TABLE RONDE N° 5 - MIEUX INTÉGRER

Intervenants :

- Annie David, présidente de la commission des affaires sociales du Sénat, médiatrice

- Dominique Fiard, psychiatre, responsable du centre d'expertise autisme adultes au centre hospitalier de Niort

- Bernadette Maillard-Florens, présidente de Sésame Autisme

- Marie-Lucile Calmettes, administratrice de la Fegapei

*

Annie David - Nous terminons ce colloque par l'inclusion de la personne autiste adulte. Quelles réponses apporter pour accompagner les personnes autistes dans leur vie d'adulte ? Comment faire accéder celles qui le peuvent au monde du travail ? Quelles solutions existent pour celles dont l'autonomie est plus sévèrement affectée ? Comment prendre en charge les personnes autistes vieillissantes ?

Marie-Lucile Calmettes - Ce colloque a permis de brosser un tableau relativement complet de la situation. Je tenterai d'apporter des éléments supplémentaires qui n'ont pas encore été mentionnés.

Je considère qu'intégrer consiste à préparer. La coordination de l'offre est indispensable à une bonne préparation.

La Fegapei est partenaire du mouvement Ensemble pour l'autisme porteur de la Grande Cause. La Fegapei a organisé six rencontres en région pour sensibiliser, dresser un état des lieux dans les régions concernées et essentiellement permettre aux acteurs de se rencontrer. Nous avons constaté une importante disparité de l'offre d'accompagnement selon les régions ainsi qu'une totale désorganisation et une absence de coordination.

Les solutions proposées ne reflètent pas le choix des parents dans la plupart des cas. Des ruptures de parcours sont fréquentes, impliquant une régression pour l'enfant qui les subit et une perte des investissements qui avaient été entrepris. Il est impératif et urgent que les acteurs (ARS, conseil régional, collectivités publiques, associations locales, écoles, mairies) se coordonnent pour que les parents obtiennent une réponse aux questions soulevées par le diagnostic. Les comités techniques régionaux de l'autisme (CTRA) ont été mis en place dans les régions mais sont peu actifs. Il est envisageable de leur confier cette mission de coordination des acteurs concernés, afin d'imaginer un parcours repère pour la personne autiste tout au long de sa vie. Des solutions valables existent dans certaines régions mais elles sont éparses, disparates et méconnues, et elles mériteraient d'être coordonnées et mises en valeur.

Le troisième plan confère une place importante au redéploiement de moyens. Nous savons que ces moyens existent, il convient toutefois de les coordonner.

Par ailleurs, nos services doivent s'ouvrir pour préparer cette intégration et correspondre aux souhaits des parents, dans les services de proximité ou dans les établissements.

Je coordonne un établissement pour adultes autistes, qui arrivent souvent dans des situations extrêmement précaires, et connaissent une progression qui leur permet de prétendre à une réelle inclusion dans la société. A la suite d'une émission de télévision, nous avons reçu une multitude de demandes de parents, qui estiment que ce type d'établissement permettrait à leurs enfants de progresser, contrairement à bon nombre d'établissements qui leur sont proposés.

Nous exigeons que ces structures repensées différemment soient de qualité et appliquent les recommandations de la HAS. Nous envisageons de rédiger une charte obligatoire dont les établissements seraient signataires, et qui les amènerait vers un label de qualité. Ce label pourrait être piloté par les ARS dans le cadre de l'évaluation externe des établissements.

Je considère qu'il est inadmissible qu'un établissement qui réalise un travail très pertinent connaisse une réduction budgétaire injustifiée. Il est donc nécessaire d'aider les établissements manifestant une volonté d'ouverture. Les inspecteurs de l'action sanitaire et sociale pourraient également être missionnés afin de vérifier que les recommandations de la HAS sont respectées, que les méthodes appliquées contribuent à faire progresser les enfants et que le personnel est lui-même aidé, formé et accompagné. Les parents auront alors la possibilité de confier à ces structures leurs enfants en toute confiance.

La deuxième suggestion rejoint la remarque de Christel Prado : il convient de repérer les structures qui refusent les connaissances partagées et sont actuellement la cause de la lenteur des avancées.

Applaudissements

Dominique Fiard - Je suis un praticien de terrain. J'interviens auprès d'adultes avec autisme. Afin d'évoquer l'intégration professionnelle, je me suis renseigné sur les expériences et systèmes mis en place dans ce domaine. J'ai réalisé qu'il existait des systèmes extrêmement divers : des services, des plateformes d'accueil, des Esat avec ou sans foyer d'hébergement, des IMPro, des équipes de tailles diverses.

