle est ouverte à tous les médecins libéraux, généralistes ou spécialistes, de secteur 1 ou de secteur 2 adhérant à l'option de coordination, ou de secteur 2 pratiquant les tarifs opposables dans la zone. Le médecin adhérent s'engage à exercer au minimum 28 jours par an dans la zone déficitaire sous forme de vacations. En contrepartie, il bénéficie d'une aide à l'activité de 20 % des honoraires annuels, dans la limite de 20 000 euros par an, ainsi que d'une prise en charge des frais de déplacement.

Il est encore trop tôt pour faire le bilan et estimer le coût de cette nouvelle version du dispositif conventionnel d'incitation à l'installation dans les zones sous dotées. Le plafonnement annuel de l'avantage répond à la principale dérive relevée par la Cour des Comptes, mais pas à son observation quant à l'effet d'aubaine qui résulte surtout d'une mesure de ce genre. En effet, une incitation financière supplémentaire n'est pas déterminante dans le choix d'un médecin de s'installer en zone sous dotée, puisque son activité y sera déjà spontanément supérieure à celle d'un confrère en zone sur dotée.

C'est d'ailleurs pour cette raison que votre rapporteur demeure assez sceptique quant à l'intérêt du dispositif des « praticiens territoriaux de médecine générale » prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, et repris dans l'engagement n° 3 du « pacte territoire santé » du mois de décembre dernier. Il ne s'agit en effet que d'une garantie de revenu différentielle offerte, pendant deux ans, aux médecins s'installant pour la première fois en zones sous dotées. Si elle peut rassurer les plus timorés, elle ne sera certainement pas décisive.

Pour mémoire, la loi prévoit par ailleurs une dérogation au parcours de soins en faveur des médecins nouvellement installés en exercice libéral, ou nouvellement installés dans les zones déficitaires délimitées par l'ARS (article L. 162-5-4 du code de la sécurité sociale). Pendant cinq années, les consultations des médecins en question sont exonérées des pénalités qui s'appliquent normalement aux patients qui ne respectent pas le parcours de soins, soit qu'ils n'ont pas de médecin traitant, soit qu'ils consultent sans prescription de sa part. Ce dispositif, à la charge de l'assurance maladie, ne constitue pas à proprement parler une aide financière directe aux médecins concernés, mais une manière indirecte d'augmenter leur patientèle. Il semble, en pratique, encore très méconnu.

Enfin, comme indiqué précédemment, l'assurance maladie finance aussi au profit de certaines autres professions de santé, dans le cadre de dispositifs de conventionnement sélectif, des aides à l'installation dans les zones très sous dotées : depuis 2008 pour les infirmiers, depuis 2011 pour les masseurs-kinésithérapeutes et depuis 2012 pour les sages-femmes et les chirurgiens-dentistes. Ces aides prennent la forme d'une aide forfaitaire à l'équipement du cabinet de 3 000 euros pendant trois ans (pendant cinq ans pour les chirurgiens-dentistes), et d'une participation aux cotisations d'allocations familiales.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page