C. LE BILAN FINANCIER DU VOLET IMMOBILIER DE LA RÉFORME

1. Un coût total estimé à 331,9 millions d'euros...

Comme l'ont déjà indiqué vos rapporteurs spéciaux, leur objectif premier était, dans le cadre du présent rapport, de déterminer le coût réel du volet immobilier. Aussi sont-ils parvenus à établir que le total des dépenses liées au volet immobilier de la réforme atteignait 331,9 millions d'euros sur la période 2008-2017 .

Cette estimation intègre aussi bien les dépenses d'investissement, inhérentes aux opérations de construction ou de réaménagement, que celles de fonctionnement, correspondant aux charges découlant des « petits » travaux et des déménagements ; toutefois, il n'a pas été tenu compte des « gâchis » identifiés par vos rapporteurs spéciaux, ces derniers ne disposant pas de suffisamment d'éléments pour les évaluer précisément.

Il faut, en outre, préciser que cette estimation exclut le coût de la construction d'un nouveau palais de justice à Villefontaine , soit 23,8 millions d'euros. En effet, comme cela a été indiqué précédemment, le dernier budget triennal ne prévoit pas le financement nécessaire à la réalisation de cette opération ; aussi, eu égard aux incertitudes qui entourent celle-ci, a-t-il été décidé de ne pas la prendre en compte dans l'évaluation financière du volet immobilier de la réforme.

Dépenses engagées pour la réalisation du volet immobilier
de la réforme de la carte judiciaire (2008-2017)

(en millions d'euros)

Dépenses d'investissement

Dépenses de fonctionnement

Total

Année

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2008

39,51

9,74

3,08

2,06

42,59

11,8

2009

76,59

29,31

5,00

4,66

81,59

33,97

2010

72,76

39,37

5,69

3,18

78,45

42,55

2011

13,79

18,10

4,21

4,63

18,00

22,73

2012

130,33

20,14

2,35

2,35

132,68

22,49

2013-2017*

9,82

189,24**

9,19

9,19

19,01

198,43**

Total

342,80***

305,80**

29,51

26,07

372,31***

331,87**

* Prévisions

** Les crédits de paiement relatifs aux dépenses d'investissement pour la période 2013-2017 sont réduits de 37 millions d'euros afin de tenir compte de l'annulation de l'opération de Saint-Brieuc (13,2 millions d'euros) en mars 2013 et du fait que le financement de la construction d'un palais de justice à Villefontaine (23,8 millions d'euros) n'a pas été prévu dans le cadre du dernier budget triennal

*** Les autorisations d'engagement relatives aux dépenses d'investissement liées aux opérations de Saint-Brieuc et Villefontaine (soit 37 millions d'euros) seront, le cas échéant, annulées du fait de leur non utilisation. Ceci explique la différence constatée entre le total des autorisations d'engagement prévues pour la réalisation du volet immobilier et celui des crédits de paiement dans le présent tableau

Source : commission des finances (données du ministère de la justice)

Dès lors, il apparaît que le plafond de dépenses arrêté initialement par le Gouvernement s'agissant du volet immobilier de la réforme, soit 375 millions d'euros, a été largement respecté . Il faut, à cet égard, souligner que ce plafond concernait exclusivement les dépenses d'investissement. Les craintes initiales relatives au coût final du volet immobilier se sont donc révélées non fondées , même s'il est nécessaire de reconnaître que la relative faiblesse de l'exécution, au regard de la programmation originelle, est liée à l'annulation d'importantes opérations.

2. ... pour un coût net de 320 millions d'euros

Les cessions d'immeubles judiciaires appartenant à l'État ont permis de dégager des recettes à hauteur de 11,9 millions d'euros. Par conséquent, le coût du volet immobilier, net des produits de cessions, s'élève à 320 millions d'euros .

Comme vos rapporteurs spéciaux l'ont déjà indiqué, peu de recettes étaient attendues de la vente d'immeubles abritant des juridictions supprimées dans le cadre de la réforme ; en effet, l'État n'était que rarement propriétaire de ces derniers, qui étaient essentiellement détenus par les collectivités territoriales.

3. Un amortissement du volet immobilier étalé sur 75 ans ?

Le coût « réel » du volet immobilier de la réforme, soit les dépenses nettes effectivement supportées par l'État, atteint donc 320 millions d'euros pour la période 2008-2017.