Premièrement, il est essentiel que la personne soit placée au centre du dispositif, ce qui signifie qu'il est proscrit de se substituer à sa volonté. Nous devons prendre garde à ne pas projeter nos propres représentations de l'intégration professionnelle, ce qui empêcherait l'alliance avec la personne et la qualité de la démarche.

En deuxième lieu, l'intégration professionnelle est incluse dans une intégration sociale globale. Des témoignages prouvent que l'intégration professionnelle, qui était redoutée par les employeurs, se déroule souvent favorablement, contrairement à l'intégration sociale, qui soulève des problèmes. La cause d'un fonctionnement professionnel altéré peut parfois résider dans un événement domestique. Nos représentations demandent à être élargies.

Le troisième point concerne le prérequis constitué par l'évaluation, telle que recommandée par la HAS. Elle se présente sous des formes diverses et joue un rôle essentiel.

L'exploitation des compétences consiste à estimer la manière dont les capacités d'une personne sont susceptibles de s'intégrer au monde professionnel.

Les entreprises partenaires sont nécessairement sensibilisées à la problématique du handicap. Un réseau se constitue progressivement. La difficulté réside dans la double compétence autisme et monde du travail.

L'accompagnement se manifeste diversement selon les expériences. Des équipes restreintes ne peuvent offrir qu'un accompagnement réduit, en revanche certaines entreprises proposent un accompagnement construit impliquant un superviseur, un accompagnant, des tuteurs. Parfois, l'accompagnement débute à l'école, ou à l'université, ou plus tardivement lors de la démarche vers l'entreprise.

Enfin, il est nécessaire que l'environnement s'adapte, et non la personne.

Pour conclure, je considère que cette diversité est nécessaire. Elle dépend des ressources locales et des besoins des personnes. J'ai en outre constaté l'existence de savoir-faire dans le monde de l'intégration professionnelle du handicap, avec des spécificités relatives à l'autisme. Je conseille à ces initiatives personnelles de se rapprocher d'initiatives plus globales afin d'améliorer leur rendement.

Applaudissements

Bernadette Maillard-Florens - Je témoignerai des tentatives d'intégration de personnes adultes qui ont suivi un parcours difficile. Elles n'ont pas bénéficié des dispositifs et des méthodes dont les enfants d'aujourd'hui pourront profiter. Nous cherchons des solutions pour intégrer ces adultes parfois peu autonomes au plus près de la vie ordinaire. L'intégration recouvre les domaines de l'habitat, des loisirs, de la culture, du travail ; elle concerne également les personnes de plus de soixante ans. Quels moyens nous seront attribués pour faire face à ce dernier problème ?

Je considère qu'une meilleure intégration implique de promouvoir la citoyenneté de la personne avec autisme et de permettre qu'elle jouisse d'une reconnaissance sociale même lorsque son autonomie est limitée. La reconnaissance sociale peut se manifester dans toutes les circonstances de la vie quotidienne, y compris en faisant ses courses au marché, et implique que le regard porté sur la personne autiste soit modifié. Pour y parvenir, un accompagnement de qualité est indispensable. En outre, les résultats obtenus sont meilleurs si la personne n'a pas subi de ruptures dans son parcours de vie.

L'intégration est donc possible mais requiert des moyens importants. Elle dépend également de la qualité d'écoute et de la formation du personnel. Il arrive en effet qu'une personne désire s'intégrer mais ne le demande pas directement.

Il est également nécessaire de détecter le potentiel de ces personnes, qui a souvent été négligé. Un regard plus positif de la société permettrait de découvrir ce dont ces personnes sont capables, qui est susceptible de leur apporter plaisir et reconnaissance.

En ce qui concerne l'habitat, diverses possibilités existent. En effet, il convient de penser l'habitat selon différentes formes selon le degré d'autonomie des personnes. Des solutions innovantes en habitat collectif, colocation ou studio permettent d'intégrer les personnes, notamment les plus jeunes. Il est cependant nécessaire de prévoir la possibilité d'un retour en arrière afin d'éviter les ruptures. Des réseaux de travail très complexes sont donc nécessaires.

