E. FINANCEMENTS EUROPÉENS ET « PROJECTS BONDS »

Notre collègue Ronan Dantec, dans l'avis rédigé au nom de la commission du Développement durable, sur le budget des routes dans le projet de loi de finances pour 2013 (déjà cité), rappelle que :

« Pour accélérer le report modal, nous devons solliciter davantage, outre les prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI) , les crédits du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) que l'Union vient de mettre en place pour financer la partie centrale du Réseau transeuropéen de transports (RTE-T) . Avec ce « Mécanisme », la Commission européenne entend relancer la politique des réseaux transeuropéens, pour améliorer le fonctionnement du marché intérieur, facteur de compétitivité, tout en limitant l'impact énergétique de ses infrastructures. Dans la négociation en cours, elle propose que l'Union y consacre 31,7 milliards pour 2014-2020 , à comparer aux 8 milliards engagés dans la période 2007-2013. »

Le MIE propose de développer, dans cette perspective, des « emprunts obligataires pour projets », les project bonds.

Le principe des project bonds est simple : des crédits sont confiés à la Banque européenne d'investissement (BEI) pour qu'elle « rehausse » la qualité des emprunts obligataires, c'est-à-dire qu'elle améliore leur rémunération et atténue leur risque sur les marchés financiers . La Commission en attend un effet multiplicateur de 15 à 20 . Une phase pilote a été lancée en 2012-2013 par redéploiement, avant une éventuelle généralisation à compter de 2014, après évaluation.

F. LES PARTENARIATS PUBLIC-PRIVÉ (PPP)

C'est l'ordonnance du 17 juin 2004 qui a introduit dans le droit français une formule inspirée de la formule britannique du « Private Finance Initiative » (PFI).

Le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel l'État, une collectivité territoriale ou un établissement public de l'État confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, ainsi que tout ou partie de leur financement à l'exception de toute participation au capital 14 ( * ) .

Le cocontractant de la personne publique assure la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser.

Il peut se voir confier tout ou partie de la conception des ouvrages.

La rémunération du cocontractant fait l'objet d'un paiement par la personne publique pendant toute la durée du contrat. Elle peut être liée à des objectifs de performance assignés au cocontractant.

Le contrat de partenariat autorise une rémunération du cocontractant pendant toute la durée du contrat, qui n'est pas liée à l'exploitation de l'ouvrage. La rémunération peut être liée à des objectifs de performance assignés au cocontractant. Les coûts d'investissement sont ainsi lissés au bénéfice du pouvoir adjudicateur.

Aux termes du contrat, le pouvoir adjudicateur acquiert la propriété du bien.

Ces contrats sont dérogatoires au système des marchés publics. Leur coût global est plus élevé pour la collectivité, qui n'a cependant pas à avancer les fonds, fournis par le partenaire privé avec lequel elle a contracté.

Du fait de leur spécificité, ces contrats doivent être réservés à des opérations coûteuses et complexes, pour lesquelles la concession de travaux publics n'est pas adaptée.

Pour en avoir mal mesuré les risques, certains acteurs publics y ont eu recours de façon inappropriée, ce qui a conduit à des désillusions dont l'actualité s'est fait l'écho. Le dernier exemple en date est celui du Centre hospitalier sud-francilien (CHSF), situé à Corbeil-Essonnes, construit par PPP, signé en 2006 entre l'État et Eiffage, et ouvert en avril 2012, avec 8 mois de retard, et plusieurs affrontements en justice des deux partenaires.

Mais ces contrats ne sont pas, pour autant, à rejeter en bloc.

Dans le domaine des transports, deux ont déjà été conclus portant sur 800 km de lignes TGV en cours de construction ou d'achèvement, pour 17 milliards d'euros d'investissement.

Le contournement de Nîmes et Montpellier a fait l'objet d'un contrat, signé le 1 er juillet 2012 entre RFF et un consortium piloté par Bouygues, pour un coût de 1,5 milliard d'euros .

Le 28 juillet 2011, un contrat identique a été conclu entre RFF et Eiffage Rail Express pour une durée de vingt-cinq ans, pour la réalisation de la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays-de-la-Loire .

Dans le domaine routier , l'État a confié la concession de l'autoroute A88 (Caen-Sées), mise en service en 2010, à un consortium regroupé autour de la Caisse des Dépôts. Quant à la section Artenay-Courtenay de l'autoroute A19, mise en service le 16 juin 2009, elle est issue d'un contrat de concession signé le 31 mai 2005.

Ces deux derniers projets produisent des redevances déjà perçues par l'État. Cependant, il faut souligner que ces contrats ne sauraient être une solution pour financer des tronçons routiers à faible rendement.

Les financements publics demeurent donc indispensables, car les éléments précédemment évoqués ne peuvent que participer marginalement aux besoins de fonctionnement et d'investissement des infrastructures de transport.

Les financements doivent être partagés entre l'État, la SNCF, les collectivités territoriales et les usagers. Il est nécessaire que l'État maintienne, à son niveau actuel, sa dotation budgétaire à l'AFITF, soit 2 milliards d'euros par an, sans que l'écotaxe sur les poids lourds s'y substitue. L'Europe doit assurer le financement du réseau transeuropéen de transports, qu'elle a défini. Quant à la SNCF , elle doit revoir les fondamentaux de son fonctionnement. Les collectivités territoriales doivent trouver des moyens financiers supplémentaires, avec notamment le recours aux péages urbains et aux partenariats public-privé, et avec une modulation plus importante de la TIPP.

La prochaine conférence internationale sur le climat, qui doit se tenir à Paris en 2015, devrait être l'occasion d'examiner l'instauration d'une taxe mondiale sur le kérosène , dont la perspective est certes aujourd'hui récusée par certains grands pays émergents, mais qui normaliserait la fiscalité du kérosène, carburant très émetteur de CO 2 qui n'est pas taxé en conséquence. Le produit de cette taxe pourrait être affecté aux transports peu émetteurs de carbone, comme le rail.

L'État, l'Europe et les régions devraient financer les principaux axes de LGV, les voies d'approche et les gares relevant des départements et des agglomérations et les chambres de commerce et d'industrie (CCI) mais l'État ne peut pas être sollicité dans cesse.

Parmi les acteurs politiques qui réclament plus de décentralisation, certains assument mal les compétences qu'ils possèdent déjà, notamment en matière d'infrastructures de transport. En effet, en privilégiant certains types de dépenses, comme le social ou la communication, ils se privent des budgets nécessaires à l'entretien et au développement de ces infrastructures.

De plus, les cofinancements auxquelles les collectivités territoriales sont souvent contraintes sur demande de l'État induisent des effets pervers, comme la rétractation de certaines collectivités lorsque le projet tarde à se réaliser. C'est le cas, par exemple, du projet de ligne TGV Bordeaux-Toulouse, dont la réalisation pourrait être différée.


* 14 Ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 (modifiée par la loi n°2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat et par l'art. 14 de la loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissements privés et publics, du 18 février 2009 (LAPCIPP) Art. 1er de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, Art. 14 de la loi - Contrats de partenariat des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, modifiée par la loi n°2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat et par la LAPCIPP).

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