Or la différence entre, d'une part, les économies de loyers et de gestion résultant de la mise en oeuvre du volet immobilier et, d'autre part, les dépenses de loyers et les frais de gestion supplémentaires liés aux regroupements de juridictions, fait apparaître un écart de balance total de 4,3 millions d'euros (cf. tableau ci-dessous). Cela signifie qu' à compter de 2017, la réforme de la carte judiciaire permettra de dégager 4,3 millions d'euros d'économies par an liées à l'immobilier .

Éléments financiers 2008-2017 du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire

(en millions d'euros)

Année

Investissements et dépenses
(CP)

Produit des cessions

Dépenses de loyers financiers

Économies de loyers financiers

Frais de gestion

Économies de gestion

Écart de balance

Nombre de sites cédés

(a)

(b)

(c)

(d)

(e)**

2008

11,8

0,00

0,13

0,33

0,37

0,38

0,21

0

2009

33,97

0,00

1,41

0,34

1,67

4,62

1,88

0

2010

42,55

3,42

1,80

0,09

0,18

3,42

1,53

12

2011

22,73

2,27

0,09

0,00

0,07

0,00

-0,07

7

2012

22,49

1,63

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

5

2013-2017*

198,43

4,54

0,00

0,81

0,00

0,00

0,81

16

TOTAL

331,87

11,86

3,43

1,57

2,29

8,42

4,27

40

* Prévisions

** Écart de balance : (e)=[(b)-(a)]+[(d)-(c)]

Source : commission des finances (données du ministère de la justice)

Aussi les dépenses réalisées dans le cadre du volet immobilier de la réforme seront-elles amorties au terme d'une période de 75 ans .

Toutefois, cette donnée doit être relativisée. En effet, la réforme de la carte judiciaire n'avait pas pour finalité première de réduire les dépenses immobilières des juridictions ; en outre, un volet immobilier financièrement neutre ne pouvait être envisagé, dès lors que la majorité des locaux abandonnés appartenaient aux collectivités territoriales.

Selon le secrétariat général du ministère de la justice, le principal levier d'économies résidait, dans le cadre de la réforme, dans la diminution des dépenses de personnel .

Le rapport de la commission des lois du Sénat sur la réforme de la carte judiciaire précité 31 ( * ) a établi que la réforme de la carte judiciaire avait abouti à la suppression, entre 2008 et 2012, de 80 postes de magistrats et de 428 postes de fonctionnaires en métropole. La Chancellerie a indiqué à vos rapporteurs spéciaux que ces suppressions représentaient une économie de dépenses de personnel de 23,4 millions d'euros par an 32 ( * ) ; il leur a été précisé que la réduction du nombre d'emplois dans les juridictions avait été rendue possible par le regroupement des juridictions.

Pris dans son ensemble, le bilan financier de la réforme paraît moins défavorable . S'il est tenu compte des autres postes de dépenses, à savoir les mesures sociales adoptées en faveur des personnels et les indemnisations destinées aux avocats 33 ( * ) , le coût total de la réforme approche 358 millions d'euros ; ainsi, celle-ci devrait être amortie au bout de 13 ans .

En tout état de cause, ces durées d'amortissement des coûts de la réforme - aussi théoriques puissent-elles paraître - permettent de mettre en évidence le poids des charges liées aux prises à bail de locaux pérennes, susceptibles d'alourdir le bilan financier du volet immobilier à long terme .

Si ces locations avaient vocation à perdurer, le bénéfice de la moindre exécution du volet immobilier serait perdu en une dizaine d'années , puisqu'à cette échéance, les loyers acquittés conduiraient à un dépassement du plafond de 375 millions d'euros 34 ( * ) .


* 31 Cf. rapport d'information n° 662 (2011-2012), op. cit .

* 32 Cette évaluation intègre également les économies réalisées au titre de la contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions ». Cette contribution mise à part, la réduction des dépenses de personnel imputable à la réforme s'élève à 15,3 millions d'euros par an.

* 33 Le rapport d'information de la commission des lois du Sénat a estimé à 18 millions d'euros le coût des mesures sociales en faveur des personnels concernés par la réorganisation de la carte judiciaire et à 20 millions d'euros les indemnisations accordées aux avocats.

* 34 Il faut rappeler que le plafond de 375 millions d'euros, arrêté au début de la phase opérationnelle de la réforme de la carte judiciaire, ne concernait que les dépenses d'investissement liées aux opérations immobilières ; malgré tout, ce montant demeure une référence puisqu'il avait été initialement présenté au Parlement.

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