Faute de moyens, de nombreux établissements se présentent sous forme d'unités imposantes, or, l'habitat doit être pensé en termes de petites unités se rapprochant du milieu ordinaire. Il convient également de découvrir les limites de l'allègement des normes de sécurité permettant de se rapprocher du milieu ordinaire sans contrevenir à la loi. Il est possible d'envisager des projets de vie autonome en milieu ouvert pour de jeunes adultes, en les adossant à des Sessad. En effet, des jeunes capables de travailler ou de suivre des formations diplômantes ne sont pas pour autant en mesure de vivre seuls.

Les structures sont également susceptibles d'améliorer l'autonomie car elles présentent un cadre de vie sécurisant, cependant l'impératif de sécurité rend leur humanisation difficile. L'architecture des futures structures d'accueil des personnes lourdement handicapées fera l'objet d'une intense réflexion. En effet, l'intégration débute par leur appropriation de leur espace de vie, par exemple en choisissant leurs meubles. En outre, il est indispensable que ces personnes côtoient fréquemment les neurotypiques et disposent à cet effet d'un lieu de vie suffisamment spacieux pour inviter leurs amis et leur famille et se rapprocher ainsi d'une vie sociale ordinaire. Il ne s'agit cependant pas d'intégration pure.

Il convient toutefois d'être optimiste quant à l'évolution de ces personnes. L'aménagement d'une chambre est susceptible de conduire ultérieurement à un appartement thérapeutique voire à un habitat en milieu ordinaire.

Le lieu d'implantation des établissements joue un rôle important. En effet, dans un village ou un bourg, la vie sociale est plus accessible. Il y est également plus facile de signer des conventions pour que ces personnes puissent aider le personnel de la mairie quelques heures par semaine à effectuer des tâches simples. Cette forme d'intégration implique cependant des efforts importants de la part des équipes d'accompagnateurs qui devront enseigner à des personnes présentant des troubles autistiques importants à effectuer les gestes requis par cette tâche.

Nous constatons que la fréquentation du monde extérieur permet aux personnes autistes d'affiner leur perception et de trouver du plaisir dans leurs réalisations.

Les Esat spécifiques à l'autisme sont très rares. Certains fonctionnent correctement. J'y ai rencontré des personnes épanouies dans un travail, en étant très encadrées. Certains Esat proposent des tables hôtes, des gîtes ou des ateliers multi-services.

Les foyers d'accueil médicalisé pour adultes handicapés (Fam) ou foyers de vie possèdent également des approches d'intégration, qui permettent à la personne de s'affirmer et de prendre conscience de sa propre potentialité. Le regard de la société change en constatant les réalisations dont ils sont capables.

Toutes ces tentatives relèvent de la bonne volonté des équipes et de leur formation, ce que peu d'établissements peuvent actuellement se permettre d'offrir en raison de la faiblesse des budgets.

Il est primordial cependant de ne pas intégrer la personne à tout prix, pour notre propre satisfaction. Il convient de vérifier qu'elle tire des bénéfices de son intégration, ce qui implique de savoir lire son comportement si elle n'est pas verbale. Par ailleurs, les personnes reçoivent un pécule car leur tâche doit être valorisée. L'état des bénéficiaires de ces expériences s'améliore considérablement.

En conclusion, des passerelles sont nécessaires. La représentation mentale collective de l'autisme doit changer pour favoriser intégration des personnes autistes dans le monde du travail et la vie ordinaire.

Applaudissements

Annie David - Mme Calmette souhaite nous faire part d'une suggestion.

Marie-Lucile Calmettes - Nous devons à présent réfléchir aux établissements du futur. Les enfants auront bénéficié de bonnes méthodes d'accompagnement qui leur permettront de développer des capacités d'autonomie et donc d'inclusion. Cependant, des personnes resteront déficientes. Dans le cadre d'un groupe de travail, nous avons réfléchi à une solution d'avenir que nous avons baptisée le PAPA. Il s'agit d'un établissement souple et évolutif proposant une structure d'hébergement adapté au degré d'autonomie de l'enfant ou du jeune adulte, associée à une plateforme de services médicaux et paramédicaux « à la carte ». Des dispositifs d'accès aux différents éléments de la société ordinaire s'y grefferont. Ce projet ne sera pas plus coûteux que les structures actuelles car il sera adapté à chaque personne.

ÉCHANGES AVEC LA SALLE

Intervention de la salle - Suite à la proposition de charte formulée par Marie-Lucile Calmettes, quels seront les rapports entre les recommandations de la HAS et les ARS ? Lorsque les recommandations sont sorties, nous avons rencontré le délégué territorial ARS, en tant que responsables d'association éducative, et il nous a répondu qu'il ne s'agissait que de recommandations.

Georges Labazée, sénateur, président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques - Je témoigne en tant que président du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques. Nous avons pris la décision politique de voter pour la période 2012-2017 un schéma de l'autonomie qui regroupe la personne âgée, le handicap, et l'autisme. En appui, nous avons recruté deux chargées de mission qui réaliseront un travail de prévention, de prospection et de relation avec le monde associatif pour recenser l'ensemble des cas du département.

En outre, lors des Assises du cerveau, Mme Langloys nous a convaincus de mettre en place des maisons relais. A titre expérimental, nous avons créé dans une zone rurale une maison relais, insérée dans un ensemble comprenant un accueil de jour pour des personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer et une crèche. Nous proposons également la mise en oeuvre d'un dispositif similaire en zone urbaine. Nous sommes engagés dans des financements qui ne relèvent pas nécessairement de nos attributions, par exemple celui d'un Sessad à Pau. Nous dérogeons donc à la séparation entre l'Etat et le département afin de faire avancer cette cause.

Applaudissements

Jean-Paul Godet, psychiatre dans l'Isère - L'Isère est un département relativement bien doté mais certaines zones sont défavorisées.

Je souhaite faire l'éloge de la psychiatrie. Pendant des siècles, la psychiatrie a pris en charge dans ses asiles des personnes qui souffraient et s'en est occupé avec humanité, en fonction des connaissances de la période.

Protestation dans la salle

Annie David - Laissons s'exprimer cette personne qui a le courage d'aborder ce sujet.

Jean Paul Godet - Au début de ma carrière hospitalière, j'ai travaillé dans des unités de soins où s'entassaient depuis des années des malades adultes, que nous sommes parvenus à faire sortir et à réinsérer. Je salue toutes les initiatives permettant d'insérer les patients au plus près de la société. L'enjeu actuel ne concerne pas les bases théoriques. Depuis une vingtaine d'années, ces questions font l'objet de conceptions évolutionnistes, ce qui est extrêmement positif.

Comment faire pour que ces personnes puissent vivre la vie la plus ordinaire possible. ? Pendant des siècles, la société a rejeté ces personnes vers la psychiatrie. J'ai vu des dossiers rédigés par des neuropsychiatres qui conseillaient aux familles de placer leur enfant et d'en concevoir un autre. Je suis sensible à la souffrance des familles ; nous essayons de les aider. Je souhaite que les soins ne soient pas hégémoniques et que des réseaux locaux soient constitués afin de trouver des solutions concrètes au fur et à mesure de l'itinéraire d'une personne autiste.

Par ailleurs, il est indispensable de développer les soins précoces dans les interactions mère-enfant et famille-enfant.

Protestation dans la salle

Annie David - Il est nécessaire que chacun apprenne à écouter l'autre. Laissez Monsieur terminer son propos.

Jean Paul Godet - Le dépistage précoce permet d'aider les familles à vivre ensemble le plus tôt possible et de désamorcer un certain nombre de difficultés.

Intervention de la salle - Je suis parent d'une jeune adulte autiste de vingt et un ans.

Je souhaite aborder le sujet des finances. J'ai travaillé avec Marie-Lucile Calmettes sur le projet innovant qu'elle a mentionné. Le budget le plus serré représente 100 000 euros par personne et par an. Un appel à projet pour un foyer médicalisé en Pays-de-la-Loire communique le chiffre de 77 000 euros. L'IME non spécifique autisme que ma fille vient de quitter revenait à 32 000 euros par an. Une petite école ABA expérimentale financée en Loire-Atlantique coûte 71 000 euros par enfant par. Il est évident que ces professionnels ne peuvent proposer les mêmes services ; ils ne peuvent être mis en concurrence. J'attends du plan autisme des référents de prix et des référents de taux d'encadrement.

Applaudissements

Intervention de la salle - Je suis mère d'une jeune femme autiste de trente-trois ans.

Je souhaite promouvoir un système qui fonctionne et des professionnels qui effectuent leur travail avec brio. A Paris et en Ile-de-France, il existe un service d'accompagnement des personnes autistes en milieu ordinaire, dans le monde du travail et à l'école. Ce service est une réussite. Il fonctionne avec des psychologues et des personnes diplômées de licences professionnelles de Paris-Descartes. En effet, la création de places est inutile si les professionnels ne sont pas correctement formés. Je souhaite que les modèles qui fonctionnent inspirent les nouveaux projets et que les psychologues retrouvent leur place. Ils sont experts en établissement des projets éducatifs, sociaux ou professionnels mais leur rôle est insuffisamment reconnu.

Intervention de la salle - Le domaine des loisirs n'a pas été abordé, toutefois, il concourt à l'insertion sociale de toute la famille. En effet, de nombreuses familles sont coupées de l'accès aux loisirs en raison de l'autisme de leur enfant.

Des formations sont requises dans des domaines artistiques culturels ou sportifs, qui n'ont pas été évoqués. Ces nouveaux métiers sont toutefois en recherche de reconnaissance.

Annie David - Vous avez raison, les loisirs font partie de l'intégration.

Intervention de la salle - Je témoigne d'un problème de qualification de l'encadrement. Mon fils a l'autorisation d'être accompagné par des éducateurs pendant le temps scolaire, toutefois la MDPH nous verse 12 euros de l'heure pour les rémunérer, ce qui est insuffisant pour des personnes qualifiées. Par ailleurs, le recrutement éventuel d'emplois d'avenir pour occuper les postes d'accompagnement des enfants autistes me paraît mal avisé. En effet, nos enfants ont besoin d'être accompagnés par des personnes solides et pas elles-mêmes en situation précaire.

Nicole Damaggio - Je suis coach et parent d'une jeune femme Asperger qui est aujourd'hui en doctorat de philosophie malgré les pronostics négatifs établis au cours de son enfance.

Nous avons peu évoqué l'accompagnement du syndrome d'Asperger, qui se trouve dans la cité et non dans les centres ou les institutions. Un accompagnement personnalisé de qualité s'oriente vers la communication envers l'ensemble de la société et mobilise les politiques. Les bonnes méthodes sont appliquées lorsque le sommet d'une organisation l'ordonne, par conséquent, il convient de convaincre les politiques. Il est indispensable que les familles cessent de souffrir et de se sacrifier pour parvenir à sauver un enfant. Actuellement, les autistes Asperger sont absorbés dans une politique globale de l'autisme, sans que les moyens spécifiques à leur trouble soient considérés. J'ai donc créé un club de talents, nommé Honor International, qui regroupe des adultes Asperger ou autistes de haut niveau pour les accompagner dans les entreprises par du coaching. Je demande à Annie David de bien vouloir signaler à ses interlocuteurs que ce syndrome doit être pris en considération.

Monique Samson - J'essaie d'ouvrir un établissement pour adolescents et jeunes adultes en insertion professionnelle et sociale sur les métiers d'arts, l'agriculture biologique, l'apiculture et la communication. Je me suis rapprochée de Revel, ville connue pour les métiers d'art. Cet établissement est conçu pour quarante adolescents dont trente en internat souple. Les parents ont la possibilité de s'installer le week-end dans l'établissement, par roulement de huit familles, afin de leur permettre de s'intégrer dans le projet d'insertion sociale et professionnelle de leur adolescent. Je considère qu'il s'agit d'une innovation importante.

Il est possible d'intégrer les jeunes dans des métiers sans production ne nécessitant pas de financement et d'ouvrir le monde de l'entreprise. En tant que chef d'entreprise, j'ai accueilli de nombreux autistes dans mon atelier et je peux témoigner que leur intégration dans le monde de l'entreprise est difficile en raison de l'absence de communication. En résumé, des solutions existent, que nous devons tous soutenir.

Franck Ramus - Les personnes autistes éprouvent souvent des difficultés à faire reconnaître leur situation spécifique de handicap. Une des raisons en est que les MDPH ne sont pas familières avec le handicap cognitif, qui est un concept nouveau. Un groupe de travail a produit un guide exhaustif du handicap cognitif, qui reste malheureusement inconnu des MDPH car il est retenu par l'administration. Nous l'avons mis en ligne, mais nous ignorons s'il est consulté. Il serait souhaitable que les pouvoirs publics s'emparent de ce document et le fasse parvenir aux personnes concernées. Le document se nomme Contribution à une définition du handicap cognitif et est accessible par un lien sur mon blog.

M'Hammed Sajidi - Je m'exprime en tant que père. Il est important pour le prochain plan que les expériences des parents et des associations spécialisées soient écoutées. Après une prise en charge psychiatrique, mon fils se trouvait dans un état extrêmement grave à quatorze ans. Nous avons ensuite découvert des professionnels compétents, monté une association et un projet. Grâce à ce travail conjoint entre les parents et les professionnels, il est aujourd'hui autonome, à l'âge de vingt-deux ans. J'ai mis en place un projet d'insertion professionnelle pour lui. A ce titre, je souligne que les projets doivent être individuels. J'insiste sur le travail qui doit être mené sur les nouveaux métiers de school coaching , job coaching ou home coaching . En outre, des projets de logement doivent être étudiés, pour permettre aux personnes de vivre seules et de bénéficier d'un accompagnement lorsque nécessaire.

Intervention de la salle - J'interviens dans des formations d'établissements. Vous avez évoqué les personnes en capacité d'être intégrées, cependant, je rencontre des adultes dépourvus de moyens de communication, à qui il n'est jamais laissé aucun choix, qui n'ont aucune activité et finissent par développer des troubles du comportement graves que le personnel de l'établissement ne sait pas gérer.

Je considère qu'un établissement a une obligation de mettre en place un outil de communication lorsqu'il accueille un adulte autiste. Il est anormal que les adultes n'aient accès à aucun outil de communication alternatif. Les Etats-Unis possèdent une charte à ce sujet.

Nous devons également nous interroger sur les propositions d'offre de services dans les structures. L'externalisation de l'offre vers la communauté, en emmenant les personnes chez le coiffeur par exemple, est une piste intéressante pour recréer une vie sociale. Enfin, il convient de réfléchir aux apports de l'analyse appliquée du comportement pour les adultes. ABA existe chez les adultes et peut permettre de résorber un certain nombre de troubles. Il est essentiel d'informer et d'accompagner des professionnels de première ligne comme les ANP. La maltraitance des intervenants existe, toutefois, ils ne disposent d'aucun moyen de formation pour accompagner convenablement les adultes avec autisme.

Intervention de la salle - Mon enfant de huit ans est pris en charge dans une école ABA pilote, grâce à laquelle il a fortement progressé. Il est anormal que des milliers de familles se trouvent sur des listes d'attente en attendant la preuve que ces écoles fonctionnent, alors que d'autres pays l'ont déjà apportée. Je reçois des appels d'autres parents, cependant je considère que la réception de ces appels et le conseil aux parents relève davantage du rôle des institutions.

Le troisième plan autisme permettra-t-il de proposer des solutions de manière plus massive que les plans précédents ? Mon fils entre en moyenne section à l'école ordinaire dans une école privée parce qu'il était trop vieux pour intégrer une classe de maternelle dans l'école publique. Ne pourrait-on envisager des solutions dans l'école ordinaire de la République ?

Intervention de la salle - J'ai réalisé, en tournant dans toute la France mon spectacle Le bal des pompiers, que les parents ne cherchent qu'une bonne prise en charge de leurs enfants, sans pour autant être activistes. Le plan autisme devra dépasser les recommandations de la HAS, car je crains dans le cas contraire une rébellion des parents. L'exception sanitaire française n'a plus lieu d'être.

Annie David - Je cède la parole aux intervenants de la tribune afin qu'ils puissent réagir et conclure.

Marie-Lucile Calmettes - Je répondrai à la question sur la charte. Il est indispensable de tendre vers un label de qualité qui doit être piloté par les ARS. De la même manière que des médicaments non recommandés par la HAS ne sont pas remboursés, un établissement qui ne respecte pas les recommandations ne doit plus être financé.

Bernadette Maillard-Florens - Les établissements médico-sociaux sont déjà tenus de se soumettre à des évaluations externes et internes, et de montrer un plan de formation tous les ans. Dans certaines Mas, l'ensemble du personnel est formé à l'autisme et les résidents disposent d'outils de communication. Les tutelles ont le devoir de demander leur projet d'établissement aux Mas tous les cinq ans et les ARS les inspectent régulièrement. Lorsqu'une maltraitance sur les personnes accueillies ou les employés est constatée, il est impératif de le signaler aux ARS.

Dominique Fiard - Je conseille aux parents de mutualiser les différentes expériences dont ils ont témoigné afin de conférer davantage de force à leur message et de travailler ensemble.

Applaudissements

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